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Le Projet Urbain : Un nouveau mode de production de la Ville.la Ville

INTRODUCTION DE LA PREMIERE PARTIE

Chapitre 2 : LE PROJET URBAIN

2.3. Le Projet Urbain : Un nouveau mode de production de la Ville.la Ville

Pour beaucoup d'analystes franˆais, la complexitƒ actuelle des mƒcanismes de production urbaine rƒv…le la crise des valeurs traditionnelles de l'amƒnagement, de la planification et plus globalement de " l'agir" sur la ville.

D’apr…s Patrice Godier et Guy Tapie ‹ L'une des hypothèses les plus

couramment avancées, pour expliquer cette situation, est celle d'un changement de modèle d'action : un modèle flexible et stratégique de planification se substitue à un autre, déductif et linéaire, nommé modèle hiérarchique. Au pragmatisme éclairé du premier, produit du jeu permanent entre contraintes et ressources disponibles, s'oppose la vision linéaire du second, allant de la définition d'objectifs d'aménagement à la réalisation d'opérations, en passant par des étapes intermédiaires prévues dans le plan. Dans le premier modèle, l'élément essentiel est la capacité d'ajustement voire de recomposition des objectifs par rapport aux moyens ; dans le second, c'est le rigorisme taylorien d'une démarche rationnelle qui vise la recherche de la meilleure solution. Œ

Pour mettre en exergue ce passage d'un mod…le hiƒrarchique † un mod…le nƒgociƒ, nous centrons notre analyse † la fois sur le r‡le des acteurs qui pensent, g…rent et administrent la ville et sur les professionnels qui la traduisent en concepts synthƒtiques, en stratƒgies puis en espaces concrets. Nous complƒtons ce regard gƒnƒral par la connaissance de la dynamique des processus, en considƒrant le management des projets et leur gestion dans le temps.

2.3.1. Acteurs des processus : clients ou commanditaires

et professionnels

2.3.1.1. Acteurs publics ; acteurs privés ; citoyens

En examinant le rôle de la puissance publique (dans toute sa diversité), la place et le rôle des acteurs privés et celui des citoyens (ou populations), nous posons un premier élément d'analyse des changements en cours dans la production de la ville.

En France par exemple, le rôle du pouvoir public est souvent au centre des préoccupations des chercheurs. Les stratégies des collectivités locales en matière de services urbains, le rôle des États centraux dans la capacité à encadrer, freiner ou innover en matière de développement urbain ou encore la définition du local ou du territoire (économique mais aussi d'entité politique, administrative et culturelle).

Les acteurs privés : banques, entreprises, promoteurs. Ceux-ci ont tenu, dans les années quatre-vingt, un rôle croissant dans les projets. Leur intégration ou leur association est même devenue un leitmotiv et une réalité pour définir le futur des villes. Aujourd'hui leur rôle tend à s'atténuer, avec des différences suivant les pays : au radicalisme anglais dans ce domaine, on peut opposer le pragmatisme espagnol ou la formule française, déjà ancienne, des sociétés d'économies mixtes.

Les relations entre acteurs publics et privés sont constitutives de la maîtrise d'ouvrage. Les uns et les autres se partagent et négocient ce rôle pour concilier les exigences de rentabilité, d'efficacité et de pertinence collectives ou politiques des projets. Ces relations déterminent en partie la structure des processus de production.

La population, les habitants, la communauté, la société retrouvent droit de cité pour ressourcer des interventions par trop technocratiques ou, inversement, si libérales qu'elles en viennent à nier toute capacité collective. Mais la participation des usagers/citoyens varie sensiblement suivant les projets: forte dans les politiques sociales, plus faible pour les autres types de projet. « Ces nouvelles relations entre

puissance publique-acteurs privés-citoyens font redécouvrir les enjeux politiques et sociaux de l'action urbaine. L'éventuelle substitution de "l'intérêt général", représentant un idéal communautaire, par "l'intérêt collectif", résultant de

modalités de production. C'est une manière d'accéder à la connaissance des mécanismes de production de la commande urbaine et architecturale Œ (GODIER, P.

et TAPIE, G. 1996).

2.3.1.2. Professionnels et Ingénieries : diversification des fonctions.

Les fonctions liƒes aux mƒcanismes de production des villes se sont profondƒment diversifiƒes elles int…grent une grande diversification des compƒtences:

 fonction stratƒgique et managƒriale concrƒtisƒe par des ƒtudes socio-ƒconomiques stratƒgiques.

 fonction financi…re et ƒconomique pour le montage de projets.  fonction juridique et rƒglementaire en vue de l'encadrement de

projets ou de la rƒalisation urbanistique de ceux-ci.

 fonction urbanistique dƒcrivant objectifs, usages attendus du foncier, r…gles d'intervention.

 fonction architecturale pour la composition de l'espace, des projets ou de l'amƒnagement.

 fonction technique pour les rƒseaux et voiries diverses.

 fonction communicationnelle en vue de la mƒdiatisation du projet vƒhiculƒe en partie par les projets architecturaux, leurs images et leurs dessins.

Ces fonctions spƒcialisƒes appellent des compƒtences portƒes par de nouveaux professionnels dans le champ de l'urbain (juriste, ƒconomiste, voire sociologue, politologue, gƒographe) ou prises en charge par le socle de la maŽtrise d'œuvre : l'urbaniste, l'architecte et l'ingƒnieur.

2.3.2. Dynamique des processus : mode de coopération et temps du

projet.

2.3.2.1. Management et conduite du projet.

La complexitƒ des montages financiers, le nombre d'acteurs impliquƒs, l'ƒtalement des projets dans le temps, obligent † crƒer des instances collectives de concertation, de rƒgulation et de dƒcision. Les mƒthodes de travail et de conduite de projet sont basƒes sur le partenariat, la mise en rƒseaux ou la recherche d'une synergie entre acteurs.

La structuration de dispositifs de coopƒration particuliers (le design institutionnel) devient capitale pour intƒgrer la complexitƒ et la durƒe, ƒtablir le consensus, organiser les actions et les mettre en œuvre. La conduite des projets devient un rƒel enjeu : qui est capable de faire travailler ensemble une sƒrie d'acteurs et de coordonner leurs actions ? Qui est en situation d'exercer cette coordination ? Autoritƒ d'un acteur, expertise technique et charisme d'une personnalitƒ se conjuguent frƒquemment pour crƒer les conditions de la bonne gestion d'un projet.

Entendu comme technique d'animation et de gestion, le management s'exerce † deux niveaux : politique pour donner une identitƒ au projet et en dƒfinir les modalitƒs de concrƒtisation ; technique, s'appuyant sur des ƒquipes pluridisciplinaires tr…s qualifiƒes, pour lui attribuer une substance et le rƒaliser. L'articulation entre les deux devient ainsi une des clƒs des montages organisationnels des projets urbains.

2.3.2.2. Temporalité des projets.

La gestion temporelle des projets urbains pose de multiples probl…mes : celui du dƒcalage entre l'annonce des projets et leur rƒalisation effective; de la combinaison dƒlicate entre ƒchelles des projets, ƒchelles auxquelles correspondent des rythmes de production diffƒrents ; difficultƒs dues † la contradiction entre les exigences de libertƒ posƒes par les investisseurs privƒs cherchant un rapide retour sur investissement et celles du contr‡le assurƒ par la puissance publique; probl…mes, enfin, d'articulation dynamique entre une vision † long terme et les alƒas de la conjoncture.

La gestion de tels projets implique une reconsidération du rôle des instruments de planification classiques de la ville, se traduisant par la critique des vues planificatrices linéaires à long terme. L'histoire des villes donne de dures leçons à ceux qui ont cru au contrôle total du développement urbain.

Dans un environnement " incertain et aléatoire ", les projets actuels jouent avec les contraintes du temps en privilégiant des modes d'action itératifs liant objectifs et échéances temporelles (court, moyen, long terme). Cette nouvelle relation au temps ouvre vers un modèle d'action qui privilégie les démarches de projet plutôt que l'application de procédures, le partenariat plutôt que le centralisme autoritaire, l'expérimentation plutôt que la réglementation, la flexibilité plutôt que les certitudes technocratiques.

Avec ces quatre dimensions (relations entre acteurs publics, privés et citoyens ; le rôle des professionnels ; le management des projets ; la temporalité des projets), nous avons défini les principaux termes de notre modèle d'analyse et composé les éléments d'une même grille d'observation, appliquée à différentes expériences de projets urbains en Europe.

Soumises à ce regard transversal, les études de cas s'éloignent ainsi de simples monographies juxtaposées pour devenir l'objet d'une démarche comparée. Dans ces conditions, le choix des projets urbains retenus est primordial puisqu'il vise à établir une représentativité des processus de production urbaine en Europe. Nous explicitons maintenant le choix de chacun d'entre eux, montrant leur exemplarité et éclairant les acquis ou limites de nos analyses.