• Aucun résultat trouvé

2 Pour une approche psychosociale de la construction des identités professionnelles enseignantes

2.3 Défis du XXI siècle : quelles perspectives pour les enseignants ?

2.3.1 Professionnalisation et travail collaboratif

75

Elle s’appuie sur l’expérience professionnelle des stagiaires lauréats des concours internes afin d’améliorer et de conforter les pratiques professionnelles acquises.

Lors des entretiens portant sur le récit de vie professionnelle, nous avons pu relever les choix de ces agents d’entrer dans l’enseignement agricole, puis d’être titularisés, ce qui constitue des cas de figure particuliers dans la construction d’une identité professionnelle, et l’adhésion à une identité collective. Il en est de même pour les enseignants formateurs qui entrent dans un nouveau cycle de professionnalisation avec un passé professionnel acquis et donc une identité différente et par ailleurs construite. C’est également le cas des enseignants auparavant professionnels de l’agriculture qui ont bénéficié des concours de déprécarisation au cours de ces dernières années. Ces formateurs découvrent ce qu’est l’enseignement agricole lors des sessions de formation TUTAC.

Il nous a semblé approprié de pouvoir observer comment les influences des environnements psychosociaux participent chez les jeunes enseignants (jeunes par l’âge ou par l’expérience) à l’élaboration d’un processus de construction identitaire. Les questions que nous leur avons posées portaient sur les raisons du choix de la profession, et donc des représentations qui y sont liées. Les réponses apportées nous ont permis de déterminer où se situent les hésitations, voire les tâtonnements identitaires. S’ils connaissent une forme de déstructuration au contact du groupe, comment se construit l’adhésion aux buts et valeurs de ce même groupe ? Entrent-ils en conflit avec ceux assimilés aux représentations du métier, et enfin sont-ils la cause d’une certaine incertitude identitaire à l’entrée même dans le jeu social professionnel et collectif ?

2.3

Défis du XXI siècle : quelles perspectives pour les enseignants ?

2.3.1 Professionnalisation et travail collaboratif

Si la professionnalisation des enseignants est admise de façon générale et consensuelle par un grand nombre de spécialistes de l’éducation, elle progresse encore lentement dans les esprits des professeurs. En effet, cette démarche peut les exposer davantage puisqu’elle les rend plus redevables vis-à-vis de la société, et les désigne comme responsables de leurs actions au même titre qu’un médecin par exemple, bien qu’elle encadre leur travail dans un espace plus sécuritaire. En effet, on peut penser qu’en devenant des experts dans leur discipline et dans la transmission des apprentissages (Cattonar et Mangez, 2001) les enseignants gagnent plus de respect, (qu’ils clament avoir perdu), plus de considération.

76

Au regard même de leur spécialisation en éducation, couronnée par un cursus universitaire de qualité, ils veulent regagner une légitimité justifiée en fonction de leur travail, non par une représentation qui n’est plus en phase avec la réalité de leur métier (Dubet, 2002). Cette nouvelle approche du métier d’enseignant permet une redéfinition de leur rôle au sein de la société et de l’institution scolaire qui renvoie à des individus volontaires et capables d’engager les apprenants dans l’action et l’activité de leurs apprentissages, de mener une pédagogie grâce à laquelle les individus construisent leur avenir social et personnel (Cattonar et Mangez 2001).

Outre le fait de bénéficier d’un statut de cadres au service de l’enseignement et donc de pouvoir légitimement revendiquer une meilleure considération et reconnaissance tant salariales que sociales, ces professionnels « spécialistes de l’apprentissage » (Maroy, 2002, p.12), souhaitent que les autorités pédagogiques prennent en compte leur expertise et qu’ils soient reconnus comme un groupe socioprofessionnel de valeur (Maroy, 2002). Conséquence de leur professionnalisation, les enseignants seraient mieux à même d’appréhender cette nouvelle « prise de responsabilité (empowerment) individuelle et collective » (Maroy, 2002, p.19) qui les mettrait en mesure de s’impliquer davantage dans le pacte pédagogique et éducatif de leurs établissements, plutôt que de subir des décisions verticales top-down qui les privent de toute initiative. Cependant, cette voie ne fait pas l’adhésion de tous. Déjà en 1993, dans une note de synthèse, Bourdoncle56 posait en effet la

question d’un « mythe de la professionnalisation des enseignants » faisant état d’un certain nombre de positions et d’obstacles dans sa réalisation, comme par exemple promouvoir la standardisation d’une activité de masse. Malgré tout, cette conception du métier fait encore son chemin et trouve un écho largement favorable auprès des spécialistes en éducation.

La nouvelle société baptisée du savoir ou de la connaissance, incite les enseignants à plus de performance non seulement dans les résultats mais également dans le travail en équipe en tant que « membres d’organisations apprenantes » (Michel et Sellier, 2014 , p.5). Lorsqu’ils rencontrent une institution dynamique et encourageante, les enseignants sont généralement prêts à s’engager dans le travail en équipe également à innover dans la production d’outils didactiques selon Lantheaume et Hélou afin d’intéresser les élèves, « les enrôler dans l’action » (Lantheaume et Hélou, 2008, p.67) et les rendre plus acteurs dans leurs apprentissages que consommateurs. Même si le travail en équipe et l’aspect collectif des activités enseignantes ne sont pas quelque chose qui va de soi, selon Hargreaves (1994) le collectif permet de trouver soutien, stimulation, partage de stratégies éducatives et émulation.

56 Raymond Bourdoncle, La professionnalisation des enseignants : les limites d'un mythe , in : Revue française de pédagogie, n° 105, octobre-

77

Il faut savoir que les enquêtes de l’OCDE (2013) relaient elles aussi la nécessité de collaboration entre les personnels de l’éducation. Dans la pratique, la collaboration peut revêtir différentes formes, telles que l’enseignement pluridisciplinaire en équipe, une planification collaborative des tâches ou des enseignements, les conseils pédagogiques par un pair, une relation de mentorat, de dialogue professionnel et de recherche collaborative, activités qui ne nuisent en rien à l’autonomie des enseignants, autonomie que l’OCDE relayée par les gouvernements appelle de tous ses vœux. Ils sont au contraire l’occasion d’échanges fructueux entre des professionnels qui se reconnaissent entre eux et s’inscrivent très exactement dans une approche de praticien réflexif selon la formule de Maroy (2002) dans un objectif de qualité et d’efficacité, au profit des élèves, mais également pour leur propre bénéfice.

2.3.2 L’enseignant, un praticien réflexif

Si « l’enseignement est une profession dont les membres assurent un service public, [il] exige […] des connaissances approfondies et des compétences particulières » ainsi qu’ « un sens des responsabilités personnelles et collectives » (UNESCO, 1998, p.23), cela implique également l’obligation de tenir à jour ces mêmes connaissances et compétences, et puisque la professionnalisation fait de lui un expert, un praticien, il en va de sa responsabilité d’ « actualiser et de renouveler périodiquement […] ses aptitudes » dans son domaine d’expertise (UNESCO, 1998, p.23) ce qui relève d’une action d’auto-formation inscrite dans un « acte éducatif complexe, réflexif et interactif » (Gohier, Anadòn, Charbonneau et Chevrier, 2001, p.3). Les bénéficiaires directs de cette pratique réflexive sont les élèves, plus particulièrement ceux en difficulté d’apprentissage. Cela traduit la dimension « interactive de l’acte éducatif » mentionné par ces mêmes auteurs (Gohier, Anadòn, Charbonneau et Chevrier, 2001, p.3). De même, une telle rétroaction pour ainsi dire dans la réflexion, peut amener les enseignant à s’adresser sans jugement à leurs collègues et redynamiser les rapports dans des « assemblées de professeurs…mortes » mais qui pourront rapidement « devenir des institutions fécondes et excellentes si elles sont consultées avec franchise et compétence » comme le prophétisait « le Rapport Ribot en 1899 » (cité par Pochart. 2008, p.16).