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CHAPITRE I. REVUE DE LITTERATURE

III. L E FONCTIONNEMENT PSYCHIQUE D ' ADOLESCENTS DITS « INCASABLES »

1. Une transition d'un âge à un autre : de la période de latence à l'adolescence

1.1. Processus psychiques lors de la période de latence

Ces jeunes appelés « incasables » ont une histoire ponctuée d'événements traumatiques et ce, dès la petite enfance. C'est pourquoi avant de détailler les processus psychiques en jeu lors de la période de latence, puis à l'adolescence, je fais un court détour par ce qui se passe chez l'enfant avant

d'atteindre cet âge. Freud39 définit trois périodes dans sa théorie sexuelle de l'enfant.

La première serait celle de la découverte de la sexualité infantile : l'enfant va aller à la découverte de ses zones érogènes et notamment la zone bucco-labiale, la zone anale et la zone génitale. Ces zones correspondent à trois stades dans le développement sexuel infantile :

• Le stade oral jusqu'à 1 an et demi environ où l'enfant fantasmerait sur le fait de manger ou d'être mangé ;

• Le stade anal jusqu'à trois ans environ : l'enfant pourrait être angoissé par le fait de perdre une partie de lui-même en allant à la selle, par l'expulsion et la rétention. Va alors se développer un moyen d'échange avec la mère : l'enfant pourrait à ce stade entrer en opposition et développer sa toute-puissance ;

• Le stade phallique, entre trois et sept ans environ : l'enfant connaîtrait la différenciation des sexes et son identité sexuelle se forgerait. C'est également la période du complexe d'œdipe et du développement du surmoi chez l'enfant. La fille entrera dans l'œdipe avec le complexe de castration, tandis que le garçon sortira de l'œdipe avec le complexe de castration.

La seconde période est celle de la latence chez l'enfant à partir de 7 ans environ jusqu'à la troisième période, génitale, celle de l'adolescence.

En effet, Freud (1987) parle d'inhibitions sexuelles chez l'enfant lors de la période de latence. Des forces psychiques dompteraient les pulsions sexuelles. Il s'agirait du dégoût, de la pudeur, des aspirations esthétiques et des aspirations morales. Les « motions sexuelles » seraient détournées d'un usage sexuel pour d'autres issues. C'est ce que Freud appelle la « sublimation ». Les pulsions sexuelles auraient d'autres buts. Les fonctions de reproduction chez l'enfant en période de latence seraient repoussées. Elles seraient perverses et provoqueraient du déplaisir chez l'enfant qui n'a pas encore fait de choix d'objet sexuel mais seulement d'objet d'amour : la mère.

Cependant il existerait des interruptions de la période de latence. Parfois, la sublimation ne pourrait se faire. Soit les manifestations sexuelles viendraient percer la sublimation à des moments donnés, soit elles seraient toujours présentes lors de la période de latence et jusqu'à l’adolescence. Pour Freud, il serait important que les éducateurs, les parents ou encore les instituteurs à l'époque, prennent en considération l'activité sexuelle infantile plutôt que de la voir comme un « vice » car c'est

ce qui constituerait la pulsion sexuelle. La sexualité serait alors sous-jacente lors de cette période. Elle serait en attente de refaire surface. C'est le moment où l'enfant doit renoncer à son objet œdipien ainsi qu'à ses désirs incestueux et parricides, même si cela va à l'encontre de sa volonté.

La période de latence serait le moment où l'enfant construirait son roman familial et développerait une activité fantasmatique. La sexualité serait en lien avec le fantasme. L'onanisme provoquerait un sentiment de culpabilité chez l'enfant qui se cache de cette activité.

En s'appuyant sur la théorie freudienne, Laurent40, psychiatre et psychanalyste,rappelle ce qui est à comprendre par la notion « d'excitation » en psychanalyse. C'est l'idée qu'un travail psychique va être nécessaire pour réduire une tension corporelle interne. Il y a l'idée que le corps et l'esprit seraient liés. Cela signifierait que la somme des tensions ressenties à travers le corps se transposerait en représentations psychiques : c'est ce qu'on appellerait la pulsion. Ensuite, elle reprend en quelques mots ce qui se passe lors de la période de latence. Lorsque l'enfant comprend qu'il est garçon ou fille et non homme ou femme. Alors il se retrouverait face à son complexe de castration. Ce serait une perte identificatoire mettant en œuvre différents mécanismes tels que le refoulement, la sublimation et l'idéalisation. Si l'enfant refuse cette perte identificatoire, alors le symptôme pourrait s’installer car il demeurerait accroché à un stade pré-oedipien. Cela dépendra de comment l'enfant aura été investi par sa mère lors de la petite enfance.

La sublimation passerait par le moi. La pulsion, lors de la latence, serait déviée de son but sexuel pour aller vers un but narcissique pour ensuite trouver un autre but. C'est à dire que la libido sexuelle d'objet se transposerait en libido du moi avant d'aller vers un autre but. Il y aurait une désexualisation libidinale et un changement des identifications. D'ailleurs, elle prend comme vignette clinique un groupe thérapeutique. Au sein du groupe, des remaniements identificatoires vont avoir lieu. Chacun entend l'autre avec son prisme et les fantasmes des uns ne seront pas ceux des autres. Pourtant, ils vont jouer ensemble, construire des histoires : c'est donc faire des compromis pour construire une fantasmatisation groupale. Chacun va devoir trouver sa place au sein du groupe. Le groupe est objet trouvé et créé. L'intrasubjectif et l'intersubjectif s’emmêlent et le moi individuel se laisse aller vers le commun. L'excitation de la déliaison se transformerait en une nouvelle liaison groupale.

Néanmoins Puyuelo41, psychiatre et psychanalyste, estime que la période de latence

40 Laurent, P. (2010). De la sublimation en groupe de psychothérapie psychanalytique. Liaison déliaison des affects en groupe. In Vous avez dit “latence” ? (GHNP, pp. 45–53). Rouen.

correspondrait plutôt à un mouvement. Ce serait le temps de la dynamique sujet-objet où le risque serait, soit celui de se perdre dans l'autre par addiction de cet autre, soit celui de s'enfermer dans une autonomie tel que l'isolement. L'auteur reprend Winnicott qui parle de la capacité à être seul en présence ou non de la mère grâce à une capacité de symboliser l'absence. C'est le sentiment continu d’existence. Ce va et vient entre objet et sujet, entre symbiose et individuation par régression, repli narcissique et progression mettraient en scène différents processus :

« - Excitation et pulsion

- Décorporation et psychisation

- Procédé autocalmant, sado-masochisme et auto-érotisme et amour de l'objet - Violence et agressivité

- Honte et culpabilité

- Douleur narcissique, plainte hypocondriaque et souffrance psychique - Effroi, détresse et angoisse-signal

- Dépression corporelle, éléments maniaco-dépressifs et position dépressive - Passion et amour

- Acte, somatisation et organisation phobique » (Puyuelo, 2010, P. 59).

Ce serait le moment où le sujet reconnaîtrait l'autre en tant que sujet sans se sentir en danger. Le sentiment d'appartenance naîtrait à ce moment-là. L'enfant chercherait à être reconnu par un objet d'amour et d'admiration avec lequel il pourrait se laisser aller, se confier. Le sujet retrouverait des éléments de lui-même dans l'objet. Il pourrait ensuite se les approprier. Mais si l'identité narcissique est carencée, alors les jeux identitaires avec l'objet pourraient être en danger. Ces enfants seraient à la recherche d'une cohésion identitaire. Alors ils seraient dans un déni de la réalité, clivages et paradoxes. Ils tenteraient de « s'autocalmer » par l'excitation et en investissant fortement le monde extérieur dans le but de ne pas se trouver dans un processus de pensée. L'expérience de l'auto-agressivité serait le moyen de remplir un vide interne chez l'enfant.

Ces mécanismes de défense seraient des comportements dépourvus de signifiant. L'auteur les appelle les « abusés narcissiques ». Puyuelo s'adresse aux professionnels d'établissements recevant des jeunes abusés narcissiques. Il souligne le fait que l'on retrouve ces jeunes dans les populations dites « incasables » notamment. Pour lui, le professionnel qui écoute et entend le comportement serait en lien, par sa posture, avec un conflit où les corps seraient dans un processus d'acte, de mouvement

et de symbolisation. C'est à dire que le comportement du professionnel aura une influence sur ce que cela va produire chez l'enfant. La question du sens serait centrale. Quel sens cet autre adresserait à cet enfant ? La relation intersubjective aurait une influence sur l'intrasubjectif. Le but serait d'amener les enfants, objets de leurs problèmes, à devenir sujets de leur trouble.

L'auteur reprend l'idée du jeu de « faire le mort » pour illustrer son propos. Il s'agirait d'établir le concept de présence-absence chez l'enfant afin d'éviter une mélancolie liée à l'absence. Ce jeu ne pourrait se faire que si l'enfant ressent qu'il est bel et bien vivant. Lorsqu'il « fait le mort », il se relève pour dire « je suis vivant ! ».

L'enfant entre en période de latence après la réalisation du complexe d’œdipe, d’après Emmanuelli42. Il existerait un complexe d’œdipe positif, hétérosexuel (amour pour le parent de sexe opposé et hostilité pour le parent de même sexe) et un complexe d’œdipe négatif, homosexuel (amour pour le parent du même sexe et hostilité envers le parent de sexe opposé). Cependant, le plus courant serait celui dit « positif ». La résolution du complexe d'œdipe se ferait grâce à l'angoisse de castration et permettrait la latence. De là se construirait, selon la seconde topique de Freud, le « ça », le « moi », le « surmoi » et « l'idéal du moi ». L'enfant pourrait intérioriser un moi plus renforcé grâce aux identifications. Le processus de sublimation se mettrait en place avec également un travail psychique sur les conflits grâce au fantasme. Le jeu favoriserait ce travail ainsi que la décharge pulsionnelle de l'interdit d'être pleinement satisfait. La latence serait le moment où l'enfant s'ouvrirait sur le monde et sur le groupe, ce qui serait positif à condition que le refoulement de la sexualité œdipienne et l'interdit de l'inceste se soient posés. A la fin de la période de latence, les enfants passent à l'âge de l'adolescence. Je vais tenter d'en définir les processus psychiques.