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B. Répartition géographigue et employeurs.

01 Procureur général, prévôt 2 3 1,5 02 Clergé 13 123 9,

03 Lieutenant, lieutenant général 2 2 1 04 Bailli, greffier, notaire 4 7 1,75 05 Chirurgien 3 4 1,33 06 Cabaretier 1 3 3 10 Boucher 3 6 2 11 Boulanger 1 2 2 21 Chapelier 1 1 1 22 Cordier 1 1 1 24 Tailleur 2 2 1 33 Tanneur 1 1 1 41 Charpentier 6 6 1 42 Couvreur 1 1 1 43 Maçon 2 2 1 50 Charron 2 2 1 51 Menuisier 1 1 1 54 Tonnelier 2 2 1 60 /arquebusier, canonnier 2 2 1 62 Cloutier, taillandier 7 9 1,29 71 Agriculteurs, éleveurs (habitant non déclaré dans le recensement) 119 214 1,8 86 Huissier 1 1 1 90 Garnison 1 5 5 91 Matelot 1 1 1 NC Sans code professionnel donné 38 69 1,82

TOTAL 224 489 2,18

.Ainsi, Pierre de Saint-Ours, seigneur de Saint-Ours et de Deschaillons, résidant sur ses terres, Jean Crevier, seigneur de Bellerive, Charles Aubert et plusieurs autres entrent soit dans la catégorie 71 ou dans aucune selon le PRDH, alors que ce sont tous des seigneurs en 1681, s'ils n'ont pas plusieurs professions, ce qui était courant à une époque où la seule condition de seigneur n'apportait pas les revenus suffisants pour

vivre de manière à rentrer au sein d'un rang doté d'un certain prestige. Ainsi, bon nombre de seigneurs avaient des activités dans le monde des affaires, du commerce ou même dans le secteur artisanal. De plus, le cumul des fonctions politiques était un fait courant comme le montrent plusieurs des membres du Conseil souverain.

La présence de seigneurs (et de leurs domestiques) dans les villes, surtout à Québec, et donc loin de leurs seigneuries, montre bien qu'ils avaient des intérêts dans les grandes places commerciales et les hauts lieux du gouvernement, intérêts qui surpassaient souvent la mission d'occupation et d'entretien d'une parcelle de terre du domaine royal placée sous leur responsabilité.

Ainsi, par exemple, Charles Aubert, seigneur de la Chesnaye, seigneurie située dans le gouvernement de Montréal, au Nord-Est de l'île- Jésus, se retrouve habitant en basse-ville de Québec lors du recensement, accompagné de ses treize domestiques (ce qui fait de lui une rare exception quant au nombre de domestiques employés). Seigneur, il est aussi et surtout homme d'affaires et marchand, activités qui lui permettent, en 1681, d'une part de posséder un patrimoine financier, mobilier et irnmobilier impressionnant pour l'époque estimé à 476.000 livres et d'autre part d'afficher un certain goût pour la noblesse95.

Pour cerner plus précisément qui sont les maîtres de domestiques en 1681, il convient de s'intéresser aux raisons qu'ils ont de les employer, sans pour autant entrer trop en détail dans la description des tâches (qui sera l'objet d'un chapitre ultérieur). Plusieurs cas de figures s'offrent à nous. D'un coté, il semble de plus en plus établi que nous sommes loin d'un modèle traditionnel de serviteurs domestiques dont l'occupation

95 Yves F. ZOLTVANY, • Aubert de la Chesnaye, Charles ». George W. BROWN, dir.. Dictionnaire Biographique du Canada, vol. 2 : de 1701 à 1740, S»ainte-Foy. Presses de l'Université Laval. 1969, p. 27-36.

principale serait par exemple l'entretien de la maison. De plus, nous avons vu que nous sommes en présence d'une société majoritairement de type agricole sur un territoire en pleine expansion et où l'intérêt principal, tant de la population que de l'administration royale, est le défrichage, le peuplement et la culture du sol.

À partir de là, nous pouvons utiliser plusieurs types de données mis à notre disposition par le recensement pour tenter de cerner dans quelles circonstances des chefs de familles vont employer des domestiques. Ces instruments sont entre autres la superficie des terres en valeur (c'est à dire cultivées) possédées par ces maîtres et le nombre d'enfants présents dans chaque foyer ainsi que leur sexe et leur âge (et donc indirectement leur capacité à travailler sur les terres familiales évitant donc ainsi l'embauche de domestiques agricoles).

La mise en relation des terres en valeur et du nombre de domestiques employés devrait nous permettre d'affirmer ou d'infirmer que ceux-ci sont présents comme main-d'œuvre agricole. Malheureusement, un élément important n'est pas mis à notre disposition par le recensement : en effet, si nous connaissons la superficie des terres en valeur, cultivées, pour chaque ménage, nous ne connaissons pas la

superficie totale des terres occupées par ceux-ci. Ainsi, il semble impossible de déterminer si les domestiques présents le sont pour défricher des terres à mettre en valeur ou bien pour cultiver des parcelles déjà défrichées. Cependant, nous pouvons nous permettre d'apporter un indice qui voudrait que le défrichement ne soit encore vraiment pratiqué que chez les cultivateurs possédant moins de vingt arpents en valeur, alors que ceux possédant plus de vingt arpents en valeur se concentrent plutôt sur la culture de ces terres.

On s'aperçoit que la croissance des terres en valeur concorde avec une augmentation, légère et non proportionnelle, du nombre de serviteurs

employés dans ce cadre (tableau 15). En effet, la représentation graphique des courbes de tendance de ces deux séries de données nous montrerait que l'écart tend à se creuser entre la taille moyenne des terres et le nombre moyen des domestiques employés : cela montre une tendance générale à l'augmentation du nombre de domestiques employés à mesure que la superficie des terres en valeur augmente.

Tableau 15: Taille moyenne des terres en valeur (en arpents) des ménages- employeurs de domestiques et nombre moyen de domestiques (hors congrégations

religieuses).

^ ^ ^ ^ ^ Taille moyenne des Nombre Nombre de ^ ^ ^ ^ ^ terres en valeur moyen de ménages terres cultivées ^ ^ ^ (arpents) domestiques concernés 1 à 9 arpents 5,6 1,5 20 10 à 19 arpents 13,33 1,09 42 20 à 29 arpents 22,23 1,35 26 30 à 39 arpents 31,2 1,4 15 40 à 49 arpents 40,8 2,2 20 50 à 59 arpents 50,5 1,9 10 60 à 69 arpents 60 2,73 11 70 à 79 arpents 80 à 89 arpents 80 1 1 90 à 99 arpents 90 3 1 100 à 109 arpents 100 2,57 7 110 à 119 arpents 120 à 129 arpents 125 9 1 130 à 139 arpents 140 à 149 arpents 150 arpents et plus 174 4,8 5 Aucun arpent cultivé - 1,69 51

Cependant, comme les domestiques et leurs maîtres sont recensés dans leur lieu de résidence au moment où l'agent recenseur fait sa visite officielle, on ne peut considérer comme domestiques agricoles tous ceux qui se trouvent à ce moment-là dans un cadre urbain. Nous avons donc retiré du précédent tableau tous les employeurs qui se trouvaient lors du recensement dans les murs des trois principales villes : Montréal, Québec

et Trois-Rivières. Le résultat de cette opération montre que 102 des 119 ménages ruraux employeurs dont le chef de famille est un laïc, soit 86%, ont entre un seul et quatre domestiques, et 60 arpents de terres en valeur ou moins. Seulement sept ménages emploient cinq domestiques ou plus sur des terres cultivées n'excédant qu'à trois occasions 70 arpents (tableau

16). Ainsi, la très grande des majorités des ménages situés dans un cadre rural n'emploient finalement que très peu de domestiques.

Tableau 16 : Répartition des ménages-employeurs dans un cadre rural et laïc, selon la superficie des terres en valeur et le nombre de domestiques employés.

Terres cultivées

en arpents 1-2 dom. 3 - 4 dom. 5 - 6 dom. 7 - 8 dom. 9 - 10 dom. 11 - 12 dom. Total 1 à 9 10 à 19 20 à 29 30 à 39 40 à 49 50 à 59 60 à 69 70 à 79 80 à 89 90 à 99 100 à 109 110 à 119 120 à 129 130 à 139 140 à 149 150 et plus Non donné 14 31 15 10 9 3 4 1 1 3 1 5 3 2 1 2 1 1 1 1 16 32 18 11 16 6 7 1 4 1 3 44 1 à 9 10 à 19 20 à 29 30 à 39 40 à 49 50 à 59 60 à 69 70 à 79 80 à 89 90 à 99 100 à 109 110 à 119 120 à 129 130 à 139 140 à 149 150 et plus Non donné 1 2 3 3 1 1 2 1 1 1 1 16 32 18 11 16 6 7 1 4 1 3 44 Total 95 17 4 1 1 1 119

De ces 119 ménages, on en dégage 93 qui comptent au moins un enfant dont 78 comprenant au moins un garçon. Une relation qui pourrait exister entre le nombre d'enfants présents dans chaque famille et le nombre de domestiques apparaît si l'on s'attache à observer plus particulièrement les garçons, selon qu'ils ont plus ou moins de quinze ans. En effet, il semble que le nombre de domestiques diminue alors que le nombre de jeunes gens de plus de quinze ans augmente au sein des

ménages (tableau 17). Les ménages qui ne comptent aucun fils de plus de quinze ans rassemblent 59% des domestiques employés par ce groupe de 78 ménages.

Tableau 17: Répartition des ménages ruraux selon le nombre de domestiques employés et selon : (a) le nombre d'enfants; et (b) le nombre fils de plus de 15 ans

présents dans les ménages de (a) ayant au moins un enfant, Canada, 1681.

Enfants (a) 0 10 11 12 13 Total 1 dom 19 12 10 13 77 2 dom 18 3 dom 11 4 dom / Total 25 19 12

1

12 Garçons de plus de 15 a n s ( b ) 1 dom 2 dom 3 dom 4 dom Total 0 43 9 6 2 60 1 5 4 2 2 13 2 5 1 6 3 4 1 5 4 1 1 1 3 Total 58 15 9 5 87 112

Nous considérons à ce propos que les enfants de plus de quinze ans présents dans les familles qui cultivent une terre représentent autant de bras dévoués à cette activité, réduisant alors la nécessité d'employer des domestiques agricoles pour les travaux de la terre.

B-3. Les domestigues de l'Église.

Les congrégations religieuses se placent parmi les plus gros employeurs de domestiques au Canada en 1681. Ils ont en effet sous leurs

ordres 123 des 489 domestiques recensés, soit un quart de ce groupe. Le relevé fait à partir du recensement s'illustre par le tableau suivant :

Tableau 18: Les domestiques de religieux selon leur localisation géographique et leur sexe.

Lieu Ordre Membres Domestiques Sexes

Hommes ; Femmes

Domestiques /religieux

Québec - Hôtel-Dieu Hospitalières 28 25 22 3 0,89 Pays d'en Haut (Mission des Outaouaets / Mission

des Iroquois aux Nations iroquoises) Jésuites 17 24 24 1,41 Montréal - Congrégation Notre-Dame et séminaire

de la congrégation

Congrégation

Notre-dame 26 20 20 0,77 Montréal - Séminaire Sulpiciens 10 13 13 1,30 Québec - Séminaire Séminaire 48 12 11 1 0,25 Québec - Maison des Jésuites Jésuites 19 10 10 0,53

Montréal - Hôpital 13 5 5 0,38

Québec - Couvent des Ursulines Ursulines 55 4 4 0,07 Prairie de la Madeleine Jésuites 2 3 3 1,50 Sillery - Mission des Abénaquis et Algonquins) Jésuites 3 3 3 1,00 Québec - Couvent des Récollets Récollets 18 2 2 0,11 Beauport - Mission des Outaouaets Jésuites 6 1 1 0,17

Sault Saint-Louis Jésuites 2 1 1 0,50

Total 247 123 118 5 0,50

On remarque immédiatement une certaine concentration des domestiques au sein d'un petit nombre de congrégations. En tête, le couvent des Hospitalières de Québec (l'Hôtel-Dieu), qui regroupe vingt-huit religieuses sous la direction de la révérende mère de Saint-Bonaventure, et vingt-cinq domestiques dont vingt-quatre attachés directement à la Congrégation (le vingt-cinquième domestique déclaré dans le tableau ci- dessus est attaché personnellement à Marie-Barbe de Boulogne, veuve de Louis d'Ailleboust, ancien gouverneur du Canada, résidente à l'Hôtel- Dieu). Cependant, cette apparente concentration n'est qu'illusoire. Certes, les domestiques recensés dans les missions, celles des Outaouaets ou la mission des Iroquois aux nations iroquoises notamment, sont effectivement présents dans ces lieux lors du passage du recenseur. Mais les domestiques, tout comme les religieux, déclarés présents dans les

différentes confréries ne le sont pas forcément dans les faits : les Récollets de Québec par exemple, comptent vingt pensionnaires dont deux domestiques, et pourtant ces vingt personnes ne résident pas toutes à Québec, à l'image de Exuper Déthune, missionnaire à Percé ou de Xiste le Tac, missionnaire à Trois-Rivières. Ainsi, alors qu'ils sont tous regroupés dans le recensement, on s'aperçoit que la majorité des religieux se retrouvait aussi loin que Percé, l'île d'Orléans, Port-Royal, Boucherville, Repentigny, Saint-Ours, Verchères etc.96

La répartition des domestiques, et donc le nombre précis de personnes affiliées à tel ou tel lieu ou personnage est difficile à cerner. Cependant, on peut supposer qu'ils ne suivent pas les missionnaires ou les curés itinérants97 desservant plusieurs paroisses, mais plutôt qu'ils

restent attachés professionnellement à la « maison-mère » de l'institution pour laquelle ils travaillent. En effet, il semble très peu probable que les curés itinérants et les missionnaires aient été accompagnés de domestiques, et il est fort à parier que ces derniers étaient plutôt concentrés dans les villes, au service des pensionnaires des institutions religieuses, des malades des Hôtels-Dieu, cantonnés à un simple exercice d'entretien domestique des grandes bâtisses possédées par les congrégations dans les villes mais aussi, nous le verrons, de soins aux malades. François Rousseau apporte cependant un doute en évoquant seulement huit engagés et une servante ayant fait la traversée avec les Augustines pour la fondation de l'Hôtel-Dieu de Québec98, puis plus loin

en parlant de seulement trois ou quatre domestiques entretenus par cette institution à la fin du XVIIème siècle99 ou encore de « six domestiques, qui

9 6 Ces quatre derniers lieux se situant d a n s le gouvernement de Montréal, bien loin de

Québec.

97 Malgré u n édit de 1679 instaurant les cures fixes, « la fixité et l'inamovibilité des cures

demeurent [...] largement théoriques, l'évêque continuant à affecter ses effectifs où bon lui semble ». Alain LABERGE, « L'implantation de la paroisse d a n s la vallée du St.-Laurent aux XVIIème et XVHIè™- siècles ». d a n s Serge COURVILLE, dir.. Atlas historique du Québec.

La paroisse, Sainte-Foy, Presses de l'Université Laval, 2001. p. 16-17. 98 ROUSSEAU, op. cit. p. 47.

couchent dans les salles » en 1732100, alors que dans notre relevé, nous

comptons vingt-quatre domestiques recensés à l'Hôtel-Dieu de Québec (et ce, même si les chiffres avancés par François Rousseau montrent une augmentation sensible pour atteindre treize domestiques entretenus en

1750101).

La grande domination des hommes parmi ces serviteurs, 118 contre seulement 5 femmes, y compris chez les Ursulines et les Hospitalières, congrégations féminines, semble être un signe montrant que, outre la grande pénurie de femmes dans la colonie, les congrégations avaient bel et bien besoin de domestiques de sexe masculin. Là encore la taille des terres possédées semble prendre de l'importance : l'Église est parmi les plus gros propriétaires terriens de la vallée laurentienne. Les Jésuites, notamment, possèdent d'immenses terres à l'intérieur et à l'extérieur des villes, voire des seigneuries complètes comme la seigneurie de Laprairie, confiée à Jacques Habert (recensé à Québec et non à Laprairie) qui emploie trois domestiques. Mais tout comme pour les membres de ces congrégations, les superficies des terres en valeur déclarées dans le recensement ne constituent pas des terres d'un seul tenant, mais plutôt la somme de plusieurs parcelles réparties à travers le territoire canadien.

Ainsi, les domestiques du Canada sont répartis sur tout le territoire et se retrouvent dans les familles appartenant à toutes les couches de la société, du petit artisan au grand seigneur. Tantôt employés de maisons urbaines, tantôt main-d'œuvre pour les exploitants agricoles, souvent employés des congrégations religieuses, leur répartition laisse présager les tâches qu'ils vont devoir accomplir le temps de leur service. Cependant, cette répartition affichée dans les lignes du recensement reste source de

îoo lbid., p . 8 9 . loi lbid., p . 9 2 .

difficultés et d'interrogations quant à la situation géographique exacte de ces personnes, laissant croire à un état d'employé sujet à de possibles relocalisations selon les besoins des employeurs en domestiques. Quoi qu'il en soit, il semble que le choix des maîtres et la diffusion de la main- d'œuvre domestique au Canada soient reliés à un élément essentiel : le métier de domestique en tant que tel.

Conclusion.

Le groupe des domestiques semble donc posséder des caractéristiques qui lui sont propres : des hommes surtout (du fait notamment du manque de femmes sur le territoire), en général jeunes et célibataires, composent cette part infime quoique bien présente de la population du Canada. Issus comme la plupart des colons de l'Ouest de la France, ils se répartissent sur toute la surface du nouveau pays, avec une dominance marquée du gouvernement de Québec, et les seigneuries ne présentant aucun domestique sont très peu nombreuses. Le caractère anonyme d'une grande partie du groupe, témoin du faible niveau de considération sociale accordée aux domestiques, bloque cependant toute analyse poussée surtout en ce qui a trait aux origines de ces personnes.

Les employeurs laïcs, en grande majorité des agriculteurs, emploient bon nombre de ces hommes et femmes d'abord et surtout pour les travaux de la terre, mais nous retrouvons aussi bon nombre de domestiques employés dans un cadre plus urbain, regroupant la quasi-totalité des groupes professionnels au sein des employeurs. Si le rapport domestiques/employeur reste assez faible dans le cas des laïcs, les congrégations religieuses se présentent comme des employeurs massifs de personnel domestique, du fait d'abord de la taille notable de leurs propriétés, mais aussi, comme nous allons le voir par la suite, du fait du caractère particulier des tâches qui leurs sont attribuées.