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B Propagation des formes toxiques d’α-synucléine et son impact sur l’évolution de la

1. Chapitre I : Introduction

1.2. L’alpha-synucléine

1.2.3. B Propagation des formes toxiques d’α-synucléine et son impact sur l’évolution de la

Dans des conditions pathologiques, les formes toxiques d’α-syn sont capables de se propager d’une cellule à une autre165–167 et peuvent infecter, ainsi, différentes régions du SNC. En effet, leur localisation reflète la propagation de la maladie et sa progression d’où il est possible de distinguer 6 différents stades168,169. En premier lieu, les agrégats s’accumulent au niveau du bulbe olfactif et le noyau dorsal moteur du nerf vague (stade 1). Ensuite, les CLs se propagent vers le bulbe rachidien (stade 2). Le 3ième stade de la MP est marqué par l’apparition des symptômes moteurs de la maladie suite à la destruction massive des neurones de l’amygdale et la substance noire. La pathologie

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s’aggrave touchant le cortex temporal (stade 4). Finalement, des corps et neurites de Lewy apparaissent au niveau du néocortex, ce sont les stades 5 et 6170,171 (Figure 6).

Figure 6: Les stades de Braak 169. Images illustrant la dispersion des CLs selon les stades de Braak, au cours de la progression de la pathologie de Parkinson. Au cours des stades 1 et 2, les CLs se trouvent dans le tronc cérébral, c’est la phase pré-symptomatique. Ensuite, les CLs colonisent d’autres régions cérébrales (stades 3 et 4) pour finalement atteindre le cortex (stades 5 et 6).

Dans le cadre de l’étude de la progression spatio-temporelle des agrégats de l’α- syn chez des patients parkinsoniens, un chercheur allemand, Dr Heiko Braak, a détecté la présence de ces agrégats dans des neurones autres que les neurones DAergiques, avant même l’atteinte de ces derniers. La présence des CLs en périphérie du SNC, dans les neurones des parois gastriques et intestinales172–175, est l’une des découvertes majeures de Dr. Braak et ses collaborateurs. En lien avec celle-ci, il a développé une hypothèse (hypothèse de Braak) qui explique l’origine de la maladie en se basant sur l’interconnexion entre le nerf X et le système nerveux entérique (SNE) et suppose qu’un agent pathogène est capable de traverser la muqueuse intestinale et entrer en contact avec les neurones du SNE pour remonter via un transport rétrograde à travers le nerf

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vague vers le SNC (Figure 7)168,176. Ainsi, la prévention des lésions intestinales pourrait être un moyen de protection contre la MP.

Figure 7: Hypothèse de Braak176. Schéma mettant en évidence les connexions entre le SNE et le

SNC via le nerf vague. Des informations provenant du réseau neuronal entérique remontent par le nerf vague vers le SNC en traversant le noyau moteur dorsal du bulbe rachidien.

De plus, des agrégats de l’α-syn ont été détectés dans des neurones impliqués dans les voies olfactives, dans la sécrétion des glandes salivaires ou dans d’autres structures essentielles au maintien de l’équilibre et la posture175.

Sur le plan cellulaire et moléculaire, la libération des oligomères de l’α-syn peut se faire soit par simple exocytose105, dans des vésicules177 ou dans des exosomes166,178. Dans le milieu extérieur, ces oligomères se transfèrent vers la cellule hôte soit par une pénétration directe179, par endocytose180, par dissémination trans-synaptique166 ou par l’intermédiaire d’un récepteur membranaire177 (Figure 8). Une fois dans la cellule réceptrice, ces formes toxiques continuent à s’agréger et incorporent des monomères d’α-syn endogène de la cellule hôte. Ce mécanisme a été observé par Luk et ses collègues dans un modèle cellulaire de la MP avec lequel ils ont réussi à mieux décrire

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la propagation des formes toxiques de la maladie. En effet, l’α-syn produite par ces neurones sains s’associe et s’agrège avec les protéines de l’hôte, ce qui met en évidence la capacité de l’α-syn pathologique à quitter les neurones et se déplacer vers d’autres pour envahir des zones variées du SN. L’α-syn pathogénique peut se transmettre d’un neurone à un autre neurone ou à une cellule gliale177 par propagation prionique165 (Figure 8).

Figure 8: Mécanismes de propagation de l’α-synucléine 8. L’α-syn sous sa forme monomérique

ou agrégée se transfère d’un neurone à un autre par des multiples façons : l’exocytose, la pénétration directe, la transmission trans-synaptique ou par l’intermédiaire de récepteurs membranaires. De telle manière, la maladie se propage dans les différentes régions cérébrales.

1.2.4. Rôle des modifications post-traductionnelles dans la régulation de la toxicité de l’α-syn : focus sur la phosphorylation

La MP se caractérise notamment par l’accumulation de l’α-syn dans les neurones dopaminergiques. Cette protéine s’agrège, dans le cas où elle est produite en trop grande quantité, mal éliminée ou modifiée sous certaines formes, formant des agrégats toxiques intra-neuronales, les CLs, menant ainsi à la neurodégénérescence. Il y a plusieurs années, les scientifiques ont découvert que ces protéines agrégées dans le cerveau avaient subi plusieurs transformations post-traductionnelles telles que la

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phosphorylation, l’ubiquitination, la troncation et la nitration qui, en modifiant leurs propriétés biochimiques, jouent un rôle important dans la régulation de l’agrégation et la toxicité de l’α-syn in vivo119. Ils ont rapporté que la phosphorylation au résidu Sérine 129 (pS129) est la plus abondante dans les cerveaux des patients parkinsoniens, de même que chez les modèles animaux de la MP121,181. Cette phosphorylation touche 90% de la fraction totale de la protéine α-syn dans les inclusions neuronales. Cependant, chez un sujet sain, les niveaux d’α-syn phosphorylée au résidu S129 (α-syn pS129) sont inférieurs à 4 %121,181. Ceci suggère que l’α-syn pS129 est en corrélation avec la génération des CLs et pourrait jouer un rôle important dans la destruction neuronale121. La compréhension de l’effet de cette modification sur les propriétés structurales de l’α- syn, la modulation de sa fonction physiologique, son agrégation et sa toxicité sera essentielle pour le développement d’un éventuel moyen de diagnostic ou de traitement de la MP.

Parmi les kinases responsables de la phosphorylation de l’α-syn au S129, on cite les caséines kinases (CKs)182, les GRKs (G-protein coupled receptor kinases)183, la LRRK2 (leucine rich repeat kinase 2)184 et les PLKs (polo-like kinases)108,185.

En ce qui concerne le rôle de la pS129 et son implication dans la pathologie de Parkinson, les études sont controversées. Un ensemble d’études confèrent à l’α-syn pS129 un certain caractère de toxicité. En effet, une analyse des cerveaux post-mortem de patients parkinsoniens a montré une accumulation de l’α-syn insoluble et phosphorylée186. De plus, il a été démontré que la phosphorylation de l’α-syn sur le résidu S129 pourrait changer la conformation de l’α-syn native et compromettre son habilité à se lier aux membranes cellulaires (membranes cytoplasmique, membrane mitochondriale, membrane des vésicules synaptiques,…)157,183,187–189. Ces évidences démontrent que cette transformation post-traductionnelle de l’α-syn serait à l’origine de son agrégation et ainsi la mort neuronale. Cependant, la contribution de la pS129 dans la toxicité de l’α-syn reste encore mal connue. Afin de mieux explorer cette possible contribution, des modèles de cultures cellulaires et d’animaux surexprimants l’α-syn avec une kinase qui est capable d’induire sa phosphorylation sur le site S129, ont été

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développés. Deux expérimentations utilisant ces modèles décrits, une chez la mouche190 et l’autre chez le rat191, ont été étudiées. Ainsi, il a été démontré chez la drosophile (mouche du vinaigre) 190 et chez le rat191 que la surexpression de l’α-syn et des kinases GRK2 et GRK6 résulte à une élévation des niveaux de pS129 accompagnée d’une perte neuronale190,191. Ceci suggère que les GRKs en phosphorylant l’α-syn augmentent sa toxicité et favorisent la neurodégénérescence. Globalement, ces études affirment que la pS129 est importante pour la formation des inclusions pathologiques dans la MP190,192,193.

Des résultats récents de notre laboratoire ont démontré qu’une polo-like kinase, la PLK2, est capable d’induire efficacement la phosphorylation d’α-syn au S129. Notamment une surexpression de l’α-syn avec la PLK2 favorise son élimination par voie autophagique et, d’une manière intéressante, la suppression de la mort neuronale194. D’autre part, le Dr Luk et son équipe ont montré que la pS129 n’est pas essentielle pour la formation des CLs en induisant la surexpression dans des cultures cellulaires soit de l’α-syn S129A ou l’α-syn tronquée (1-120), 2 formes de l’α-syn incapables d’être phosphorylées au S129. De plus, il a été montré que la pS129 ralentit le processus de fibrillation in vitro suggérant son rôle dans la réduction de la formation des inclusions cytoplasmiques de l’α-syn193,195. Cette action est due grâce à certaines kinases, particulièrement les PLKs, qui sont capables d’agir aussi bien sur les formes solubles de l’α-syn que les formes agrégées108,193,196,197.

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Figure 9: Rôle potentiel de la phosphorylation au S129 dans la régulation de l’élimination de l’α-syn, son agrégation et sa toxicité 125. La PLK2 interagie et phosphoryle l’α-syn au S129

favorisant sa dégradation par voie autophagique, d’une manière à réduire sa toxicité in vivo194. D’un autre côté, la pS129 est déclarée comme capable d’inhiber la genèse des formes agrégées de l’α-syn198. De plus l’α-syn sous sa forme monomérique ou agrégée peut être phosphorylée au

S129, ce qui inhibe et déstabilise son agrégation. Ensemble ces études appuient l’effet neuroprotecteur de la pS129.

L’α-syn pS129 se trouve dans plusieurs zones du corps humain autres que le SNC, tout dépendamment du stade de l’évolution de la pathologie. En effet, des études de la composition du sang ou des fluides cérébrospinaux de patients parkinsoniens en α-syn pS129 ont montré un niveau élevé de pS129 chez les patients parkinsoniens en comparaison avec les sujets contrôles sains199. À part son accumulation pathologique dans les liquides corporels (sang et liquide céphalo-rachidien), l’α-syn pS129 a été détectée dans certaines structures du SNP, dans les fibres nerveuses cutanées200,201 et le système gastrique, où elle s’installe plusieurs années avant l’apparition des premiers symptômes moteurs. Ceci suggère que l’α-syn pS129 pourrait représenter un marqueur spécifique pour le diagnostic précoce de la MP.

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