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1.1.2- Les neutrophiles

Les neutrophiles font partie des cellules de l’immunité innée et sont des acteurs clés de la réponse inflammatoire [224], [225]. Contrairement aux lymphocytes pour lesquels le rôle au niveau tumoral est bien décrit, des données plus controversées existent en ce qui concerne les neutrophiles. En effet, ils sont à la fois associés à des propriétés pro- et anti-tumorales. Ils peuvent agir au niveau du compartiment sanguin sous leur forme circulante et sont également capable d’infiltrer les tumeurs.

Au niveau circulatoire, le ratio neutrophile/lymphocyte présente une valeur pronostique. En effet, l’augmentation de ce dernier est associée à un pronostic défavorable (survie plus faible des patients) quel que soit le type de cancer analysé [224], [225]. Ceci souligne donc un rôle pro-tumoral de ces cellules circulantes. En réalité, on peut distinguer différents sous-types de neutrophiles dans un contexte tumoral. Suite à une purification des cellules sanguines (Ficoll), les neutrophiles normaux (anti-tumoraux) sont retrouvés au niveau de la fraction granulocytaire de forte densité alors que les neutrophiles immunosuppressifs (pro-tumoraux) également appelé G-MDSC (« granulocyte-like

myeloid derived suppressor cells ») sont retrouvés dans la fraction de faible densité correspondant aux

PBMC (« peripheral blood mononuclear cells ») [224]. Le TGF- favorise l’acquisition d’un phénotype pro-tumoral à l’inverse de l’interféron (IFN)(Figure 33)[225]–[227]. Les neutrophiles circulants pro-tumoraux sont capables de supprimer la prolifération et l’activation des cellules T CD8+. Cette suppression implique la sécrétion de molécules telles que les ROS (espèces oxygénées réactives) et l’arginase-1 (Arg-1) qui vont induire un arrêt du cycle cellulaire. De plus, ils sont capables de favoriser

Figure 34 : Activité pro-tumorale des neutrophiles associés aux tumeurs (TAN). Les neutrophiles sont recrutés au niveau du site tumoral par l’intermédiaire d’un gradient de cytokines issus des cellules tumorales mais également d’autres cellules du microenvironnement. Une fois au niveau du site tumoral, les TAN vont stimuler la prolifération, la migration/invasion mais également la TEM des cellules tumorales. Ceci en libérant des facteurs tels que l’élastase, la métalloprotéase MMP9 par l’intermédiaire ou non de « pièges extracellulaires ». Ces pièges sont constitués de fragments d’ADN décondensés ainsi que de protéines. Les TAN vont également stimuler l’angiogenèse en sécrétant du VEGF. De plus, ils sont capables d’inhiber la prolifération et l’activité des cellules cytotoxiques CD8+. L’ensemble de ces fonctions font des TAN des cellules immunosuppressives pro-tumorales.

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50 la formation de métastases en facilitant l’extravasation des cellules cancéreuses circulantes [224], [226].

Les neutrophiles peuvent également être recrutés au niveau du site tumoral, on parle alors de neutrophiles associés aux tumeurs ou TAN. Ce recrutement fait appel à la formation de gradients chimiotactiques de chimiokines telles que l’IL-8 (ou CXCL8) ou encore IL-17. Ces dernières sont produites à la fois par les cellules tumorales et par les cellules du microenvironnement (cellules immunitaires, cellules endothéliales, fibroblastes…) [225]. En fonction des types de cancer, l’infiltration des TAN peut être associée à un bon ou un mauvais pronostic [224], [227]. En effet les TAN peuvent à la fois être pro- et anti-tumoraux. Cependant, dans la majorité des tumeurs, la présence des TAN est corrélée à un pronostic défavorable [226].

Les TAN sont capables de libérer des pièges extracellulaires (NET, « neutrophil extracellular

traps ») constitués de fragments d’ADN décondensé recouverts de différentes protéines dont NE et

MMP9 impliquées dans les phénomènes de prolifération, de migration et d’invasion tumorale [224], [225], [227] (Figure 34). Ces NET peuvent être libérés par deux mécanismes distincts. Dans le premier cas, il va y avoir une décondensation de la chromatine suivie de la dissolution de la membrane nucléaire et des membranes des granules. Ceci permet le mélange de la chromatine et du contenu des granules dans le cytoplasme des neutrophiles. Pour finir les NET sont libérés par rupture de la membrane plasmique qui est dépendante de la production de ROS. Ce processus est donc létal. Le second mécanisme, non létal, ne nécessite pas la production de ROS ni la rupture de la membrane puisqu’il passe par le bourgeonnement de vésicules contenant de l’ADN à partir de la membrane nucléaire et finalement la fusion de ces vésicules avec la membrane plasmique [228], [229]. Les TAN sont également capables de stimuler la TEM des cellules cancéreuses en soutenant l’expression des facteurs de transcription comme Snail. Ils peuvent aussi favoriser l’angiogenèse tumorale en étant une source majeure de VEGF (« vascular-endothelial growth factor ») [224], [227]. Les TAN interagissent avec les autres cellules du système immunitaire afin de moduler leurs activités, particulièrement celles des cellules T. En effet, tout comme les neutrophiles circulants, les TAN sécrètent des facteurs tels que les ROS, le NO (oxyde nitrique) ou encore Arg-1 qui inhibent la prolifération des cellules T CD8+ cytotoxiques et leur production d’IFN. Certains facteurs comme le TNF ou encore le NO sont capables de favoriser leur apoptose (Figure 34) [224].

Même si les TAN sont largement considérés comme pro-tumoraux, certaines données montrent plutôt un rôle anti-tumoral. En effet, ils peuvent être impliqués dans l’apoptose des cellules cancéreuses par l’intermédiaire de la sécrétion de ROS et via le ligand FasL des récepteurs de mort de

Monocyte M1 M2 Macrophages IL-12 IL-18 IFN IL-4 IL-10 IL-13 TGF ROS IL-1 TNF Cellules tumorales IL-10 IL-13 TGF

Figure 35 : Polarisation des macrophages. Les monocytes peuvent se différencier en deux grand types de macrophages : les M1 (voie classique) et les M2 (voie alternative). La différenciation en macrophages M1 est favorisée par des cytokines telles que l’IL-12 ou encore l’IL18 alors que la différenciation en M2 dépend de l’IL-4 ou encore IL-10. Les macrophages M1 libèrent des facteurs anti-tumoraux tandis que les macrophages M2 favorisent les cellules tumorales. Au niveau des tumeurs on retrouve en majorité des macrophages de type M2.

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51 type Fas [224], [225]. Ils présentent également une activité cytotoxique vis-à-vis des cellules tumorales opsonisées par des anticorps. De plus, les TAN peuvent être impliqués dans le recrutement et l’activation des cellules T CD4+ et CD8+ [224].

Cette hétérogénéité fonctionnelle reflète l’existence de plusieurs sous-populations de neutrophiles en fonction de leur maturité et de leur densité. Elle peut également s’expliquer par un rôle variable en fonction du stade des tumeurs plus ou moins avancé, du type de tumeurs mais également de la localisation des TAN au sein même des tumeurs et de leur microenvironnement [224], [226]. A l’heure actuelle la majorité des données concernant les neutrophiles dans le contexte tumoral est liée à des études menées chez la souris. L’obtention de données cliniques plus poussées reste donc nécessaire pour mieux comprendre l’implication de ces cellules dans le développement et la progression tumorale.