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CHAPITRE I. REVUE DE LITTERATURE

III. L E FONCTIONNEMENT PSYCHIQUE D ' ADOLESCENTS DITS « INCASABLES »

1. Une transition d'un âge à un autre : de la période de latence à l'adolescence

1.2. Processus psychiques à l'adolescence

L’adolescence est décrite comme une période où le corps et l'esprit vont subir des changements importants qui auront des effets sur les comportements des enfants. Freud (1987) parle de l'âge de la puberté à l'adolescence. La puberté aurait pour rôle de finaliser la sexualité infantile. Le développement serait différent selon l'homme et la femme, ceux-ci n'ayant pas le même but sexuel. La pulsion sexuelle provenant des zones érogènes se recentrerait sur la zone génitale. La pulsion sexuelle était jusqu'alors tournée vers le sujet lui-même mais va se diriger à présent vers l'objet. Le développement de la puberté se manifeste par la croissance de l'organe génital externe et interne qui

42 Emmanuelli, M. (2009a). Le processus d’adolescence : perspective psychanalytique. In Adolescence (PUF, pp. 28– 64). Paris.

stagnait à la période de latence. Si la sexualité anormale acquérie durant l'enfance se solidifie lors de la puberté, alors le résultat en serait que le sujet aurait une vie sexuelle tournée vers la perversion. Si elle est refoulée, alors elle se trouverait coincée dans l'inconscient et provoquerait le symptôme. Freud décrit deux types de transformations : une tension psychique et une mise en condition corporelle, somatique. Ce serait le temps où différentes sortes d'excitations sexuelles se manifesteraient. La première, la plus sollicitée, serait l’œil. En effet, l'objet sexuel serait repéré grâce à l’œil. La notion de beauté serait en lien avec le plaisir. Cependant le sujet serait à la recherche d'un plus grand plaisir qui pourrait devenir déplaisir s'il reste insatisfait.

Le plaisir serait en lien avec l'idée d'atteindre le plaisir final. C'est le plaisir de satisfaction qui apparaît une fois soulagé, alors la libido s'atténuerait progressivement. C'est ce que Freud (1987) appelle « plaisir préliminaire » et « plaisir terminal ». Le plaisir préliminaire serait lié à celui découvert lors de l'enfance. Si la personne ne concentre pas sa sexualité vers la zone génitale, entre la période de latence et le développement de la puberté, la sexualité préliminaire sera la sexualité établie. Freud décrit la libido comme une force plus ou moins intense en lien avec les mécanismes et les modifications de l’excitation sexuelle. La libido du moi deviendrait libido d'objet.

Comme précisé précédemment, l'homme et la femme ne se développeraient pas tout à fait de la même façon. Les inhibitions en lien avec la sexualité, dont celles vues plus haut, surgiraient plus tôt chez la femme. La femme favoriserait la forme passive lorsqu'elle serait sujette aux pulsions partielles. Selon Freud, chez la femme, le point de repère sexuel connaîtrait une évolution puisqu'il passerait du clitoris au vagin par transmission de l'excitation sexuelle tandis que chez l'homme, il resterait le même, et ce depuis l'enfance.

La découverte de l'objet sexuel est développée par Freud (1987). Le tout premier objet serait lié à l'alimentation par le sein maternel. Le maternage éveillerait chez l'enfant des pulsions sexuelles nécessaires au bon développement de l'enfant. Cependant, si la mère abuse de cette tendresse en donnant trop d'amour à son enfant, celui-ci se verrait avoir une sexualité trop rapidement mature. Il aurait alors besoin de beaucoup trop d'amour, pouvant développer une névrose. Ces enfants et les enfants soumis à des angoisses, seraient susceptibles à des angoisses d'abandon par la mère. La névrose d'angoisse serait en lien avec la libido. En grandissant, l'enfant développerait une morale qui le détournerait de son premier objet d'amour. La barrière de l'inceste serait commune à toutes les populations et acquise par transmission héréditaire. Mais cela ne serait pas quelque chose

en parallèle de l'émancipation surmoïque. Si cette émancipation ne se fait pas lors de la période adolescente, alors le lien avec l'objet secondaire serait rigide et la sexualité dépourvue d'excitation. Il y aura un lien entre les relations d'objet primaire et d'objet sexuel.

Lors de la période de l’adolescence, les premiers choix d'objets seraient fantasmatiques et se référeraient aux fantasmes incestueux. Lors de l'enfance, quelques traces se sont inscrites et ont dirigé le choix d'objet : elles ressortiront à la puberté sous la forme d'une préférence pour les parents ou pour les personnes prodiguant des soins à l'enfant. Mais la barrière de l'inceste détournerait l'enfant de ses préférences vers des personnes ressemblant aux parents ou, au contraire, l'enfant se tournerait vers des personnes très différentes de ses parents. C'est ce que Freud appelle « l'inversion ». Mais à l'époque de Freud, les phénomènes sociétaux faisaient que les personnes se trouvaient peu dans des mécanismes d'inversion car cela était réprimandé. Par exemple, un vieux bourgeois ne laissait pas sa fille épouser un paysan. Là se pose la question de l'amour véritable au détriment d'un « amour forcé », mais ceci est un autre sujet. Le mariage forcé pourrait alors déclencher des troubles du développement sexuel ou bien des attraits névrotiques.

De même, Emmanuelli (2009a) reprend les modifications sexuelles déjà décrites par Freud lorsqu'elle parle de la puberté. C'est également le temps des transformations corporelles avec le développement de la masse musculaire, du squelette, de la pilosité, de la mue chez les garçons, des règles chez les filles. Ce serait le temps des nouveaux goûts, d'une modification du comportement, de la naissance de nouveaux intérêts. Selon l'auteure, plus cette évolution est rapide, plus elle serait difficile à accepter. Les regards portés sur le jeune et celui qu'il porterait sur les autres auraient une nouvelle orientation en lien avec le désir. Le narcissisme serait alors rejoué en même temps que la relation à l'autre. C'est le moment où, comme le décrit Freud, courant tendre et courant sensuel s'intègrent pour se tourner vers l'objet.

Elle parle du terme de « crise d'adolescence ». Ce qui se passe lors de cette période ne serait pas à prendre exclusivement sous l'ordre de la pathologie car il n'y aurait pas d'adolescence sans crise. Cependant, certaines manifestations seraient à surveiller selon l'auteure. Il s'agirait de violences contre soi ou contre autrui, d'un développement allant à l'inverse de ses exigences. Le manque de « crise » chez un jeune dont on ne se soucierait pas, pourrait alors se définir par un mécanisme morbide.

Beaucoup d'éléments (biologiques, sociaux, familiaux, professionnels) transitent vers une autonomie. Le jeune se doit de se réapproprier son nouveau corps et s’adapter à ces nouveautés. Les mécanismes de défense préexistants seraient sollicités dans ce conflit. Ce serait le temps d'une réactivation des pulsions, de la remise en jeu de l'oedipe et de la séparation ainsi que d'une évolution identificatoire. Ce serait également le temps de la découverte de la solitude et/ou de la vie de couple.

La théorie d'Anna Freud sur le ça et le moi lors de l'adolescence a inspiré l’auteure (2009a). Le moi connaîtrait des remaniements tandis que le ça évoluerait quantitativement, amenant l'adolescent à des pulsions sexuelles et agressives accrues. Cela illustrerait l'augmentation des conduites agressives à cet âge. Ce serait le retour vers des phases anales et orales par l'indifférence face à la saleté et par l'appétit. Les buts pulsionnels se verraient changés avec l'arrivée de pulsions génitales.

A l'adolescence, de nouveaux mécanismes de défense apparaîtraient tels que l'ascétisme, la bêtise, l'intellectualisation et l'agir. La bêtise serait une réponse aux pulsions sexuelles : répondre par l'humour pour traiter l'excitation. L'ascétisme, en revanche, pourrait amener le jeune à refuser tout plaisir de la vie. L'interdit de la satisfaction pulsionnelle primerait. Cela viendrait d'un fort rejet du corps et des remaniements engendrés par la puberté. L’intellectualisation se rapprocherait du registre de l'ascétisme. Ce serait le rejet de tout plaisir par contention et maîtrise des pulsions. Enfin, l'agir, qui n'est pas un mécanisme de défense psychique, amènerait l'adolescent à réaliser un conflit dans le réel par difficulté de se le représenter psychiquement.

Le surmoi serait remis à l'épreuve lors de l'adolescence. Les relations entre le moi et le surmoi se modifieraient. Il y aurait une perte du maintien du surmoi chez les parents qui seraient eux-mêmes renvoyés à leur propre problématique pubertaire. L'activité de la sexualité changerait le statut de l'adolescent face au surmoi.

L'idéal du moi serait issu du narcissisme et dépendrait des identifications aux parents. A l'adolescence, l'enfant remettrait en cause l'autorité parentale. Ainsi il trouverait son autonomie en se détachant du surmoi. Le narcissisme serait en mouvement dans le but de trouver une réalisation d'un nouvel idéal. L'adolescent serait en quête d’une image positive de lui-même pour reconstruire son narcissisme. Parfois le jeune chercherait parmi ses pairs un idéal contraire à celui des parents. Cependant, l'idéal du moi lié aux parents serait toujours présent et permettrait une régulation entre

l’idéal du moi extérieur espéré par le jeune et la réalité décevante.

Les identifications sexuelles chez les adolescents sont décrites par Emmanuelli (2009a) : l'investissement d'une forte masculinité chez le garçon pourrait être dû au contre-investissement du complexe de castration. Chez la fille, ce serait une revendication phallique, allant à l'inverse de la représentation passive que peut illustrer la mère. L'auteure passe par la problématique homosexuelle comme étant un processus adolescent. L'homosexualité serait une position psychique. Il y aurait « l'homosexualité primaire » qui serait une étape du développement de l'enfant, permettant d'organiser la pensée dans un sens où l'enfant existe indépendamment du corps de l'autre et « l'homosexualité secondaire » venant d'un complexe d'œdipe dit « négatif ». C'est cette dernière qui aurait une influence sur les identifications et sur les représentations, de soi notamment.

A l'adolescence, un investissement de l'autre du même sexe soutiendrait le narcissisme. La plupart du temps, l'homosexualité se sublimerait en devenant une relation d'amitié. C'est le moment où les jeunes se tourneraient vers des activités mixtes. Chez quelques adolescents, ce serait un choix d'objet définitif. L'homosexualité à l'adolescence aurait une valeur structurante pour le sujet qui trouverait une part de lui-même en l'autre. La fille trouverait en une autre, plus vieille, un idéal féminin lui permettant de s'identifier et de devenir à son tour féminine. Pour le garçon, l'ami aurait un rôle portant l'idéal du moi et apporterait un sentiment d'unité psychique. La relation d'amitié entraînerait une peur de l'homosexualité (active) chez le garçon. Des questionnements sur une éventuelle homosexualité, agie ou non, se poseraient chez l'adolescent ; tandis que chez l'adolescente, ce serait plus secret et moins actif. Au sujet de la problématique amoureuse, selon l'auteur, l'objet pourrait servir à replacer l'idéal du moi qui serait trop pauvre lors d'une relation amoureuse.

Le narcissisme des adolescents permettrait une concentration libidinale sur soi. Le jeune entrerait dans la toute-puissance du raisonnement. L'ingestion de la part de l'autre en soi supporterait l'idéal du moi. L'adolescence serait le moment de la séparation avec le premier objet.

La question des identifications ressort à différents niveaux dans ce texte. Je vais alors tenter de comprendre ce concept en le développant. En effet, l'identification joue un rôle important dans la construction du sujet notamment lorsqu'il s'agit de l'idéal du moi.

Le concept de l'identification est repris par Bonnant43, psychanalyste. Il l'explique en s'appuyant sur la théorie freudienne dans un premier temps, puis sur la théorie lacanienne dans un second temps. L'auteur décrit le concept comme étant pluriel. Il y aurait trois types d'identifications que décrirait Freud. La première se jouerait avant la période du complexe d’œdipe : en s'inspirant de l'autre, le moi se consoliderait jusqu'au sortir de l’œdipe. La deuxième identification est définie par le renoncement à l'objet. L’identification viendrait à la place de l'investissement objectal par introjection de l'objet dans le moi. Ce serait dans la continuité de la première que la seconde prendrait le relais en se basant sur un dépôt des objets laissés à l'abandon. La troisième identification serait, comme la deuxième, une identification partielle et pourrait amener au symptôme. Cependant, ce ne serait pas une identification libidinale. Le sujet va repérer chez l'autre l'expression de désirs auxquels il s'identifierait. C'est par exemple ce qui se passerait lors de phénomènes de groupe.

Ce concept freudien sur l'identification poserait les bases de la théorie mais mériterait d'être approfondi selon Bonnant. Il reprend les travaux de Lacan sur la question. Lacan prétend que le processus identificatoire s'appuierait sur le moment du stade miroir. Entre le sixième et le dix-huitième mois, l'enfant exprimerait, par un bruit de joie, le moment où il perçoit une image dans le miroir. L'enfant, qui vivait jusqu'alors dans un corps ressenti comme étant morcelé, se verrait dans une unité, ce qui provoquerait une tension. Le moi, selon Lacan, serait composé d'une superposition d'images dont le support serait l'autre, semblable. Il y aurait une identification allant du moi à l'autre. Le mimétisme définirait ce moment identificatoire.

Le premier type d'identification se ferait lorsque l'enfant différencierait son corps de celui de sa mère. Il développerait la notion de privation, de présence/absence de l'Autre (le grand Autre maternel). Le second type d'identification se ferait par la frustration. Lorsque l'enfant apprend le « signe », il perdrait une part de sa toute-puissance car, avant les premiers mots, il n'avait pas besoin de demander à l'Autre ses besoins, puisqu’avec le signe, il accédait à la demande. Ce serait ce que Lacan appellerait « la perte de la Chose dans l'objet ». La castration serait le troisième type d'identification. L'objet prendrait une nouvelle forme. La castration permettrait l'achèvement de la structure du signifiant. L'objet prendrait le statut d’existence pour le sujet. Il deviendrait l'objet du désir. L'identification chez Lacan et chez Bonnant réaliserait chez le sujet l'idée du « trait unaire ».

Le holding de Winnicott est repris par De Santa Ana44, psychologue et psychothérapeute. En effet, les jeunes enfants auraient besoin d'un portage, de bons soins de la part de la mère pour se sentir contenus. Winnicott décrit, dans l'ouvrage réédité en 2006, La mère suffisamment bonne 45, qu'un environnement n'étant « pas suffisamment bon » (not good enough) peut altérer le développement du petit enfant, tandis qu'un environnement « suffisant » (good enough) permettra au bébé d'acquérir les assises nécessaires pour parvenir aux satisfactions innées, aux angoisses et aux conflits rencontrés lors de son développement aux travers de chaque stade.

L'institution accueillante aurait un rôle d'enveloppe psychique auprès des jeunes, selon De Santa Ana (2015). Les enfants soumis aux traumatismes psychiques auraient vu s'envoler ses enveloppes internes et externes. Le sujet n'existerait plus en tant que tel dans les moments où l'on doit agir pour sa survie. Le thérapeutique en institution permettrait au jeune une relance des processus adolescents laissés de côté avec la survenue du traumatisme.

Les processus adolescents sembleraient être les héritiers des mécanismes psychiques élaborés lors de la période de latence dont les capacités de mise au travail dépendraient de la qualité et de la quantité des investissements mis en jeu lors de l'infans. Cependant, je vais avoir un aperçu des effets d'une mauvaise investigation des processus psychiques chez l'enfant lors de la période de latence jusqu'à l'adolescence.