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UN PROJET AMBITIEUX ET DES CONTRAINTES DE TERRAIN : HIÉRARCHISER LES PRIORITÉS

Dans le document Mener un projet international #24 (Page 95-98)

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Ces quatre ans furent bien remplis. La matière ne manquait pas en effet ; selon les termes de référence du Rapport de présentation du Fonds de solidarité prioritaire 17 VALEASE, je devais réaliser les choses suivantes :

« – création d’un réseau régional de professionnels en bibliothéconomie et promotion de la lecture publique : par des formations initiales, conti- nues et à distance, des rencontres régionales sur des thèmes transversaux de la bibliothéconomie, la diffusion de dossiers documentaires ciblés, les acteurs de la chaîne du livre auront acquis des bases de connaissances communes méthodologiques et factuelles et appris à utiliser les mêmes logiciels de traitement de l’information ;

– appui au secteur régional de l’édition : il s’agira de créer des collections en français et en langues nationales à vocation régionale, destinées à la jeunesse et disponibles dans les bibliothèques partenaires, et d’élargir les lieux de lecture publique : espaces, bibliobus, biblio-bateaux, mallettes, etc. ;

– gestion du projet : les moyens pour des missions d’études, des ateliers pratiques, des formations continues, des échanges de personnes et d’in- formations au niveau régional seront assurés. »

On le voit, le champ défini était vaste (l’annexe prévoyait une série de 38 actions précises à réaliser dans le temps imparti de 11 trimestres étalés sur 3 ans) : de la publication de mémentos pédagogiques consacrés au patrimoine historique commun aux trois pays, à la santé, de l’éducation civique à l’environnement, de la chaîne du livre et de la lecture publique à l’édition électronique, de l’établissement d’un inventaire des ressources éditoriales locales et françaises à une bibliographie sur l’Asie du Sud- Est impliquant une diffusion imprimée, sur cédérom et sur site Web, etc. C’était là un projet riche et foisonnant, croulant sous le nombre d’idées et de propositions, quelquefois contradictoires ou difficilement juxtapo- sables. Il fallait donc trier pour en commencer l’exécution et hiérarchiser

17. Crédits destinés à aider les pays (en développement) de la zone de solidarité prioritaire (ZSP), définie par le MAEE.

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les priorités, mais aussi mettre à jour et adapter le programme aux nou- velles réalités, technologiques en particulier. En effet, la rédaction du pro- jet datait de 2002, à partir de données rassemblées en 2001, et depuis, l’Asie du Sud-Est avait beaucoup évolué.

De plus, cet exposé théorique, même si fondé sur des propositions dûment élaborées par les agents du MAEE installés dans les trois ambassades de France respectives, ne tenait pas compte d’un facteur essentiel : la dis- ponibilité des crédits. En effet, contrairement au passé, la somme globale allouée au projet subissait la loi de l’annuité budgétaire et l’argent non utilisé devait être impérativement retourné au « département ». Arrivé en janvier 2004, je ne pus disposer de crédits qu’à partir de la fin juin de cette année-là. Mais, comme les professionnels le savent, on a toujours quelque chose à faire dans une bibliothèque, même si l’argent manque. J’ai donc consacré mes premiers mois à l’examen des collections francophones de la Bibliothèque nationale du Cambodge, leur tri, leur désherbage et l’éta- blissement du catalogue de la section patrimoniale. Je mis aussi à profit ce temps pour faire connaissance des partenaires potentiels, mais seulement au Cambodge, puisque les crédits non arrivés ne me permettaient pas de voyager dans les autres pays concernés.

Le déblocage des crédits, la planification des priorités, la rencontre avec les partenaires ont permis à VALEASE de réaliser des actions fortes qui seront présentées dans la partie suivante. Avant cela, il est important de revenir sur les caractéristiques de ce projet :

– originalité et ambiguïté : iconoclaste, généreux, ambitieux, brisant les frontières et les fiefs qu’imposent souvent les ambassades de France en exercice dans leurs pays respectifs, le projet avait été conçu comme fédérateur pour la région par l’administration centrale. Seuls quelques pays de l’Afrique francophone bénéficiaient jusqu’à présent de ce type d’approche. Le projet n’en était pas moins ambigu. En effet, le terme d’Asie du Sud-Est crée une généralisation artificielle des problèmes, un peu forcée, d’autant que ces pays aux populations et régimes politiques différents, quoique voisins, sont loin de bien se connaître et de com- muniquer. À titre d’exemple il revient bien plus cher de téléphoner du Cambodge au Vietnam qu’aux États-Unis ;

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– problèmes culturels : on se heurtait avec ces trois pays à des différences de culture, de langue, de mentalité. Il fallait travailler en théorie avec quatre langues principales (français, khmer, lao et vietnamien), aux- quelles s’ajoutait la langue anglaise. On imagine donc la difficulté des communications. D’autant que même si ces pays possèdent des mino- rités des deux pays voisins, celles-ci, pour des raisons politiques, sont loin d’être reconnues. Autre exemple : le Vietnam, comme la Chine qui l’a inspiré dans ses pratiques, est de tradition et de culture livresques, alors que le Laos et le Cambodge, où l’écrit et la lecture sont tradition- nellement confiés aux moines, sont plutôt de culture orale ;

– structure opérationnelle : le projet reposait en fait sur un dispositif léger, créé de toutes pièces : une base, à Phnom Penh, constituée d’un chef de projet et de deux assistants (le volontaire international prévu au début n’a jamais été nommé) et deux correspondants privilégiés à Vientiane et à Hanoï. Ce réseau se doublait d’un second cercle constitué par les conseillers de coopération et d’action culturelle des trois pays. La légèreté de cette structure a été en fait un atout, car elle a évité la bureaucratie. Mais sa faiblesse était qu’elle dépendait de quelques indi- vidus : ceux-ci partis, il était difficile de les remplacer ;

– partenariats centralisés et décentralisés : une des richesses du projet a été le nombre et la diversité des partenaires, une centaine d’organismes de tous horizons au total : 50 partenaires au Cambodge (2 villes : Phnom Penh, Siem Reap), 20 partenaires au Laos (2 villes : Vientiane, Louang Prabang), 30 partenaires au Vietnam (3 villes : Hanoï, Hô Chi Minh-Ville, Hué). On a essayé également, autant que faire se pouvait, de mettre ces partenaires en relation les uns avec les autres et de les faire travailler ensemble. Dernier point et non des moindres, car c’est un appui et une réserve de compétences précieux, la coopération avec les partenaires français de France : Association des bibliothécaires de France (parti- cipation de bibliothécaires asiatiques au Congrès annuel), Bibliothèque nationale de France (coopération scientifique), Bibliothèque publique d’information (pour la formation), École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (pour l’accueil de sta- giaires conservateurs), Bibliothèque départementale de l’Essonne (pour la formation et l’expertise), etc. ;

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– la communication : pour un projet dont l’enjeu concernait trois pays, on imagine que la communication jouait un rôle important. Aussi, tous les moyens ont-ils été mis à contribution pour faire connaître le projet et ses réalisations : lettre d’information 18, site Web, articles dans la presse

locale et française 19, conférences (organisées systématiquement lors de

la parution d’ouvrages importants soutenus par VALEASE, dans les éta- blissements culturels français de la zone ou avec les partenaires), pro- jections. Autant que possible, les expositions organisées avec VALEASE ont tourné dans les divers établissements de chacun des pays. Il y eut même jusqu’à des centaines de sacs promotionnels « VALEASE » distri- bués sur la péninsule !

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