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DE LA FORMATION À LA PROFESSIONNALISATION : UN SAUT QUALITATIF NÉCESSAIRE POUR CONSTRUIRE

Dans le document Mener un projet international #24 (Page 112-118)

DES FILIÈRES DU LIVRE PÉRENNES

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Depuis sa création, BSF a fait de la question de la professionnalisation des bibliothécaires un pilier central de son intervention en appui aux por- teurs de projet de bibliothèques en Afrique ou dans les Caraïbes. En 2010, l’ONG a organisé au Sénat français un colloque intitulé « Savoir Solidaire, enjeux de la professionnalisation des filières du livre dans les pays ACP ». L’approche initiée alors reposait sur une triple définition de la profession- nalisation :

 professionnalisation signifie d’abord augmenter les capacités des bibliothécaires, un processus qui passe, en premier lieu, par la formation initiale et continue des acteurs ;

 la professionnalisation sous-tend également une dy- namique de mise en réseau des acteurs : un profes- sionnel seul n’existe pas, c’est bien dans le partage de pratiques communes, d’un langage et de normes partagés qu’une communauté de professionnels peut émerger ;

 enfin, la professionnalisation implique nécessai- rement l’accès et la diffusion d’une information

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actualisée et diversifiée sur un métier de bibliothé- caire en profonde évolution aujourd’hui avec l’émer- gence rapide des nouvelles technologies. Être pro- fessionnel, c’est aussi avoir les moyens de casser l’isolement dans lequel sont enfermées un grand nombre de structures de par leur localisation (milieu rural, quartiers populaires, etc.) ou leur fonction (les bibliothèques scolaires par exemple).

Ces trois axes de définition constituent trois défis de taille à relever pour assurer l’émergence d’une communauté structurée de professionnels du livre dans les pays ACP. Ainsi, la formation doit être pensée comme le rouage d’une mécanique plus complexe de professionnalisation. Les for- mations sur le terrain permettent, on l’a vu dans l’exemple camerounais, la rencontre et la mise en réseau des participants. En brisant l’isolement, elles contribuent à faire émerger des pratiques collaboratives et renfor- cent le positionnement social des bibliothécaires. Pourtant, pour s’accom- plir pleinement, elles doivent être pensées en lien avec des actions struc- turelles de professionnalisation des acteurs – renforcement des réseaux, intégration des nouvelles technologies, pratiques de lobbying auprès des décideurs politiques, diffusion de l’information sur la chaîne du livre lo- cale, etc.

En cela, la récurrence de la formation est un objectif clé, pour permettre un accompagnement progressif et évolutif d’une profession en construc- tion. Mais c’est surtout en s’intégrant dans une approche transversale que la formation prend tout son sens. C’est d’ailleurs à cette condition qu’elle peut conduire à l’invention de pratiques innovantes et à la définition de modèles de bibliothèques en prise avec les réalités locales.

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ACTION INTERNATIONALE ET ÉVALUATION par Gérald Grunberg

ENCADRÉ

L’action internationale n’est pas une science exacte. Les prévisions les mieux établies sont souvent malmenées par des facteurs «  étrangers  » qui ne peuvent être maîtrisés en amont et viennent perturber les actions envisagées. Des événements majeurs comme la chute du mur de Berlin sont devenus emblé- matiques de la difficulté à anticiper les évolutions de la scène internationale. À bien des égards, les récentes révolutions tunisiennes et égyptiennes n’ont fait que renforcer ce constat. Dans ces conditions de fréquente incertitude, l’évaluation devient assez délicate. Elle se heurte à un facteur « risques et inconnues » cer- tainement plus élevé que dans d’autres domaines de l’action publique.

A fortiori si l’on considère le champ qui nous intéresse, celui où s’inscrit l’action des bibliothèques, ce que le ministère des Affaires étrangères (MAE) appelle la Diplomatie culturelle et d’influence *. Cet intitulé est celui du programme annuel de performance (PAP) 185 20 de la Loi de finances 2011. Le MAE est directe- ment responsable de la mise en œuvre de ce programme. Les bibliothèques qui mènent une action internationale, quelle que soit leur tutelle, concourent indirec-

tement à ce programme. Qu’il s’agisse des actions les plus désintéressées, celles menées au nom de la solidarité francophone, ou de la coopération docu- mentaire et technique, les actions des bi- bliothèques relèvent bien de cette diplo- matie culturelle et d’influence. Chaque année est établi un Rapport annuel de performance (RAP) 21 qui présente pour ce programme un certain nombre d’indi- cateurs. Ces indicateurs permettent-ils vraiment de s’affranchir de la difficulté inhérente à l’évaluation de l’action inter- nationale ? Peuvent-ils nous aider à pen- ser l’évaluation de l’action internationale des bibliothèques ?

Ce programme comprend trois objectifs et six indicateurs :

▪ Relever les défis de la mondialisation ▫  indicateur 1.1  : fréquentation et

efficience du site de l’Agence pour la diffusion de l’information tech- nologique (ADIT) dédié à la base de connaissance produite par les services scientifiques (français). ▪ Renforcer l’influence de la France en

Europe et dans le monde

▫ indicateur 2.1 : nombre d’inscrits dans les cours francophones ;

20. PAP 2011 : < http://www.performance-publique.gouv.fr/farandole/2011/pap/pdf/PAP2011_BG_ Action_exterieure_etat.pdf >. 21. RAP 2010  : <  http://www.performance-publique.gouv.fr/farandole/2010/rap/pdf/DRGNOR- MALMSNAA.pdf >.

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enssib

▫ indicateurs 2.2 : augmentation de l’attractivité de la France en direc- tion des élites étrangères.

▪  Améliorer le pilotage et l’efficacité dans la gestion de crédits

▫  indicateur 3.1  : dynamisation de ressources externes (mécénat, co- financements, etc.) ;

▫  indicateur 3.2  : évaluation de la performance des opérateurs par rapport à leur Contrat d’objectifs et de moyens (COM) ;

▫ indicateur 3.3 : coût moyen d’un élève pour l’État.

Comme on le voit, l’évaluation repose ici pour l’essentiel sur l’appréciation du nombre de «  clients  » des actions menées et sur l’analyse du coût de ces actions. À première vue, nous ne sommes pas si loin des indicateurs classiques de bibliothèque  : nombre d’inscrits, coût moyen par lecteur, etc., sauf que, rap- portés à l’action internationale, ces in- dicateurs n’ont pas grand sens. Certes, on pourra toujours, à la Bibliothèque nationale de France et dans quelques autres bibliothèques, mesurer le nombre d’usagers étrangers et tenter d’établir un lien entre leur provenance et la carte des actions internationales menées par l’établissement, mais cela restera très aléatoire. Plus consistant est l’indice d’utilisation des ressources en ligne de la bibliothèque depuis l’étranger qui four- nit une indication significative à rappro- cher de l’indicateur  1.1 du programme 185. Une approche plus traditionnelle reste par ailleurs pertinente pour les bibliothèques qui mènent une action internationale assez développée : il s’agit

du nombre de formations et d’expertise délivrées à l’étranger et du nombre de professionnels étrangers accueillis à la bibliothèque.

Mais, de manière générale, on mesure à quel point l’évaluation traditionnelle, qui repose encore largement sur une appré- ciation très quantitative des actions et de leur coût, est peu adaptée au cas par- ticulier de « la diplomatie culturelle et d’influence ».

L’évaluation à la Bibliothèque nationale de France

La Bibliothèque nationale de France (BnF), qui a développé une forte activité internationale, n’échappe pas à cette dif- ficulté. C’est ainsi que de très nombreux pans de son action internationale ne peuvent être correctement évalués  : la contribution au rayonnement culturel de la France, la participation aux instances internationales de normalisation, de coo- pération scientifique et documentaire, etc.

Un domaine de l’action internationale de la BnF permet toutefois de corriger pour partie cette absence de données et ce n’est pas le moindre : il s’agit de la contribution aux bibliothèques numé- riques : Europeana et le Réseau franco- phone numérique. Ces actions consti- tuent deux axes majeurs de l’action internationale de la BnF et l’essentiel de l’objectif 5 du Contrat de performance de la BnF : « Développer notre présence sur la scène nationale, européenne et mon- diale ».

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Il s’agit plus particulièrement des deux premières actions de cet objectif : l’ac- tion 5.1  : être un acteur majeur de la bibliothèque numérique Europeana, et l’action 5.2 : être un acteur majeur de la francophonie, en particulier via le Réseau francophone numérique. Ces actions sont détaillées en plusieurs sous-actions dont certaines relèvent clairement d’une stratégie d’influence et sont assorties de deux indicateurs et de leur cible : le nombre de documents issus de Gallica présents dans Europeana et le nombre de pages numérisées par la BnF pour le portail numérique francophone. Ce dernier indicateur est particulière- ment intéressant car il s’agit des fonds de la BnF numérisés sur la base de sé- lections documentaires effectuées par les partenaires francophones dans le cadre de conventions de coopération. Cela concerne notamment la numéri- sation de la presse francophone des anciennes colonies. Cet indicateur est donc vraiment représentatif de la réalité

des coopérations engagées au titre de ce volet essentiel de l’action internationale qu’est la francophonie. Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, le numérique reconfigure l’action des bibliothèques et fournit de nouvelles modalités d’évalua- tion.

Les projets européens auxquels participe la BnF doivent se plier à une méthodolo- gie très formalisée d’évaluation par les instances de la Commission européenne, ce qu’il n’est pas possible de développer dans le cadre du présent ouvrage. Pour sa part, la BnF a retenu comme indica- teur de cette importante activité la me- sure des ressources humaines engagées, ce qui permet d’évaluer la quantité de mois / hommes consommée par les pro- jets et donne une indication sur les flux financiers qui en résultent puisqu’une partie des subventions de la Commission européenne, versées au titre du finan- cement de ces projets, est affectée aux dépenses de personnel.

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Dans le document Mener un projet international #24 (Page 112-118)