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3. Chapitre Travail collectif transverse dans les processus organisationnels

4.3. Mettre en place des espaces de débat pour organiser le travail d’organisation

La mise en débat du travail favorise un travail d’organisation lorsqu’elle permet la

construction de nouvelles règles d’organisation. Dans cette section, nous montrons en quoi

l’intervention ergonomique peut avoir pour objectif d’organiser le travail d’organisation (§

4.3.1) par des espaces de débat favorables au développement des collectifs (§ 4.3.2). La mise

en place de ces espaces de débat nécessite de penser leur ingénierie (§ 4.3.3), qui peut

nécessiter de structurer ces espaces selon le principe de subsidiarité (§ 4.3.4). Pour mettre en

visibilité le travail qu’il s’agit de mettre en débat, ces espaces de débat reposent sur des

méthodes spécifiques (§ 4.3.5).

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4.3.1. Organiser le travail d’organisation

L’intervention ergonomique capacitante vise la transformation de l’organisation pour

permettre que celle-ci soit débattable et instrumentalisable (§ 4.1.2.3). La visée constructive

de ces interventions consiste à « donner du pouvoir aux organisations, aux personnes, de leur

donner des outils additionnels leur permettant de progresser » (Falzon, 2005, p. 8). Or, les

auteurs sont de plus en plus nombreux à s’accorder sur les bénéfices (et à mettre en place) des

espaces de débat sur le travail favorables au débat et à la confrontation de points de vue

(Detchessahar, 2011 ; Rocha, 2014 ; Casse, 2015 ; Barcellini, 2015, 2017) : ils permettent

d’une part de soutenir l’activité réflexive des acteurs de l’organisation et d’autre part de

prendre en compte le travail d’organisation qu’ils réalisent pour l’intégrer à la structure

(Barcellini, 2017).

Mis en place dans le cadre d’une intervention ergonomique capacitante, le dispositif « espace

de débat » a pour vocation d’une part d’être durable, c’est-à-dire institutionnalisé et protégé

au sein de l’organisation (Detchassahar, Gentil, Grevin & Stimec, 2015 ; Arnoud & Perez

Toralla, 2017) ; d’autre part de traverser tous les niveaux de l’organisation (Rocha, 2014 ;

Arnoud & Perez Toralla, 2017 ; Rocha & al., 2017).

La possibilité de faire reconnaître l’intérêt des espaces de débat par les directions, de les

institutionnaliser et de structurer ces espaces à travers l’intervention revient à « organiser le

travail d’organisation » (Detchessahar, 2011 ; Detchessahar & Grevin, 2009 ; Mollo &

Nascimento, 2013 ; Van Belleghem, de Gasparo & Gaillard, 2013 ; Rocha, 2014).

4.3.2. Des espaces de débat favorables au développement des collectifs

Les espaces de débat portent les objectifs productifs et constructifs (Barcellini, 2017 ; Carta,

2018) caractéristiques des interventions ergonomiques capacitantes.

Ils permettent une activité réflexive, qui consiste à prendre pour objet de réflexion sa propre

activité de travail (Falzon, 2006). Lorsque cette activité réflexive est collective, elle « repose

sur la confrontation d’un groupe de professionnels à l’activité de travail d’un ou plusieurs de

ses membres, qu’ils appartiennent ou non au même domaine d’expertise ou à la même

fonction hiérarchique » (Mollo & Nascimento, 2013, p. 209).

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Les espaces de débat permettent ainsi à un groupe d’acteurs de mener une activité réflexive

collective, favorable au développement des collectifs (Ibid), dans le sens où le débat et la

confrontation des points de vue des acteurs permet (Arnoud, 2013 ; Mollo & Nascimento,

2013 ; Raspaud, 2014 ; Laneyrie, 2015 ; Poret & al ; 2016 ; Carta, 2018) :

- de rendre et visible et donc de mieux comprendre le rôle de chacun des acteurs

(individuels ou collectifs) et les spécificités de leur activité, notamment les contraintes,

les besoins et les difficultés qu’ils rencontrent. La mise en visibilité et la

compréhension du travail de l’autre semblent favoriser deux aspects :

l’intercompréhension, qui est à son tour favorable à une meilleure intégration de

l’activité de l’autre dans la façon de réaliser son travail, et la possibilité de redonner du

sens au travail ;

- de partager et/ou d’élaborer des connaissances communes, qui contribuent ainsi à

développer de nouveaux savoirs et savoir-faire, et de construire un référentiel

commun ;

- de prendre conscience des relations d’interdépendance relatives à la contribution de

chacun dans un processus de travail ;

- de permettre, par des activités de clarification, d’explicitation et d’argumentation, de

construire collectivement des solutions négociées et optimisées, ou bien de produire

un plus grand nombre de solutions possibles permettant ainsi de nouvelles façons de

penser et d’agir, de « faire mieux » ou « autrement » ;

- de soutenir la construction de la confiance.

4.3.3. Ingénierie des espaces de discussion

L’organisation du travail d’organisation correspond au design des espaces de discussion

(Carta, 2018), à leur ingénierie (Detchessahar, 2011, 2013 ; Detchessahar, & al., 2015).

Celle-ci correspond à deux aspects : matériel (relatif aux outils et aux supports à la discussion, au

choix des participants, à la fréquence des séances) et conventionnel (relatif à l’écoute, au droit

à l’erreur, à la confiance, ainsi qu’à l’importance accordée à la parole par le management).

Le constat actuel est qu’il n’existe pas de modèle d’espace de débat « clé en main » (Domette

& Michel, 2016). Selon ces auteurs, ce dispositif doit être pensé comme un instrument qu’il

est nécessaire d’adapter à l’environnement local dans lequel il est déployé, et co-construit

avec les acteurs qui seront amenés à l’expérimenter (Rocha, 2014 ; Domette & Michel, 2016).

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Pour autant, au cours des mises à l’épreuve de ce dispositif, certains principes sont définis

comme des critères de réussite d’un espace de débat (qui peut être appelé espace de

discussion) (Detchessahar, 2011 ; Rocha, 2014 ; Piney, 2015 ; Rocha & al. 2017 ; Carta,

2018) :

- l’activité de travail est au centre de la discussion ;

- le débat doit être fréquent pour être au plus près des problèmes qui se posent au

quotidien ;

- l’espace de débat peut être animé par un manager de et dans l’activité pour progresser,

avec son équipe, vers des solutions communes et éventuellement remontées vers des

niveaux supérieurs ;

- le débat doit s’appuyer sur des outils, utilisés dans un objectif de pilotage plutôt que de

reporting, pour permettre une visibilité sur le travail collectif transverse et éclairer les

points de vue des différents acteurs ;

- les solutions produites doivent être mémorisées (tracées) pour marquer l’identité de

ceux qui en sont à l’origine et pour être remontées aux acteurs de l’organisation qui

ont la possibilité de mettre en place ces solutions ;

- la discussion doit avoir lieu sur le long terme, puisqu’à la fois elle repose et

conditionne le niveau de confiance entre les acteurs ;

- les acteurs impliqués dans la discussion doivent être reconnus comme ayant la

capacité d’agir sur les solutions débattues ;

- le principe de subsidiarité doit permettre d’organiser les débats de façon à ce que la

décision soit prise et que l’action soit réalisée au niveau le plus pertinent. Ce principe

et sa mise en lien avec le rôle des managers sont précisés ci-après.

4.3.4. Des espaces de débat structurés selon le principe de subsidiarité

4.3.4.1. Principe de subsidiarité et rôle des managers

Selon les principes énoncés ci-dessus, le manager de proximité participe aux espaces de

discussion, ne serait-ce que parce qu’il en est l’animateur (Detchessahar, 2011 ; Rocha, 2014).

Pourtant, selon les interventions, ce principe n’est pas toujours vérifié : le manager peut être

intégré plus tard, au cours de la mise en œuvre du dispositif d’intervention (Barcellini, 2017).

Cette configuration a lieu notamment lorsque l’intervenant juge que l’absence du manager est

plus favorable à la liberté de parole de ses subordonnés.

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Cependant, le principe de subsidiarité mis en avant notamment par Detchessahar (2013) et

Rocha (2014) octroie un rôle majeur aux cadres de proximité : ils animent les discussions, ils

donnent les consignes, ils prennent part aux discussions, ils garantissent la confrontation des

points de vue, et ils gèrent l’articulation entre ce qui est discuté dans l’espace de débat à un

niveau local (avec leur équipe) avec les informations et les prescriptions venues des niveaux

supérieurs.

Le principe de subsidiarité renvoie à la « recherche permanente du niveau le plus pertinent

pour l’action » (Petit & al., 2011, p. 404). Dans une entreprise, ce principe se traduit par le

fait de « ne pas faire à un niveau hiérarchique donné ce qui peut l’être avec plus d’efficacité

à un échelon inférieur » (Ibid). Dans l’objectif d’éviter un engorgement dans les niveaux

hiérarchiques élevés de l’organisation, les décisions doivent ainsi être évaluées et prises au

niveau le plus bas possible (Midler, 2012).

4.3.4.2. La subsidiarité : une condition de réussite des espaces de débat

Les travaux de Rocha (2014) mettent en évidence l’intérêt de prendre en compte le principe

de subsidiarité pour « structurer le débat », c’est-à-dire de « l’organiser de manière qu’il fasse

écho dans les différentes couches managériales de l’entreprise » (Rocha & al., 2017, p. 2).

En effet, certaines interventions sont confrontées à des « blocages » dans la mise en place de

solutions élaborées en cours d’expérimentation, celles-ci n’ayant pu être remontées à des

niveaux hiérarchiques décisionnaires permettant leur mise en place (Raspaud, 2014). Dans ce

cas, ces travaux montrent la nécessité de négocier, dès les premiers temps de l’intervention, la

participation des niveaux hiérarchiques pertinents pour rendre effective et durable la mise en

place des solutions.

En ce sens, Rocha (2014) met en évidence l’importance d’impliquer dans l’intervention les

niveaux hiérarchiques décisionnaires, présents dans l’instance qu’il nomme « comité de

direction ». L’instance en question a le pouvoir d’octroyer les ressources et les moyens

permettant la mise en place des espaces de discussion, elle permet de « dés-empêcher » les

managers (pour leur permettre d’agir sur l’organisation et sur les conditions de travail), et

décide du degré d’autonomie de chaque niveau hiérarchique pour traiter les questions

soulevées par le terrain.

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4.3.4.3. Ce que le principe de subsidiarité suppose pour les collectifs, les managers et

pour la conception du dispositif d’intervention

En donnant la possibilité aux acteurs de s’exprimer et de réaliser un travail d’organisation, les

espaces de débat favorisent la possibilité d’agir sur l’organisation de leur travail (Petit & al.,

2011). Les espaces de débat, en étant favorables à un travail d’organisation, ont pour objectif

de permettre au collectif de conserver sa capacité d’agir, voire de développer son pouvoir

d’agir (Rocha, 2014 ; Rocha & al., 2017).

Au niveau du manager, le principe de subsidiarité pose la question de la gestion des

problèmes qui émergent des espaces de débat – qu’il anime – s’il ne dispose pas des

ressources suffisantes pour les gérer (Detchessahar, 2013 ; Rocha, 2014 ; Rocha & al., 2017).

Ceci suppose donc que le principe de subsidiarité fonctionne dans les deux sens : « il faut

respecter le niveau de responsabilité le plus bas possible sans intervention d'un niveau

supérieur, mais il faut également l’intervention du niveau supérieur à chaque fois que le

niveau inférieur est défaillant » (Rocha, 2014, p. 77). Le principe de subsidiarité ne peut donc

fonctionner que si le manager dispose lui aussi d’un espace au niveau hiérarchique supérieur

pour prendre en charge les problèmes qu’il n’est pas en mesure de gérer (Detchessahar, 2013 ;

Rocha, 2014, Casse, 2015).

En termes d’intervention, cela suppose de concevoir et de mettre en place un dispositif global

d’espaces de discussion, qui permette aux acteurs n’ayant pas la possibilité de gérer une

situation, de savoir à qui la faire remonter, quel que soit le niveau hiérarchique considéré

(Rocha & al., 2017). L’ingénierie de la discussion doit ainsi permettre une interconnexion des

espaces de discussion de différents niveaux hiérarchiques (Detchessahar, 2013 ; Casse, 2015 ;

Van Belleghem & Forcioli Conti, 2015).

4.3.5. Méthodes et outils mobilisés dans les espaces de débat

Un point commun aux interventions ergonomiques capacitantes tient à l’utilisation d’objets

intermédiaires (Barcellini, 2017). Les objets intermédiaires sont des représentations

artefactuelles externes (e.g., un dessin, un graphique, une maquette, une cartographie de

processus, etc.) qui constituent des outils constructifs, servant de support aux interactions

entre les participants (Boujut, Cavaillé & Jantet, 2002 ; Fréard, Barcellini & Saint-Dizier,

2013 ; Barcellini, 2015 ; Carta, 2018). Les objets intermédiaires constituant une représentation

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(au moins sur certains aspects) du travail, ils permettent de « mettre en visibilité le travail,

d’en faire un objet de réflexion "manipulable et discutable" par les participants, soutenant

ainsi la confrontation de différents points de vue et interprétations de la situation et ainsi la

co-élaboration de sens ou de connaissances » (Barcellini, 2017, p. 8). Ces objets

intermédiaires constituent des outils intégrés plus largement dans les méthodes mises en

œuvre au cours des espaces de débat.

Pour intervenir sur l’organisation, deux catégories de méthodes sont mobilisées : « celles qui

visent le développement d'un référentiel partagé et celles qui visent à construire un futur

possible » (Arnoud & Falzon, 2017, p. 160). Elles ne sont pas exclusives les unes des autres,

mais la construction d’un futur possible (relative à la seconde catégorie de méthodes),

suppose de développer un référentiel partagé (relatif à la première catégorie). Ces méthodes

ont de commun qu’elles visent à « mettre en mouvement l’organisation » (Ibid) pour

permettre de la transformer.

Nous proposons de présenter trois exemples de méthodes qui peuvent être mobilisées au cours

des interventions (ou d’une même intervention) : la modélisation (ou cartographie) de

processus, la confrontation collective et la simulation organisationnelle.

4.3.5.1. La modélisation de processus

La modélisation (ou cartographie) de processus consiste à produire une représentation d’un

processus existant, qui fait l’objet de la réflexion d’un groupe d’acteurs (Bérard, 2009 ;

Raspaud, 2014 ; Carta, 2018). La construction de cette représentation suppose que les

participants s’accordent sur les procédures, les tâches et les actions qui constituent le

processus (Lorino & Peyrolle, 2005). En étant co-construite par les acteurs, la modélisation

permet une représentation partagée du processus (Flamard, 2018).

La modélisation de processus a pour objectif de rendre visible l’interdépendance et

l’enchainement logique des actions qui constituent un processus. La mise en discussion qui

sous-tend la construction de cette modélisation permet de mettre en visibilité : les

contributions, les besoins et les contraintes de chacun, et la présence de tous dans les pratiques

de chacun (Ibid).

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4.3.5.2. La confrontation collective

La confrontation collective est une forme d’activité collective réflexive. Cette méthode

consiste à réunir un groupe d’acteurs – d’un même domaine d’expertise et d’une même

fonction hiérarchique ou non – à commenter l’activité d’un ou plusieurs d’entre eux (Mollo &

Nascimento, 2013). Elle permet l’explicitation des représentations des différents acteurs, la

construction d’un référentiel commun, et l’évaluation des différentes manières de réaliser

l’activité et des solutions issues de leur mise en discussion.

Au cours d’une intervention, cette méthode peut par exemple être mobilisée dans un espace de

débat animé par un manager. Dans l’exemple pris ici pour illustration (Van Belleghem &

Forcioli Conti, 2015), la méthode de confrontation collective est mise en œuvre pour favoriser

l’explicitation de difficultés rencontrées par des agents. L’espace de débat est conçu de façon

à permettre des changements effectifs et rapides. Le dispositif « espace de débat » est mis en

œuvre dans une réunion au cours de laquelle, chaque fois, les étapes suivantes sont mises en

œuvre :

- l’équipe choisit un sujet qu’elle considère comme prioritaire à traiter. Le manager

amène ensuite à l’explicitation, par un agent, d’une situation de travail problématique.

Le manager a ici pour rôle de soutenir cette explicitation dans le but de « convoquer

l’activité », c’est-à-dire de rendre présente l’activité par sa mise en mot et sa

contextualisation ;

- la situation explicitée est mise en discussion par le groupe ;

- les agents réfléchissent, en sous-groupes aux solutions possibles pour répondre aux

difficultés mises en mot. Les propositions de solutions sont tracées sur des post-it®.

Ceux-ci constituent un objet intermédiaire à parti duquel les agents mettent en

discussion les solutions proposées. Lorsque les solutions ne peuvent être traitées à son

niveau, le manager les fait remonter à un niveau managérial supérieur.

4.3.5.3. La simulation organisationnelle

La simulation est une méthode projective qui vise, à l’aide d’un objet intermédiaire (souvent,

une maquette), à « faire jouer » aux acteurs de l’organisation des situations de travail futures

probables, formalisées sous forme de scénarios d’action (Van Belleghem, 2012). À partir d’un

diagnostic réalisé au préalable, l’ergonome identifie des situations d’action caractéristiques

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(SAC) qui représentent les situations existantes qu’il s’agit de modifier (Petit, 2005 ;

Lecoester, 2015).

Dans le champ de la conception organisationnelle, les SAC peuvent renvoyer à des situations

de dysfonctionnement (Petit, 2005), et la simulation – organisationnelle – consiste alors à

construire des scénarios pour jouer une organisation future (Casse, 2015) qui ne présente plus

ces dysfonctionnements. La simulation organisationnelle permet d’accompagner les

entreprises dans des projets de conception d’organisation du travail (Van Belleghem, 2018).

Pour cela, le dispositif d’intervention proposé est un espace de débat et de conception de

règles qui vise à combiner l’organisation du travail et le travail d’organisation (Barcellini &

Van Belleghem, 2014). Dans cette perspective, la simulation a pour objectif d’« élaborer des

règles formelles favorisant le développement de règles effectives acceptables pour l’activité »

(Van Belleghem, 2018, p. 15).

Selon cet auteur (2012, p. 4), « la simulation organisationnelle peut être envisagée comme la

mise en œuvre d’un dispositif de régulations froides permettant la simulation de règles

effectives et de régulations chaudes ». Dit autrement, la simulation organisationnelle a pour

objectif la mise en débat et la modification des règles en dehors du temps de l’action

(correspondant aux régulations froides), permettant ainsi la simulation de règles effectives et

d’adaptations mise en œuvre dans le cours de l’action (correspondant aux régulations

chaudes) ; la simulation organisationnelle permet ainsi de « jouer », par simulation, le travail

d’organisation.

Pour soutenir cette dynamique, le support de simulation (objet intermédiaire) doit répondre à

trois exigences (Van Belleghem, 2012, 2018) : il doit représenter les règles formelles qui font

l’objet de la conception ou de la transformation (e.g. un organigramme, un processus) ; il doit

permettre la modification collective de ces règles (scénarios) au cours des échanges pour

rendre possible des corrections, des améliorations, et de nouvelles simulations ; il doit

permettre de simuler l’activité des acteurs de l’organisation à l’aide d’un avatar adapté

(différent selon les activités qu’il s’agit de simuler au regard du projet d’organisation).

4.4. Conclusion

Définir l’organisation comme un instrument, composé d’une structure et d’activités sociales,

permet de considérer d’une part que le développement de l’organisation, qui émerge des

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transformations de la structure et des usages de cette structure, correspond à une genèse

organisationnelle ; d’autre part que celle-ci renvoie à un travail d’organisation.

Or, la possibilité de réaliser ce travail d’organisation caractérise une organisation adaptée et

adaptable. Une telle organisation est ainsi favorable au développement des individus, des

collectifs et de l’organisation, et renvoie à une organisation capacitante.

Plus précisément, une organisation capacitante a pour caractéristiques d’être :

- instrumentalisable, c’est-à-dire capable de se transformer par un travail

d’organisation ;

- débattable parce que ce travail d’organisation suppose une mise en question des règles

organisationnelles ;

- capable de créer les conditions du développement des individus, des collectifs et

d’elle-même.

L’enjeu des interventions est alors de favoriser la conception d’organisations capacitantes.

Ces interventions ont pour objectif de concevoir et de mettre en place un dispositif

d’expérimentation de nouveaux fonctionnements organisationnels permettant de favoriser les

apprentissages et le développement au cours de l’intervention, et de créer les conditions qui

permettent une démarche de développement qui se poursuit après le déploiement de

l’intervention (Barcellini, 2017).

L’analyse de différents travaux amène à identifier différentes étapes qui structurent les

interventions ergonomiques capacitantes, à savoir : le diagnostic organisationnel ; la

conception du dispositif ; l’expérimentation de ce dispositif ; et l’évaluation, la généralisation

et la pérennisation du dispositif expérimenté.

Par ailleurs, cette analyse nous amène à observer que les travaux présentent la conception de

leur dispositif d’expérimentation de manière relativement diffuse, ce qui la rend peu visible.

Nous proposons de considérer la conception du dispositif d’expérimentation comme une étape

« à part entière » de l’intervention. Notre travail a pour ambition de poursuivre les efforts de

mise en lumière d’une conception participative (avec les acteurs de l’entreprise) des

dispositifs expérimentés au cours des interventions ergonomiques capacitantes.

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De la même façon, la construction sociale des interventions est mentionnée comme étant

essentielle à la réussite de l’intervention. Pour autant, il n’est pas toujours aisé de la

caractériser. A partir de la définition proposée par Daniellou (2004) et de l’analyse de

différents travaux faisant apparaître (au moins partiellement) la façon dont cette construction

sociale apparait dans chacun d’eux, nous proposons de définir la construction sociale comme

étant la construction continue et d’une relation coopérative – reposant sur la confiance et la

légitimité – entre l’ergonome et les acteurs de différents niveaux de l’organisation dans

laquelle il intervient, qui vise une vision partagée des objectifs et des transformations

organisationnelles à mettre en œuvre, permettant la co-construction de l’intervention, qui est

ainsi plus favorablement adaptée et adaptable, ceci favorisant l’efficacité de l’intervention.

Pour finir, l’un des points communs aux interventions ergonomiques capacitantes tient à la

mise en place d’espaces de débat. Ceux-ci, en permettant une mise en débat et une

confrontation de points de vue, constituent un lieu privilégié pour réaliser un travail