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Au cours des dernières années, plusieurs études ont rapporté que, dans des cerveaux de patients atteints de la MP et d’autres synucléinopathies, la majorité des corps de Lewy contiennent de l’α-syn phosphorylée au résidu S129121,181,234. De plus, ces études ont aussi décrit une hausse des niveaux de la kinase PLK2, associée à une accumulation de l’α-syn phosphorylée (pS129) dans différentes régions du cerveau233. Cette augmentation a été associée à une cytotoxicité plus sévère241. Fait intéressant, la PLK2 et la forme phosphorylée de l’α-syn sont co-localisées dans les neurones, au niveau du soma et des terminaisons axonales108. L’ensemble de ces observations supporte l’hypothèse qu’il existe une interaction étroite entre les deux protéines et qu’elles peuvent jouer un rôle synergique dans l’initiation et la progression de la MP.

En effet, notre laboratoire a étudié cette interaction entre les deux protéines et nous avons observé qu’une coexpression transgénique de la PLK2 avec l’α-syn, in vitro et in vivo, induit la phosphorylation de l’α-syn au S129 d’une part et, d’autre part, provoque la réduction de niveau de l’α-syn. D’autres expériences ont été réalisées et ont démontré que cette réduction s’explique par une élimination de l’α-syn phosphorylée par voie autophagique. De plus, nous avons surexprimés l’α-syn avec la PLK2 dans des cerveaux de rats grâce au virus AAV et nous avons observé une baisse de la perte des neurones dopaminergiques qui se traduit par une suppression des symptômes du parkinsonisme observés chez les rats transgéniques. En résumé, cette étude démontre que la PLK2 favorise, d’une manière spécifique et sélective, la dégradation de l’α-syn194.

L’objectif principal de mon projet de maîtrise était de décortiquer les mécanismes cellulaires et moléculaires de cette nouvelle voie de dégradation de l’α-syn catalysée par la PLK2, en caractérisant ses différentes étapes et en identifiant les différents acteurs qui sont impliqués. En effet, l’intérêt d’étudier en détails cette voie d’élimination d’α- syn est, d’abord, de caractériser un nouveau mécanisme de contrôle du niveau d’expression de cette protéine et, ensuite, de développer de nouvelles cibles

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thérapeutiques capables de prévenir l’accumulation anormale de cette protéine dans le cerveau et de réduire les effets indésirables qui lui sont associés.

-PLK2 et PLK3 catalysent la phosphorylation et la régulation des niveaux d’expression de l’α-syn

Nos données révélant le rôle important de la PLK2 dans la régulation de la phosphorylation et la réduction des niveaux d’expression de l’α-syn, nous a mené à poser la question à savoir si d’autres membres de la famille des PLKs pourraient aussi avoir un effet sur l’α-syn. Suite à une surexpression de l’α-syn avec les 4 kinases PLKs existants, nous avons montré qu’en plus de la PLK2, un 2ème membre de la famille des PLKs, la PLK3, est capable aussi de phosphoryler l’α-syn et d’induire la baisse de son niveau d’expression dans des cultures cellulaires. D’ailleurs, seuls ces 2 membres de la famille des PLKs sont capables de moduler le niveau d’expression de l’α-syn. Cet effet peut être associé à la capacité de ces deux kinases à catalyser efficacement la phosphorylation de l’α-syn au site S129, in vitro et in vivo108,242,243. Cette hypothèse est aussi supportée par notre observation que la phosphorylation de l’α-syn au site S129, catalysée par la PLK2 et/ou PLK3, est indispensable pour la réduction de ses niveaux d’expression. En effet, la surexpression de la forme mutée non phosphorylable de l’α- syn, S129A, dans des cellules HEK 293T inhibe, d’une part la phosphorylation au S129 et, d’autre part, la réduction des niveaux d’α-syn. De plus, des résultats antécédents du laboratoire confirment l’importance de la phosphorylation dans des modèles animaux en injectant de l’α-syn mutée au niveau mésencéphalique (l’α-syn S129A)194. Aussi, l’activité catalytique de ces kinases s’avère requise pour leur action sur l’α-syn194. Ceci a été confirmé par notre laboratoire grâce à la surexpression de la forme mutée inactive de la PLK2 (KDM) in vitro et in vivo194. Ces résultats ont été récemment supportés par les travaux de Dr Kofoed qui déclarent que l’inhibition de l’activité kinase de la PLK2 par un inhibiteur spécifique, le composé 37, supprime son action dans différents types cellulaires (HEK 293T, OLN AS7, SH SY5Y et des cultures primaires des cellules hippocampiques)244.

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La question concernant le rôle exact que PLK2 et PLK3 jouent dans la régulation des niveaux d’expression de l’α-syn reste méconnue. Cependant, le fait que la PLK2 et la PLK3 occupent des localisations subcellulaires différentes (cytosolique pour la PLK2 et nucléaire pour la PLK3)108,245, suggère que ces 2 kinases régulent l’expression de l’α- syn indépendamment dans différents compartiments cellulaires et induisant des réponses cellulaires différentes.

-L’élimination de l’α-syn, sous l’action de la PLK2, se fait par voie autophagique

Afin de déterminer comment la PLK2 contrôle les niveaux d’expression de l’α-syn, nous avons vérifié l’implication des voies de dégradation protéique dans la réduction de l’α-syn. Pour vérifier cette hypothèse, nous avons traité des cellules HEK 293T surexprimant l’α-syn et la PLK2 avec des inhibiteurs pharmacologiques soit de la voie macroautophagique ou protéasomique. Les résultats ont montré que seuls les inhibiteurs de l’autophagie (3MA et NH4Cl), mais pas les inhibiteurs du protéasome (MG132), étaient capables de restaurer les niveaux de l’α-syn en présence de la PLK2. Ces résultats confirment que la dégradation de l’α-syn, catalysée par la PLK2, se fait principalement par la voie autophagique. Cette observation a été confirmée en utilisant une approche génétique avec de petits ARN en épingle à cheveux (ShARN, short hairpin RNA en anglais) afin d’éliminer deux protéines clés de la macroautophagie, l’ATG5 et l’ATG7. Ces résultats ont montré une suppression de l’élimination de l’α-syn suite au blocage génétique de la macroautophagie.

Il est important de mentionner que nos observations sur l’élimination de l’α-syn par voie autophagique, catalysée par la phosphorylation, a été aussi reportée dans un modèle de la MP chez la levure. Dans ce modèle, le groupe du Dr Outeiro a montré que la phosphorylation de l’α-syn est nécessaire pour son élimination par voie autophagique246. Il est important de mentionner qu’une nouvelle étude suggère que la réduction des niveaux d’expression de l’α-syn, catalysée par la PLK2, pourrait aussi être due à une régulation du niveau transrationnel des ARN messagers codant pour la protéine α-syn244. En plus de nos observations, cette étude apporte de nouvelles données

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démontrant que la PLK2 pourrait contrôler l’expression de l’α-syn à plusieurs niveaux, assurant ainsi une régulation fine de la disponibilité de l’α-syn dans les cellules244.

-L’élimination de l’α-syn implique son interaction avec la PLK2

Notre groupe a précédemment montré que la PLK2 et l’α-syn interagissent physiquement et que cette interaction est nécessaire pour induire l’élimination de l’α- syn194. En effet, après reconnaissance, la PLK2 se fixe sur l’α-syn d’une manière ATP- dépendante194 et grâce à son domaine catalytique elle induit la phosphorylation du résidu S129. Cette phosphorylation d’une part renforce la stabilité du complexe et, d’autre part, semble être un signal déclencheur de la voie de dégradation autophagique. Dans le but d’étudier l’importance de l’interaction α-syn/PLK2 dans cette voie d’élimination, nous avons bloqué la formation du complexe α-syn/PLK2 en présence de la protéine SPAR, un substrat de la PLK2 et qui entre en compétition avec l’α-syn pour interagir avec la PLK2194. Nos résultats montrent que la présence de la protéine SPAR supprime la dégradation de l’α-syn observée en présence de la PLK2.

Vu l’importance de cette interaction, nous nous sommes intéressés à l’étude des régions impliquées dans la reconnaissance et la liaison des 2 protéines. En utilisant 2 formes tronquées de l’α-syn Δ2-11 (délétion du fragment situé entre les acides aminés 2 et 11) et Δ2-60 (délétion du fragment situé entre les acides aminés 2 et 60; ce qui correspond à une délétion de la totalité de la partie N-terminale), nous avons démontré que seulement l’absence de la totalité du domaine N-terminal supprime l’action de la PLK2. Cette observation confirme l’importance de ce domaine dans la phosphorylation et la dégradation de l’α-syn médiées par la PLK2. Cette interaction a également été étudiée par l’équipe de Wang et ses collaborateurs chez la levure247. Quant à eux, ils ont montré que la délétion des 11 premiers acides aminés est suffisante pour inhiber l’interaction et la phosphorylation de l’α-syn par CDC5, l’homologue de la PLK2 humaine chez la levure247. La divergence entre ces résultats peut être due à la variation structurale entre les 2 homologues qui présentent seulement 30% d’homologie (uniprot.org). Cette observation suggère que l’interaction de l’α-syn avec les PLKs n’est

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pas régulée de la même façon dans les cellules mammaliennes que chez la levure, ce qui suggère leurs rôles physiologiques différents selon le type cellulaire. Cette hypothèse a été supportée par des travaux qui montrent que l’α-syn Δ2-11 possède les mêmes propriétés de fixation aux membranes, d’agrégation et de viabilité cellulaire similaires à l’α-syn sauvage contenue dans les cellules neuronales humaines contrairement à la levure248.

-La poly-ubiquitination est essentielle pour la co-dégradation du complexe α- syn/PLK2

Dans cette partie des travaux, nous avons étudié l’effet de l’inhibition du système d’ubiquitination, spécifiquement la poly-ubiquitination, sur la voie d’élimination de l’α- syn catalysée par la PLK2. Cette étude a été réalisée grâce à un traitement au PYR-41 (4[4-(5-nitro-furan-2-ylmethylene)-3,5dioxopyrazolidin-1-yl]-benzoicacidethyl ester), un inhibiteur irréversible de l’ubiquitine ligase E1249, et l’utilisation d’une ubiquitine mutée qui ne présente pas des résidus de lysine nécessaires à la formation d’une chaine poly-ubiquitinée (lysine-lessubiquitin mutant, Ub-K0) et qui est théoriquement capable d’assurer la mono- ou la multi-ubiquitination249. Les résultats ont montré que cette inhibition bloque la voie de dégradation de l’α-syn médiée par la PLK2, démontrant l’importance de cette modification post-traductionnelle dans ce processus. De plus, des expériences complémentaires d’immunoprécipitation qui visent à identifier la protéine cible de l’ubiquitination ont été faites, révélant qu’une chaine de poly-ubiquitines vient s’ajouter sur la PLK2 juste après son interaction avec l’α-syn. Ceci suggère que cette interaction facilite la reconnaissance entre la PLK2 et les protéines ubiquitines ligases.

Récemment, il été attribué à la poly-ubiquitination sa capacité à accorder à la voie de dégradation autophagique un caractère de sélectivité. En effet, la poly-ubiquitination sert comme un marqueur de la protéine à éliminer qui sera, ainsi, reconnue par le système d’autophagie250–253. D’une manière plus détaillée, cette reconnaissance entre la protéine ou le complexe protéique à évacuer (α-syn/PLK2) et la machinerie

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d’autophagie implique des molécules adaptatrices qui interagissent avec les deux tels que p62/SQSTM1 et NRB1 et déclenchent la dégradation254.

-Le mutant E46K est un bon substrat de la voie de dégradation de l’α-syn sous l’action de la PLK2

Des études antérieures ont rapporté que les mutations touchant l’α-syn et menant à la mise en place de la pathologie de Parkinson (A30P, E46K et A53T) affectent l’élimination de l’α-syn par le protéasome ou par la voie d’autophagie médiée par les protéines chaperonnes. Cependant, dans notre étude nous montrons que ces mutations n’ont aucun effet sur l’évacuation de l’α-syn sous l’action de la PLK2. Cette observation suggère que cette nouvelle voie de dégradation de l’α-syn peut être régulée différemment, vu que dans ce cadre l’α-syn est éliminée sous la forme du complexe protéique où elle se trouve associée à la PLK2. De plus, nos résultats affirment que le mutant E46K est le plus dégradé sous l’action de la PLK2 en comparaison avec les autres formes mutées de l’α-syn. De manière intéressante, une étude précédente de notre laboratoire a montré que ce mutant favorise d’avantage la phosphorylation d’α- syn au S129 par rapport aux autres mutants255. Ceci met en évidence d’un côté l’importance de la pS129 dans le cadre de l’élimination autophagique de l’α-syn médiée par la PLK2 et d’un autre la forte interaction entre E46K et la PLK2 suggérant que le mutant E46K est un bon substrat de cette kinase.

-Conclusion

En conclusion, les résultats de mon projet de maîtrise décrivent en détails, pour la première fois, un processus de dégradation sélectif de l’α-syn par voie autophagique qui dépend de l’activité kinase de la PLK2. Après interaction et phosphorylation de l’α-syn au S129, le complexe formé d’α-syn phosphorylée et de la PLK2 associée sera reconnu par le système d’ubiquitination. Puis, une poly-ubiquitination sera essentielle pour que ce complexe (α-syn/PLK2) soit éliminé par la machinerie d’autophagie (Figure 14).

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Figure 14: Un schéma représentant les étapes de la voie de dégradation de l’α-syn sous l’action de la PLK2256. La PLK2 interagit et phosphoryle l’α-syn au S129. Ensuite, le complexe est

reconnu par le système d’ubiquitination et une chaine de poly-ubiquitine s’ajoute à la PLK2, ce qui facilite sa reconnaissance par la machinerie d’autophagie. Abréviations : KD: le domaine kinase, PBD: le domaine polo-box, Ub: la molécule d’ubiquitine, P: la phosphorylation au S129.

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