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3.3- Implication de l’ANXA1 dans l’agressivité du mélanome

3.3- Implication de l’ANXA1 dans l’agressivité du mélanome

La présence de l’ANXA1 au niveau des cellules de mélanome a été pour la première fois mise en évidence en 1993 par Hall et ses collaborateurs dans la lignée A375 dérivant d’un mélanome malin [195]. Plus récemment, des études ont permis de mettre en avant une surexpression de l’ANXA1 dans les lignées cellulaires tumorales par rapport aux mélanocytes [196], [197]. Une analyse sur 61 biopsies de tumeurs primaires a permis de montrer par immunohistochimie la présence d’ANXA1 au niveau des mélanocytes tumoraux. De plus, l’augmentation de l’expression de cette protéine dans les tumeurs primaires est associée à une diminution de la survie sans métastases supposant ainsi une implication de l’ANXA1 dans l’agressivité tumorale [196]. Cette hypothèse est soutenue par des études réalisées à

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43 l’aide de lignées cellulaires plus ou moins agressives in vitro et in vivo. Les cellules humaines SK-MEL-5 peu invasives, A2058 moyennement invasives et A375 très invasives présentent respectivement un niveau nul, intermédiaire et fort d’ANXA1 [198]. De plus, la lignée murine B16Bl6 capable de former des métastases in vivo exprime plus d’ANXA1 que la lignée B16F10 non métastatique dont elle dérive,

in vitro et in vivo [199].

La transfection de cellules tumorales humaines [198] et murines [199] avec des ARN interférents ciblant l’ANXA1 permet de diminuer son expression et ainsi de diminuer les capacités invasives des cellules in vitro. Une étude in vivo réalisée sur des souris C57Bl6 porteuses d’une tumeur sous-cutanée B16Bl6 a permis de confirmer l’influence de l’ANXA1 tumorale sur l’invasion in vivo. En effet, l’injection intra-tumorale des ARN interférents dirigés contre l’ANXA1 entraîne une diminution de la formation de métastases pulmonaires [196]. L’ANXA1 tumorale est donc bien impliquée dans l’invasion in vitro et in vivo. Plusieurs données laissent également penser que l’ANXA1 sous sa forme extracellulaire pourrait être stimulatrice de l’invasion via son action déjà décrite dans d’autres cancers sur les récepteurs FPR. Effectivement, le traitement des cellules humaines M3Dau, A375 et WM1552c avec le peptide Ac2-26 ou l’agoniste des récepteurs FPR : fMLP (N-formyl-L-methionyl-L-leucyl-phenylalanine) permet d’augmenter significativement leur invasion. Cependant cet effet stimulateur est abrogé lors de l’ajout de l’antagoniste des récepteurs FPR1 et FPR2 : tBoc (tert-butoxycarbonyle) [196]. L’invasion des cellules murines B16Bl6 est également stimulée par fMLP et inhibée par tBoc. D’autres données suggèrent également une action plutôt extracellulaire de l’ANXA1 tumorale sur l’invasion.

Dans un premier temps la présence des récepteurs FPR a été relatée au niveau des mélanomes. Une analyse immunohistochimique des récepteurs FPR1 et FPR2 au niveau de nævus bénin et de mélanomes malins et métastatiques a montré une tendance des mélanomes à présenter plus de marquage par rapport à la forme bénigne. De plus la surexpression des FPR au niveau des mélanomes primitifs corrèle avec le caractère agressif des tumeurs et une survie plus péjorative [200]. Une étude récente a également mis en lumière l’importance de la localisation de l’ANXA1 dans l’agressivité tumorale. En effet, la localisation membranaire (et nucléaire) de l’ANXA1 dans les mélanomes fins (épaisseur ≤ 1,0 mm) de bon pronostic (seul 2% ont des métastases), est associée à une augmentation de l’apparition des métastases [201]. Boudhraa et ses collaborateurs ont montré qu’à la manière de l’ANXA1, les récepteurs FPR1 et FPR2 sont plus exprimés dans les lignées de mélanome par rapport aux mélanocytes. En plus de la présence de ces récepteurs, l’ANXA1 extracellulaire a également été mise en évidence au niveau du mélanome. Certaines lignées cellulaires sont capables de sécréter de l’ANXA1. C’est particulièrement le cas de la lignée A375 [196]. Cette dernière présente également de l’ANXA1 au niveau de sa membrane externe. Comme pour le cancer du sein, l’ANXA1 extracellulaire est présente à la fois sous sa forme totale et clivée (clivage supposé en Ser28 par une sérine protéase).

Figure 27 : Effet de l’annexine A1 sur l’invasion du mélanome. L’ANXA1 extracellulaire est capable de moduler positivement l’invasion par différents mécanismes par le biais de sa liaison aux récepteurs FPR. Elle stimule l’invasion en activant les voies de signalisation de type MAPK et STAT3 capables d’augmenter l’activation de la métalloprotéase MMP2. Cette dernière est impliquée dans la dégradation des matrices extracellulaires, étape importante pour l’invasion. L’ANXA1 est également capable de réguler négativement la E-cadhérine, protéine présente au niveau des jonctions cellulaires qui s’oppose donc au processus invasif.

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44 La forme tronquée de la protéine corrèle positivement avec le nombre de cellules invasives [202]. De façon globale le système d’externalisation de l’ANXA1 n’est pas bien compris que ce soit dans le cadre de l’immunité ou de la cancérologie. Cependant une étude de 2012 permet de penser qu’une externalisation par le biais des exosomes (petites vésicules membranaires) pourrait être plausible. La lignée A375 sécrète par exemple plus d’exosomes que les mélanocytes, et ces derniers sont enrichis en ANXA1 [203].

L’action de l’ANXA1 sur l’invasion cellulaire peut s’expliquer par son influence positive sur la TEM et sur la régulation de l’activité de la métalloprotéase MMP2 impliquée dans la dégradation des matrices, étape indispensable à l’invasion. Par exemple, l’expression de l’ANXA1 dans différentes lignées de mélanome corrèle négativement avec l’expression de l’E-cadhérine (protéine impliquée dans les jonctions cellulaires) et l’ANXA1 est capable d’inhiber l’activité de son promoteur [198]. Par ailleurs, les agonistes FPR comme les peptides Ac2-26 et fMLP sont capables de stimuler l’activité MMP2 dans plusieurs lignées cellulaires de mélanome (dont les A375) contrairement à l’antagoniste tBoc [196]. Cet effet stimulateur passe par les signalisations cellulaires MAPK et STAT3 (« Signal

transducer and activator of transcription 3 ») (Figure 27) [202].

De façon générale, même si le nombre d’études sur l’ANXA1 et le mélanome est bien plus faible que pour le cancer du sein par exemple, l’implication de cette protéine (notamment sa forme extracellulaire) dans l’agressivité tumorale et notamment dans le processus d’invasion est claire. Cependant des études supplémentaires in vitro et in vivo sont nécessaires afin de mieux comprendre l’implication de l’ANXA1 dans d’autres processus tels que la prolifération et la migration cellulaire par exemple et également l’influence de la localisation.

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45 Le microenvironnement tumoral (MET), également appelé stroma, correspond à l’environnement dans lequel évoluent les cellules cancéreuses. Il se compose de différentes structures comme les vaisseaux sanguins et la matrice extracellulaire, mais également de différents types cellulaires (cellules stromales) comme les cellules immunitaires, les cellules endothéliales ou encore les fibroblastes. C’est une entité dynamique dont la composition évolue au fur et à mesure de la tumorigenèse [204]. En effet, le MET est un acteur crucial au sein des tumeurs puisqu’il est capable d’agir à la fois sur leur développement (initiation, survie, croissance) et sur leur progression/dissémination (migration, invasion, métastases) [204], [205]. Si pendant de nombreuses années la plupart des travaux en oncologie ont portés sur les cellules cancéreuses, depuis les années 2000, le nombre d’études concernant le MET a augmenté de façon exponentielle. Cette augmentation peut s’expliquer par l’intérêt croissant du rôle du ciblage de ce microenvironnement dans le développement de nouvelles thérapies, particulièrement le microenvironnement immunitaire (Figure 17). Cette partie va dans un premier temps être consacrée aux composantes du microenvironnement tumoral notamment le système immunitaire et vasculaire. Puis elle traitera dans un second temps du rôle de l’ANXA1 dans la modulation de ce microenvironnement.

1- Principales composantes du microenvironnement tumoral