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B - Des procédures qu’il est difficile de respecter parfaitement

Si tous les employeurs publics disent leur volonté de respecter le droit en matière de recrutement, certains admettent que, lorsqu’il s’agit des renouvellements de contrats, ils peuvent faire prévaloir les impératifs de service et la sécurisation des situations individuelles sur la lettre des textes qui imposent de recruter en priorité un agent titulaire.

Les travaux réalisés par les juridictions financières, en particulier ceux des chambres régionales et territoriales des comptes, montrent des pratiques contestables103, celles-ci pouvant varier en fonction du contrôle de légalité104, plus ou moins strict, qu’exercent les préfectures sur les collectivités locales105.

Bilan du contrôle de légalité en Seine-et-Marne106

En 2018, la préfecture de la Seine-et-Marne a établi un bilan de son contrôle de légalité. En matière de contrôle des actes de la FPT, ses commentaires portent exclusivement sur le recrutement des agents contractuels.

En particulier, elle relève : tout d’abord que les décisions de recrutement omettent souvent de mentionner la base légale justifiant le recours à un agent contractuel ; ensuite, que l’avis du centre de gestion départemental de la FPT, lorsqu’il est requis, n’est pas toujours visé dans la décision de recrutement, certaines collectivités prenant parfois leur décision avant même que cet avis soit rendu ; enfin, que les contrats de recrutement ne mentionnent pas systématiquement le cadre d’emploi et la grille indiciaire auxquels est rattaché l’emploi contractuel, ainsi que les primes attribuées à l’agent.

Les constats relevés par les chambres régionales et territoriales des comptes107 font état d’irrégularités variées. Si l’une d’elles souligne le caractère régulier du recrutement dans plusieurs contrôles réalisés, une autre constate que, dans l’ensemble, les recrutements d’agents contractuels sur emplois permanents vont à l’encontre de la règle donnant priorité aux fonctionnaires sur ces emplois.

Certains contrôles peuvent mettre au jour une fréquence élevée d’irrégularités. Ainsi, la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a établi, dans le cadre d’une enquête relative à la période 2011-2016, que la commune de Grenoble, sur un total de 70 dossiers d’agents

103 Dont une partie peut traduire une professionnalisation insuffisante des services en charge de la gestion des ressources humaines.

104 Cf. Cour des comptes, « Le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire : une place à trouver dans la nouvelle organisation de l’État », in Rapport public annuel 2016, Tome I, février 2016, La Documentation française, disponible sur www.ccomptes.fr.

105 Celui-ci varie en fonction des priorités assignées au contrôle de légalité par le niveau ministériel.

106 Circulaire de la préfecture de la Seine-et-Marne du 16 avril 2018 établissant le bilan du contrôle de légalité et de l’activité de conseils des services de la préfecture.

107 Sept d’entre elles ont réalisé une synthèse de leurs observations formulées sur les agents contractuels dans le cadre de leurs contrôles organiques récents pour les besoins de l’enquête.

contractuels examinés, avait, dans 25 cas, privilégié des candidatures d’agents contractuels en méconnaissance des dispositions légales108. Dans un contrôle portant sur la commune de Saint-Denis de La Réunion109, la chambre régionale des comptes a établi que les recrutements sont organisés en dehors du cadre légal selon des pratiques contestables, qui ont conduit à ce que les agents titulaires représentent moins de 4 % des recrutements110. Dans le cadre du contrôle de la ville de Marseille111, les désordres constatés par la chambre régionale des comptes sont tels, qu’ils ont conduits cette dernière à recommander de procéder à un audit, par un organisme indépendant, du processus de recrutement d’agents contractuels sur emploi permanent et à mettre sous contrôle interne le processus de recrutement112.

Le cas de la Ville de Paris113

La chambre régionale des comptes Île-de-France a notamment relevé, sur un échantillon de 71 dossiers représentant 20 % des cadres non-titulaires, que la Ville a fréquemment pu s’affranchir, le cas échéant de façon cumulative, des règles qui régissent la publication des vacances de postes (quatre cas), le délai de retour des candidatures (24 cas), ou encore la fixation de la rémunération (23 cas).

Le contournement des règles est tout particulièrement illustré par la méthode, relevée dans neuf cas, consistant à recruter des agents non titulaires à titre transitoire en invoquant un « accroissement d’activité », mais avec comme seul but de faire courir les procédures de recrutement. Les agents ainsi recrutés temporairement le sont définitivement quelques mois plus tard, alors que les candidatures solides d’agents titulaires ne font pourtant pas défaut.

108 Chambre régionale des comptes Auvergne Rhône-Alpes, Commune de Grenoble, 2011-2016, rapport d’observations définitives, 2018.

109 Chambre régionale des comptes La Réunion et Mayotte, Commune de Saint-Denis de La Réunion, 2013-2019, rapport d’observations définitives, 2019.

110 Ce que la collectivité justifie par le coût de la majoration et de l’indexation de traitement des fonctionnaires, ce qui rend leur coût très supérieur à celui des agents contractuels. La commune de Saint-Louis de La Réunion fait état des mêmes éléments pour expliquer la présence importante d’agents contractuels dans ses effectifs.

111 Chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur, Commune de Marseille – Gestion des dépenses de personnel, 2012 et suivants, rapport d’observations définitives, 2019.

112 Ce que la ville s’est engagée à faire.

113 Chambre régionale des comptes Île-de-France, Ville de Paris – Les agents non titulaires, 2010 et suivants, rapport d’observations définitives, 2017.

Enfin, les pratiques détectées peuvent persister, les juridictions financières relevant le peu d’allant des collectivités concernées à procéder aux corrections nécessaires114, qu’il s’agisse d’une mauvaise définition de l’emploi, d’une qualification erronée de besoins saisonniers ou temporaires, de l’absence de publicité de la vacance de poste ou de recherche de candidat fonctionnaire.

Au vu de ce bilan, il conviendrait de s’interroger sur la pertinence de certains contrôles. S’il est naturellement nécessaire de censurer a posteriori les atteintes au droit, le contrôle de légalité exercé a priori par les préfectures en matière de recrutements d’agents contractuels paraît largement formel. Il pourrait être allégé à condition que les employeurs publics se dotent, quand ils n’en disposent pas déjà, de systèmes d’assurance qualité leur permettant de lutter contre les mauvaises pratiques.

II - La rémunération : des situations