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Probl´ematique

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 60-68)

Arriv´es au terme de ces deux chapitres introductifs, r´esumons-en les acquis :

Nous avons vu que les disques protoplan´etaires ´etaient une cons´equence naturelle de l’effondrement des coeurs denses du milieu interstellaire (par conservation du moment cin´etique), et telle ´etait donc la nature du syst`eme solaire primitif. Mais la dur´ee d’un disque est limit´ee `a quelques millions d’ann´ees, et ce du fait de la turbulence en son sein qui transporte du moment cin´etique. D’un point de vue th´eorique, les candidats `a l’ori-gine de cette turbulence sont l’instabilit´e magn´eto-rotationnelle (ou MRI), qui n´ecessite

CHAPITRE 4 CHAPITRE 3

Soleil

I. TRANSPORT des INCLUSIONS REFRACTAIRES

III. REDISTRIBUTION des COMPOSANTS IV. CONCENTRATION et ACCRETION chondre en fusion

en condensation Disque

inclusion refractaire

inclusion refractaire chondre

Accretion Sedimentation

poussiere

II. FORMATION des CHONDRES

CHAPITRE 5 CHAPITRE 6

turbulence chauffage

Fig. 2.9 – Sch´ema des diff´erentes phases de l’histoire des composants chondritiques en-visag´es dans cette th`ese. Nous consid´erons la formation et le transport des inclusions r´efractaires (chapitre 3), la formation des chondres par un m´ecanisme encore ind´etermin´e (chapitre 4), la redistribution de ces diff´erents composants dans le disque gazeux (cha-pitre 5) et enfin la concentration des solides, par s´edimentation et instabilit´e d’´ecoulement (chapitre 6).

un taux d’ionisation suffisant du gaz, et l’instabilit´e gravitationnelle, qui op`ere quand le disque est suffisamment massif. Environ un pour cent de la masse des disques est constitu´ee de solides, dont la dynamique est domin´ee par son interaction avec le gaz via la force de frottement d’Epstein. Le r´esultat net en est une d´erive vers le Soleil par rapport au gaz dont elle suit partiellement les mouvements turbulents. Pour former les plan`etes, le rapport solide/gaz est appel´e `a augmenter de dix ordres de grandeur : il est escompt´e que les solides s´edimentent au plan m´edian (malgr´e la turbulence), o`u un m´ecanisme suppl´ementaire (comme l’instabilit´e d’´ecoulement) est requis pour que des concentrations de solides puissent s’effondrer gravitationnellement avant agglom´eration en roches coh´erentes.

Si la spectroscopie permet de caract´eriser les solides inframillim´etriques des disques protoplan´etaires actuels, les m´et´eorites, et en particulier les chondrites, donnent un acc`es direct aux solides du disque protosolaire. Ces solides sont leschondres, sph´erules silicat´ees form´ees lors d’un chauffage bref d’origine encore inconnue ; les grains dem´etalet desulfure qui leur sont sans doute cog´en´etiques ; lesinclusions r´efractaires, form´ees par condensation

`a hautes temp´eratures au tout d´ebut de l’histoire du disque, 1 `a 3 Ma avant les chondres ; une matrice `a grains fins qui cimente le tout. Il existe une diversit´e consid´erable parmi les chondrites, r´epartis en 14 groupes distincts, diversit´e que l’on peut en partie rationaliser en termes de fractionnements (s´eparation physique) entre diff´erents composants : frac-tionnement entre ´el´ements r´efractaires et volatils, fracfrac-tionnement Mg/Si, fracfrac-tionnement m´etal/silicate et variation d’´etat redox, fractionnement isotopique (et notamment des iso-topes de l’oxyg`ene). On distingue au premier ordre les chondrites carbon´ees, consid´er´ees comme plus “primitives”, des chondrites non carbon´ees (ordinaires, `a enstatite, de Ru-muruti). Il faut enfin garder `a l’esprit que les m´et´eorites ont subi des processus sur leur corps parent ; certaines ont d’ailleurs enti`erement fondu et perdu leur texture chondritique primitive : ce sont les m´et´eorites diff´erenci´ees.

Nous pouvons maintenant d´evelopper notre probl´ematique, que nous avons sch´ematis´e

`a la figure 2.9. En un mot, notre objet d’´etude est l’histoire des solides du syst`eme solaire primitif, depuis leur formation jusqu’`a leur accr´etion. Pour cela, nous voulons combiner les observations des solides pr´eserv´es dans les chondrites et les mod´elisations astrophysiques des disques protoplan´etaires, que nous avons pr´esent´ees dans les deux chapitres introduc-tifs, et ce en contribuant simultan´ement `a ces deux approches. Il s’agit de contraindre `a la fois l’astrophysique par la cosmochimie et vice-versa. Plus sp´ecifiquement, les deux axes que nous allons explorer dans ce m´emoire sont la dynamique des solides dans le disque gazeux et la g´eochimie des ´el´ements en trace dans les chondres.

Les composants d’une chondrite sont divers, et en particulier divers en ˆage : comme

nous l’avons rappel´e plus haut, les inclusions r´efractaires “primaires” (non fondues) pr´ec`edent de 1 `a 3 Ma les chondres qui pr´esentent eux-mˆemes une dispersion en ˆage consid´erable.

Aussi ces objets ont-ils dˆu ´evoluer pendant plusieurs millions d’ann´ees dans le disque avant de s’agglom´erer. Comment ont-ils pu ˆetre pr´eserv´es si longtemps dans le disque sans d´eriver vers le Soleil du fait de l’accr´etion du gaz vers le Soleil et du frottement gaz-solide ? Comment en particulier comprendre l’abondance des inclusions r´efractaires dans les chondrites carbon´ees, alors qu’elles sont les objets les plus anciens, et ne semblent s’ˆetre condens´ees que dans les premiers 100 000 ans du disque (`a en croire les datations dans les chondrites CV) ? Y a-t-il un lien entre les inclusions r´efractaires et les autres com-posants chondritiques ? C’est ce que nous ´etudierons au chapitre 3. Un s´ejour de plusieurs millions d’ann´ees dans le disque ne sera pas sans cons´equence sur leur distribution : le transport dans le disque, le m´elange ainsi r´ealis´e entre diff´erents r´eservoirs n´ebulaires, a dˆu significativement impacter l’´eventail final des compositions des chondrites. Peut-on d`es lors expliquer en termes de transport a´erodynamique les diff´erents fractionnements chi-miques et isotopiques mis en ´evidence par les cosmochimistes ? En quoi la redistribution a´erodynamique permettrait-elle en particulier de comprendre la dichotomie entre chon-drites carbon´ees et chonchon-drites non carbon´ees ? Si de telles explications ´etaient possibles, elles permettraient ´egalement d’inscrire la diversit´e des chondrites dans l’espace et dans le temps. En particulier : o`u et quand se sont form´ees les diff´erents groupes de chondrites ? Tel sera l’objet du chapitre 5.

C’est dans ce disque protoplan´etaire que nous aurons ainsi essay´e de contraindre d’un point de vue dynamique que se sont form´es les chondres. Eu ´egard `a leur ubiquit´e dans les m´et´eorites primitives, leur m´ecanisme de formation a dˆu ˆetre un processus important dans le syst`eme solaire primitif, mais il n’est pas de consensus `a son sujet, d’o`u l’int´erˆet de contraintes cosmochimiques claires. Les mat´eriaux pr´ecurseurs des chondres ´etaient-ils des “boules de poussi`ere” n´ebulaires, ou des d´ebris de plan´et´esimaux diff´erenci´es ? Quelle

´etait leur histoire thermique ? Combien de chauffages ont-ils subi ? Les chondres se sont-ils comport´es en syst`emes ouverts ou ferm´es ? Somme toute, les propri´et´es des chondres sont-elles encore compatibles avec une formation dans le gaz n´ebulaire, ou faut-il invoquer un environnement plan´etaire pour tout ou partie de leur histoire ? C’est pour faire la lumi`ere sur ces questions que nous avons entrepris de mesurer par LA-ICP-MS l’abondance des

´el´ements en trace dans les diff´erentes phases min´erales des chondres. Le partage de ces

´el´ements entre les phases renseignera de mani`ere tr`es sensible sur l’histoire de ces mini-syst`emes magmatiques que sont les chondres et les relations g´en´etiques qui existent entre ces phases. En analysant aussi bien des chondrites carbon´ees que des chondrites non car-bon´ees, nous pourrons non seulement appr´ecier la diversit´e des propri´et´es g´eochimiques

des chondres en g´en´eral, mais aussi les diff´erences en la mati`ere entre ces deux “super-clans” de chondrites. En les mettant en regard de nos consid´erations dynamiques des chapitres 3 et 5, et donc potentiellement en corr´elant ces diff´erences avec la distance h´eliocentrique et/ou le temps, cela ouvrirait potentiellement la voie `a des contraintes suppl´ementaires sur le m´ecanisme de formation des chondres. Nous pr´esentons notre tra-vail sur la g´eochimie des chondres au chapitre 4.

Avant de s’agglom´erer et former les chondrites que nous connaissons aujourd’hui, chondres, inclusions r´efractaires, grains de m´etal et de sulfure et poussi`ere microm´etrique ont dˆu ˆetre concentr´es dans le disque par typiquement dix ordres de grandeur par rapport aux valeurs initiales du disque protosolaire. Or, et ce d’autant plus qu’ils sont concentr´es, les solides ne sont pas les objets simplement passifs de la turbulence du gaz, ils agissent sur lui en retour. Ils peuvent par exemple, en acc´el´erant la recombinaison des ions et des

´electrons, influer sur le taux d’ionisation. Cet effet est d´eterminant pour la s´edimentation : en effet, elle repr´esente une lutte entre la gravit´e solaire, qui tend `a concentrer les solides au plan m´edian du disque, et la turbulence MHD, initi´ee par la MRI, qui tend `a les diffuser de part et d’autre de ce plan. Si les solides diminuent l’ionisation, ils suppriment la MRI et peuvent s´edimenter ; mais s’ils s´edimentent et d´elaissent ainsi le gaz de part et d’autre du plan m´edian, la MRI peut y renaˆıtre... et rediffuser les grains ! Un autre effet des grains est la force de frottement qu’ils exercent en retour sur le gaz, qui peut ˆetre significatif dans le plan m´edian. Via le gaz, les solides peuvent ainsi “collectiviser” leur mouvement, et se concentrer encore davantage : c’est l’instabilit´e d’´ecoulement. Cependant, l’interpr´etation physique de la phase lin´eaire (initiale) de cette instabilit´e tir´ee des calculs de Youdin et Goodman (2005) reste obscure, les premiers mod`eles-jouets venant `a l’esprit invoquant une d´ependance de la vitesse de d´erive `a la concentration ne semblant pas pouvoir s’appliquer

`a la phase lin´eaire (Youdin et Johansen, 2007). Afin d’´eclaircir ces deux interactions, nous avons con¸cu et ´etudi´e des mod`eles r´eduits que nous pr´esenterons au chapitre 6.

Nous pouvons maintenant aborder les diff´erents chapitres de la recherche propre `a cette th`ese, chapitres que nous avons choisi d’ordonner selon une chronologie sch´ematique du syst`eme solaire (Fig. 2.9).

Transport et pr´ eservation des inclusions r´ efractaires

Rochers, bien que soyez ˆag´es De trois mil ans, vous ne changez Jamais ni d’´etat ni de forme ; Mais toujours ma jeunesse fuit Et la vieillesse qui me suit,

De jeune en vieillard me transforme (Les Odes, Ronsard, 1550)

Les inclusions r´efractaires, et notamment les CAI, sont les objets les plus anciens du syst`eme solaire connus. Leur relative uniformit´e `a travers les diff´erents groupes de chondrites sugg`ere qu’elles se sont form´ees dans un mˆeme r´eservoir, probablement proche du Soleil (MacPherson, 2005), avant d’ˆetre transport´ees dans le disque jusque dans les r´egions de formation des chondrites. Comme les m´et´eorites qui les contiennent renferment

´egalement des chondres de 1 `a 3 millions d’ann´ees plus jeunes (Villeneuve et collab., 2009), les CAI ont dˆu ˆetre pr´eserv´ees dans le disque, entre leur condensation et leur accr´etion, pendant plusieurs millions d’ann´ees. C’est sur ce probl`eme de pr´eservation que porte le pr´esent chapitre. Apr`es avoir pos´e le probl`eme du transport des CAI (section 3.1), nous exposerons la solution qu’offre la prise en compte de lazone morte dans le disque. La lettre publi´ee `a l’issue de ce travail est incluse `a la section 3.3. Nous r´esumons nos conlusions `a la section 3.4.

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3.1 Le probl` eme du transport des inclusions r´ efractaires

Deux obstacles s’opposent `a la pr´eservation des inclusions r´efractaires dans le disque : le mouvement g´en´eral du gaz vers le Soleil, et le frottement gaz-solide qui font d´eriver les solides encore plus vite vers notre ´etoile (voir chapitre 1). En combinant les ´equations (1.15) et (1.28), on en arrive `a un temps de d´erive :

tdrift = min (tvis, tdrag) = 0,2 MaR1/2AU

1 km/s cs

2

103

max(α,St), (3.1) o`u, rappelons-le, tvis, d´etermin´e par le param`etre de turbulence α, d´esigne l’´echelle de temps de transport du gaz vers le Soleil, et tdrag le temps de d´erive dˆu au frottement, d´etermin´e par le temps de freinage adimensionn´e St.

Sauf `a compter sur des maxima p´erennes et axisym´etriques de pression, seuls les mouvements de marche au hasard occasionn´es par la turbulence sont susceptibles de s’opposer `a cette d´erive et de rendre compte du transport d’une partie des CAI vers la p´eriph´erie du syst`eme solaire. Sous une forme ou une autre, la diffusion turbulente est en effet de nos jours le mode de transport des inclusions r´efractaires pr´ef´er´e des th´eoriciens (e.g. Cuzzi et collab., 2003; Boss, 2004; Ciesla, 2009, 2010). Pour de grandes valeurs de α, non seulement la port´ee de cette diffusion est grande, mais la dissipation de la turbulence occasionne des temp´eratures plus ´elev´ees et donc ´elargit la r´egion de formation des inclusions r´efractaires.

Cependant, pr´ecis´ement, l’´equation (3.1) nous enseigne que de grandes valeurs de α vont de pair avec une vitesse d’accr´etion du gaz ´elev´ee. Le r´esultat net est que les simulations de Ciesla (2010), si elles permettent de rendre compte de la distribution des ˆages des inclusions r´efractaires—la production et le transport ayant ´et´e plus efficaces au d´ebut—, ´echouent par un `a deux ordres de grandeur `a rendre compte, `a elles seules, de l’abondance observ´ee des inclusions r´efractaires dans les chondrites carbon´ees. Celle-l`a, pour n’ˆetre que de quelques pour cent, est en r´ealit´e comparable `a ce qu’aurait donn´e la condensation in situ d’un gaz de composition solaire (de l’ordre de 6 % par bilan de masse sur les ´el´ements r´efractaires ; cf Grossman 2010). Et aucune valeur du param`etre α ne fait figure de compromis satisfaisant `a en juger des ´etudes de param`etres de Ciesla (2010).

Cuzzi et collab. (2003), qui avaient d´ej`a reconnu ce probl`eme, avaient propos´e que la r´egion de formation des inclusions r´efractaires aurait pu ˆetre enrichie en mati`ere conden-sable par rapport aux abondances cosmiques, de sorte qu’une surproduction d’inclusions r´efractaires aurait pu compenser leur dilution ult´erieure. Cet enrichissement serait dˆu `a

l’arriv´ee de corps m´etriques ayant migr´e depuis la p´eriph´erie du syst`eme solaire, encore une fois du fait du frottement gaz-solide. Mais, outre le fait que ces “migrateurs” auraient occasionn´e des conditions trop oxydantes par rapport aux observations (Grossman et col-lab., 2008), il est douteux que le syst`eme solaire externe ait mˆeme eu assez de mati`ere `a fournir au syst`eme solaire interne (voir d’ailleurs Ciesla et Cuzzi (2006) pour le cas du transport de l’eau). Ciesla (2010) a propos´e que la s´edimentation pr´ef´erentielle des inclu-sions r´efractaires au plan m´edian, ou un m´ecanisme de concentration turbulente, aurait pu augmenter “artificiellement” leur proportion dans les chondrites, mais on voit difficile-ment pourquoi, par exemple, cela n’aurait pas affect´e les chondres (form´es entre-temps), qui leur sont a´erodynamiquement ´equivalents en premi`ere approximation, de la mˆeme mani`ere1.

Ces solutions n’ayant donc pas paru satisfaisantes, il semble que l’on soit ramen´e au paradoxe de vouloirα grand pour profiter d’une diffusion radiale efficace, etα petit pour une pr´eservation plus longue.

3.2 Variation de la turbulence dans le disque : la

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