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Les programmes du XXIe siècle

Dans le document Mémoire M2 Didier Auroy (2018/2019) (Page 54-58)

4.9.1 L’école au XXIe siècle

Les réformes passées se sont faites avec une massification de l’enseignement. Des besoins nouveaux se sont faits sentir, notamment dans l’aide aux élèves en difficulté. Au XXe siècle, les écarts entre élèves défavorisés et les autres n’a pas cessé de s’accentuer. Aux prises avec un multiculturalisme croissant, les valeurs de la société française sont en plein bouleversement.

Parallèlement, l’Union Européenne (UE) se construit de manière de plus en plus "concrète". Les différents accords et traités se sont multipliés en fin du XXe siècle71. Les contraintes financières qui s’exercent sur les états de l’UE sont importantes, comme la règle indiquant que les déficits publiques ne doivent pas dépasser 3% du PIB. A la recherche constante d’économies à faire, l’état français décide de transférer, aux départements et régions, ses ouvriers et techniciens de service ou de santé. C’est l’époque des réformes à moyens constants : on déshabille l’un pour habiller l’autre. La grogne sociale est énorme et paralyse le pays en cette fin de XXe. L’école est concernée, comme les autres services sociaux, hôpitaux, etc. par ces réformes à moyens constants. Cette politique est toujours à l’œuvre en 2019.

Pour rétablir un semblant d’ordre dans la maison France, le président de l’époque, J. Chirac, décide d’ouvrir un grand débat nationale sur l’école, dont il vante d’un côté la réussite, tout en sachant très bien l’impasse dans laquelle elle se trouve.

Une organisation, que nous avons déjà rencontré dans la réforme de 1970, refait son apparition dans le monde de l’éducation : l’OCDE. Cette organisation non démocratique, chantre du libéralisme et destructrice des services publiques72, non contente des résultats catastrophiques des années 1970, décide à nouveau de se mêler d’éducation et se propose, dans un soucis "d’amélioration des services", de comparer les enseignements réalisés dans les différents pays et de conseiller les pays mal classés. Ce sont les débuts des évaluations PISA (dont les critères d’évaluation dépendent uniquement de l’idéologie de l’OCDE) et la mise en place d’abord du socle commun, puis des enseignements par compétences, prolongement de ce qui se faisait dans la formation professionnelle.

Avec ces "compétences", selon H. Heurdier et A. Prost, l’idée est la suivante :

Le renversement fondamental consiste à partir de ce que les élèves doivent savoir faire pour réussir leur vie, des compétences qu’ils doivent maîtriser, et non de la liste des connaissances qu’ils doivent apprendre dans ce but.

"Les politiques de l’éducation en France" (Heurdier et Prost, 2014), page 349

Cette citation est en fait extraite d’un rapport écrit en 2003 par une Commission présidée par C. Thélot. Dans ce rapport, ce dernier ne cache pas ses ambitions de réformer l’école jusqu’à l’ouvrir au monde (c’est à dire aux entreprises), d’où sans doute l’idée de ces compétences. Car pour savoir de quelles compétences auront besoin les élèves dans leur vie, il faut déjà avoir prévu quelle vie ils auront !

Le savoir passe donc au second plan avec cette nouvelle "pédagogie de marché" car les élèves doivent se contenter de connaitre "où se trouve le savoir" pour aller le chercher et l’utiliser. On ne leur demande 71. Pour plus d’informations, on peut consulter le discours quasi idyllique qu’en dresse l’UE sur son site, à l’adresse suivante :https://europa.eu/european-union/about-eu/history_fr#2000-2009

72. Chloé Maurel, Géopolitique des impérialismes, Paris, Studyrama, 2009, p. 180. (Source Wikipédia, entrée "Organisation de coopération et de développement économiques"

4.9. LES PROGRAMMES DU XXIE SIÈCLE

plus de "savoir" les raisons d’être de ces notions, ni d’avoir mémorisées des techniques ou des théories. Dans ces conditions, nous nous devions d’étudier les instructions officielles des années 2000.

4.9.2 Les programmes de 2004 à 2018

Concernant les grandeurs et mesures, les programmes étudiés ici sont ceux des années 2004 à 2018, à l’exception des programmes de 2010 à 2014, sachant que l’année 2013 est celle où un changement a eu lieu dans l’organisation des cycles d’enseignement :

— le cycle 3, qui comprenait auparavant les années de CE2, CM1 et CM2 est devenu le cycle regrou- pant les années de CM1, CM2 et 6ème ;

— le cycle 4 s’est donc vu attribué les niveaux de 5ème, 4ème et 3ème.

La figure 4.16 montre les points communs à tous les programmes étudiés concernant les longueurs au niveau sixième.

Type de tâche Commentaires

Comparer des périmètres. Les activités de comparaison des périmètres peuvent faire intervenir diverses méthodes : report de longueurs sur une demi-droite, recours à la mesure, utilisation d’un raisonnement. La comparaison de péri- mètres sans les mesurer est particulièrement importante pour assurer le sens de cette notion.

Calculer le périmètre d’un

polygone. Certains travaux sur les périmètres conduisent à décrire des situa- tions mettant implicitement en jeu des fonctions, notamment à tra- vers l’utilisation de formules. Des expressions telles que « en fonction de », « est fonction de » peuvent être ainsi utilisées ; par exemple : exprimer le périmètre d’un carré en fonction de la longueur a de son côté. Le travail sur les périmètres est également favorable à une première initiation aux écritures littérales dans l’élaboration par les élèves d’une formule exprimant le périmètre d’une figure en fonction d’une ou deux longueurs désignées par une ou deux lettres.

Connaître et utiliser la formule

donnant la longueur d’un cercle. Il s’agit en sixième d’introduire le nombre Π ; c’est l’occasion de pro- poser une activité basée sur un événement scientifique de portée his- torique. Des activités de mesurage permettent de conjecturer l’exis- tence d’une relation de proportionnalité entre la longueur du cercle et le rayon

Figure 4.16 – Etude des longueurs (2004 - 2018)

La figure 4.17 (cf. page suivante) nous montre les points communs à ces programmes pour ce qui concerne les aires.

Concernant les équivalences entre diverses unités, ce point fait sans doute référence à des travaux d’Y. Chevallard73 sur les (mauvaises) pratiques des enseignants concernant l’utilisation des unités dans les calculs ainsi que dans les changements d’unités. Les auteurs y développaient dans un premier temps, l’idée que les équivalences entre diverses unités permettaient de faire apparaitre celles-ci dans les calculs, et non hors d’eux, ce qui rendait le processus, de calcul et de conversion, beaucoup plus fluide et lisible, tout en gardant en tête les notions de grandeurs qui les sous-tendaient.

Type de tâche Commentaires

Comparer des aires. Comparer des aires à l’aide de reports, de décompositions, de décou- pages et de recompositions, sans perte ni chevauchement.

Déterminer l’aire d’une surface à

partir d’un pavage simple. Déterminer des aires à l’aide de quadrillage et d’encadrements. Différencier périmètre et aire. Certaines activités proposées conduisent les élèves à comprendre no-

tamment que leurs sens de variation ne sont pas toujours similaires. Connaître et utiliser la formule

donnant l’aire d’un rectangle. Certaines activités proposées conduisent les élèves à comprendre no- tamment que leurs sens de variation ne sont pas toujours similaires. - Connaître et utiliser la formule donnant l’aire d’un rectangle. Au cycle 3 de l’école élémentaire, les élèves ont calculé l’aire d’un rec- tangle dont l’un des côtés au moins était de dimension entière. En sixième, le résultat est généralisé au cas de rectangles dont les dimen- sions sont des décimaux [cf. § 2.Nombres et calcul].

Calculer l’aire d’un triangle

rectangle. Des manipulations permettent aux élèves de comprendre le passage du rectangle au triangle rectangle. A partir de là, ils peuvent être confrontés au calcul d’aires de figures décomposables en rectangles et triangles rectangles.

Effectuer pour les aires des

changements d’unités de mesure. Comme pour les longueurs, l’utilisation des équivalences entre di- verses unités est préférée à celle systématique d’un tableau de conver- sion.

Figure 4.17 – Etude des aires (2004 - 2018)

4.9.3 Le programme 2019, une nouvelle régression ?

Le programme 2019 du cycle 3 revient sur un découpage par années, au sein du cycle 3. L’annexe "Le programme de 2019" montre une nette différence avec les programmes précédents.

4.9.3.1 Ecole élémentaire, niveau CM1

Concernant la longueur, nous retrouvons le déni de problématicité déjà rencontré dans certains pro- grammes passés, puisqu’il est très vite question de mesures. Mais absolument rien ne dit comment passer des reports de longueurs aux mesures décimales !

Par contre, comme dans les programmes antérieurs, la notion d’aire est plus développée, notamment l’utilisation d’une aire de référence permettant la détermination d’une aire plus complexe.

4.9.3.2 Ecole élémentaire, niveau CM2

Que ce soit pour la longueur ou l’aire, nous sommes déjà de plein pied dans les formules (à la provenance non explicitée) et aux calculs où il est même question de m2.

4.9.3.3 Le niveau 6ème

Nous pouvons constater le règne absolu du calcul, lié à de la technique sur l’utilisation des décimaux. Les raisons d’être des grandeurs n’existent plus.

4.9.4 Bilan sur ces programmes

4.9.4.1 Avant 2019

Ces programmes marquent globalement des différences significatives avec ceux du siècle précédent, et donnent à voir certaines pistes qui pourraient s’avérer intéressantes comme la notion de fonction qui

4.9. LES PROGRAMMES DU XXIE SIÈCLE

pourrait émerger suite à des observations/expérimentations sur les périmètres ou les aires, ou les liens entre grandeurs et fractions. D’une certaine manière, plutôt inattendue, cette dernière piste pourrait s’avérer très utile dans les calculs du type a

b× c, où il faut calculer une fraction d’une grandeur. En 2019,

un groupe de travail réunissant enseignants de collège et chercheurs en didactique a abouti à la création d’un PER sur les fractions. Ce groupe dirigé par Y. Matheron au collège Marseilleveyre (Marseille) a montré toute la pertinence de faire usage de la partie "aliquote" de deux grandeurs afin de fluidifier le passage de l’écriture a b × c à a × b c et à a × b c .

Cependant, entre 2013 et 2018, le fait que le niveau 6ème soit rattaché aux niveaux CM1 et CM2 dans le "cycle 3" n’a pas été sans déclencher de nouveaux problèmes didactiques. En effet, les instructions officielles de ces années ont énoncé des directives par cycles et non par années ! L’absence de moyens et de possibilités de concertations entre professeurs des écoles et professeurs de 6ème, situés dans plusieurs établissements différents, a fait naitre une grande confusion chez les premiers qui, compte tenu de leurs formations très diverses, n’ont parfois simplement pas compris ce qu’on attendait qu’ils fassent concernant les grandeurs. D’un autre côté, les enseignants de collège n’étaient pas non plus formé sur ce thème. Encore une fois, la formation des enseignants (des écoles et des collèges) est essentielle pour qu’un changement dans les instructions officielles soit mis en place dans de bonnes conditions, d’autant plus que les formations initiales des candidats aux postes de professeurs des écoles sont rarement des formations mathématiques. Et quand bien même leur formation aurait été "mathématique", le présent mémoire montre clairement que les grandeurs et leurs raisons d’être n’ont plus fait l’objet d’un enseignement précis depuis la réforme de 197074.

4.9.4.2 Le programme de 2019

Compte tenu de ce qui a été dit précédemment sur la formation initiale des professeurs des écoles et sur le manque de formation des enseignants, le fait de confier l’étude de ce qui reste des raisons d’être aux professeurs des écoles en 2019 a de quoi inquiéter la quasi totalité des niveaux de l’échelle de codétermination didactique : comment poursuivre une abstraction à partir de notions qui auront été, dans les meilleurs des cas, enseignées de manière très approximatives ? Quels impacts cela va-t-il avoir sur les niveaux scolaires suivants ? sur les savoirs techniques et théoriques des futurs techniciens et ingénieurs ? sur les possibilités de poursuites d’études en université ?

74. D’autre part, une enquête, réalisée en 2014-2015 par A. Pachod (Pachod,2016), a montré que dans une académie "moyenne" comme celle de Strasbourg, sur 289 candidats au poste de professeur des écoles, seulement 1.4% d’entre eux (c’est à dire seulement 4 !) avaient une Licence, ou un Master 1 ou 2, en mathématiques !

géométrie

Afin de visualiser les effets de différentes réformes sur l’utilisation des grandeurs, nous présentons dans ce très court chapitre, l’exemple de la démonstration de l’égalité de deux angles dans un triangle isocèle. Pour cette comparaison, nous avons utilisé :

— les Eléments d’Euclide ;

— les Eléments de géométrie de Clairaut

— les Eléments de géométrie de Vacquant et Macé — le manuel 2019 de Sesamath.

5.1

Dans les Eléments d’Euclide

Dans le Livre I, Proposition IV, Euclide démontre cette propriété en utilisant un raisonnement par l’absurde75 portant sur les propriétés des côtés et des angles des triangles.

Dans le document Mémoire M2 Didier Auroy (2018/2019) (Page 54-58)