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Les domestiques au Canada en 1681 : étude d'un groupe à partir du recensement nominatif de la Nouvelle-France de 1681

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FLORENT PANZANI

Licencié en Histoire Université de Marne la Vallée

L E S DOMESTIQUES AU CANADA EN 1 6 8 1 .

ÉTUDE D'UN GROUPE À PARTIR DU RECENSEMENT NOMINATIF DE LA NOUVELLE-FRANCE DE 1 6 8 1 .

Mémoire présenté

à la Faculté des Études Supérieures de l'Université Laval

pour l'obtention

du grade de Maître ès Arts (M. A.)

Département d'histoire FACULTÉ DES LETTRES

UNIVERSITÉ LAVAL

DÉCEMBRE 2002

© Florent Panzani, 2002

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RÉSUMÉ

Le groupe des domestiques présents au Canada en 1681 et retrouvés dans le recensement nominatif de cette même année possède des caractéristiques qui lui sont propres. Principalement composé de jeunes hommes, issus en majorité de l'immigration mais aussi des premières générations de Canadiens, il se distingue des autres classes professionnelles et sociales de par la répartition des individus à travers tout le territoire et dans des foyers de toutes classes sociales, ainsi que par ses fonctions très étendues, depuis la simple servante, jusqu'à l'infirmier. De ce métier qui semble n'être qu'un passage dans la vie de beaucoup ressortiront des individus aux destins divers, la plupart devenant agriculteurs, d'autres ayant des opportunités d'ascension sociale plus surprenantes.

Florent PANZANI Alain LABERGE

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AVANT-PROPOS

Plusieurs personnes ont contribué d'une manière ou d'une autre à la confection de ce mémoire et au cheminement universitaire qui l'a précédé. Ces personnes, je me dois de les remercier. En tout premier lieu, mes parents, sans qui mon aventure québécoise et ces trois années d'études n'auraient pas été possibles, merci pour votre aide, votre compréhension et pour les sacrifices que cela a parfois exigé.

Il me faut aussi féticiter et remercier vivement le corps professoral et le personnel administratif du département d'histoire de l'Université Laval pour son accueil qui confirme une fois de plus cette excellente réputation dont jouissent les Québécois au-delà des océans : Mme. Claire Dolan, Mme. Johanne Daigle, M. Marc Vallières et tous ces professeurs qui m'ont lu, corrigé et guidé dans mon cheminement.

Enfin, pour son soutien, son aide, son savoir et sa patience face à mes interrogations, mon sens inné pour comptiquer les choses et les nombreuses lectures de correction, merci à M. Alain Laberge qui m'a proposé ce sujet et m'a aidé à mener le projet à terme.

« A U X VERTUS QU'ON EXIGE D'UN DOMESTIQUE, VOTRE EXCELLENCE CONNAÎT-ELLE BEAUCOUP D E MAÎTRES QUI FUSSENT DIGNES D'ÊTRE

VALETS? »

BEAUMARCHAIS, L E BARBIER DE SEVILLE, A C T E I, s c . 2 .

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SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ANC : Archives nationales du Canada. ANQ : Archives nationales du Québec. APC : Archives pubUques du Canada.

DBC : Dictionnaire biographique du Canada.

JDCS : Jugements et délibérations du Conseil souverain de la Nouvelle-France.

PRDH : Programme de recherches en démographie historique de l'Université de Montréal.

(5)

RÉSUMÉ II

A V A N T - P R O P O S III

SIGLES ET ABRÉVIATIONS IV

T A B L E D E S M A T I È R E S V

TABLE DES ILLUSTRATIONS VI

INTRODUCTION 1

I - L E C A N A D A D E 1681 18 A. CONTEXTE HISTORIQUE ET GÉOGRAPHIQUE 18

B. LA POPULATION CANADIENNE EN 1681 21

B-1. Répartition selon le sexe et l'âge 21

B-2. Situation matrimoniale 25 B-3. Origines sociales et géographiques de la population canadienne 27

B-4. Répartition géographique et occupationnelle de la population canadienne en

1681 31

II - LES DOMESTIQUES DE LA VALLÉE LAURENTIENNE EN 1681 : ÉTUDE

D'UN GROUPE 34

A. COMPOSITION DU GROUPE DES DOMESTIQUES 34

A-1. Nombre et répartition selon le sexe et l'âge 35

A-2. Situation matrimoniale 38 A-3. Origines sociales et géographiques 41

B. RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE ET EMPLOYEURS 46

B-1. Répartition géographique au Canada : images de la ruralité 47

B-2. Les employeurs laïcs 51 B-3. Les domestiques de l'Église 57

III - LE MÉTIER DE DOMESTIQUE AU CANADA EN 1681 62

A. MAÎTRES ET DOMESTIQUES : UNE COHABITATION RÉGLÉE 62

A-1. Subsistance, occupation, correction : les trois devoirs du maître 63

A-2. Une fidélité sacrée ? Les devoirs du domestique 66

B. DOMESTIQUE : UN MÉTIER, UN REFUGE OU UN PASSAGE ? 71

B-1. Les tâches du domestique 71 B-2. Salaires et durée du service 77

C. AVENIR ET DEVENIR : LE FUTUR DES DOMESTIQUES DE 1681 80

CONCLUSION GÉNÉRALE 85

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T A B L E D E S I L L U S T R A T I O N S .

Tableaux.

TABLEAU 1: RAPPORTS DE MASCULINITÉ PAR GROUPES D'ÂGES EN 1681 2 3 TABLEAU 2: RÉPARTITION DE LA POPULATION DU CANADA EN 1681 SELON L'ÂGE ET LE SEXE 24

TABLEAU 3: STRUCTURE DE LA POPULATION CANADIENNE EN 1681 PARAGE, SEXE ET SITUATION

MATRIMONIALE 26 TABLEAU 4: RÉPARTITION PAR ÂGE ET PAR SEXE DES CANDIDATS AU MARIAGE AU CANADA EN 1681.

27

TABLEAU 5: ORIGINES RÉGIONALES DES EMIGRANTS FRANÇAIS AU CANADA (SELON LE PRDH) 30 TABLEAU 6: POPULATION MASCULINE DE PLUS DE 15 ANS SELON LE GROUPE PROFESSIONNEL,

CANADA, 1681 32 TABLEAU 7: RÉPARTITION DES DOMESTIQUES AU CANADA EN 1681 SELON LE SEXE ET L'ÂGE 38

TABLEAU 8: LES DOMESTIQUES AU CANADA EN 1681 SELON LE SEXE ET LA SITUATION

MATRIMONIALE 39 TABLEAU 9 : LES DOMESTIQUES AU CANADA EN 1681 SELON LEURS ORIGINES FAMILIALES ET LEUR

LIEU DE NAISSANCE OU DE BAPTÊME 4 4 TABLEAU 10: ORIGINES GÉOGRAPHIQUES DES DOMESTIQUES DU CANADA BAPTISÉS EN FRANCE,

1681 45

TABLEAU l l : RÉPARTITION DE LA POPULATION AU CANADA EN 1681 47 TABLEAU 12: RÉPARTITION DES DOMESTIQUES DANS LES TROIS GOUVERNEMENTS DU CANADA EN

1681 (HORS CONGRÉGATIONS RELIGIEUSES) 4 8 TABLEAU 13: RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES DOMESTIQUES ET DES MÉNAGES EMPLOYEURS

SELON LES DIVISIONS TERRITORIALES DE 1681 (HORS CONGRÉGATIONS RELIGIEUSES,

HÔTELS-DIEU ET MISSIONS) 50 TABLEAU 14: RÉPARTITION DES MAÎTRES ET DES DOMESTIQUES AU CANADA EN 1681 SELON LA

CATÉGORIE SOCIOPROFESSIONNELLE DU MAÎTRE (CLASSIFICATION DU PRDH) 52 TABLEAU 15: TAILLE MOYENNE DES TERRES EN VALEUR (EN ARPENTS) DES MÉNAGES-EMPLOYEURS

DE DOMESTIQUES ET NOMBRE MOYEN DE DOMESTIQUES (HORS CONGRÉGATIONS RELIGIEUSES).

55

TABLEAU 16 : RÉPARTITION DES MÉNAGES-EMPLOYEURS DANS UN CADRE RURAL ET LAÏC, SELON LA

SUPERFICIE DES TERRES EN VALEUR ET LE NOMBRE DE DOMESTIQUES EMPLOYÉS 5 6 TABLEAU 17: RÉPARTITION DES MÉNAGES RURAUX SELON LE NOMBRE DE DOMESTIQUES EMPLOYÉS

ET SELON : (A) LE NOMBRE D'ENFANTS; ET (B) LE NOMBRE FILS DE PLUS DE 1 5 ANS PRÉSENTS

DANS LES MÉNAGES DE (A) AYANT AU MOINS UN ENFANT, CANADA, 1 6 8 1 5 7 TABLEAU 18: LES DOMESTIQUES DE RELIGIEUX SELON LEUR LOCALISATION GÉOGRAPHIQUE ET LEUR

SEXE 58

TABLEAU 19: EXEMPLES DE RECONVERSION PROFESSIONNELLE DES DOMESTIQUES DE 1681 82

Figures.

FIGURE 1 : DISTRIBUTION DES TERRES DANS LA RÉGION DE QUÉBEC (MONTRANT LES VILLAGES

(7)

Depuis l'émergence de l'histoire sociale, les historiens se sont intéressés à de très nombreux groupes sociaux, différents tant par leurs particularités socio-économiques, leurs origines spatio-temporelles que leur composition. On constate, avant les années 1970, que l'intérêt est plus porté sur les biographies des grands hommes poUtiques, militaires ou reUgieux. Cependant, depuis les années 1970, de nouvelles recherches sur des groupes qui étaient jusqu'alors marginaUsés dans les préoccupations antérieures se multipUent. Ainsi voit-on, en France notamment, mais aussi dans de nombreux mUieux historiens à travers le monde, des travaux sur les femmes, les prisonniers, les prostitué(e)s, les ouvriers, les mendiants etc. L'entreprise semble d'envergure. Reprenant une phrase de Balzac, force est de constater qu'un sujet tel que celui que nous désirons présenter peut être pertinent : « U est impossible, ni par le bienfait, ni par l'intérêt, de rompre l'accord éternel des domestiques avec le peuple. La Uvrée sort du peuple et lui reste attachée »l. C'est dans cette optique, en particulier

parce qu'Us sont une part bien présente mais laissée pour compte du peuple, que nous avons décidé de nous pencher sur ces domestiques.

Si l'on s'intéresse à l'historiographie connue sur le sujet, on peut retrouver bien des études sur le personnel de maison. Certaines époques ont apparemment plus intéressé les historiens que d'autres : par exemple, bon nombre d'études portent sur les esclaves et les serviteurs de l'antiquité. De la même manière, de très nombreux ouvrages ont été pubUés sur le personnel domestique en Europe et en Amérique du Nord pour la fin du XVIIIème, et les XIXème et XXéme siècles. La France et la

Grande-Bretagne sont des terrains d'étude privilégiés dans ce cadre.

(8)

la démarche et dans l'organisation des travaux des historiens. En effet, la plupart des études proposées sur les domestiques suivent un découpage selon des axes récurrents. Ainsi nous retrouverons une étude du nombre, des origines et de la répartition des domestiques, des relations des domestiques avec les employeurs et entre eux, des conditions de vie et de travail, des tâches et de leur rémunération.

Dans l'optique d'une étude du groupe en particulier (nombre, origines, distribution spatiale), on retrouve en général des études dont le sujet est un groupe de domestiques à une période et dans un lieu définis2,

tels les travaux de Claudette Lacelle sur « les domestiques dans les viUes canadiennes au XIXème siècle3 ». Il s'agit, grâce à différentes sources, de

savoir exactement quel était le nombre de domestiques dans la période choisie, leur proportion par rapport au reste de la population ou encore par rapport à d'autres corps de métiers. De là, on peut plus facilement considérer l'importance de ce groupe, et, pourquoi pas, comparer cette importance avec d'autres Ueux ou époques. Il s'agit d'une étude essentieUement quantitative. L'étude des effectifs s'élargit aussi vers leurs origines, pays, région, cadre rural ou urbain, mais aussi vers leur destination : où et chez qui aUaient-ils ? Partant de ce point, l'étude des domestiques coule invariablement vers une étude des maîtres. En effet, U convient de savoir quel type de population emploie des domestiques, de savoir s'il s'agit forcément d'un patronat très aisé des villes ou bien s'il peut aussi s'agir d'un patronat rural. Pour répondre à toutes ces questions, l'historien va donc étudier les employeurs de domestiques, en s'intéressant par exemple au nombre d'employés de maison qu'ils possèdent ou encore à leur profession, leurs revenus etc. Dans son essai

sur les domestiques aux États-Unis au début du XXème siècle, George J.

2 On ne retrouve en effet a u c u n e étude globale de la domesticité à travers les âges.

s Claudette LACELLE, «Les domestiques d a n s les villes canadiennes au XIXc,m siècle :

effectifs et conditions de vie », Histoire Sociale / Social History, vol. 15, n°29 (mai 1982), p. 181-207.

(9)

profession4. En plus de donner leur nombre de façon très précise et leur

proportion par rapport au reste de la population ou au nombre de famUles, il va aller comparer les résultats de ses recherches pour les États-Unis avec des pays européens.

Cissie Fairchilds, entre autres, consacre un ouvrage important sur l'aspect relationnel. Dans Domestic enemies. Servants and Their Masters

in Old Regime France5, elle propose une étude détaiUée des relations que

les domestiques entretiennent avec leurs maîtres dans la France de l'Ancien Régime. Son étude consiste particulièrement en une description de l'attitude des serviteurs envers leur maître et inversement, des relations qu'ont les domestiques avec les enfants des maîtres et enfin des relations entre maîtres et serviteurs sur le plan sexuel et « le bouleversement social que peut entraîner le rapport intime entre maître et domestique »6, ce point

semblant intéresser vivement la plupart des historiens qui se penchent sur le sujet, peut-être intrigués par ce mot de Flaubert dans le Dictionnaire des idées reçues où U donne des femmes de chambre cette description : « toujours déshonorées par le fils de la maison »7. Dans la vie quotidienne

des domestiques en France au XIXème siècle, Pierre Guiral et Guy ThuUUer

consacrent une grande part de leur étude sur ces relations8. Les relations

des domestiques entre eux et avec le reste de la société sont aussi mises en valeur par certains historiens. Jean-Pierre Gutton nous donne un bon

4 George J . STIGLER, Domestic servants in the United States, 1900-1940^ New-York,

National Bureau of Economie Research, n°24, avril 1946, 44 p.

6 Cissie FAIRCHILDS, Domestic enemies. Servants and their masters in old regime France^ Baltimore & Londres, The J o h n Hopkins University Press, 1984, 325 p.

e Anne MART1N-FUGIER, La place d e s bonnes. La domesticité féminine à Paris en 1900, Paris, Grasset, 1979, p. 172.

7 lbid., p. 204.

» Pierre GUIRAL et Guy THUILLIER, La vie quotidienne des domestiques en France au X1X""W siècle^ P.aris, Hachette, 1978, 287 p.

(10)

au sein du reste de la population9.

Enfin, une grande part des travaux sur les domestiques est consacrée au travaU de domestique lui-même : quelles sont les différentes catégories de domestiques et serviteurs, quelles sont les tâches assignées à chacune de ces catégories et combien gagnent-ils ? Dans son chapitre sur l'espace de travail, Anne Martin-Fugier décrit le processus d'entrée des bonnes sur le marché du travail à Paris, les risques de chômage et les moyens de placement. La description des tâches se fait surtout par l'étude des différents types de domestiques, de la femme de chambre à la gouvernante en passant par le chef cuisinier, le cocher ou le précepteur10.

M. Ebery et B. Preston nous renseignent de la même manière à propos de l'Angleterre de 1871 à 1914, en combinant à cette étude une description détaUlée des salaires et revenus des domestiques11.

Cependant, lorsque l'on s'attarde plus précisément sur l'Ancien Régime, les ouvrages deviennent beaucoup plus rares, et en ce qui concerne le Canada, presque inexistants. On recense cependant certains passages consacrés aux domestiques au Canada ou en NouveUe-France dans différents ouvrages, comme la courte partie qui leur est consacrée par Yvon Desloges dans Une ville de locataires : Québec au XVIIIéme siècle72

ou encore dans Habitants et Marchands de Montréal de Louise Dechêne13.

On peut déplorer que les deux ouvrages importants sur le sujet ne concernent que la métropole et n'abordent pas les colonies. Ces deux ouvrages sont Domestic Enemies. Servants and Their Masters in Old

9 Jean-Pierre GUTTON, Domestiques et serviteurs dans la France de l'Ancien Régime,

Paris, Aubier, 1981, 252 p.

io MARTIN-FUGIER, op. cit., pp. 41-138.

11 Mark EBERY & Brian PRESTON, Domestic Service in Late Victorian and Edwardian England, 1871-1914, Londres, George Over, 1976, 117 p.

12 Yvon DESLOGES, Une ville de locataires : Québec au XVUFme siècle, Ottawa, Lieux

historiques nationaux, Service des parcs, Environnement Canada, 1991.

i3 Louise DECHÊNE, Habitants et marchands de Montréal au XVIF"'e siècle, Montréal,

(11)

France de l'Ancien Régime de Jean-Pierre Gutton15. Il ne faut cependant

pas prendre pour acquis que rien ne s'est écrit à ce sujet : comme nous l'avons vu, nous pouvons retrouver de très nombreux articles consacrés aux XVIIème et XVIIIème siècles mais ceux-ci se penchent surtout sur des

vUles ou des régions de France, rarement sur le pays en entier, et encore moins sur ses colonies.

Ainsi, ce sont les domestiques vivant au Canada16 qui ont attiré

notre attention. L'année 1681 s'impose notamment car c'est cette année-là que l'intendant Duchesneau signe le troisième et dernier recensement nominatif appfiqué à toute la vallée du Saint-Laurent.

Le but est ici d'arriver à étudier le groupe des domestiques au Canada en 1681 afin d'observer si la situation que l'on retrouve sur ces terres nord-américaines pourrait refléter une réalité bien établie en France, c'est-à-dire une domesticité majoritairement féminine et divisée entre le service des puissants urbains et celui des exploitants agricoles, un monde où l'emploi d'hommes comme serviteurs est l'apanage des plus aisés. De plus, nous tenterons de nous interroger sur une possible ressemblance entre la métropole et la nouvelle province quant à une présence très massive de serviteurs dans les vUles, mais aussi sur les caractères particufiers de cette profession qui feraient des domestiques « les premiers salariés » de l'histoire de France17.

La problématique de départ consiste alors à s'interroger sur qui sont les domestiques en Nouvelle-France en 1681, en cernant des éléments tels

14 FAIRCHILDS, op. cit. Nous consulterons aussi son article « Masters and servants in 18th

century Toulouse » d a n s Journal of Social History, vol. 12, n°3 (printemps 1979), p. 368-395.

is GUTTON, op. cit.

ie Le terme de « Nouvelle-France » sera ici volontairement écarté car, comme nous le verrons d a n s le chapitre suivant, il s'applique à une réalité physique différente de celle présentée dans le recensement pourtant dit « de la Nouvelle-France ». c'est donc au Canada que n o u s allons n o u s intéresser d a n s cette étude.

(12)

sociales et géographiques etc. tout comme les caractéristiques propres à ce travail et à ceux qui l'offrent. Il s'agit donc ici de reprendre les grands principes des questionnements qui apparaissent dans de nombreuses études socio-historiques. Le découpage tant des points étudiés que des sources et documents utilisés se fera en deux parties. Dans un premier temps, nous utiliserons des sources nous apportant des données statistiques et chiffrées, le recensement de 1681, que nous présenterons plus bas, étant la pièce maîtresse de ce corpus. Une seconde grande étape nous amènera vers d'autres types de sources comme les études et travaux évoqués plus haut et plusieurs documents qui pourront apporter une dimension plus humaine à cette description d'un groupe.

L'année 1681 marque la tenue du troisième et dernier recensement nominatif de la NouveUe-France. C'est cette année-là que l'intendant Duchesneau effectuera une tâche que le roi Louis XIV, déçu d'apprendre le faible niveau de population dans la vallée du Saint-Laurent, avait expressément commandé au gouverneur Louis Buade de Frontenac en

1673.

« Vous devez tenir la main à ce que l'ordre que je donne au Sr Duchesneau de faire un recensement général de

tous les habitans de tous aages et sexes soyt ponctuellement exécuté, ne pouvant pas me persuader qu'il n'y ayt que 7832 personnes, hommes, femmes, garçons et filles dans tous le pais, en ayant faict passer u n plus grand nombre, depuis quinze ou seize a n s que j'en prend soing ; il faut de nécessité qu'il y ayt une partie considérable d'habitants qui ayt été obmise ; c'est pouquoy je veux qu'il en soyt faict un plus exact et que l'on m'informe avec soing tous les a n s du nombre

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des garçons et filles nez dans le pais qui auront esté mariez »18

Signalons que très peu de références directes seront faites au recensement original, difficilement accessibles à des fins d'études mais repris de manière complète dans divers ouvrages historiques. Aussi, la partie de notre recherche axée sur la composition du groupe en tant que telle se basera sur le Recensement annoté de la Nouvelle-France, 1681

rédigé et publié par André Lafontaine en 198119. Cette version s'impose

d'elle-même comme source principale puisque l'auteur a recopié et corrigé la version originale du recensement et y a ajouté à l'occasion, comme son titre l'indique, des notes sur bon nombre de personnes recensées en se

basant sur des travaux importants qui ont marqué le monde historien20.

André Lafontaine l'a donc retranscrit en tentant de respecter au mieux sa forme originale (présentation et dans la mesure du possible orthographe des noms) et y a également ajouté à de nombreuses reprises des annotations portant sur certaines personnes ou sur certains Ueux. Ces notes comprennent pour la plupart d'autres versions de l'orthographe du nom du personnage, ses origines géographiques ou des renseignements concernant son mariage, ainsi que des références renvoyant à plusieurs études de démographie historique ou de généalogie comme le Dictionnaire

18 « Lettre du Roy à M. le Comte de Frontenac, 16 avril 1673 », J e a n BLANCHET,

Collection de manuscrits contenant lettres, mémoires, et autres documents historiques relatifs à la Nouvelle-France: recueillis aux Archives de la province de Québec ou copiés à l'étranger ; mis en ordre et édités sous les auspices de la Législature de Québec, avec table, etc., Québec, 1883, p. 236.

19 André LAFONTAINE, Recensement annoté de la Nouvelle-France 1681, Sherbrooke,

1981.

20 Entre autres le Dictionnaire Tanguay. André Lafontaine s'est basé sur de nombreuses études socio-historiques, démographiques, généalogiques ainsi que sur des monographies.

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Tanguav27. Aujourd'hui les travaux du Programme de Recherches en

Démographie Historique de l'Université de Montréal (PRDH) et d'autres historiens sont disponibles et seront d'une grande utUité dans le cadre de nos recherches22.

En ce qui concerne le contenu, le recensement nous donne, suivant une progression géographique, la liste des ménages recensés les uns après les autres, avec les renseignements suivants23 :

• Prénom, nom et âge du chef de famUle, avec l'indication du nom du mari décédé dans le cas d'une veuve.

• Sa profession.

• Prénom, nom et âge de son conjoint si le chef de famille est un homme.

• Prénom, nom et âge d'autres personnes faisant partie du ménage, avec parfois leur titre exact (frère, sœur, mère... de tel ou tel membre du ménage).

• Prénom, nom et âge des enfants du ménage en faisant la distinction pour les enfants d'un premier Ut de l'un ou l'autre des parents.

• Prénom, nom et âge des domestiques et apprentis recensés dans le ménage et parfois leur spécialité (cuisinière, servante etc.).

• Le nombre d'armes à feu possédées par le ménage.

21 Cyprien TANGUAY, Dictionnaire généalogique des familles canadiennes depuis la

fondation de la colonie jusqu'à nos jours, Montréal, E. Sénécal & Fils, 1871-1890. Cette oeuvre a été reconnue lors de sa parution pour sa grande nouveauté, mais aussi depuis vivement critiquée pour le caractère archaïque ou douteux de certains passages, ainsi que pour la méthode de recherches utilisée.

22 Pour la réédition en 1983 de son ouvrage, Lafontaine a ajouté des informations fournies

par le PRDH.

2 3 La totalité de ces renseignements n'est que très rarement disponible pour u n seul

ménage. On trouvera par exemple un certain nombre de personnes sans nom de famille, ou dont l'âge n'est pas indiqué. Le schéma général reste sensiblement le même pour les membres des communautés religieuses.

(15)

par le ménage.

• La superficie en arpents2 4 des terres mises en valeur (cultivées)

par le ménage.

Malgré son grand intérêt et son utilité démontrée, certaines critiques peuvent être émises à l'endroit de cette source : tout d'abord André Lafontaine commet parfois dans ses notes des erreurs qui jettent un doute terrible dans l'esprit du lecteur et qui poussent les plus perfectionnistes à vérifier toutes les informations à partir d'autres documents. De plus, en cas de doutes sur l'orthographe précise des noms, André Lafontaine s'est fié principalement aux travaux de Cyprien Tanguay, qui lui-même présente certaines différences avec d'autres travaux comme ceux du PRDH, ce qui une fois encore ralentit les recherches en nous poussant à effectuer des croisements parfois périlleux afin de confirmer que deux noms différents appartiennent à une seule et même personne. Divers ouvrages et articles sont néanmoins à notre disposition afin d'isoler les meiUeures méthodes de vérification lorsque ces problèmes surviennent25.

Il faut aussi souligner que les notes ajoutées par André Lafontaine touchent en très grande majorité les chefs de famUles et très rarement les domestiques, certainement parce que des sources complètes sur ces derniers sont beaucoup moins évidentes à retrouver dans les fonds d'archives. En effet, on peut penser qu'une personne restée domestique toute sa vie (ou durant une grande partie de sa vie) n'apparaîtra pas ou

24 Une superficie d'un arpent valant 10 perches de 18 pieds de côté, soit 34,19 ares.

2 5 Pour connaître les méthodes à employer en cas de doute sérieux, nous nous baserons

s u r des travaux comme ceux de Gérard Bouchard et Patrick Brard exposés d a n s « Le programme de reconstitution des familles saguenayennes : données de base et résultats provisoires », article exposant les difficultés majeures rencontrées avec les noms de famille pour la région étudiée : variations graphiques ou orthographiques, variantes phonétiques, patronymes composés, prénoms composés, prénoms usuels multiples etc. Gérard BOUCHARD et Patrick BRARD, « Le programme de reconstitution des familles saguenayennes: données de base et résultats provisoires », Histoire sociale / Social history, vol. 12. n°23 (mai 1979), p. 170-185.

(16)

très peu sur des actes notariés comme des achats de terres, de bêtes, contrairement à des chefs de familles, propriétaires ou exploitants, avec une profession et des revenus qui leur permettent d'opérer certaines transactions dont la nature exacte sera consignée sur un document à valeur officielle. Enfin, une dernière « erreur » qui n'est pas forcément l'œuvre d'André Lafontaine est la relative difficulté à repérer la fonction, le titre ou la profession exacte des personnages. En effet, il faudra consulter d'autres documents pour s'apercevoir que certains domestiques ne sont pas qualifiés comme tels dans le recensement. Ces différentes critiques devront rester dans l'esprit du lecteur tout au long de la lecture. Bien que nous refaisions plusieurs fois allusion à ces remarques au cours du développement, le Recensement annoté reste la meUleure transcription existante et donc la source la plus appropriée pour ce travaU.

Cette présentation de la source principale nous permet d'introduire d'autres documents, non pas secondaires, mais complémentaires et très importants pour la suite du développement concernant le groupe en tant que tel.

L'élément majeur dans cette catégorie est l'impressionnante coUection éditée par le PRDH à partir de 1980. Le Répertoire des actes de

baptême, mariage, sépulture et des recensements du Québec ancien26 est,

comme son nom l'indique, une liste exhaustive des actes aujourd'hui disponibles relevés pour les XVIIème et XVIIIème siècles et de leur contenu, et

qui présente la particularité de fournir une copie du recensement de 1681 sous une forme codifiée à l'image du reste de la coUection. Les volumes présentent d'une manière chronologique tous les actes pour la période donnée, actes classés par type et par paroisse. Pour chaque acte présenté,

26 Hubert CHARBONNEAU dir., Répertoire des actes de baptême, mariage, sépulture et des recensements du Québec ancien, 47 vol., Montréal, Presses de l'Université de Montréal,

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le PRDH a indiqué les noms et Uens familiaux des personnes nommées, leur âge et parfois leur profession.

Dans sa codification, le PRDH recense les domestiques (domestiques, garçons de service, valets, servantes, palefreniers, commis, cochers et cuisiniers) sous le code professionnel 80 et une relecture complète de ce document a permis de retrouver des domestiques qui n'étaient pas déclarés comme tels de manière claire et évidente dans André Lafontaine (du fait de la présentation et de la mise en page souvent).

Un second ouvrage important sera grandement utUisé : U s'agit du

Dictionnaire généalogique des famiUes du Québec de René Jette27. Ce

dernier a repris les informations du PRDH et les a regroupés cette fois-ci non pas par type d'actes et par locaUsation géographique, mais par ordre alphabétique des noms de famille. Ce dictionnaire nous donne les noms des individus nés ou venus en NouveUe-France, leurs parents et leurs conjoints en y ajoutant les dates et Ueux de naissances, baptêmes, contrats et cérémonies de mariage, décès et sépultures, professions etc. Cette classification se fait uniquement par le nom de famille des hommes mais un répertoire des femmes dont les parents ne font l'objet d'aucune entrée distincte est disponible, ainsi qu'un index des surnoms et des variantes orthographiques principales des noms.

Après avoir vivement félicité René Jette dans l'introduction de ce dictionnaire, Hubert Charbonneau ajoutera plus loin : «dorénavant on ne dira plus l'inévitable dictionnaire Tanguay, mais l'indispensable

dictionnaire Jette »28. Ces simples commentaires résument parfaitement

pourquoi cet ouvrage servira grandement dans le cadre de nos recherches. D'un point de vue plus pratique, René Jette apporte des renseignements précieux sur bon nombre de domestiques, comme l'année de naissance

27 René JETTE, Dictionnaire généalogique des familles du Québec, Montréal, Presses de

l'Université de Montréal, 1983.

(18)

exacte, le moment d'entrée en service comme domestique, les origines géographiques ou sociales, les situations antérieures ou postérieures au service domestique, les dates de mariage et de décès etc.

A l'aide de ces différents outils, un dépouillement plus systématique du recensement peut être effectué. La première étape consiste à retrouver et isoler tous les personnages recensés déclarés ouvertement domestiques. Les quelques apprentis qui peuvent être mentionnés dans les pages du Recensement annoté ne seront pas retenus car un postulat de départ voudrait que la nature de leur travail au sein du ménage diffère trop de

celle des domestiques29, même s'U est possible que ceux-ci effectuent à

l'occasion certaines tâches ménagères. Ainsi nous ne suivrons pas Yvon Desloges qui regroupe sous le terme domestiques les apprentis, les ouvriers et les esclaves se basant sur la lecture de contrats d'apprentissages qui « précisent souvent que le jeune apprenti aura à accomplir des tâches domestiques »30.

Le repérage des domestiques dans le recensement se fait à l'aide d'un support tout désigné pour ce genre d'opération : la base de données, construite et traitée par informatique31. Cette méthode n'est pas nouveUe

et bon nombre d'historiens, d'historiens démographes et de généalogistes l'ont utiUsé et l'utilisent encore. De plus, les nombreux travaux menés à partir des années 1970 sur la population du Saguenay sont d'importantes sources de méthodes contribuant grandement à la mise sur pieds de la méthode employée dans cette recherche. On consultera notamment les articles de Gérard Bouchard pubUés dans la Revue d'histoire de l'Amérique française entre 1977 et 1978, tout comme l'article de Gérard Bouchard et

29 Ce point de vue sera n u a n c é et expliqué lorsque viendra le temps de se pencher sur les

tâches des domestiques. ao DESLOGES, op. cit. p. 2 7 1 .

(19)

Patrick Brard cité précédemment32 ou encore l'article de Jacques Légaré et

de son équipe pubUé dans la revue Recherches sociographiques : « la reconstitution de la population canadienne au XVIIème siècle : méthodes et

bUan d'une recherche »33.

À partir des renseignements fournis tant par le recensement lui-même que par le PRDH et René Jette, U nous est assez facUe de cerner et concevoir les rubriques importantes pour la conception de la base de données en fonction des questions posées dans la problématique. Dans un sens, chaque colonne de la base de données peut représenter une question faisant partie de cette problématique.

Pour savoir qui sont les domestiques, nous aUons repérer et consigner leurs noms, prénoms et surnoms (ou sobriquets) lorsqu'Us en ont un, leur âge et leur situation matrimoniale au moment du recensement. De plus, nous aUons tâcher de repérer leurs origines géographiques (Ueu de naissance) ou ceUes de leurs parents lorsque la première information est inconnue, ceci dans le but de pouvoir dresser une carte des régions françaises ou canadiennes fournissant du personnel domestique dans la colonie.

Pour évaluer leur répartition dans la colonie, U est nécessaire d'effectuer par la suite un repérage de la locaUsation géographique, des

noms, prénoms, âges et professions de leurs patrons34. Ceci nous permet

de constater plus facUement le profil des personnes que les domestiques vont être amenés à servir. À noter que la profession de l'employeur est assez rarement indiquée et on assumera que les chefs de farmlles sans profession déclarée (code professionnel 71 du PRDH) sont des agriculteurs

32 BOUCHARD et BRARD, loc. cit.

33 J a c q u e s LÉGARÉ, André LA ROSE, Raymond ROY, « Reconstitution de la population canadienne au XVIIème siècle : méthodes et bilan d'une recherche ». dans Recherches Sociographiques, vol. XTV. n°3 (septembre - décembre 1973), p. 383-400.

34 Les termes « patron » et « chef de famille » s'appliquent autant à des personnes physiques qu'aux congrégations religieuses, ceci pour toute la longueur de cette introduction.

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(codes professionnels 70 à 78 du PRDH), surtout lorsque ceux-ci vivent dans un cadre rural (on peut difficilement imaginer qu'un homme avec une famille à charge sans profession ni terre puisse engager, entretenir et loger des domestiques)35. De plus, le nombre de bêtes possédées par le patron,

ainsi que la superficie de ses terres et le nombre de domestiques qu'il emploie seront indiqués, ces données (parfois associées à la profession de l'employeur) étant de très bons indicateurs du niveau de richesse de ces employeurs.

De la même manière, nous indiquerons le nombre d'enfants de chaque sexe présents dans le ménage de l'employeur car nous aimerions tenter de vérifier l'hypothèse qu'U existe une relation étroite entre le nombre de fils en âge de cultiver la terre (dans le cas où le chef de famiUe serait un agriculteur exploitant) et le nombre de domestiques employés, ce nombre augmentant possiblement à mesure que les terres possédées sont plus vastes.

Pour savoir si la situation de domestique est un état transitoire ou permanent, nous indiquerons l'année du premier mariage (et les références du notaire ayant rédigé le contrat) ainsi que l'année de décès de chaque domestique. Ce repérage sous-entend une autre question à explorer : le mariage d'un domestique marque t-U la fin du service pour ouvrir la porte à une mise en ménage et à la culture d'une terre ou l'exercice d'une profession ?

A la suite de cette première étape, qui apportera le contenu du chapitre dédié au groupe des domestiques comme entité présente au sein d'une population, nous abandonnerons quelque peu les recensements et les listes nominatives pour nous pencher sur d'autres types de sources qui devront nous éclairer sur le métier de domestique en t»ant que tel, les

ss Cette dernière affirmation sera par la suite nuancée du fait notamment que plusieurs personnes qui ont effectivement u n e profession ou plus n'ont pas de profession indiquée d a n s les pages du recensement.

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conditions de vie et de travaU, les relations entre domestiques et avec les employeurs, les conditions d'entrée (et éventuellement de sortie) dans ce groupe distinct. Ce second corpus de sources consistera en une série d'études sur les domestiques en général, surtout en France. Nous irons également consulter certains greffes de notaires de la NouveUe-France, la législation émise par le ConseU souverain qui s'est, à plusieurs reprises, nous le verrons, penché sur la cas des domestiques ainsi que sur des textes plus généraux pubUés sous l'Ancien Régime qui pourraient nous éclairer sur la domesticité. Outre les Jugements et défibérations du ConseU souverain et les greffes de notaires, nous consulterons, entre autres, Jean-Pierre Gutton36, Jean-Pierre Hardy et David-Thiery Ruddel37

qui, en se penchant sur les apprentis en NouveUe-France, nous offrent de

bons indices concernant les domestiques, ou encore l'Abbé Fleury38 dont

les écrits apporteront une certaine lumière sur les relations entre employeurs et domestiques. Le but de cette seconde étape sera de passer au-delà des considérations quantitatives pour se pencher plus en avant sur la « vie de domestique » en général. Une fois de plus, nous nous devons de rappeler la très faible quantité de documents disponibles sur ce sujet précis, ce qui expUquera le flou laissé au moment d'apporter des réponses précises à certaines questions qui pourraient nous permettre de connaître les domestiques de manière exhaustive.

Après avoir effectué ces démarches, nous arrivons à isoler une liste définitive de 489 domestiques recensés grâce à la combinaison de ces divers travaux. SouUgnons que, malgré le caractère concluant de cette recherche, l'absence d'indications claires dans le recensement et la

36 GUTTON, op. cit.

37 Jean-Pierre HARDY, David-Thiery RUDDEL, Les apprentis artisans à Québec, 1660-1815, Montréal, Presses de l'Université du Québec, 1977, 220 p. Cet ouvrage regroupe les thèses des deux a u t e u r s qui se complètent d'une manière chronologique.

3« Claude FLEURY., Les devoirs d e s maîtres et d e s domestiques, Paris, 1668; repris d a n s Œuvres de l'abbé Fleury, t. B, Paris, Charles Delagrave, 1884.

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classification de tous les domestiques sous un même code par le PRDH rendent impossible la distinction entre les différents types de domestiques recensés au Canada. De plus, pour des raisons diverses, un grand nombre de domestiques ne sont recensés que par leur prénom ou leur surnom, et parfois même, dans des cas plus rares, aucune mention de nom ou de sexe n'est donnée, ce qui confirme le caractère anonyme et marginalisé de ce groupe sur lequel nous reviendrons plusieurs fois au cours du développement.

Ainsi, après avoir sommairement resitué le Canada dans son contexte géographique et historique, nous ferons un bilan des caractéristiques de la population pour l'année qui nous intéresse : répartition par âge, sexe, origines sociales et géographiques, répartition selon l'occupation.

Dans un second chapitre, une étude du groupe des domestiques sera proposée, suivant plusieurs aspects : tout d'abord la composition du groupe par âge, sexe, origines et situation géographique dans la vallée du Saint-Laurent. Par la suite, nous mettrons le groupe des domestiques en relation avec les employeurs qui doivent, nous l'avons dit, être mis en avant afin de cerner de manière plus complète la situation du personnel domestique. Ces employeurs seront observés selon leur caractère rural ou urbain, puis par leur caractère laïc ou religieux.

Enfin, nous nous écarterons des recensements et des données chiffrées pour étudier un aspect plus axé sur les relations et les conditions de vie et de travail des domestiques. Ainsi, nous verrons quels sont les droits et devoirs tant des maîtres que des domestiques, puis les caractéristiques qui pourraient caractériser plus précisément le métier de domestique, notamment au niveau des tâches, de la durée de service et de sa rémunération. Enfin, nous rencontrerons quelques domestiques qui

(23)

illustrerons l'aspect temporaire de cette condition par des opportunités de reconversion à la fin de leur service.

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I - L E C A N A D A D E 1 6 8 1 .

Afin de mieux cerner le groupe des domestiques, nous nous devons d'abord de découvrir la situation du Canada pour l'année 1681, sur le plan géographique dans un premier temps, puis selon un axe démographique, social et professionnel dans un second temps.

A. Contexte historique et géographique.

Pourtant soumis à une immigration colonisatrice depuis sa découverte, le Canada de 1681 reste encore assez peu peuplé et une très vaste part du territoire reste encore à découvrir. L'installation européenne se faisant à partir de la côte est du continent, l'Ouest demeure un territoire vierge et inhabité, sinon par les Nations autochtones.

La Nouvelle-France, province française placée en 1674 sous la tuteUe du Roi, ne se limite pas strictement à la vallée du Saint-Laurent. C'est un territoire extrêmement vaste qui descend de la Baie d'Hudson presque jusqu'aux côtes du golfe du Mexique, à l'ouest de la chaîne des

Appalaches, le long des colonies anglaises, et elle inclut notamment Terre-Neuve et l'Acadie. Pourtant, le terme de Nouvelle-France semble avoir divers sens dans les faits. Ainsi, la Nouvelle-France dont il est question dans le recensement de 1681 se limite à la vallée du Saint-Laurent, depuis la seigneurie de Villeray à l'est jusqu'à la grande région de Montréal à l'ouest, autrement dit, au Canada. En effet, « à cause des distances et de la difficulté des communications, l'Acadie et la Louisiane eurent leur propre

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gouvernement, autorisé à correspondre directement avec la métropole. »39

Ainsi, le Recensement de la Nouvelle-France de 1681 s'avère n'être en fait que le recensement des gouvernements de Québec, Trois-Rivières et Montréal auxquels sont ajoutés les « Pays d'en h a u t » qui ne regroupent que quelques missions situées hors de ces gouvernements.

C'est sous le second gouvernement royal, à partir de 1674, que l'administration de la colonie finira de prendre sa forme définitive. Trois gouvernements se partagent le territoire : Québec (la capitale), Trois-Rivières et Montréal. Ils composent u n e province aux caractéristiques de base assez semblables à ceUes de la métropole, placée sous l'autorité du Roi lui-même, via son représentant : le secrétaire d'État à la Marine. L'administration est d'abord composée d'un Conseil souverain, avec à sa tête le gouverneur général, l'intendant et l'évêque présidant u n groupe de sept conseiUers (nommés à vie par le Roi), issus des groupes et familles les plus influents tant au niveau poUtique qu'économique. Le gouverneur général est nommé par le Roi : représentant du souverain, il est aussi général en chef des armées et il est chargé des relations avec les Nations autochtones. L'intendant de justice, police et finances, qui, bien que théoriquement troisième en ordre d'importance dans la colonie après l'évêque et le gouverneur, était le personnage le plus puissant du Canada : au-dessus du ConseU souverain en matière de justice (il pouvait en suspendre une décision), il était aussi responsable de l'administration coloniale et avait u n e « autorité [...] en pratique, absolue dans la colonie »40

en matière de finances. L'évêque, quant à lui, dispose d'un poids non négligeable d a n s cette terre nouvellement colonisée notamment à cause du mouvement de contre-réforme de l'Église catholique et comptant sur son

39 A n d r é VACHON, « l'administration de la Nouvelle-France », George W. BROWN, dir.. Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 : de l'an mil à 1700, Sainte-Foy. Presses de l'Université Laval, p. xix.

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territoire bon nombre de congrégations reUgieuses : Jésuites surtout, Ursulines, Augustines, Récollets, Sulpiciens etc.

Se basant sur la Coutume de Paris et sur son credo « nulle terre sans seigneur »41, la province royale de la Nouvelle-France est placée sous

le système du régime seigneurial. La forme des terres concédées est assez réguUère : de grands rectangles d'environ « 175 mètres de largeur sur 1 750 de profondeur »42, placés perpendiculairement au fleuve ou aux autres

cours d'eau.

Figure 1 : Distribution des t e r r e s d a n s la région de Québec (montrant les villages radiaux créés p a r les J é s u i t e s d a n s les a n n é e s 1660).

A P C / C - 1 5 7 0 3 . ■■ k . ' '. \ '.-■■:: \ \X \

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^

4i John A. DICKINSON, Brian YOUNG, Brève histoire socio-économique du Québec, Sillery, Septentrion, 1995, p. 46.

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B. La population canadienne en 1681.

L'étude des domestiques au sein de la population de la vallée du Saint-Laurent passe invariablement par une analyse de la population dans son ensemble.

Plusieurs fois le recensement nominatif de 1681 a servi de base à des travaux historiques, et l'on se rend compte que certains aspects semblent présenter des divergences selon que l'on se penche sur une version du document plutôt qu'une autre. Ainsi subsiste la question du nombre d'habitants en NouveUe-France en 1681 qui gravite toujours, selon les différents travaux basés sur ce recensement, autour de 10 000 personnes.

Comme solution, nous opterons pour le décompte fourni par André Lafontaine, ce dernier s'étant, selon Hubert Charbonneau, « probablement employé à soustraire les doubles comptes.» Donc, la Vallée du Saint-Laurent regroupe, le 14 novembre 1681 (date de dépôt du recensement par

l'intendant Duchesneau), 9 677 personnes43, essentieUement regroupées

au cœur du gouvernement de Québec (60% de la population s'y concentre, contre 28% pour le gouvernement de Montréal et 12% pour Trois-Rivières).

B-1. Répartition selon le sexe et l'âge.

Comme souUgné par Hubert Charbonneau et par les calculs effectués par André Lafontaine, le déséquiUbre des sexes est flagrant en

4 3 Alors que Duchesneau, s u r son relevé original, nous donne 9 710 personnes, Hubert

Charbonneau et le PRDH annoncent pouvoir dénombrer 9 743 habitants en place d a n s la colonie contrastant eux-aussi avec Richard Lalou et Mario Boleda qui, grâce à leurs calculs statistiques, arrivent au nombre de 10 077 habitants estimés pour 9 699 recensés effectivement. Voir : Hubert CHARBONNEAU, Yolande LAVOIE, Jacques LÉGARÉ, « Le recensement nominatif du Canada en 1681 », Histoire sociale / Social History, no. 7 (avril

1971), p. 77-98, et Richard LALOU, Mario BOLEDA, « Une source en friche : les dénombrements sous le régime français », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 42. no. 1 (été 1988), p. 47-72.

(28)

1681, mais dans une moindre mesure comparativement aux années 1666 et 1667. En effet, l'excédent masculin n'est plus que de 25% alors qu'il était respectivement de 70% et 50% pour les deux recensements précédents. Cependant, il reste important de noter que l'on retrouve encore en 1681 deux fois plus d'hommes que de femmes chez les plus de 30 .ans et une certaine égalité dans les tranches d'âges inférieures. On constate même un excédent féminin pour les 15-29 ans4 4.

Plusieurs phénomènes peuvent expUquer ces constatations. Tout d'abord, la croissance annuelle moyenne de la population de 6,7% constatée par Hubert Charbonneau cache une baisse significative de l'apport migratoire compensé par un accroissement naturel de plus en plus présent et important dans le processus d'évolution de la population. En effet, on remarque que l'apport migratoire prend des proportions de plus en plus minces à partir des années 1670 (1673 selon Charbonneau), favorisant un équilibre naturel plus évident entre les sexes.

De plus, la supériorité du sexe féminin dans certaines classes d'âges est soumise à l'hypothèse d'une absence notable des coureurs des bois dans les lignes du recensement. Bien que déposé en novembre, période peu favorable aux départs dans les bois, le processus de recensement s'est étalé durant tous les mois d'été qui sont, eux, propices à l'aventure de la traite45. Ainsi, Duchesneau lui-même ira évoquer l'absence d'environ 800

hommes dans ses comptes46.

Les tableaux 1 et 2 montrent de façon plus claire la sur-représentation masculine dans la population, surtout chez les plus de 30 ans, mais aussi l'équilibre qui tend à apparaître chez les plus jeunes, ceux

44 CHARBONNEAU, LAVOIE, LÉGARÉ, loc. cit., p. 82.

4 5 Bien que fortement nuancée par Charbonneau du fait d'une part d'un rattrapage

possible des hommes par les femmes grâce à l'accroissement naturel, et d'autre part par la courte durée des départs d a n s les bois et l'étalement de ces départs dans le temps, n o u s retiendrons que l'absence d'un nombre indéterminé mais certainement important de coureurs des bois d a n s les lignes du recensement pourrait expliquer ce surplus féminin d a n s certaines classes d'âges.

46 Duchesneau à Colbert, 13 octobre 1680. ACC, correspondance générale, 5, 1679-1681,

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qui sont nés pendant la période inter-censitaire, signe d'une emprise grandissante de l'accroissement naturel dans l'évolution de la taille et de la composition de la population. Le rapport de masculinité est illustré par Charbonneau, Lavoie et Légaré dans l'étude qu'ils ont fait du recensement de 1681.

Tableau 1: R a p p o r t s de masculinité par groupes d'âges e n 1 6 8 1 .

D'après Charbonneau, Lavoie et Légaré4 7.

* : gouvernements de Québec, Trois-Rivières et Montréal réunis. ** : inclut ceux d'âge inconnu.

Groupes d'âges Ensemble du Canada*

0-1 105.8 1-4 108.4 5-9 100.1 10-14 100.3 15-19 102.1 20-24 106.5 25-29 89.6 30-34 137.4 35-39 235.6 40-44 199.6 45-49 190.6 50-54 227.2 55-59 376.0 60 et plus 215.7 Tous âges** 124.9 0-14 102.9 15-29 99.6 30-44 182.2 45-59 224.8 60 et plus 215.7

D'un autre coté, ces chiffres Ulustrent un autre fait marquant : la relative jeunesse de la population. En effet, on constate qu'environ 57% de la population a moins de 20 ans, soit 52,3% des hommes et 64% des femmes. Ajoutons à ce groupe près d'un tiers de la population totale qui se situe parmi les 21-50 ans (38,3% des hommes contre 31,6% des femmes).

4? CHARBONNEAU, LAVOIE, LÉGARÉ, loc. cit., p. 8 3 . Tableau réalisé à partir d'une

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Tableau 2 : R é p a r t i t i o n de la population du Canada e n 1 6 8 1 selon l'âge e t le sexe. D'après André Lafontaine

Age — — _ Hommes Femmes OàlO 1 986 1 921 11 à 20 826 835 21 à 30 527 516 31 à 40 867 494 41 à 50 664 349 51 à 60 302 115 61 à 70 106 47 71 à 80 31 13 81 à 90 11 9 91 à 100 1 Plus de 100 ans Non donnés 55 2 Total 5 375 4 302

À cette période, « les plus importants mouvements d'immigration de

la période [sont] déjà terminés »48. Ainsi nous retrouvons, outre de

nombreuses personnes qui ont immigré avant les années 1670 (surtout présents au sein des 30-50 ans en 1681), un important nombre de natifs de la colonie, jeunes gens et jeunes femmes qui viennent grossir les effectifs des classes d'âges les plus basses.

Une nuance par rapport à l'analyse des classes d'âges est cependant apportée par Hubert Charbonneau, remarque qui se répétera en analysant les groupes d'âges des domestiques un peu plus tard. Il s'agit de cette « attraction manifeste exercée par les nombres pairs multiples de 5 et de

10, surtout à partir de 30 ans .» En effet, un nombre surprenant de personnes annoncent être « d'un âge rond », signe sans doute que la date de naissance de ces personnes reste floue, même dans leurs propres souvenirs. Quoi qu'U en soit, cette hypothèse d'un âge mal évalué reste difficilement verifiable à ce jour et son incidence sur d'éventuels calculs statistiques reste à montrer.

4 8 Danielle GAUVREAU, Québec, une ville et sa population au temps de la Nouvelle-France,

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B-2. Situation matrimoniale.

Les résultats de nos calculs par rapport à la situation matrimoniale des personnes recensées, surtout réaUsés grâce au dépouillement du Recensement annoté49, divergent peu des chiffres avancés par le PRDH50.

En effet, nous dégageons 84,4% d'hommes céUbataires chez les 21-30 ans et 26,5% chez les plus de 30 ans. De la même manière, nous retrouvons 14,3% de femmes céUbataires chez les 21-30 ans contre seulement 7% chez les plus de 30 ans5 1.

Ces différences entre hommes et femmes sont certes flagrantes, mais eUes sont aussi très bien expUquées, surtout grâce à l'analyse de la composition des nouveaux arrivants dans la colonie. En effet, l'apport migratoire a toujours été en très grande majorité mascuUn, les jeunes gens céUbataires venus à l'aventure s'ajoutant à ceux mariés en France qui étaient venus seuls, peut-être (ou peut-être pas) dans l'espoir de se faire rejoindre un jour par le reste de leur famiUe. Ainsi, face à un extraordinaire surnombre d'hommes, les femmes ont tôt fait de quitter le marché matrimonial, les hommes ayant vite épuisé le « filon de femmes » dans leur classe d'âge se reportant invariablement vers des fiUes de plus en plus jeunes. On ne s'étonne pas de retrouver 14% de filles mariées dans le groupe des 11-20 ans, ce chiffre faisant un bond jusqu'à 85% parmi les 21-30 ans.

« LAFONTAINE, op. cit.

so Le PRDH donne 9 0 % d'hommes célibataires parmi les 20-30 a n s contre 2 9 , 3 % des femmes, et plus de 2 5 % chez les plus de 30 ans, tous sexes confondus.

51 Soulignons que lorsque Hubert Charbonneau parle des 20-30 ans, nous parlons des

21-30 a n s . La différence ne serait p a s si notable si nous n'avions pas parlé auparavant de la grande propension à annoncer des âges pairs, multiples de 5 ou de 10.

(32)

Tableau 3: Structure de la population canadienne en 1681 par âge, sexe et situation matrimoniale.

Hommes Femmes

Âges Mariés Veufs Célibataires Total Mariées Veuves Célibataires Total

OàlO 1986 1 986 1 921 1 921 11 à 20 826 826 118 717 835 21 à 30 81 1 445 527 438 4 74 516 31 à 40 591 9 267 867 459 10 25 494 41 à 50 489 20 155 664 319 11 19 349 51 à 60 216 19 67 302 93 15 7 115 61 à 70 74 10 22 106 23 11 13 47 71 à 80 16 6 9 31 5 3 5 13 81 à 90 6 5 11 4 3 2 9 91 à 100 0 1 1 Plus de 100 ans 0 0 Non donnés 2 53 55 2 2 Total 1 475 65 3835 5 375 1461 58 2 783 4 302

La mise en parallèle des hommes et des femmes restant Ubres sur le marché matrimonial montre bien à quel point le Canada semble dans une passe difficUe. Le tableau 4 représente bien ce déséquiUbre : une femme pour 8 hommes chez les 21-30 ans, une pour 15 chez les 31-40 ans ou

encore une femme pour 8 hommes dans le groupe des 41-50 ans5 2. Les

rapports de mascuUnité apparaissent donc dans toute leur ampleur ici. Nous sommes donc finalement en présence d'un groupe hétérogène de nouveaux arrivants et de Canadiens n'ayant pas encore trouvé un époux ou une épouse, ceci malgré les encouragements de l'État (les Filles du Roi) et ceux de l'ÉgUse. Dans ce groupe, nous le verrons, se retrouvent beaucoup de domestiques.

(33)

Tableau 4: Répartition par âge et par sexe des candidats au mariage au Canada en 1681. Âges Hommes célibataires ou veufs Dont religieux Femmes célibataires ou veuves Dont religieuses Oà 10 1 986 4 1 921 11 à 20 826 15 717 13 21 à 3 0 446 13 78 24 31 à 40 276 34 35 19 41 à 50 175 23 30 11 51 à 60 86 11 22 5 61 à 70 32 8 24 10 71 à 80 15 3 8 4 81 à 90 5 2 5 91 à 100 0 1

B-3. Origines sociales et géographiques de la population canadienne.

Les origines, tant sociales que géographiques, des immigrants au Canada ont été maintes fois étudiées dans divers contextes. Cependant, en

1681, nous sommes en présence de deux groupes distincts formant cette population totale : les migrants, ceux qui, en très forte majorité, arrivent de la métropole, et les Canadiens formant la première, voire la seconde génération de personnes nées en sol nord-américain.

Le groupe des migrants, pris à partir de 1642, est très hétérogène. Bien sûr, une part très importante est prise par les membres du clergé, les premiers à avoir encouragé la conquête et l'instaUation dans la vaUée du Saint-Laurent, motivés par la contre-réforme cathoUque. Des soldats aussi, comme ceux du régiment de Carignan-SaUières, ainsi que les officiers qui les accompagnent et qui, dans les années 1660, vont pouvoir s'installer de manière civUe, même si l'on note que seulement un tiers de

(34)

ceux-ci resteront au Canada après 1665, les autres préférant rentrer chez eux, en France.

Le plus gros des immigrants est sans nul doute composé d'engagés et de défricheurs, attirés d'abord par le travail qu'ils pourront trouver au Canada. Cette « mobilité de travaU » étudiée par Robert Larin53 favorise le

développement d'une immigration de travatUeurs une mobilité de travaU -motivée par une poUtique gouvernementale hostUe à la traversée de familles entières au profit du passage d'un groupe d'hommes céUbataires qui fera que « en 150 ans, le Canada ne verra arriver que 250 couples

mariés »54. À un Pierre Boucher écrivant en 1664 que « la plupart de nos

habitants, qui sont ici, sont des gens qui sont venus en qualité de

serviteurs »55, Robert Larin, se basant sur Jean Hamelin, ajoute qu'U

« semble que seulement 10% des travailleurs qui débarquaient au Canada avaient quelque qualification professionneUe et déjà l'expérience d'un métier »56. Cela reflète cette idée de mobiUté de travaU à caractère plutôt

aventureux.

Les migrants et surtout les natifs du Canada présents en 1681 restent difficUes à cerner exactement quant à leurs proportions, mais certains renseignements tendent à montrer que les Canadiens de naissance rattrapent le nombre des immigrés. L'exemple donné par Louise Dechêne à propos de Montréal va dans ce sens : sur une population recensée de 1 389 personnes, eUe compte 888 natifs de la colonie contre

340 immigrants et 161 immigrantes57. Ces chiffres sur Montréal

s'inverseraient sans doute en étudiant la vUle de Québec qui reste, à cette

53 Robert LARIN, Brève histoire du peuplement européen en Nouvelle-France, Sillery,

Septentrion, 2000, p. 38.

54 Hubert CHARBONNEAU, Normand ROBERT, « Les origines françaises de la population

canadienne », Richard Cole HARRIS, dir., Atlas historique du Canada, vol. 1 : Des origines à 1800, 1987, Montréal, Les presses de l'Université de Montréal, planche 45, cité dans LARIN, loc. cit.

55 Pierre BOUCHER, Histoire véritable et naturelle d e s mœurs et productions du p a y s de la

Nouvelle-France vulgairement dite le Canada, Paris, Florentin Lambert, 1664, p. 161. se LARIN, op. cit., p. 73.

(35)

époque, le port d'arrivée d'immigrants qui ne vont pas nécessairement se déplacer vers l'Ouest.

Il faut ajouter que, à l'image des soldats du régiment de Carignan, tous les groupes, toutes les couches de la société sont touchées par l'envie ou la nécessité de retourner en France sans prendre le temps de s'instaUer plus d'une année au Canada. D'autres ne feront que rentrer à la fin d'un contrat de travail signé en France, d'une durée de 3 ans en général pour les engagés. Les historiens qui se sont penchés sur cet aspect avancent ainsi traditionnellement des chiffres allant de 30 à 50 retours pour 100 immigrants traversant l'Atlantique Nord.

L'analyse des origines géographiques s'est bien souvent basée sur les recherches du PRDH, mais celles-ci couvrent en général l'intégraUté du régime français. Il reste difficile d'étudier les origines de l'immigration fondatrice dans les années situées entre 1642 et 1681. Cependant, si l'on reprend toute la période, on retrouve des chiffres très significatifs de l'état de l'immigration avant et après 1681.

Ainsi, les études du PRDH, reprises par LesUe Choquette, attribuent

le gros des immigrants aux provinces de l'Ouest de la France58. LesUe

Choquette donne à la Bretagne le premier rang alors qu'elle occupe le cinquième pour le PRDH. Les différences majeures résident dans une définition différente du terme d'émigrant et l'ajout d'environ 1 700 personnes parties en Acadie (région qui n'entre pas dans le recensement) et d'un « nombre significatif d'émigrants qui ne se sont jamais établis de façon permanente au Canada »59.

58 Avec en tète la Normandie pour 14,5% des emigrants, suivie par l'Île-de-France (14,3%),

le Poitou (9.8%), l'Aunis (8,9%), la Bretagne (8,9%) etc. Ces proportions s'appliquent à 89,8% des 8527 immigrants fondateurs reconnus par le PRDH à qui on peut attribuer une origine provinciale française.

59 Leslie CHOQUETTE, De Français à p a y s a n s . Modernité et tradition d a n s le peuplement du Canada français. Sillery, Septentrion, 2001, p. 25.

(36)

Ces chiffres cachent une précision importante apportée par Jean-Pierre Poussou concernant les immigrants qui ont parfois tendance à déclarer « comme leur lieu d'origine la dernière ville où ils ont habité plutôt que leur village rural »60. Ainsi, par exemple, l'apport considérable créé par

l'attrait de la capitale sous l'Ancien Régime (Paris compte environ 14 000 nouveaux immigrants arrivant chaque année) rassemble à l'intérieur des murs de la capitale un grand nombre d'émigrants à forte tendance nomade, potentiellement tournés vers le Canada et, parmi eux, des domestiques qui « provenaient surtout de la zone d'attraction immédiate et, en particuUer, du bassin démographique, spécialement pour les servantes majoritairement issues des campagnes environnantes »61. Il est

donc fort probable que les 14,3% d'émigrants avec une origine située en Île-de-France ne seraient pas tous, dans les faits, issus de cette région. Mais cette information ne semble pas pouvoir se confirmer de façon nette.

Tableau 5: Origines régionales des e m i g r a n t s français au Canada (selon le PRDH).

D'après Leslie Choquette6 2.

Région % des emigrants

Nord-Ouest 28,1% Centre-Ouest 26,3% Région parisienne 14,3% Sud-Ouest (Languedoc inclus) 10,5%

Est 8,2% Val de Loire 3,9% Nord 3,4% Massif Central 2,9% Midi 1,3% Alpes 1 % 60 Ibid p. viii. si lbid., p. 201.

62 Notons que ce tableau porte sur u n e période très large qui englobe les XVIIème et

(37)

B-4. Répartition géographigue et occupationnelle de la population canadienne en 1681.

Les données les plus accessibles concernant la répartition tant géographique qu'occupationneUe de la population canadienne nous sont encore une fois données par Hubert Charbonneau, Yolande Lavoie et

Jacques Légaré dans leur article sur le recensement nominatif de 168163,

avec cependant toutes les réserves que nous avons évoquées plus haut en ce qui concerne par exemple les chiffres exacts de la population. Nous aUons ici en présenter un rapide condensé.

On constate en 1681 que la population se concentre autour des trois grands centres que sont Québec, Trois-Rivières et Montréal, avec cependant de fortes différences entre ces trois gouvernements. En effet, le gouvernement de Québec regroupe 60% de la population contre environ 27% pour le gouvernement de Montréal et 13% pour celui de Trois-Rivières. Malgré ces différences, Hubert Charbonneau et ses associés parlent d'une zone de « peuplement pratiquement continue sur une distance d'environ 400 kilomètres de part et d'autre du Saint-Laurent »64.

Au sein de ces trois grandes régions de peuplement, le cUvage entre le monde rural et les villes se fait grandement sentir. Mise à part la région de Trois-Rivières qui ne constitue pas en 1681 un grand pôle urbain, les vUles attirent une large population, Montréal et Québec comptant chacune autour de 14% de la population totale.

Lorsqu'on s'attache à observer la répartition de la population selon un axe professionnel, nous constatons d'abord l'information fragmentaire qui nous est offerte par le recensement : l'équipe de Hubert Charbonneau

63 CHARBONNEAU, LAVOIE, LÉGARÉ, loc. cit. 64 lbid., p. 81.

(38)

indique ainsi un taux élevé de professions non-déclarées, de l'ordre de

25%65. Les chiffres avancés par ce même article se résumeraient de la

manière suivante :

Tableau 6: Population masculine de plus de 15 ans selon le groupe professionnel, Canada, 1681.

D'après Charbonneau, Lavoie, Légaré.66

Profession Effectifs Notables 151 Artisans 216 Exploitants agricoles 1297 Domestiques 358 Divers 60 Non-déclarés 754 Total 2836

Les notables présentés ici incluent les religieux tandis que les artisans regroupent les professionnels des domaines de l'alimentation, du textile, du cuir, de la construction, du bois et du métal. Alors que les notables sont répartis sur toute la zone de peuplement, en particuUer les reUgieux que l'on retrouve tant dans les villes que dans les missions, et les seigneurs qui se retrouvent parfois en ville, parfois sur leurs terres, il semble bien étabU que les artisans se retrouveront en majeure partie dans les centres urbains.

Les non-déclarés, qui posent un problème dans le cadre d'une étude de ce type, sont pour la plupart concentrés dans les campagnes, ce qui laisse supposer qu'une bonne part d'entre eux sont exploitants ou ouvriers agricoles ou encore coureurs des bois, journaliers et, selon Hubert Charbonneau, domestiques (information que nous avons mise en doute vu

65 Nous reviendrons sur cet aspect intéressant lors de l'étude plus particulière des

employeurs de domestiques.

66 CHARBONNEAU, LAVOIE, LÉGARÉ, Loc. cit., p. 89. Les chiffres présentés ici sont

issus de l'étude de ces trois historiens, et peuvent différer des résultats qui seront présentés au cours du développement, issus d'une étude directe du recensement. Cf. note 40.

(39)

la présence de la mention « domestique » dans les ménages qui en comprennent un ou plusieurs)67.

Conclusion

Le Canada de 1681 apparaît donc comme une succession de seigneuries le long des rives du Saint-Laurent, seigneuries organisées selon le système des provinces françaises. La partie habitée ne représente encore qu'un Uot minuscule si nous le comparons à la superficie encore à découvrir, entouré par de nombreuses peuplades amérindiennes et bordé au sud-est par des colonies anglaises et hoUandaises rivales tant sur le plan poUtique, miUtaire et économique. Délaissé par la couronne française diront certains, le Canada reste une province importante pour la métropole, surtout pour sa situation géographique et ses attraits commerciaux.

Peuplé par une population jeune et majoritairement masculine composée d'une grande part d'immigrants ayant traversé l'océan le temps d'un contrat de travaU ou pour s'y instaUer, on y retrouve aussi une proportion grandissante de Canadiens tendant à rétablir un équUibre des sexes qui, à terme, pourrait apporter une solution à un manque flagrant de femmes à marier sur ce nouveau territoire.

Ce « nouveau-monde francophone » se démarque aussi par une division hétérocUte des origines sociales et géographiques de ses habitants issus majoritairement de l'Ouest de la métropole et par des catégories professionneUes diverses et nombreuses où un grand nombre d'engagés et de défricheurs côtoient un clergé important et une masse de marchands-traiteurs attirés par les fourrures du Canada, potentiellement employeurs de domestiques.

(40)

II - L E S DOMESTIQUES DE LA VALLÉE LAURENTIENNE EN 1 6 8 1 : ÉTUDE D'UN GROUPE.

A. Composition du groupe des domestiques.

A la lumière des renseignements que nous donnent les résultats précédents, nous pouvons maintenant nous pencher plus attentivement sur la composante de la population qui nous intéresse ici plus particuUèrement : les domestiques.

Alors que Hubert Charbonneau, dans son étude du recensement de 1681, évoque assez rapidement la présence de 358 domestiques auxquels U prend soin d'ajouter « une soixantaine de domestiques de sexe masculin qui avaient moins de 15 .ans », ainsi qu'un nombre très incertain de femmes prises au sein de ceUes qui avaient une profession déclarée (pour lesquelles il précisera que « la moitié d'entre eUes sont religieuses, les autres domestiques »68), nous avons choisi de reprendre les ménages

présentés dans le recensement un à un en prenant soin de consigner ceux qui faisaient apparaître une personne déclarée comme domestique.

Ainsi, assez loin des « environ 518 domestiques » présentés par M. Charbonneau, nous arrivons au nombre de 489 personnes identifiées clairement. Ce résultat est issu en majeure partie d'une étude compilée (représentée par notre base de données) du Recensement annoté d'André Lafontaine, du Répertoire des actes...69 du PRDH et du Dictionnaire

généalogique des familles du Québec de René Jette70.

es CHARBONNEAU, LAVOIE, LÉGARÉ, loc. cit. 69 CHARBONNEAU dir., op. cit.

(41)

Dans les Ugnes qui suivent, nous allons, selon la même démarche que pour la population totale, analyser ce groupe particuUer en tentant de le resituer au sein de ceUe-ci. Cependant, plusieurs mises en garde seront faites surtout sur la capacité limitée du chercheur à analyser le groupe des domestiques en profondeur, capacité restreinte tout d'abord par l'impossibUité de mettre un nom sur les personnages étudiés. En effet, comme nous le verrons à travers cette étude, le caractère marginal de ce groupe est par exemple Ulustré par la présence de 168 personnes dont nous ne connaissons que le prénom ou le surnom sans mention de nom de famiUe71.

A-1. Nombre et répartition selon le sexe et l'âge.

Nous l'avons vu, nous aurons à traiter 489 personnes recensées et, pour beaucoup, assez bien identifiées (par rapport au sexe, l'âge et la situation matrimoniale). Les domestiques ne représentent donc en 1681 que 5,05% de la population totale, chiffre qui semble faible si on le compare avec la situation en France sous l'Ancien Régime. En effet, les études menées à ce propos donnent un rapport moyen de un domestique pour douze habitants en France avec des proportions approchant 10% de la population de la vUle de Toulouse en 1695 ou encore 9,6% de la population grenobloise en 172572.

De ce groupe, nous aUons avant tout isoler neuf domestiques, les neuf seuls dont nous ignorons aujourd'hui avec certitude soit le sexe, soit l'âge, soit la situation matrimoniale. Ces neuf personnes entreront

71 Parfois, nous le verrons, n o u s ne possédons pas de mention de nom du tout.

Figure

TABLE DES ILLUSTRATIONS VI
Figure 1 : Distribution des  t e r r e s  d a n s la région de Québec (montrant les villages radiaux  créés  p a r les  J é s u i t e s d a n s les  a n n é e s 1660)
Tableau  2 :  R é p a r t i t i o n de la population du Canada  e n  1 6 8 1 selon l'âge  e t le sexe
Tableau 3: Structure de la population canadienne en 1681 par âge, sexe et situation  matrimoniale
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