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3. Chapitre Travail collectif transverse dans les processus organisationnels

3.2. Définition et caractérisation des processus organisationnels

3.2.2. Caractérisation des processus organisationnels

Après avoir défini la notion de processus, nous nous attachons ici à identifier comment la

littérature caractérise les processus. De cette façon, nous cherchons à construire une grille de

lecture permettant de décrire un processus, de le différencier d’un autre, de le caractériser.

Celle-ci repose dans un premier temps sur la distinction entre « processus prescrit » et

« processus réel » (§ 3.2.2.1) ; ensuite sur la caractérisation des processus selon les objectifs

qu’ils visent et leur récurrence (§ 3.2.2.2) ; enfin, sur leur organisation (§ 3.2.2.3).

3.2.2.1. Processus prescrit, processus réel

Le processus prescrit correspond au processus « idéal », à un « modèle de processus »

(Grebici, 2007, p. 17), c’est-à-dire le processus tel qu’il est structuré et défini par

l’organisation. Cela revient à parler de l’organisation formelle du processus à travers la

structure hiérarchique, les organigrammes, les règles formelles, les procédures, etc. (Bevort,

Jobert, Lallement & Mias, 2012) qui cadrent le travail.

Le processus réel correspond au « processus effectif » c’est-à-dire au « déroulement réel des

activités

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telles qu’elles sont exécutées par les acteurs » (Grebici, 2007, p. 17) ; parler du

processus réel revient à s’intéresser aux relations réelles entre acteurs (individuels ou

collectifs), aux flux de production réels, aux « arrangements locaux », aux coopérations et

conflits, etc. (Bevort & al., 2012).

3.2.2.2. Caractérisation des processus selon leurs objectifs et leur récurrence

Un processus peut être catégorisé selon les objectifs qu’il vise, à savoir des objectifs de

réalisation, de support, de management ou de pilotage.

Les processus de réalisation contribuent directement à la réalisation d’un produit ou d’un

service pour un client, de la détection du besoin à sa satisfaction (Brandenburg & Wojtyna,

2003 ; Afnor, 2005).

Les processus de support visent à fournir les ressources nécessaires à l’ensemble des autres

processus (Brandenburg & Wojtyna, 2003). Ils se rapportent notamment aux ressources

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humaines, financières, aux installations et à leur entretien, et au traitement de l’information

(Afnor, 2005). Selon le cœur d’activité d’une entreprise, « un même type de processus peut

être considéré soit comme processus de réalisation soit comme processus de support » (Ibid,

p. 15).

Les processus de management ou de pilotage assurent la cohérence des processus de

réalisation et de support ; les informations venant des autres processus leur permet d’une part

de déterminer la politique, le déploiement des objectifs et l’allocation des ressources de

l’entreprise, d’autre part de mesurer les résultats des processus de réalisation et de support

pour déterminer des actions d’amélioration (Brandenburg & Wojtyna, 2003 ; Afnor, 2005).

D’après Lorino et Tarondeau (2006), les processus peuvent être plus ou moins « répétitifs

et stables » ; cela dépend fortement du type de produit créé par le processus.

Lorsque la production est répétée, de type production de masse, on cherche à répondre aux

besoins du marché récoltés par recensement et analyse du marché (Grebici, 2007). Dans ce

cas, le processus est structuré, c’est-à-dire qu’il est possible de décomposer strictement les

tâches à réaliser et le rôle de chacun (Averseng, 2011) et la prescription est forte pour

maîtriser le processus et éliminer l’incertitude (Sardas, Erschler & de Terssac, 2002).

Lorsque la production est centrée sur un produit unique, le processus doit répondre à un

besoin spécifique d’un client donné, par exemple un ouvrage hydraulique, un produit

d’architecture, un satellite, etc. (Grebici, 2007). Dans ce cas, le processus a un caractère

singulier (Sardas & al., 2002) ; il doit être adapté chaque fois qu’il est exécuté (Averseng,

2011).

3.2.2.3. Types d’organisation d’un processus

Dans une étude qui vise à mettre en évidence de quelle façon les entreprises peuvent

augmenter leur flexibilité pour répondre aux changements de l’environnement, Sanchez et

Mahoney (1996) mettent en évidence trois types d’organisation de processus de conception :

séquentielle, concourante, modulaire. Le processus documentaire auquel nous nous

intéressons dans cette recherche étant un processus de conception (§ 2.2), cette grille de

lecture, complétée par des écrits plus récents en sciences de gestion, nous semble intéressante

pour comprendre la logique et la stratégie qui sous-tend l’organisation des processus de

conception.

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Le processus de conception séquentiel est organisé selon un déroulement séquentiel

(successif) des différentes étapes (ensemble de tâches) de conception et de développement

(Sanchez & Mahoney, 1996), qui sont réalisés par des métiers différents. La donnée de sortie

produite par un métier devient la donnée d’entrée pour celui qui intervient ensuite. Cette

organisation séquentielle est donc également fonctionnelle puisqu’elle se caractérise par « une

séparation des expertises entre les différents métiers » (Garel, 2003, p. 36) impliqués dans la

conception du produit ou du service, qui sont coordonnés par la hiérarchie. Les différentes

étapes constituent des sous-problèmes, résolus de manière séquentielle, ce qui implique que

l’occurrence d’un blocage à une étape nécessite un retour en arrière à l’étape précédente

(Cohendet, Diani & Lerch, 2005).

Le processus de conception concourant repose sur un chevauchement des différentes étapes

de conception (Sanchez & Mahoney, 1996) ; le début d’une étape démarrant ainsi avant la fin

de l’étape précédente. La conception est réalisée par des équipes pluri-métiers qui se

coordonnent et élaborent des « compromis entre les contraintes portées par les différents

métiers » (Charue-Duboc & Midler, 2002). Des directeurs de projets animent ces équipes

pluri-métiers (transverses). La coordination et la coopération entre les acteurs intervenant

dans les phases amont et aval du processus permet une anticipation des problèmes de

conception. Cette organisation permet de limiter les retours en arrière et ainsi de réduire le

délai total (Garel, 2003 ; Cohendet & al., 2005).

Le processus de conception modulaire repose sur une décomposition du processus en

différents modules (qui correspondent à des sous-ensembles de tâches) autonomes et une

recomposition en rassemblant les différents composants du produit ou du service final conçus

dans chaque module (Frigant, 2007). Cette organisation permet d’une part de réduire les

interdépendances entre les modules, d’autre part de réduire le temps de réalisation du

processus par une réalisation simultanée des différents composants du produit (Cohendet &

al., 2005 ; Bérard, 2009). Cette organisation suppose une division fonctionnelle des tâches

puisque la conception de chaque composant est réalisée séparément, par des experts possédant

des savoirs différents (Moati & Mouhoud, 2005).

Quelle que soit l’organisation (séquentielle, concourante ou modulaire) adoptée par

l’entreprise, toutes nécessitent l’intervention d’une diversité d’acteurs, pluri-métiers. Un

processus suppose ainsi une transversalité (§ 3.1). Or, la gestion des interfaces entre les

différents acteurs ou métiers est essentielle, d’autant que la majorité des dysfonctionnements

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aurait spécifiquement lieu aux interfaces (Cattan, 2017), c’est-à-dire « dans les zones

d’interdépendance entre activités, entre équipes, entre catégories professionnelle (…) là où

l’ajustement est problématique » (Grosjean & Lacoste, 1999, p. 165).