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3 Cadre théorique

3.2 Variables indépendantes : vividité, interactivité, contenu et pronoms

3.2.7 Pronoms (nous, vous)

Une autre caractéristique d’un post qui peut augmenter l’engagement est le fait d’inclure des pronoms personnels (nous, vous). Cette approche se focalise sur le texte d’un post. Malgré l'accent mis sur les vidéos, les images, les liens, les hashtags etc., les mots servent de base pour les messages sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, les mots donnent un sens et un contexte aux messages d'une marque affichés sur la timeline. Les mots restent donc cruciaux pour parler aux clients (Cruz et al., 2017, p. 105). Lors de l'élaboration des messages de marque, l'accent est généralement mis sur les mots de contenu tels que les verbes, les noms, les adjectifs et les adverbes.

Les mots de contenu sont essentiels pour communiquer un sens, pour développer l'imagerie mentale et pour attirer l'attention du lecteur. Les pronoms sont des mots fonctionnels. Ils fournissent au lecteur des informations auxiliaires telles que l'identité du créateur et du destinataire du message (Cruz et al., 2017, p. 105). Les pronoms n’ont pas beaucoup de signification par eux-mêmes, mais ils sont liés à notre monde social. « They are the keys to the soul » comme l’exprime le psychologue américain James W. Pennebaker (2011b, p. 44). C’est pour ces raisons que les pronoms personnels peuvent avoir un effet sur l’engagement en ligne.

Afin d’expliquer les effets des pronoms personnels sur l’engagement, Labrecque et al. (2020) se basent sur le modèle de l’encodage/décodage qui a été premièrement théorisé par le sociologue Stuart Hall (1973). L’encodage décrit le processus par lequel le créateur du message encode la signification dans le message.

Le message est ensuite transmis et décodé par le récepteur. Sur les réseaux sociaux la marque (l'expéditeur du message) encode un sens souhaité dans le message par le biais d'éléments visuels, audiovisuels et écrits (en utilisant des mots spécifiques par exemple). Dans le processus de décodage, les consommateurs traitent le message pour comprendre sa signification par rapport à leur relation avec la marque (l'expéditeur du message). En même temps, ils évaluent s'il faut liker, partager ou commenter le message de la marque et considèrent la manière avec laquelle cela pourrait influencer leur propre présentation aux yeux des autres usagers. Concernant

8 Dans leur conceptualisation Kim et al. (2015) distinguent deux types de messages concernant les produits et les services. L’une comprend les messages à visé persuasive (et est donc task-oriented), l’autre comprend des informations sans visée persuasive (et est self-oriented). Dans ce mémoire tous les messages concernant des produits et services sont dans la même catégorie (Services) en raison de leur utilité élevée. En outre, selon Kim et al. (2015) les spots publicitaires sur la marque (et non pas sur des produits / services concrets) sont également task-oriented. Ce mémoire les met dans la catégorie Valiant, car ils fournissent des informations sur la marque.

les pronoms, la question cruciale est donc de savoir de quelle manière ces mots vont être décodés par les récepteurs. Labrecque et al. (2020, p. 801) argumentent que les pronoms personnels influencent la perception de la relation entre la marque et le client durant la décodage. La perception de la relation influence in fine l’engagement.

Deng et al. (2020b, p. 2743) ont une conception similaire. Ils intègrent les pronoms personnels dans le concept du style informel du langage. Le style informel est défini comme « common, non-official, familiar, casual, and often colloquial, and contrasts in these senses with formal » (McArthur, 2003). Deng et al. (2020b) postulent que le style informel peut adoucir les relations hiérarchiques, réduire la distance sociale et donc améliorer la relation et, de ce fait, augmenter l’engagement des clients.

Gretry, Horváth, Belei et van Riel (2017) montrent qu’une communication informelle accroît la confiance des clients familiers envers la marque (brand trust). En revanche, les consommateurs qui ne sont pas familiers avec la marque pourraient percevoir le style informel comme trop personnel est donc inapproprié.

Barcelos, Dantas et Sénécal (2018) étudient le concept de la voix humaine (versus la voix corporate) dans un message de marque. La voix humaine « refers to a tone of voice making the company or brand feel closer, more real and human » (Barcelos et al., 2018, p. 61). Le style informel fait partie de cette voix humaine. Aussi, les pronoms « nous » et « vous » pourraient être considérés comme faisant partie de cette voix humaine (Labrecque et al., 2020). Puisque la marque paraît plus réelle et humaine et donc plus proche de l’usager, nous pouvons nous attendre à un effet positif sur l’engagement. Toutefois, selon Barcelos et al. (2018), la voix humaine serait perçue plus favorablement par les usagers pour les produits et services hédoniques parce qu’elle favorise les émotions (ce qui correspond plus à la nature des produits et services hédoniques.). Pour les services utilitaires (tels que les services d’une banque), cette voix humaine serait moins appréciée.

La première personne pluriel (nous) : Les pronoms de la première personne du pluriel (nous, nos, le nôtre etc.) agissent sur la perception des relations. Ils attirent l'attention sur la relation entre l'encodeur et le décodeur plutôt que seulement sur l’encodeur du message. Le pronom « nous » signale la proximité dans la relation (Labrecque et al., 2020, p. 801). Sela et al. (2012) suggèrent que le pronom personnel à la premier personne du pluriel crée un sentiment de proximité. Fitzsimons et Kay (2004) démontrent par exemple que les individus perçoivent les relations interpersonnelles comme étant de meilleure qualité et plus proches lorsqu'elles sont décrites en utilisant le pronom pluriel « nous » plutôt que le pronom singulier « je ».

Comme le mot « nous » est fréquemment utilisé dans les relations étroites, une réaction positive généralisée se développe à l'égard de ce mot (Cruz et al., 2017, p. 105).

En outre, Sela et al. (2012, p. 646) postulent que l’effet de « we » dépend de l’expectation des clients vis-à-vis de leur relation avec la marque. Si les clients s’attendent à une relation proche avec la marque, ils préfèrent le pronom « we ». S’ils s’attendent à une relation distante, ils préfèrent une formulation sans « we » (« you and the brand »). Sela et al. (2012) démontrent que dans le secteur des banques les clients s’attendent à une relation proche. Dans ce sens, l’usage de ce pronom par la banque Valiant devrait avoir un effet positif sur l’engagement.

Cependant, il importe de nuancer l’usage de « nous » et de distinguer le nous inclusif (qui inclue l’usager) et le nous exclusif (qui exclue l’usager). Valiant utilisent tant le nous inclusif pour parler de la banque et du client (« Renato Flückiger nous explique ce qui préoccupe actuellement les marchés financiers » ; @valiantbank.ch, 2020a) que le nous exclusif pour parler de la banque elle-même (« Nous apportons des solutions innovantes dans le domaine de l’Open Banking », @valiantbank.ch,

2020c). Il est par conséquence imaginable que, dans ces cas, le « nous » fonctionne pour Valiant plutôt comme un « je ». Selon Labrecque et al. (2020), ce pronom personnel singulier a un effet négatif sur l’engagement car il met le focus sur l’orateur (donc sur la marque), ce qui diminue le potentiel d’un post pour les usagers de se présenter eux-mêmes. Le désir d'autoreprésentation (self-presentation) peut être ce qui motive les clients à s’engager. L’autoreprésentation est le fait de présenter une identité désirée. Le focus sur l’usager facilite cette autoreprésentation. Inversement, le focus sur la marque entrave l’autoreprésentation et diminue donc la motivation d’un usager de partager le post (Labrecque et al., 2020).

En revanche, Chang et al. (2019, p. 1028) postulent que la narration à la première personne favorise les interactions en ligne indépendamment de l’usage du pluriel (« nous ») ou du singulier (« je »). La première personne exprime une image chaleureuse et met l’accent sur la similarité et l’intimité interpersonnelle.

La deuxième personne (tu, vous) : Le fait de s'adresser directement aux consommateurs crée un sentiment de personnalisation, ce qui influence positivement la manière avec laquelle les consommateurs réagissent à la communication (Cruz et al., 2017, p. 104). Sahni, Zou et Chintagunta (2017) constatent que l’utilisation du prénom des clients dans l'objet des courriels (de marketing direct) augmente de 20%

la probabilité que les consommateurs ouvrent le courriel. Puisque sur les réseaux sociaux les marques s’adressent à un grand nombre d’usagers, elles ne peuvent pas intégrer les noms dans leurs messages. Toutefois, l’utilisation des pronoms à la deuxième personne (tu, vous) pourrait permettre de créer ce sentiment de personnalisation. Les pronoms personnels de la deuxième personne impliquent le lecteur. Les messages de marque contentant un pronom à la deuxième personne parlent donc directement à ce dernier (Cruz et al., 2017, p. 105).

Figure 6 : Un exemple d’un post avec « vous » et avec un impératif

Dans ce post, Valiant utilise l’impératif « détendez-vous ». Source : @valiantbank.ch (2020b)

Les pronoms de la deuxième personne devraient donc augmenter l’engagement des clients et les interactions avec les posts. Le mécanisme fonctionne comme suit : les pronoms ont un effet positif sur l’auto-référencement (« the extent that consumers encode and relate information to themselves », Cruz et al., 2017, p. 106). Cet

auto-référencement augmente le consumer involvement (« the perceived relevance of a message based on the inherent needs, values, and interests of consumer », Cruz et al., 2017, p. 105). Les usagers avec un involvement élevé traitent le message avec une plus grande intensité et ils sont plus attachés à la marque. Ils sont donc plus susceptibles de liker, commenter et de partager des posts (Cruz et al., 2017, p. 105).

En outre, les pronoms à la deuxième personne dirigent l'attention vers la personne qui lit le message (Pennebaker, 2011a) et ils permettent à la marque de renforcer la connexion avec les consommateurs (Hanc, 2016). De surcroit, en adressant le lecteur directement les pronoms de deuxième personne créent un potentiel de dialogue (Labrecque et al., 2020, p. 802).

Une autre manière de s’adresser directement au lecteur est l’impératif (Cui et Zhao, 2014). L’impératif est un « mode du verbe caractérisé par l'absence de pronoms de conjugaison et qui exprime un ordre (phrases affirmatives) ou une défense (phrases négatives) » (Larousse.fr). La banque Valiant a inclus un impératif ainsi qu’un pronom de la deuxième personne par exemple dans un post du 12 juillet 2020 : « Aujourd’hui, c’est le jour de la simplicité. Détendez-vous et profitez de ce dimanche » (@valiantbank.ch, 2020b) ; voir Figure 6 ci-dessus. Ce mémoire intègre l’impératif dans l’analyse. Vu que Valiant utilise uniquement la forme polie dans ses posts, ce mémoire étudie seulement l’effet du pronom « vous » (et non pas de « tu »).

4 Méthodologie et application sur le terrain

Cette partie présentera la méthodologie et l’application sur le terrain de ce mémoire : l’approche scientifique, le corpus, les variables de contrôle, l’opérationnalisation des variables et les modèles statistiques.