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1.2.1- Le processus d’angiogenèse

1.2.1.1- L’angiogenèse physiologique

Il existe deux processus physiologiques impliqués dans la formation des vaisseaux : la vasculogenèse et l’angiogenèse. La vasculogenèse représente la formation de vaisseaux à partir de la différenciation de cellules endothéliales progénitrices alors que l’angiogenèse correspond à la formation de vaisseaux à partir de vaisseaux préexistants (Figure 37) [234]. Au niveau des tissus adultes, l’angiogenèse est plutôt rare et l’endothélium reste stable, à l’exception de certaines conditions comme par exemple la cicatrisation ou encore le cycle menstruel. Cet état de quiescence est maintenu du fait de l’équilibre entre les facteurs pro- et anti-angiogéniques tels que le VEGF ou l’angiostatine respectivement [233], [235]. Le système vasculaire au repos ne contient que 0,5% de cellules endothéliales possédant une activité proliférative.

L’angiogenèse nécessite donc le passage d’un état quiescent à un état actif des cellules endothéliales [234]. Elle est déclenchée majoritairement par des facteurs chimiques comme le VEGF, le FGF, le PDGF mais également le TGF ou encore les MMP. D’autres facteurs de type environnementaux peuvent également être impliqués comme l’hypoxie (tension en oxygène inférieur à 10 mmHg) [234]. Ces signaux vont activer les cellules endothéliales. Dans un premier temps, une cellule du vaisseau préexistant appelée cellule de front va migrer, guidée par un gradient de signaux pro-angiogéniques. Cette cellule est accompagnée par des cellules endothéliales de soutien qui prolifèrent et permettent l’allongement du nouveau vaisseau (Figure 37B) [233]. Ce processus d’angiogenèse est mis à profit dans le contexte tumoral afin de soutenir la croissance et la dissémination des cellules cancéreuses.

Vaisseaux normaux Vaisseaux tumoraux

A B

Switch angiogénique Cellules endothéliales Péricytes Cellules de front Cellules tumorales Intravasation Flux sanguin normal Hypoxie

Membrane basale Jonctions cellulaires Signaux pro-angiogéniques

Flux sanguin réduit Fuite

Figure 38 : Organisation des vaisseaux normaux et tumoraux. (A) Les vaisseaux normaux se composent de cellules endothéliales liées entre elles par des jonctions cellulaires. Elles reposent sur une membrane basale et ont un recouvrement important en péricytes (cellules permettant de stabiliser les vaisseaux). (B) Les vaisseaux tumoraux sont désorganisés et présentent plusieurs défauts comme par exemple la perturbation des jonctions cellulaires, le détachement des péricytes, la diminution du flux sanguin ou encore la présence de fuites. L’ensemble de ces défauts conduit à l’augmentation de l’hypoxie et favorise l’intravasation des cellules tumorales.

Introduction Bibliographique

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1.2.1.2- L’angiogenèse tumorale

Comme les cellules normales, les cellules tumorales ont besoin de nutriments et d’oxygène pour survivre et proliférer. Ceci nécessite donc la présence dans un environnement proche de vaisseaux sanguins [233]. L’angiogenèse tumorale est principalement déclenchée par la tumeur elle-même, suite à la présence d’un environnement hypoxique [234], [236]. En effet, du fait de leur hyper-prolifération, les cellules tumorales consomment beaucoup d’oxygène, dont l’apport devient insuffisant, ce qui créer des zones dites hypoxiques [233]. Les cellules tumorales libèrent donc des facteurs pro-angiogéniques, notamment le VEGF, qui vont permettre de déclencher la formation de nouveaux vaisseaux en stimulant la motilité des cellules de front [237]. Ces facteurs sont régulés positivement par les protéines de la famille HIF (« hypoxia inducible factor »). Ces protéines forment des hétérodimères HIF1-/HIF1- et la sous-unité  est responsable de l’activation transcriptionelle de gènes pro-angiogéniques en présence d’un environnement hypoxique [233], [235], [237]. Dans le contexte tumoral, on parle souvent de « switch » angiogénique puisque l’équilibre entre les facteurs pro- et anti-angiogéniques est rompu. L’angiogenèse est donc incontrôlée du fait de la présence et de la persistance de signaux pro-angiogéniques dans le microenvironnement [233].

Contrairement aux vaisseaux normaux, les vaisseaux tumoraux possèdent des défauts structuraux et fonctionnels. En effet, ils présentent une structure chaotique désorganisée. La perturbation des jonctions endothéliales entraîne une perméabilité importante associée à des fuites et à une réduction du flux sanguin. On peut également noter que les vaisseaux tumoraux sont déformés et ont des diamètres variables ce qui peut également modifier le flux sanguin. De plus, les péricytes qui ont pour fonction de stabiliser les vaisseaux ont tendance à se détacher des vaisseaux tumoraux et la membrane basale se distribue de façon inégale. Ceci augmente donc la fragilité des structures vasculaires ainsi que le risque d’hémorragie. Ces caractéristiques anormales du système vasculaire tumoral augmentent l’hypoxie et potentialisent donc la formation de nouveaux vaisseaux favorisant ainsi la formation de métastases (Figure 38) [233], [234], [236].

D’autres cellules sont également capables de promouvoir l’angiogenèse tumorale notamment les cellules immunitaires. Les TAM sont capables de favoriser l’angiogenèse en libérant des facteurs pro-angiogéniques tels que le VEGF ou encore le FGF. De plus ils sécrètent d’autres facteurs comme par exemple les MMP qui permettent de dégrader la membrane basale ainsi que la MEC et ainsi stimuler la migration et la prolifération des cellules endothéliales. A la manière des TAM, les TAN sont capables de réguler positivement l’angiogenèse en produisant des facteurs comme le VEGF ou encore MMP9. Ces cellules constituent d’ailleurs une des principales sources de VEGF [233], [237].

ANGIOGENESE

Cellules tumorales prolifératives O2<10mmHg Facteurs pro-angiogéniques

TAM & TAN

Treg CD8+

Facteurs anti-angiogéniques HYPOXIE Cellules tumorales prolifératives NK CD8+ Treg M2 TAN

Figure 39 : Régulation de l’angiogenèse par les cellules tumorales et immunitaires. L’angiogenèse tumorale est principalement stimulée par les cellules tumorales elles-mêmes dans un contexte hypoxique dû à leur forte prolifération. Elles libèrent des facteurs pro-angiogéniques tel que le VEGF, créant ainsi un gradient capable de stimuler et de guider l’angiogenèse. De façon similaire, les macrophage (TAM) et les neutrophiles (TAN) associés aux tumeurs sont également capables de stimuler ce processus. Ils libèrent également d’autres protéines, comme la métalloprotéase MMP9, qui vont intervenir dans la dégradation de la membrane basale et ainsi favoriser la migration et la prolifération des cellules endothéliales. Les cellules lymphocytaires de type Treg favorisent également l’angiogenèse en inhibant les lymphocytes cytotoxiques CD8+ capables de libérer des facteurs anti-angiogéniques comme l’IFNpar exemple.

Figure 40 : Régulation des cellules immunitaires par l’hypoxie. L’hypoxie tumorale crée par l’hyper-prolifération des cellules tumorales et par la mise en place d’un système vasculaire défaillant est capable de moduler les cellules immunitaires du microenvironnement. Ceci dans le but de favoriser le maintien d’un environnement immunosuppressif favorable au développement tumoral. En effet, l’hypoxie tumorale inhibe les cellules cytotoxiques (NK et CD8+) et stimule les cellules immunosuppressives telles que les lymphocytes Treg, les macrophages de type M2 ou encore les neutrophiles (TAN). Le lactate extracellulaire issu des cellules tumorales suite à la glycolyse anaérobie peut également être impliqué dans la régulation de ces cellules. La présence de ce dernier entraîne une acidification du milieu extracellulaire qui permet également de promouvoir l’immunosuppression.

Introduction Bibliographique

55 Les lymphocytes cytotoxiques libèrent quant à eux des facteurs comme l’INF qui ont plutôt une activité anti-angiogénique [233]. A l’inverse, les Treg, de par leur activité inhibitrice sur les lymphocytes cytotoxiques (cf partie 3, paragraphe 1.1.1.2), facilitent indirectement l’angiogenèse tumorale (Figure 39) [237].