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1 - LE PROJET URBAIN, UN RÉVÉLATEUR DES EXPÉRIENCES DE L’ENVIRONNEMENT

Dans le document RENOUVELER LA VILLE, REPRODUIRE LA NATURE (Page 131-147)

Le précédent chapitre a été l’occasion de mettre en évidence les apports d’une certaine anthropologie, en l’occurrence de la nature chez Descola, à une socio-anthropologie de l’environnement. Nous allons maintenant aborder la présentation de la seconde partie de notre cadre théorique, consacrée à la question de l’action publique, incontournable dans le cadre de cette thèse, en raison du terrain d’enquête. C’est également là que se situe l’originalité de l’approche qui y est développée.

1.1 - DE LINTÉRÊT DE CROISER SOCIO-ANTHROPOLOGIE DE LENVIRONNEMENT ET SOCIOLOGIE DE LACTION PUBLIQUE

 Une anthropologie de l’environnement pour des expériences plurielles de

l’environnement

En premier lieu, l’anthropologie de la nature (chapitre Ier) permet de comprendre le

fondement des expériences de l’environnement136. En effet, l’ontologie telle que définie par Descola liée à son concept de schème intégrateur de la pratique représente un prisme de lecture, mais également une modalité d’explication de la façon dont les individus conçoivent leur rapport à l’environnement. Mais survient d’emblée une interrogation, relative au caractère déterministe que nous accordons ou non à la théorie descolienne. Jusqu’à présent, nous évoquions des rapports à l’environnement au pluriel, des expériences multiples, des représentations différenciées, autrement dit une pluralité de manières de concevoir l’environnement, sans véritablement expliciter cette idée. Dit autrement, cela suppose que l’ontologie naturaliste théorisée par Descola ne détermine pas nécessairement les diverses manifestations de ces expériences contrastées. Si le naturalisme conditionne la structure globale des expériences de l’environnement, elle ne les contraint pas à un modèle unique, à une sorte de comportement qui serait entièrement préconditionné. D’ailleurs, c’est aussi pour cette raison que sa théorie peut être qualifiée de structuralisme modéré, la nuance se situant entre schème d’identification et schème de relation. Pour rappel, un même schème d’identification peut

136 Reprécisons ici que la notion d’expérience entend restituer toute leur profondeur aux rapports à l’environnement, en rendant indissociables représentations et pratiques. Plus précisément, nous nous appuierons sur l’analyse cognitive des politiques publiques, qui permet précisément de faire le lien entre représentations et pratiques au sein de l’action publique, un aspect déterminant de cette thèse puisque notre terrain en relève.

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accueillir plusieurs schèmes de relation, la liste proposée par le précédent anthropologue n’étant pas exhaustive. De nombreuses variables permettent en effet l’émergence d’une diversité de rapports à l’environnement, quand bien même le cadre général de leur structuration demeure celui de la distinction Nature - Culture : coexistence de plusieurs ontologies, de schèmes de la pratique divers ; évolution des ontologies. Notre analyse empirique exemplifiera cette hypothèse. Par conséquent, nous postulons qu’il coexiste bien plusieurs formes de rapport à l’environnement, que l’on peut mettre au jour selon l’échelle d’analyse. Ceci nous amène à l’interrogation majeure suivante : s’il existe diverses expériences de l’environnement, comment se manifestent-elles au sein du projet urbain ? C’est à cette seconde question que le deuxième pan de notre cadre théorique vise à répondre.

La temporalité du terrain pris pour cible, l’écoquartier de l’Union, suppose d’interroger simultanément un projet de réhabilitation et l’espace qu’il cible137. Aussi, il s’agit d’analyser comment se manifestent ces rapports à l’environnement dans le cadre d’un projet qui suppose leur mise en exergue. Ceci nous conduit à formuler une hypothèse : le projet urbain que nous analysons ici peut être considéré comme un catalyseur de représentations et relations à l’environnement. Parce qu’il vise leur redéfinition, ou plus simplement que ces rapports sont l’un des objets mêmes du projet, ce dernier les révèle, les met en lumière.

 Une sociologie de l’action publique pour le déploiement des expériences dans

le projet urbain

Si les apports anthropologiques que nous présentions plus tôt visent à traiter la question

sur quels principes de base se fonde l’expérience de l’environnement qu’ont les acteurs dans le contexte étudié, cette deuxième partie du cadre théorique doit répondre à l’interrogation

suivante : comment se manifestent ces expériences au sein du projet urbain ?

Conçu sur le modèle de l’urbanisme de projet, intégrant par ailleurs les phases de concertation publique devenues désormais obligatoires dans les politiques urbaines, l’écoquartier de l’Union augmente irrémédiablement le nombre d’acteurs prenant part à la conception, et logiquement les probabilités de désaccords et conflits. Évidemment, la

137 Nous y reviendrons au moment de la présentation du terrain. En ce sens, l’analyse d’un programme de réaménagement peut correspondre à ce que Henry Lefèvre nommait l’espace conçu, en mettant néanmoins en garde contre les risques de distinguer artificiellement les éléments d’un triptyque analytique (espace conçu, perçu et vécu), indissociables dans la pratique (Lefebvre, 2000 [1974]).

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thématique « nature en ville » du projet n’y échappe pas. En filigrane, c’est donc également la question de la potentielle rencontre, de l’éventuel affrontement, entre des représentations et expériences de l’environnement multiples qui se pose. Comment aboutit-on à la formation d’un discours, d’une réalité, d’une mise en œuvre de l’environnement et de la nature dans le projet urbain ? Comment se manifestent les contradictions entre les multiples façons de percevoir la nature ? Sont-elles différentes selon les groupes d’acteurs en présence ou d’origine plus individuelle ? Qu’est-ce qui aboutit à retenir une vision plutôt qu’une autre, à la faire prévaloir dans les processus décisionnels, à orienter le projet dans une direction plutôt qu’une autre ? Ou au contraire est-ce que le contenu du projet relatif à la nature est une forme d’hybridation de toutes les façons de vivre l’environnement qu’ont les acteurs en présence ? On voit déjà poindre l’étendue des questionnements, qui fera l’objet d’un indispensable recentrement au cours de ce chapitre.

Intervient ici un second constat, qui se trouve à la base de ce travail de thèse : analyser les manifestations et les émergences des représentations de la nature dans le projet urbain nous conduit à des interrogations qui dépassent la seule question de l’environnement. Il est nécessaire de se doter d’outils pour comprendre et analyser les mécanismes intrinsèques au projet urbain et à sa conception, d’autant que l’urbanisme durable ne modifie pas que la question de la prise en compte de l’environnement, tant s’en faut : c’est également l’ensemble des mécanismes de décision qui évoluent. Nous proposons donc de doubler l’étude des représentations de l’environnement par une analyse des processus décisionnels à l’œuvre dans le programme de réhabilitation de l’Union, qui fait plus largement écho aux mutations actuelles de l’action publique en matière d’aménagement, d’urbanisme, et de ses autres secteurs d’intervention. Un phénomène que certains considèrent comme le signe d’un « tournant délibératif », tel Loïc Blondiaux (2002).

1.2-UN CATALYSEUR DES REPRÉSENTATIONS DE LENVIRONNEMENT

La première hypothèse consiste donc à considérer que notre terrain d’investigation, le projet d’écoquartier de l’Union, que nous décrirons en détail à l’occasion du chapitre IV, est une forme de catalyseur des rapports à l’environnement, et ce pour plusieurs raisons.

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 La nature, une des thématiques majeures du projet

Le programme de réaménagement, se définissant comme durable au gré d’une forme d’autoproclamation138, axe une grande partie de son contenu sur la question de la « nature en ville ». Les documents-cadres, que nous analyserons sous différents angles au cours des chapitres IV et VIII en particulier, font de cette thématique un axe majeur de réflexion. À titre de premier exemple, le « Référentiel Dynamique Développement Durable »139 précise la chose suivante :

« L’un des enjeux du développement durable dans lequel s’inscrit pleinement l’écoquartier de l’Union est de préserver les ressources naturelles et en particulier de lutter contre l’érosion de la biodiversité140. […] la réhabilitation de ce morceau de ville, qu’est l’Union [sic] est l’occasion d’introduire la nature en ville et d’inscrire le territoire dans la trame verte et bleue communautaire. » 141

Cet extrait symbolise déjà fortement l’importance accordée à la thématique de la nature dans le programme de réhabilitation. Elle est considérée comme l’une des dix thématiques majeures identifiées au cours de la conception du projet et au sein dudit référentiel. C’est d’ailleurs plus largement le cas dans une très large majorité des opérations d’aménagement se désignant comme durables. À ce sujet, nous évoquions au cours de l’introduction le plan nature

en ville, qui vise explicitement la redéfinition des relations à la nature en contexte urbain142. Aussi, la question de la nature est désormais une thématique de l’aménagement (plus seulement

138 À ce sujet, voir notamment : LEJEUNE C., VILLALBA B., 2012, « Test de charge de la durabilité urbaine : Le cas de « l’écoquartier exemplaire » de la zone de l’Union (Nord, France) », VertigO, 12, 12. [En Ligne], consulté le 8 janvier 2013, URL : https://vertigo.revues.org/12227.

139 Il s’agit d’une sorte de charte définissant la façon dont les réflexions relatives au développement durable sont intégrées dans le projet. Il est également désigné par l’acronyme RDDD ou R3D.

140 On peut d’ores et déjà relever le phénomène de rattachement de la thématique de la nature aux politiques de développement durable, sur lequel nous reviendrons au cours du chapitre III (Charles et Kalaora, 2007).

141 SETEC-ENVIRONNEMENT et SEMVILLE RENOUVELÉE, 2015 « Nature en ville et biodiversité », «Référentiel Dynamique Développement Durable» version n°2, Cahier n°2, fiche 3.1.

142 Pour une illustration de la multiplication des projets d’écoquartier faisant de l’environnement, la nature ou la biodiversité des axes prioritaires, le lecteur peut se référer à la thèse d’écologie d’Henry, qui fournit de multiples exemples : HENRY A., 2012, Aménagement des Eco-quartiers et de la Biodiversité, Thèse d’écologie, AgroParisTech, 200 p.

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résiduelle), qui suppose de facto des dispositifs délibératifs spécifiques. Car encore faut-il savoir de « quelle nature on parle », et qui en décide.

 Une opposition conceptuelle et contextuelle urbain - naturel

Le programme de réaménagement cristallise les représentations de l’environnement également en raison du contexte urbain du projet. La ville, en tant qu’institution humaine, est en quelque sorte la concrétisation matérielle de l’opposition Nature – Culture, retranscrite par la dichotomie Ville – Nature. L’ensemble de l’enquête le démontre, l’une des premières manières de définir la ville consiste à dire qu’elle relève d’un espace artificiel, non naturel. À l’opposé, la nature se situe par définition à l’extérieur de la ville, éventuellement dans les territoires ruraux. Telles que nous les précisions au cours du Chapitre Ier, les origines-mêmes de la sociologie de l’environnement démontrent cette structuration des représentations. En effet, la sociologie rurale a été l’un des premiers courants à se saisir de la question de l’environnement, en particulier en France (cf. Chapitre Ier, sous-section 1.2). Ce n’est que beaucoup plus tardivement, et encore partiellement, que ce type de questions a été déporté au sein du contexte urbain, qui plus est à travers des objets spécifiques.

Aussi et plus largement, que l’on considère les territoires ruraux comme des espaces naturels ou semi-naturels importe peu, la ville reste bien l’espace symbolique de l’artificiel, la manifestation matérielle de la dichotomie naturaliste retranscrite dans le mode d’habitat humain prédominant. Ce contexte conditionne évidement les représentations de l’environnement. Dans ce cadre, comment analyser les injonctions à réintroduire la nature en ville ?

En ce sens, notre terrain est particulièrement privilégié. Questionner les acteurs du projet sur cette thématique les conduit en général à manifester des représentations extrêmement tranchées, probablement plus marquées que si elles avaient été sollicitées dans un autre contexte. L’espace d’enquête est donc bien un catalyseur, et ce à double-titre : parce qu’il confronte les acteurs à leurs propres représentations, il les met en lumière de façon très efficace ; il donne à voir des considérations plus générales sur ce que peut être (ou ne plus être) la nature dans le contexte ontologique actuel confronté à la crise environnementale, que ce soit en milieu urbain ou non.

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 Une diversification des acteurs mobilisés dans la fabrique de la ville

Longtemps, la question de la nature en ville a été considérée à travers le simple développement d’espaces verts, pelouses tondues plus que de raison et massifs fleuris au caractère strictement ornemental. Quand auparavant le service municipal ou intercommunal des espaces verts suffisait à traiter fort simplement la question, la nature en ville se doit désormais d’être fonctionnelle d’un point de vue écologique, ce qui implique trois évolutions : le renouvellement des représentations de la place de la nature en ville (passage de l’esthétique au fonctionnel, ou superposition des deux) ; l’irruption de savoir-faire spécifiques, à même de rendre le terrain propice à cette fonctionnalité ; et conséquemment la présence de nouveaux acteurs disposant de ces compétences (notamment écologue, naturalistes, etc.). Or, ces derniers acteurs diffusent à cette occasion un référentiel technico-scientifique particulièrement prégnant, orientant en partie la conception de la nature en milieu urbain.

1.3-ORGANISATION TRANSVERSALE ET HÉTÉROGÉNÉITÉ DES ACTEURS DU PROJET

Puisque c’est tout l’objet de cette thèse, nous reviendrons longuement sur ces questions au cours des chapitres centraux d’analyse (Chapitres VI et VII notamment) du terrain étudié, afin de présenter la constellation d’acteurs en présence. Pour l’heure, nous nous en tiendrons à cette remarque : l’inclusion de nouveaux enjeux – notamment environnementaux – dans l’aménagement urbain entraîne une complexification de la typologie des acteurs prenant part à la conception des projets, puisque l’inclusion de nouvelles compétences ouvre la voie à des acteurs peu représentés jusqu’alors, et à une véritable « expertise environnementale » (Létourneau, 2014). Plus précisément, et pour ne pas nous restreindre à une vision fonctionnaliste de l’expertise, celle-ci se réalise dans un double mouvement : la présence d’experts répond évidemment à une attente, mais ces derniers contribuent également à la (re-) définir, transformant progressivement la question initiale de la nature en ville en celle de la gestion de la biodiversité.

Au-delà de l’inclusion de ces nouveaux savoir-faire, la diffusion des grands principes du développement durable implique également la mise en œuvre d’une méthodologie spécifique. C’est notamment le cas quant aux questions organisationnelles. Le développement durable, d’un point de vue méthodologique, suppose la réalisation d’un grand principe entraînant des conséquences importantes sur l’organisation et le contenu d’un projet : la

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transversalité. À travers ce terme, l'idée défendue est que les pratiques durables doivent être

intégrées à l’ensemble des politiques publiques. Or, l’application du principe pose de sérieux problèmes méthodologiques et opératoires, en complexifiant et élargissant les sphères d'influence des différents domaines politiques d’intervention. Le développement durable, devant être pensé dans l’ensemble de ses dimensions, suppose de faire appel à des acteurs ou structures fonctionnant habituellement de façon complètement segmentée.

Aussi, s’il y a bien une démultiplication des acteurs de l’urbanisme durable, c’est en partie en raison de la diffusion de ce principe. Les différents secteurs politiques et administratifs doivent désormais travailler en étroite relation. En retour, il devient nécessairement plus complexe de faire émerger une orientation commune (pas nécessairement consensuelle) quant aux grands axes d’un programme d’aménagement (qu’il soit urbain ou non, bien qu’évidemment les types d’acteurs mobilisés diffèrent selon les cas).

C’est en ce sens que nous considérons que les nouveaux projets urbains, se réclamant de l’urbanisme ou plus largement du développement durable, peuvent être considérés comme des révélateurs particuliers des représentations de l’environnement. Puisque désormais ils impliquent la présence d’acteurs très différents – élus, techniciens, experts, mais également riverains regroupés ou non en associations – ils deviennent des espaces de négociations, parfois de conflits. Ils sont l’occasion pour l’ensemble de ces acteurs de faire valoir leur représentation, leur vision d’une thématique particulière (la nature étant l’une d’elles). Or, si l’on part du principe que les conflits conduisent à révéler plus fortement les positions de certains individus ou groupes par un phénomène de contraste, les projets urbains de ce type deviennent des

espaces-temps tout désignés pour analyser les diverses expériences de l’environnement,

puisqu’ils les cristallisent, les rendant plus évidentes, plus intelligibles.

Finalement, l’intérêt d’une socio-anthropologie de l’environnement interrogeant simultanément l’action publique est évident, et ce à plus d’un titre : d’abord, le projet urbain est bien un catalyseur des expériences de l’environnement, d’une part parce que l’urbanisme durable fait de la nature et de l’environnement, l’une de ses, sinon sa thématique privilégiée. Naturellement, l’enjeu devient plus fort, de nombreux débats portent sur l’objet en question, et révèlent les positions des acteurs à son sujet. Mais le projet urbain durable est également un révélateur particulièrement efficace pour une autre raison, qui tient à une de ses caractéristiques inhérentes : son contexte. L’opposition ville – nature tend à accentuer les prises de positions, et fait donc de ce cadre particulier un théâtre particulièrement efficace pour interroger ces

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représentations de l’environnement. Enfin, les projets urbains fondés sur le principe de la durabilité tendent à multiplier les types d’acteurs parties prenantes en raison de l’organisation transversale qu’ils prônent. Mais la complexification de la typologie d’acteurs concernés, et donc des mécanismes de décision et de conception du projet, sont également la conséquence d’une modification d’un ordre plus global, la diffusion du concept de gouvernance au sein de l’action publique. Or, pour comprendre l’ensemble de ces mécanismes, il est nécessaire de se doter d’outils conceptuels adaptés, de la sociologie de l’action publique puisque le projet urbain en relève pleinement, a fortiori en raison des modifications induites par l’urbanisme durable sur les mécanismes de décision, les organisations publiques, l’action publique, la gouvernance, que nous allons maintenant aborder.

2 - APPROCHER LES TRANSFORMATIONS DE L’ACTION PUBLIQUE EN MATIÈRE

D’AMÉNAGEMENT ET D’URBANISME ? LES GRANDS OBJETS DE LA SOCIOLOGIE DE L’ACTION PUBLIQUE

De nombreux sociologues de l’action publique investissent désormais la thématique de la gouvernance143. Mais la définition du concept pose de nombreux problèmes, qui tiennent à son double emploi : la gouvernance est à la fois une notion performative, alors entendue comme un moyen de renforcer la démocratie, et un objet d’analyse pour les sociologues et politistes (Blondiaux, 2001), en tant qu’elle serait le signe d’un renouvellement de l’action publique144. Dès lors, le risque est grand de s’approprier une catégorie produite par l’action publique sans l’interroger : en définitive, dans quelle mesure la gouvernance impacte-t-elle les politiques publiques ? Quels liens entretient le concept avec d’autres qui lui sont fréquemment adjoints : démocratie participative, locale, technique ou encore délibérative ? Et enfin, quelle incidence sur l’objet de cette thèse ?

143 On peut évidemment citer Loïc Blondiaux, sur lequel nous nous appuierons fréquemment dans cette thèse, mais également Guy Hermet (2004 ; Hermet, Kazancigil et Prud’homme, 2005). Plus spécifiquement pour une application aux questions environnementales, se référer à : LÉTOURNEAU A., 2009, « Les théories de la gouvernance. Pluralité de discours et enjeux éthiques », VertigO, Hors série 6. [En Ligne], consulté le 3 avril 2016, URL : https://vertigo.revues.org/8891.

Et pour un panorama de la diversité des approches de la gouvernance, voir : BRUNELLE, D. (dir.), 2010,

Gouvernance: théories et pratiques, Montréal, Éditions IEIM, 307 p.

144 Blondiaux et Sintomer évoquent également cette double-dimension, qu’ils qualifient plutôt de pragmatique et

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Il n’est pas anodin que Patrick Le Galès, l’un des premiers chercheurs à avoir introduit le terme de gouvernance en France à partir de l’univers académique anglo-saxon, le fasse pour parler de gouvernance urbaine (Le Galès, 1995). La question touche donc directement notre problématique puisque l’on peut considérer le projet urbain comme un instrument spécifique de l’action publique (Lascoumes et Le Galès, 2004), et donc des politiques urbaines. Ce faisant, cet « instrument » est directement impacté, et en retour, contribue à alimenter la diffusion du principe de la gouvernance145.

2.1-RECONNAÎTRE LIMPACT DES ACTEURS NON INSTITUTIONNELS SUR LES PROCESSUS DÉCISIONNELS POLITIQUES

Pour définir le concept de gouvernance, on peut procéder en creux, en le considérant par opposition à celui de gouvernement. C’est d’ailleurs la solution retenue initialement par Le Galès (1995), dans l’un des articles fondateurs qui a permis d’introduire la notion dans le paysage de la sociologie et des sciences politiques françaises. Le gouvernement serait

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