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Grandeurs commensurables ou non : en parler ou pas ?

Dans le document Mémoire M2 Didier Auroy (2018/2019) (Page 63-65)

manifestés déni du didactique, décisions pour le moins discutables, absence de formation des enseignants, volonté de réagir en urgence aux transformations des sociétés, impact des traditions, peur de perte de niveau, désir de mener des élèves à des abstractions sans trop savoir comment y parvenir, etc. Le système scolaire était dans une impasse, portant à la fois toutes les espérances d’une société , mais fortement marqué par des transformations sociales qu’il ne parvenait pas à gérer.

Le XXIe siècle, au contraire, nous a semblé plus "serein" dans ses programmes de mathématiques : les besoins en transposition didactique, dans notre domaine d’étude, sont nettement moins prioritaires. La présence de chercheurs en didactique, comme A. Pressiat, au sein de la commission des programmes, a sans doute joué un rôle dans cet apaisement, et a sans aucun doute permis de réfléchir à une organi- sation mathématique nettement plus cohérente sur les grandeurs et leurs rôles dans l’enseignement des mathématiques au collège. Quelques leçons semblent avoir été tirées, visibles notamment dans la prise de décision de revenir à des manipulations sur les longueurs, tout comme le parallèle explicite entre grandeurs et fractions, ou entre grandeurs et fonctions, ces deux derniers points méritant sans doute d’être développés davantage dans les instructions officielles. Comme toujours, cette amélioration a été suivie d’une nouvelle perte, peut-être la plus importante pour la suite : celle des savoirs. Car à quoi bon réintroduire des raisons d’être des savoirs, quand des "compétences" font que des savoirs-faire, ou pire encore des savoirs-être, sont évalués en lieu et place des savoirs ?

Cela étant, un incontournable persiste et persistera sans doute longtemps : il ne peut pas y avoir de mathématisation du réel s’il n’y a pas observation du réel. Ainsi, les activités de comparaisons ou d’additions sur les grandeurs "longueur" et "aire" restent d’une grande importance pour les élèves des écoles et des collèges. Sans elles, il n’y aurait aucune intuition sur laquelle se reposer pour accéder à une modélisation du réel.

6.2

Grandeurs commensurables ou non : en parler ou pas ?

Nous avons assez souligné cet aspect des raisons d’être de l’étude des grandeurs et de leurs rapports. Utiliser des rapports de grandeurs en faisant en sorte d’occulter les cas des grandeurs non commensurables pose divers problèmes depuis la réforme des mathématiques modernes :

1. comment généraliser le passage à tous les rapports sans passer par un "saut quantique", non justifié, des grandeurs commensurables à celles qui ne le sont pas ?

2. comment introduire la création d’unités de mesure, qui découlent de cette généralisation, autre- ment que par l’application d’une autorité institutionnelle ?

Se contenter des cas où "tout va bien", n’est-ce pas aller contre ce que doit être l’enseignement des mathématiques, c’est à dire le fait que si un savoir existe, c’est qu’il répond à une question ?

Ce dilemme semble délicat à résoudre du fait de la nécessité apparente de passer par cette étape, afin de justifier le choix d’une grandeur prise comme unité de référence pour effectuer des mesures, société technologique oblige. Comment le résoudre ?

6.2.1 Le choix actuel

Le traitement actuel des raisons d’être des longueurs et des aires est la continuation des programmes de la fin du XXe siècle. On commence par l’étude de cas "simples" où les mesures sont écrites avec des nombres entiers divisibles entre eux, ou dont les rapports sont décimaux, puis on admet une généralisation de cette pratique dans les autres cas. La question de savoir pourquoi on a le droit de réaliser cette généralisation peut ne jamais être évoquée, ou bien apparaitre implicitement au détour d’un travail technique sur la division, ce qui revient soit à demander aux élèves de considérer les mathématiques comme un musée qu’on visite, soit à "espérer" que certains d’entre eux feront eux-mêmes des liens entre les notions étudiées. Cette carence pathologique de réflexion didactique sur l’écologie des savoirs au sein du système scolaire n’est satisfaisant ni du point de vue du rapport que devraient avoir les élèves aux mathématiques, ni pour une formation de citoyen qui doit pouvoir réfléchir par lui même, et donc utiliser un savoir qu’il a

acquis parfois de haute lutte, en ayant vaincu des idées reçues, des croyances, des convictions fortes mais erronées, etc.

6.2.2 Grandeurs et fonctions

Cette voie arrive généralement assez tard dans l’enseignement77, puisqu’elle intervient quand les élèves sont déjà en possession des formules permettant de calculer des périmètres, des aires ou des volumes. Mais peut-être serait-il intéressant de faire ce lien plus tôt, comme le suggèrent certaines instructions officielles avant l’année 2019. Cela permettrait peut-être d’élaborer les dites formules sans forcément avoir des contraintes sur les types des nombres utilisés ? En effet, comme le souligne N. Rouche à la page 177 de son ouvrage :

Multiplier deux longueurs pour obtenir une aire est une opération nouvelle.

"Du quotidien aux mathématiques", page 177

Elle doit donc être justifiée ! Mais pour ce faire, est-on forcé d’en passer toujours par les étapes désormais habituelles de découpages en carrés égaux pour le prouver ? Ici, les "fonctions" pourraient être d’une aide certaine, en "jouant" sur les grandeurs.

Par exemple, très schématiquement, on pourrait aisément montrer que, parmi les trois rectangles donnés en figure 6.3, ils ont tous la même base mais sont de hauteurs différentes, le 1er ayant une aire double du 2nd du fait de sa hauteur double, le troisième ayant une aire nulle du fait de son absence de hauteur.

(1) (2) (3)

Figure 6.3 – Grandeurs et fonctions

Une fois la remarque faite sur l’égalité de leur base et leur différence de hauteur, une question pourrait apparaitre comme "Pourrait-on trouver une explication mathématique à ces variations d’aires ?" Le lien entre les variations d’aires de chaque rectangle et les deux paramètres "base" et "hauteur" devrait, à un moment ou un autre, être énoncé. L’aire A de chaque rectangle serait donc fonction de deux grandeurs

b et h qui interviendraient dans une opération N : A = bN

h

77. Pourtant, la mention "Toute définition de la notion de fonction est exclue.", qui apparait par exemple dans le programme de 2004, n’interdit pas de montrer qu’un périmètre, ou une aire, dépend de certains paramètres bien précis.

Dans le document Mémoire M2 Didier Auroy (2018/2019) (Page 63-65)