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Production, diffusion et utilisation d’information scientifique

2.2 La communication scientifique et son analyse bibliométrique

2.2.1 Production, diffusion et utilisation d’information scientifique

« La communication et la recherche scientifique [ainsi que les institutions] sont étroitement liées, voire complémentaires. En effet, sans communication la recherche n’avance pas; à la limite elle est vaine » (Ben Romdhane, 1995-1996: 11). On

constate aisément que la communication entre chercheurs est une pratique scientifique importante, sinon essentielle.

Lorsqu’une recherche débute, le chercheur entame une phase importante de communication informelle où vont se multiplier les discussions, les rencontres, les visites, les échanges de courriers électroniques ou non. Ces échanges de communication informelle, certainement facilitée aujourd’hui par les moyens de communication électronique, sont identifiés par la notion de “ collèges invisibles ”. (Pignard, 2000 : 19-20) développée dans les travaux de Price. Ensuite, le chercheur doit effectuer des opérations de criblage (e.g. examiner l’information la plus pertinente), d’évaluation (e.g. organiser l’information par son analyse logique), et de synthèse (e.g. intégrer la nouvelle information avec d’autres informations antérieures). Tout ceci est fondamental pour créer un produit scientifique communicable à la communauté scientifique. Selon Garvey (1979) :

In science more often than in other communication systems, the transmission process is characterized by reciprocal interactions between “sender” and “receiver”. The forward transmission of information in the flow pattern (from rough, private information to polished, public information) is typically accompanied by continuous interplay between sources of the “newly created” information and other sources of past, current, and as yet unfinished information. (Garvey, 1979: 18-19)

En plus, aucun scientifique n’ignore la réaction relative aux travaux terminés, laquelle continue même après avoir commencé une nouvelle recherche; par exemple, la réaction des éditeurs des journaux, la réaction des scientifiques qui lisent, citent, et examinent les travaux publiés.

Selon Garvey (1979), l’effort principal des scientifiques est de produire de l’information, en décrivant de nouvelles données ou en formulant de nouveaux concepts ou à partir de l’intégration conceptuelle des données (théorie). Afin que les formulations des acquis scientifiques soient une véritable contribution à la science, elles doivent être communiquées dans des langages spécifiques, pour assurer la

continuité de la transmission des connaissances, ainsi que des protocoles expérimentaux qui en assurent la validation.

Pour ce faire, les concepts mis en œuvre et codifiés à l’intérieur des théories, doivent chacun recouvrir un seul et même sens, ou bien être l’objet d’une discussion pour l’ensemble des adeptes d’une discipline. La pratique de la communication des résultats et de la manière d’y parvenir, apparaît donc comme une dimension essentielle de la science. Il devient clair, « […] why the communication structure of science has developed (in the hands of scientists themselves) into the complex and rigorously controlled social system that it is today. And, of course, we begin to understand why scientists are so protective of this system and so resistant to any change proposed ». (Garvey, 1979: 3)

En effet, les journaux et revues scientifiques, ainsi que l’établissement des paramètres spécifiques pour la rédaction et la publication des articles scientifiques sont la création des chercheurs eux-mêmes. Pour une communauté scientifique un produit scientifique n’est considéré scientifique que s’il est diffusé dans le modèle établi et par les médias exclusivement maintenus et surveillés par la propre communauté scientifique. Le système de la communication scientifique est ainsi considéré comme un système fermé dont l’information scientifique est créée et utilisée exclusivement par des scientifiques afin de produire plus d’information pour eux même.

Parmi les composants de la communication scientifique tels que les monographies, livres, manuels, thèses, communication en colloques,

L’article représente bien l’unité de sens primaire de la communication scientifique, le produit fini de la recherche : il réunit les différents éléments d’une recherche scientifique aboutie et replace la replace dans un contexte plus large en intégrant des liens vers d’autres unités qui font sens pour cette production. La revue est aussi plus qu’un support normé de diffusion pour l’article scientifique : si l’article représente une unité de sens, la revue, comme collection d’articles sélectionnés en fonction d’une ligne éditoriale particulière, en représente une autre : « la revue est une enveloppe pour des articles individuels. Cette ligne éditoriale est définie selon des thèmes, des méthodes, et légitimée par un corps de chercheurs et d’institutions

de recherche (comité éditorial, financements). A travers la publication dans la revue, l’article est donc identifié par son appartenance à un corpus particulier, ensemble cohérent et dynamique : la revue donne un sens commun à la production de connaissances et elle la légitime. (Mahe, 2002: 16).

De cette façon, comme Garvey indique : « In science the journal article, with its elaborate structure of experts monitoring its contents and certifying its scientific quality and originality, marks the boundary between the informal and the formal domains » (Garvey, 1979: 20). La distinction fondamentale entre communication scientifique formelle et informelle est la pérennité. Car la communication informelle est toujours éphémère. Ainsi, la majorité de l’information parlée est informelle. Au contraire, la communication formelle est normalement accessible pour de longues périodes de temps et accessible à des audiences plus larges (Meadows, 1998), comme c’est le cas du journal, de la revue et des magazines scientifiques.

Dans la présente étude, le terme journal scientifique équivaut à celui de revue scientifique. Dans ce sens, Meadows utilise le terme journal, « […] as shorthand for a collection of research articles by diverse authors. Sets of such articles are collected together at intervals, printed, bound, and distributed under a single title » (Meadows, 1998: 7).

Cependant, Meadows indique qu’à l’origine, un journal signifiait ‘newspaper’, mais à la fin du XVIIe siècle il commence à être utilisé pour nommer une publication périodique qui contient des articles. À la même époque, le mot magazine (ou magasine) commence à être utilisé pour décrire une publication qui contient aussi divers articles. Au cours des deux siècles suivants, journal (au sens anglais du terme) devient de plus en plus une publication sérieuse, tandis que le magazine évoque maintenant l’image d’une publication populaire. Par ailleurs, le terme périodique (periodical) commence à être utilisé à la fin du XVIIIe siècle et il fait référence aux publications qui apparaissent par intervalles et qui contiennent divers articles de différents auteurs.

Les fonctions des journaux et des revues scientifiques diffèrent de celles des magazines scientifiques. À ce propos, Robert Boure indique que :

- Le magazine scientifique a toujours une fonction distractive (d’où l’importance du « visuel », couleurs, photos, dessins et le soin apporté à la mise en pages).

- Les journaux et les revues scientifiques rejettent explicitement la fonction distractive, de même qu’elles se défendent (parfois mollement) de toute perspective vulgarisatrice. (Boure, 1993: 4)

Au niveau de la professionnalisation,

Le magazine scientifique fait intervenir des professionnels de la rédaction, de la fabrication, de la promotion, de la diffusion et de la distribution, alors que la revue est rarement professionnalisée tout au long de cette chaîne, ce qui oblige l’équipe à intervenir lors des différentes phases du processus d’élaboration. Par ailleurs, son comité de rédaction et ses auteurs ne sont pas des journalistes mais des chercheurs professionnels et cela n’est pas sans incidence sur les techniques rédactionnelles mises en œuvre (articles longs, fouillés, appareillage technique important, notes, bibliographies, tableaux, style). Cette caractéristique, qui vient s’ajouter à d’autres, plus formelles (longue périodicité, par exemple), affranchit la revue du poids de l’actualité et favorise le débat de fond qui, d’ailleurs, peut se poursuivre sur plusieurs numéros ou reprendre brusquement après une longue interruption. (Boure, 1993: 4)

Selon Boure, « au niveau des conditions économiques de production et de circulation, les journaux et les revues scientifiques relèvent d’institutions universitaires et péri-universitaires ou d’éditeurs commerciaux (mais, dans ce cas, ils sont souvent adossés à une institution scientifique, ils appartiennent au noyau dur de l’édition scientifique) » (Boure, 1993: 5). Par conséquent, Boure remarque que les revues ne doivent pas être étudiées « indépendamment de la structure générale de ce secteur, au demeurant fort hétéroclite, et des caractéristiques principales de ses produits (tirage limité, marchés étroits, importance des subventions) » (Boure, 1993: 5). Il indique également que « les caractéristiques économiques et financières liées à l’appartenance au noyau dur de l’édition éloignent la revue du magazine (y compris du magazine scientifique), lequel relève souvent, sinon de groupes de presse, du

moins des logiques à l’œuvre dans le modèle économique de la presse écrite » (Boure, 1993: 5). D’une façon synthétique, la fonction essentielle d’un journal et d’une revue scientifique est de publier des travaux scientifiques sous la forme d’articles (Boure, 1993: 6).

La communication scientifique englobe ainsi toute la gamme liée à la production, à la diffusion, et à l’utilisation d’information scientifique, et selon Borgman,

By scholarly communication, we mean the study of how scholars in any field (e.g. physical, biological social and behavioral sciences, humanities, technology) use and disseminate information through formal and informal channels. The study of scholarly communication includes the growth of scholarly information, the relationships among research areas and disciplines, the information needs and uses of individual user groups, and the relationships among formal and informal methods of communication. (Borgman, 1989: 586) Par ailleurs, selon Paisley les études en communication scientifique appartiennent au champ de la recherche en communication, « […] because they focus on communication events. They belong to the genre of research on the flow of information through interpersonal networks, informal media, and formal media, within the x group (or organization), between the x group and neighboring groups, and between the x group and the public ». (Paisley, 1989: 703)

Cependant, Paisley remarque que les chercheurs en communication ne se sont pas trop intéressés aux études en communication scientifique. Selon Paisley,

[…] the lack of attention may result from communication researchers’ attitudes toward Big Science and the scientific establishment, which generally has not gone out of its way to recognize the variable field such as communication research, business research, education research, or public health research except as application areas in which some psychologists and sociologists choose to work. (Paisley, 1989: 714)

Parmi les études en communication scientifique réalisées dans le champ de la recherche en communication se trouvent quelques exemples. Lors du Congrès 2004

de l’International Communication Association (ICA) sont présentées deux communications dont le sujet principal est l’analyse des articles et leurs références : « A Bibliometric Analysis of Disciplinary Self-Reflection in Communication Studies » de William J. White (2004), et celui de William B. Hart (2004) intitulé « Reflections : A Bibliometric Analysis of Intercultural Communication Articles (1977-2002) ».

White fait une analyse bibliométrique des co-références de 121 articles dont le sujet principal est le numéro “Ferment in the Field”, numéro publié dans le Journal of

Communication en 1983. White rappelle que “Ferment in the Field” est un colloque

réalisé dans les années 1980 dont l’intention fondamentale est de comprendre les implications potentielles de la théorie critique dans les études en communication et, il constitue un moment d’autoréflexion disciplinaire dans le champ. White arrive entre autres à la conclusion que :

The analysis conducted here suggests that disciplinary self-reflection in communication studies includes both epistemological-ideological and structural-functional critiques of the discipline. This analysis underscores the tensions between two views of what communication ‘in the public interest’ entails: on the one hand, a gimlet-eyed appraisal of the vagaries of media power; on the other, a pragmatic and useful program that contributes to policymaking and interdisciplinary inquiry. (White, 2004: 1)

La communication de William B. Hart présente l’analyse bibliométrique de 632 articles publiés dans l’International Journal of Intercultural Relations dont le sujet est la communication interculturelle, ainsi que l’analyse de 348 articles de divers journaux de communication publiés entre 1977 et 2002. L’analyse de Hart indique entre autres que :

William B. Gudykunst is found to be the most prolific author and the Howard

Journal of Communication is the top intercultural communication journal.

Results also show that approximately 85 percent of authors have only written one article. Results also suggest that a large percentage of the research is written by U.S. authors. Implications of these last two findings are especially

addressed. Lotka’s and Bradford’s laws of bibliometrics were also tested for the intercultural communication literature. (Hart, 2004: 1)

Ces deux communications utilisent la bibliométrie pour analyser la communication scientifique et mieux comprendre l’état du champ nord-américain des études en communication, de même que de ses sous-champs, la communication interculturelle. L’application de la bibliométrie se révèle donc efficace pour mieux connaître la diffusion et la structure de la recherche scientifique, ainsi que l’organisation sociale établie entre les chercheurs d’une discipline. Nous présentons, par la suite, les conditions de développement des études quantitatives de la science et de la technologie, qui touchent la bibliométrie, la scientométrie et l’infométrie.