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C - Pour les métiers en tension, les employeurs doivent tenir compte d’un environnement concurrentiel

La situation est différente pour les métiers en tension car le rapport de force entre employeurs publics et agents contractuels s’inverse quand les agents contractuels bénéficient également d’opportunités sur le marché de l’emploi du secteur privé.

Pour ces agents, la négociation du salaire est la règle. Les employeurs publics interrogés dans le cadre de la présente enquête soulignent cependant que dans un contexte financier souvent tendu, ils sont sensibles au risque d’inflation salariale que peut entraîner l’acceptation des demandes des profils aux compétences recherchées. En outre, ils se disent vigilants quant au risque que des rémunérations par trop atypiques puissent

« casser le collectif de travail »127.

Même face à un besoin aigu de compétences, il s’agit pour eux d’éviter une dérive de leur masse salariale et de prévenir des situations vécues potentiellement par les autres agents comme une inégalité de traitement, source de tension. Ce point de vue n’est pas uniforme. À titre d’exemple, le Centre hospitalier intercommunal de Créteil a fait le choix de verser à ses manipulateurs en électroradiologie médicale exerçant en radiothérapie contractuels des salaires sensiblement supérieurs à ceux de leurs collègues titulaires. Pour les métiers en tension, le département du Val-d’Oise accorde une surprime de rémunération compensant le caractère temporaire du contrat, pour tenir compte du fait qu’il peine à attirer les agents contractuels les plus investis.

125 Cf. Cour de justice de l’Union européenne, 20 juin 2019, n° C-72/18, Daniel Ustariz Aróstegui c/ Departamento de Educación del Gobierno de Navarra.

126 Au cas d’espèce, un agent contractuel espagnol s’était vu refuser un complément de rémunération au seul motif de son absence de statut de fonctionnaire.

127 Expression souvent employée par les employeurs publics territoriaux.

Souvent, les employeurs essaient de jouer sur d’autres éléments que le salaire pour attirer et conserver les profils : localisation, « marque employeur », perspectives de carrière, sens donné aux fonctions exercées, projet de territoire, etc.

Dans le secteur public local, selon une étude menée pour le compte de l’association des directeurs des ressources humaines des grandes collectivités territoriales, 15 % des collectivités interrogées déclaraient utiliser souvent le levier de la rémunération pour attirer des candidats sur des postes en tension, 35 % disaient le faire parfois128.

On observe qu’en certaines circonstances, les établissements ou les ministères dérogent aux barèmes qu’ils ont eux-mêmes arrêtés pour des postes jugés à forts enjeux et nécessitant des compétences spécifiques.

Ainsi, si la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) reconnaît s’être écartée de sa politique de rémunération pour tenir compte des salaires pratiqués sur le marché de l’emploi, elle précise cependant que son référentiel de rémunération établi en 2013, en cours de réévaluation, s’est éloigné des prix du marché et ne prévoit pas les compétences nouvelles (experts du big data, profils très spécialisés de la sécurité des systèmes d’information...) dont elle a désormais besoin.

Au ministère de l’éducation nationale, les académies les moins attractives sont conduites à proposer des rémunérations plus élevées pour attirer les enseignants contractuels.

128 Cf. le rapport de l’association des directeurs des ressources humaines des grandes collectivités territoriales (juillet 2018) Le recrutement dans les collectivités territoriales.

Des différences de rémunération entre académies pour être attractives auprès des agents contractuels129 Certaines académies ont maintenu ou adopté des conditions de rémunération favorables afin de conforter leur attractivité, ce qui génère des disparités territoriales.

En ramenant la moyenne nationale des rémunérations des nouveaux contrats à une base 100 (hors DOM), les académies de Créteil (113), Orléans-Tours (109), Paris (113) et Versailles (109) affichent une politique volontariste, au contraire d’Amiens (91), Besançon (91), Bordeaux (91), Clermont-Ferrand (89), Corse (87), Grenoble (90), Nice (92), Poitiers (91) et Toulouse (90). Dans ces académies, un non-titulaire coûte 20 % de moins que dans les académies franciliennes.

La possibilité, pour certains métiers, de s’écarter des grilles de rémunération de la fonction publique en cas de recours à des agents contractuels a été récemment formalisée, s’agissant des métiers du numérique, par une circulaire commune de la DGAFP, de la DINSIC et de la direction du budget130.

Concernant 15 métiers précisément définis par des fiches131, la circulaire du 19 juillet 2019 permet en effet, à titre expérimental132, le recrutement d’agents contractuels en CDI, sans visa du contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM), dès lors que les rémunérations ne dépassent pas certains plafonds, alors même qu’il existe un corps à gestion interministérielle (le corps des ingénieurs des systèmes d’information et de communication)133, pouvant accueillir la plupart des métiers concernés. Elle n’exclut pas des rémunérations plus importantes sous réserve du visa du CBCM.

129 Cour des comptes, Le recours croissant aux personnels contractuels - Un enjeu désormais massif pour l’éducation nationale, communication à la commission des finances du Sénat, mars 2018, disponible sur www.ccomptes.fr.

130 Référentiel DGAFP / DB / DINSIC du 19 juillet 2019.

131 Intégrateur d’applications, directeur de projet SI, data scientist, concepteur-développeur, chef de projet MOA, chef de projet MOE, architecte technique, analyste en détection intrusion, administrateur d’outils/de systèmes, réseaux et télécoms, acheteur IT, auditeur SSI, urbaniste des SI, Scrum master, responsable sécurité des SI, intégrateur exploitation.

132 Un bilan de cette expérimentation devait être établi courant 2020.

133 Voir le décret n° 2015-576 du 27 mai 2015 portant statut particulier du corps des ingénieurs des systèmes d'information et de communication.

Cette circulaire fait suite à une précédente circulaire de 2017134, qui encourageait déjà les recrutements directement en CDI dans les métiers du numérique, parmi d’autres outils pour attirer les talents (concours de recrutement, mobilité des titulaires…), mais qui, s’agissant de la rémunération, évoquait essentiellement un assouplissement de la politique indemnitaire et la réévaluation tous les trois ans de la rémunération des agents contractuels, sans être précise sur l’adaptation de ces rémunérations aux conditions du marché de l’emploi.

Les collectivités ou les hôpitaux soulignent également les effets néfastes de systèmes de rémunération différents pour de mêmes fonctions135. Cependant, la mise en place de référentiels y semble plus complexe que pour l’État, en particulier pour les collectivités locales.

D’une part, ils doivent être rendus compatibles avec le principe de leur libre administration. D’autre part, les employeurs territoriaux étant très hétérogènes, en taille et en moyens budgétaires, un référentiel unique peut sembler inadapté.

Quel que soit l’employeur public concerné, un risque inhérent à l’emploi de référentiels est de tirer les salaires des agents contractuels vers le haut du barème. Aussi est-il important de professionnaliser les responsables des ressources humaines du secteur public en charge du recrutement et de la rémunération des agents contractuels en matière de négociations salariales.

Sous ces conditions, et à l’image de ce qui a été mis en place par l’État pour les métiers du numérique, il paraîtrait utile que soient définis, avec l’aide d’experts sectoriels en rémunération et en commençant par les métiers en tension, des référentiels de rémunération (non systématiquement publiés) par métier et par région pour le recrutement des agents contractuels de la FPE et de la FPH, avec des plafonds en deçà desquels le contrôle budgétaire a priori serait supprimé. Les collectivités locales pourraient y recourir sur une base volontaire, ce qui aurait pour contrepartie la suppression du contrôle de légalité dans les mêmes conditions que le contrôle budgétaire pour l’État.

134 Circulaire du Premier ministre du 21 mars 2017 relative à la gestion des ressources humaines dans les métiers du numérique et des systèmes d’information et de communication.

135 Cela vaut aussi pour les agents titulaires car, si pour un même cadre d’emplois, la grille indiciaire est unique, le régime indemnitaire en place peut varier considérablement d’une collectivité à l’autre.

III - Le parcours professionnel des agents