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CHAPITRE I. REVUE DE LITTERATURE

II. L E TRAUMATISME PSYCHIQUE

2. Effets du traumatisme psychique

2.4. Défaut de représentation et de symbolisation

Bourrat et Olliac36 sont des psychiatres d'orientation psychanalytique en pédopsychiatrie et en CMPP (Centre Médico-Psycho-Pédagogique). Ils commencent leur article affirmant que beaucoup d'enfants auraient une problématique en lien avec le traumatisme psychique. L'aire transitionnelle, comme le définit Winnicott37 ne pourrait se construire chez ces enfants. La différenciation entre le réel et l'imaginaire leur serait impossible ainsi que la différenciation entre le moi et le non-moi.

Les auteurs donnent une définition du traumatisme : ce serait un événement (deuil, séparation, maladie, accident...) qui provoquerait une influence psychique marquant durement la vie d'un sujet. Ils mettent en avant le fait que le terme « traumatisme » serait fortement employé dans le langage commun comme après un événement catastrophique (guerres, catastrophes naturelles, attentats...). Cela amènerait des soignants à devoir intervenir dans l’immédiat pour les potentielles victimes. Selon les auteurs, cela pourrait empêcher l'élaboration de la personne quant à son traumatisme. C'est pourquoi les pédopsychiatres proposent des accompagnements de l'enfant pour permettre cette élaboration et la résilience.

Le traumatisme psychique s’active lorsque le sujet se retrouve devant le réel de la mort et, comme le disait Freud, l'effroi provoque le traumatisme. C'est l'idée que la personne n'est pas préparée à cet événement qui amènerait à ce que l'appareil psychique soit submergé par des excitations provoquant un dysfonctionnement de la vie psychique. Le trauma psychique déclencherait une discontinuité chez le sujet qui ne pourrait plus penser son existence. Chez l'enfant, la résilience dépendrait en grande partie de l'environnement familial et des effets de l'événement traumatique sur ce dernier.

Les auteurs exposent deux cas cliniques. Le premier cas est intitulé « Un traumatisme en deux temps ou plutôt sur deux générations ». Le pédopsychiatre reçoit un bébé de 6 mois environ qui semble très agité. La maman et le papa sont présents ensembles au premier entretien. Quand la mère

36 Bourrat, M.-M., & Olliac, B. (2014). Enfance et traumatisme psychique: la mise en récit, un chemin de la résilience.

L’information Psychiatrique, (90), 447–456.

est épuisée, elle passe son enfant au père mais le pédopsychiatre ne remarque aucun échange de regard entre la mère et l'enfant. La seule réaction que l'enfant aurait serait à l'entente de son prénom. Par son hyper agitation et ses cris, les parents et la nourrice seraient en difficulté avec lui. L'accouchement se serait mal passé et l'enfant aurait été hospitalisé par la suite. Cela provoquerait un sentiment d'impuissance chez la mère ainsi qu'un sentiment de culpabilité.

Les prochaines séances seront en présence de l'enfant et de la mère uniquement. Là, la mère va pouvoir mettre des mots sur sa souffrance et va raconter sa propre enfance. A sept ans, elle aurait vécu un traumatisme : elle a vu mourir son frère, écrasé par une voiture tandis qu'elle y a échappé et sa mère aurait été blessée. Depuis, elle dit prendre soin de sa mère. Pendant son discours, son enfant s’apaiserait dans les bras du pédopsychiatre. Au fur et à mesure de l'élaboration, une évolution du comportement de l'enfant est remarquée : plus apaisé, en interaction avec son environnement, premiers mots etc...

L'enfant jouait au puzzle avec sa mère. Il éparpillait les morceaux et les rassemblait. Le pédopsychiatre associe cela avec le fait que l'enfant prendrait soin de sa mère lui-aussi en lui montrant qu'il pourrait l'aider à rassembler les morceaux de l'histoire de sa mère. La mère n'aurait pas été soutenue par son environnement familial lorsqu'elle était petite. Elle pouvait être résiliente en ne pensant plus à l'événement. Cependant, la maternité et l'arrivée difficile du bébé auraient réactivé ce traumatisme et provoqué chez son enfant une problématique psychosomatique.

Une seconde vignette clinique est présentée par les auteurs. Il s'agit d'un «trauma très précoce». Deux frères américains, âgés de trois ans et demi et de deux ans, vivent chez leur grands-parents depuis peu, à cause de la mort par accident de leur mère et de l'incarcération du père qui serait l'auteur de l'accident. L'aîné ferait des cauchemars la nuit et refuserait de parler. Aucun mot n'a été mis sur la mort de la mère et sur l'incarcération du père car les grands-parents ne se sentiraient pas en capacité de le faire.

Lors du premier entretien, entre la famille et le pédopsychiatre, le grand-père parle tout doucement de l'accident pour éviter que les enfants ne l'entendent et demande au médecin de se renseigner auprès de l'assistante sociale en Floride qui connaîtrait bien le dossier. Les enfants ont été placés dans une famille d'accueil aux Etats-Unis avant d'être confiés à leurs grands-parents maternels en France.

L'aîné aurait apporté à son grand-père une photo d'un magazine sur laquelle était représentée une femme allongée sur le sol devant une voiture. Le grand-père a compris cet appel de son petit-fils mais n'aurait pas osé lui en parler car l'enfant se mettrait en colère si des fleurs fanées restent devant la photo de sa mère. Le pédopsychiatre apprend par un document officiel que le père serait incarcéré pour le meurtre de sa femme. Cet événement s'est passé devant ses deux enfants. Le plus petit était dans la voiture sur les genoux de sa mère et a échappé à la mort. Ils avaient deux ans et huit mois.

L'aîné se montrerait protecteur avec son petit frère. Il resterait assez inactif face aux autres. Il a quelques échanges avec le pédopsychiatre mais cela resterait des gestes par intérêt. Le seul jeu auquel il jouerait, serait le jeu dévoreur des crocodiles. Il ne jouerait plus avec sa caisse de jouets des États-Unis et aurait laissé son doudou. Le petit frère, quant à lui, ne montrerait pas de problèmes.

Les enfants et le grand-père feront partie d'un groupe parents-enfants. Dans ce groupe, les parents se trouvent dans la salle d'attente avec un thérapeute et les enfants avec trois thérapeutes dans une salle. La petite voiture de l'ambulance fait retentir sa sonnette dont le bruit est semblable à celui de l'alarme américaine. Cela fait taire tout le monde. Les auteurs parlent d'un « silence de mort ». Le pédopsychiatre entre dans le jeu en prenant soin des passagers de l'ambulance. Le petit frère aurait sangloté et parlé le langage qu'il utilise avec son aîné. Le petit aurait revécu le traumatisme à travers le jeu. A la fin de la séance, il se laisse porter par le grand-père. Il jouera ensuite à des jeux maternant comme la dînette ou dans le soin. Le pédopsychiatre aurait remarqué une autonomisation du petit par rapport à son frère. Les auteurs mettent en avant le fait que ce petit, qui au premier abord semblait aller bien, aurait pu être soigné par la thérapie. Mais ils restent vigilants car, selon eux, le traumatisme pourrait refaire surface au moment où il deviendra parent.

Le petit frère était résilient selon les auteurs. Ils auraient vécu le traumatisme avec lui lors de cette séance par la répétition du bruit de l'ambulance. Il y aurait des traces mnésiques sensorielles chez ce petit garçon qui n'aurait pas exprimé sa souffrance avant cette séance. Il aurait vécu un moment fort en émotion et en sensorialité, doublé d'une perte inattendue de l'objet d'amour, sa mère. Freud raconte que le petit enfant a besoin de l'objet maternel pour apaiser ses angoisses.

Le petit frère, ayant été bien entouré par une famille d'accueil après le drame, a pu enfouir cette situation traumatique en la plaçant dans « des zones psychiques mortes à l'intérieur du moi »

comme le disait Ferenczi. L'absence de la mère aurait toutefois empêché au bébé une élaboration passant par elle. Il se serait donc battu contre cet effroi. Les auteurs reprennent Ferenczi qui précise que l'absence de la mère empêcherait la relation d'objet et la transformerait en relation narcissique.

Les représentations des enfants seraient carencées car n'auraient pas eu la place pour se développer. L'aîné n'aurait pas de représentations nées de l'élaboration. Il aurait copié des images comme celle des fleurs fanées qu'il refuse de laisser devant la photo de sa mère. L'aîné aurait des symptômes post-traumatiques comme une régression de la marche, des cris, des cauchemars. Le rêve ne réussirait pas à remplir sa fonction de pare-excitation. C'est la compulsion de répétition décrite par Freud qui s’exercerait. Les rêves seraient l'instance qui permettrait au sujet de sortir de l'impression traumatique pour accéder de nouveau au principe de plaisir.

La symptomatologie de l'aîné et le ressenti de la détresse lors de l'événement traumatique pour le plus jeune, montreraient que la symbolisation n'aurait pas pu se faire. Le jeu avec l'ambulance aurait permis au petit frère de développer son moi autonome. Les auteurs mettent en avant les bénéfices des groupes thérapeutiques car la relation individuelle maintiendrait un versant défensif au niveau de l'élaboration. Par le sens créatif, on pourrait accéder à l'élaboration chez l'enfant. Ce serait en repassant par l'excitation initiale du traumatisme, à travers le jeu par exemple, que la pensée pourrait prendre sens. La représentation une fois possible, permettrait à l'enfant d’accéder à la fonction symbolique et à la parole. L'enfant serait en capacité, à ce moment-là, de refouler le traumatisme. L'acte agressif, par exemple, viendrait.