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3. Chapitre Travail collectif transverse dans les processus organisationnels

3.2. Définition et caractérisation des processus organisationnels

3.2.3. Processus et projet : similitudes et différences

Alors que Detchessahar (2003) souligne la similitude de logique entre un processus et un

projet, nous proposons de caractériser ici ce qu’ils ont de semblable et de différent pour

identifier dans la section suivante (§ 3.2.4) le rôle des différents acteurs impliqués dans leur

management. En effet, si la littérature est abondante sur le management de projets (e.g.

Demeestrère & Mottis, 1997 ; Garel, 2011 ; Muller, 2016) ou le management de processus

(e.g. Grebici, 2007 ; Cattan, Idrissi & Knockaert, 2008 ; Averseng, 2011 ; Haik & Shahin,

2011), la mise en lien entre les notions de processus et de projet ne semble pas évidente.

L’analyse de la littérature nous permet d’identifier les différences et les similitudes entre un

processus et un projet, puis de proposer une définition de la notion de projet.

Dans un ouvrage récent, Muller (2016) pose l’idée que la différence entre processus et

projet tient à leur finalité, en lien avec leur temporalité.

En effet, d’une part, un processus a une finalité de répétitivité et de production (Muller,

2016) ; il a donc « une finalité permanente » (Brandenburg & Wojtyna, 2003, p. 10). Bien que

chaque opération réalisée au cours du processus soit unique, toutes sont menées selon une

logique déterminée (Muller, 2016).

D’autre part, un projet a un caractère « exceptionnel » (Lorino & Tarondeau, 2006, p. 318 ;

Lorino, 2009, p. 91) ou unique (ISO 9000, 2015 ; Muller, 2016), dans le sens où il est marqué

par un début et une fin (Lorino, 2009). En visant la réalisation d’opérations spécifiques

(Muller, 2016), il a une « finalité temporaire » (Brandenburg & Wojtyna, 2003, p. 10),

généralement définie avant son lancement (Garel, 2003).

Par ailleurs, Muller (2016) met en évidence le flou possible entre les notions de processus et

de projet en lien avec deux constats. Le premier tient au fait que « le terme "projet" est

souvent utilisé dans les entreprises en lieu et place de "processus" » (Ibid, p. 185). Le

deuxième constat est celui que certains aspects des projets sont réalisés selon des processus

prédéfinis (par le Process Management Institute, par exemple). De plus, du fait de leur

fonctionnement matriciel, les processus transversaux peuvent être assimilés à des projets

« permanents » (Afnor, 2005, p. 17).

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Les similitudes fortes entre les notions de processus et de projet ainsi que le flou mis en

évidence ici nous amènent à considérer, à l’instar de Bonjour et Dulmet (2006) qu’un projet

correspond à l’instanciation unique d’un processus.

Une autre caractéristique similaire tient à leur complexité. Selon Muller (2016, p. 7),

« Un projet est toujours complexe », non pas d’un point de vue technique, mais au regard du

nombre d’acteurs qu’il implique. En effet, « le projet fait appel à des ressources, à des

moyens, à des compétences qui généralement ne sont pas placés sous une seule et même

autorité », mais qui doivent être organisés et coordonnés pour travailler ensemble à l’atteinte

d’objectifs communs, en dépit de la divergence de leurs intérêts (Ibid, p. 7). Or, si on

considère le projet comme étant une instanciation d’un processus, cette caractéristique d’un

projet est également vraie pour un processus.

Par ailleurs, la complexité d’un processus (et donc – selon la même logique – d’un projet)

tient également à la complexité du produit ou du service qui en est issu. Effectivement,

Grebici (2007, p. 31) précise qu’« un produit complexe implique aussi une organisation

complexe du processus ». L’auteure explique que la complexité technique du produit

(matériel, informationnel) du processus a deux impacts : d’une part sur l’organisation des

tâches (certaines devant être réalisées avant d’autres), d’autre part sur le nombre d’acteurs

intervenant dans le processus et donc sur la diversité de leurs connaissances et de leurs

compétences ; ce qui oblige à tenir compte des contraintes de chacun et à se coordonner.

La dimension transverse (comprise ici comme l’implication d’un nombre important d’acteurs

ayant des compétences différentes) constitue un point commun au processus et au projet, qui

amène à les caractériser comme étant complexes. Plus particulièrement, les processus de

conception collective illustrent bien la complexité liée à la transversalité qui les sous-tendent.

Ceux-ci relèvent en effet d’« une activité de conception participative » (Caelen, 2009, p. 84)

ou collaborative (Barcellini, 2015), dans laquelle les acteurs, considérés comme experts (des

savoirs qu’ils possèdent), contribuent tous, avec leurs différents savoirs, au même résultat.

Cette compréhension nous mène ainsi à considérer que ce qui distingue les notions de

processus et de projet tient à leur finalité temporelle ; et que leurs similitudes tiennent à la

caractérisation du projet comme instanciation unique d’un processus, à leur complexité liée à

leur transversalité, et plus globalement à une logique commune. Dans le cadre de cette

recherche-intervention, l’identification et la caractérisation du lien entre un processus et un

projet (en tant qu’instanciation d’un processus) et leur similitude est importante : elle nous

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amène, dans l’une des méthodes mise en œuvre, à comprendre le processus documentaire à

travers la mise en récit de projets.

La spécification des similitudes et des différences entre les notions de projet et de

processus nous amène à préciser les spécificités d’un projet. En plus de sa finalité temporelle,

la mise en évidence d’autres caractéristiques permettra ensuite de proposer une définition du

projet. Ainsi, la réalisation d’un projet (Garel, 2003 ; ISO 9000, 2015) :

- vise l’atteinte d’un but global : son organisation est définie pour réussir le projet, pour

atteindre assurément le but visé ;

- du fait de son caractère non répétitif, il ne reproduit pas un contenu, une organisation

et un planning pré-définis ;

- répond à un besoin exprimé et est soumis à des exigences (délais, coûts, ressources,

spécifications techniques) ;

- est soumis à l’incertitude, puisqu’il est soumis à des variables exogènes (événements

ou acteurs extérieurs) et que le chemin à parcourir pour atteindre le but visé n’est pas

prédéfini par des standards ; les caractéristiques du produit ou du service qu’il vise

peuvent ainsi être déterminées au cours de son avancement ;

- est combinatoire et pluridisciplinaire puisque l’atteinte du but suppose l’intégration de

la contribution de différents professionnels ;

- est temporaire (il a un début et une fin, généralement définis avant son lancement) et

est organisé par phases (jalonnées par des repères temporels prédéterminés).

Au regard des caractéristiques identifiées, nous proposons de définir un projet comme étant

un processus spécifique (unique) et temporaire (délimité dans le temps), composé d’un

ensemble combinatoire (supposant la coordination) de tâches réalisées par des acteurs

différents (supposant la pluridisciplinarité et la transversalité), en plusieurs phases

(successives ou parallèles), qui a pour but sa réalisation afin de répondre à un besoin (interne

ou externe, plus ou moins défini) qui induit des contraintes (techniques, temporelles,

budgétaires, de ressources), dont le déroulement et l’organisation devront faire face à des

incertitudes (quant à la manière d’atteindre le but visé) et aux variables exogènes (éléments

non prévus par le projet).

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