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Bishunpur (LL3.15)

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 135-143)

4.5 Chondrites non carbon´ees

4.5.1 Bishunpur (LL3.15)

Les chondrites ordinaires sont la classe la plus abondante de chondrites et repr´esentent 74 % des chutes observ´ees de m´et´eorites (Grady, 2000). Leur corps parents semblent ˆetre des ast´ero¨ıdes de type S, qui pr´edominent dans les parties internes de la Ceinture Principale d’Ast´ero¨ıdes (Burbine et collab., 2008). Elles sont divis´ees en groupes H, L et LL dans l’ordre croissant de leur degr´e d’oxydation et l’ordre d´ecroissant de leur teneur en fer total. Les chondrites ordinaires diff`erent substantiellement des chondrites carbon´ees ne serait-ce que par leur p´etrographie : elles ont peu de matrice (moins de 15 vol%), tr`es peu d’inclusions r´efractaires, et abondent en chondres dont certains semblent mutuellement indent´es (Metzler, 2011). Outre une plus grande proportion de textures non porphyriques relativement aux chondrites carbon´ees (∼7 % contre<3 % ; cf Rubin 2011), les chondrites ordinaires contiennent davantage de chondres de type II, en particulier pour les groupes les plus oxyd´es (de 36 vol% pour les H `a 61 vol% pour les LL ; cf Zanda et collab. 2006), et de mani`ere g´en´erale, leurs chondres sont plus pauvres en oxyg`ene-16 que ceux des chondrites carbon´ees. Ils constituent donc une population distincte d’objets qu’il importe d’´etudier pour appr´ecier les variations spatiales et/ou temporelles du m´ecanisme de formation des chondres.

C’est pourquoi nous avons voulu ´etendre notre ´etude aux chondrites ordinaires, et en particulier les chondrites les moins m´etamorphis´ees. Nous avons choisi d’´etudier Bishun-pur, une chondrite de type LL3.15—ce qui en fait la deuxi`eme chute observ´ee la plus in´equilibr´ee apr`es Semarkona (LL3.01)—dont nous avons obtenu le prˆet de la section Sp4 de la collection du Mus´eum (voir Fig. 4.10). Comme nous avons ´evoqu´e dans la section 4.2, des dosages d’´el´ements en trace par sonde ionique ont ´et´e r´ealis´es dans les phases silicat´ees des chondres de chondrites ordinaires in´equilibr´ees par Alexander (1994), dans des chondrites L, par Jones et Layne (1997) dans les chondres de Semarkona, et Ruzi-cka et collab. (2008) dans des chondrites LL. Nous avons analys´e une s´election de neuf chondres, dont 3 de type I et 6 de type II (voir Fig. 4.11).

Les spectres de terres rares pour les diff´erents chondres sont pr´esent´es `a la Fig. 4.12 pour l’olivine et la m´esostase, et `a la Fig. 4.13 pour le pyrox`ene. Une comparaison avec Vigarano des moyennes pour les diff´erentes phases silicat´ees est propos´ee `a la Fig. 4.14.

Les spectres de la m´esostase sont similaires `a ceux rencontr´es pour les CR et les CV, ou pour les chondrites ordinaires dans la litt´erature, i.e. non fractionn´e, avec LaN=5-21 et quelques anomalies n´egatives en Eu (Eu/Eu=0,3-1,1). Il en est de mˆeme pour l’unique

Fig.4.10 – Carte composite de la section Sp4 de la chondrite ordinaire Bishunpur (LL3.15) observ´ee en ´electrons r´etrodiffus´es. La matrice inter-chondre est bien moins abondante que dans les chondrites carbon´ees (voir Fig. 4.6 et 4.7). Les chondres de type II (gris clairs) sont majoritaires. On observe un grand chondre de 3 mm de diam`etre constitu´e d’olivine ferrif`ere massive `a gauche (objet Bi1) ; en haut `a droite de celui-ci, on trouve un grain millim´etrique de fer-nickel (blanc). Des sulfures (blancs) environnent la plupart des chondres.

Fig. 4.11 – Quelques chondres de Bishunpur. (En haut `a gauche) Chondre (Bi1) d’un diam`etre de 3 mm compos´e d’olivine massive (Fa918), avec du pyrox`ene et de la m´esostase.

(En haut `a droite) Chondre (Bi2) de type II avec ph´enocristaux zon´es d’olivine (i.e.

composition variant d’un coeur plus magn´esien (sombre) `a une p´eriph´erie plus ferreuse (claire)) mˆel´es `a des lattes de pyrox`ene (grise) et une m´esostase (gris fonc´e). Les grains blancs sont du fer-nickel entour´e de troilite. En bas `a gauche) Chondre (Bi6) de type I, avec ph´enocristaux sombres d’olivine, dont quelques uns au centre revˆetent un aspect poussi´ereux (dusty olivine) dˆu `a des inclusions microm´etriques de m´etal sans doute issus d’une r´eduction. La m´esostase est d´evitrifi´ee et un peu alt´er´ee. Les grains de m´etal (ronds) et de sulfure, ainsi que le pyrox`ene (que le contraste ici ne distingue pas de l’olivine) sont concentr´es sur le pourtour. (En bas `a droite) Chondre (Bi7) de type II constitu´e de pyrox`ene massif renfermant des po´ec´elites d’olivine. Les grains blancs sont du fer-nickel avec un manchon de troilite.

Fig. 4.12 – Spectre de terres rares de l’olivine (en haut) et de la m´esostase(en bas) pour les diff´erents chondres analys´es de Bishunpur (LL3.15). Chaque courbe est la moyenne (g´eom´etrique pour l’olivine) des analyses r´ealis´ees sur un chondre. Les couleurs dans les deux graphes renvoient aux mˆemes chondres. Le spectre chondritique en brun est celui d’une zone riche en cristallites dans le chondre Bi4 qu’on exclut des calculs de moyenne.

Les chondres de type I ont des spectres en trait tiret´e, ceux de type II en trait continu.

Fig. 4.13 – Spectre de terres rares de l’enstatite pour les diff´erents chondres analys´es de Bishunpur (LL3.15). Chaque courbe est la moyenne (g´eom´etrique pour l’olivine) des analyses r´ealis´ees sur un chondre. Les couleurs renvoient aux mˆemes chondres que la figure 4.12.

augite analys´ee. Il n’en est pas de mˆeme pour l’olivine et l’enstatite. Si le fractionnement entre terres rares lourdes et l´eg`eres est semblable `a celui de leurs homologues des CR et des CV (Ce/YbN=0,04-0,3 et 0,06-0,5 pour l’olivine et l’enstatite, respectivement), les abondances absolues sont inf´erieures (avec LaN=0,0009-0,02 et 0,004-0,2 ; LuN =0,04-0,2 et 0,08-0,6)5. A noter que dans le chondre Bi7 (cf Fig. 4.11), l’enstatite est plus pauvre en terres rares que l’olivine (la plus riche en terres rares analys´ee. Jusqu’ici, seul le chondre Bi6, de type I avec des olivines poussi´ereuses, pr´esente un spectre d’olivine familier aux chondres de type I des chondrites carbon´ees analys´ees pr´ec´edemment. Nos r´esultats concernant l’olivine sont en contradiction avec les donn´ees de Alexander (1994) et Ruzicka et collab. (2007) pour ce qui est des terres rares l´eg`eres (La, Ce), auxquelles ces deux travaux assignent des concentrations sup´erieures `a 0,1×CI. Si la contamination par du verre est concevable avec les diam`etres de faisceau utilis´es par Alexander (1994), de l’ordre de 20-40 µm, par exemple, il est difficile de penser, ainsi qu’il le souligne, que cela a pu ˆetre un probl`eme syst´ematique. On peut se demander si les limites de d´etections plus ´elev´ees de la sonde ionique ne sont pas responsables de ces r´esultats, au sens qu’il s’agirait d’un bruit de fond (les valeurs rapport´ees pour ces ´el´ements exc´edant rarement 3 fois l’´ecart-type de la pr´ecision).

Comment expliquer cette pauvret´e en terres rares de l’olivine—question qui s’´etendrait aux trois chondres de type II que nous avons analys´e dans les chondrites carbon´ees ? L’effet de la composition (plus riche en FeO en moyenne) aurait tendance `aaugmenter les coefficients de partage des terres rares (B´edard, 2005), ce qui, consid´erant la similitude des concentrations de terres rares de la m´esostase, va dans le sens contraire de celui de la diff´erence observ´ee. Nous proposons au contraire que cela signe une une cristallisation fractionn´ee, o`u le coeur des cristaux d’olivine seraient ´equilibr´e avec le liquide initial—

ayant sensiblement la composition du chondre total actuel—plutˆot que le liquide “final”

(la m´esostase) enrichi en ces ´el´ements incompatibles. Cela serait coh´erent avec les taux de refroidissement rapides calcul´es par Miyamoto et collab. (2009) et le zonage de l’olivine constat´e par Jones (1990) dans les chondres de type II, et par Jones et Scott (1989) dans les chondres de type I quoique dans une moindre mesure. Il faut noter cependant que cette explication ne rendrait pas compte de la pauvret´e relative en terres du pyrox`ene, plus tardif dans la s´equence de cristallisation, car refroidissement rapide ou pas, il se serait ´equilibr´e avec le liquide tardif. Peut-ˆetre la moindre abondance de calcium dans la m´esostase des chondres les plus ferrif`eres—cf. figure 18 de (Brearley et Jones, 1998)—

expliquerait-elle des coefficients de partage moins ´elev´es, de mani`ere analogue `a ce que

5On observe aussi des anomalies positives en Sm mais qui sont probablement des artefacts dus `a des interf´erences isobariques.

Fig.4.14 – Comparaison des spectres de terre rares moyens pour les diff´erentes phases sili-cat´ees de Bishunpur (LL3.15 ; orange) et de Vigarano (CV3 ; bleu marine, pour Vigarano, ce sont les mˆemes donn´ees qu’`a la figure 4.9). Les barres d’erreur indique les premiers et troisi`eme quartiles. Nous portons en trait fin l’unique analyse d’augite dans Bishunpur.

nous avions avanc´e pour les chondrites carbon´ees.

A ce stade, il n’est pas clair si, dans les chondrites ordinaires, les chondres de type I sont plus riches en terres rares que ceux de type II (comme ce qui semble le cas dans les chondrites carbon´ees), auquel cas la diff´erence entre Bishunpur et les chondrites car-bon´ees se ram`enerait aux diff´erences de proportions de chondres des deux types dans ces m´et´eorites. Ceci rejoindrait du reste la dichotomie entre olivine “normale” et “riche en in-compatibles” observ´ee par Alexander (1994). Des analyses suppl´ementaires, par exemple sur Semarkona—la chondrite ordinaire la plus in´equilibr´ee (LL3.01)—, sont clairement re-quises pour le d´eterminer. Dans cette attente, la discussion pr´ec´edente est plus un canevas interpr´etatif qu’une v´eritable exploitation des donn´ees.

Fig.4.15 – Carte composite en ´electrons r´etrodiffus´es de la chondrite ordinaire LL6 Saint-S´everin. Les chondres ne sont gu`ere visibles (on peut par exemple distinguer un en bas `a gauche, d´epourvu d’opaques) du fait du haut degr´e de m´etamorphisme. Du fer-nickel et des sulfures pars`ement la section. La lithologie “D” domine un gros quart NE (marqu´e par des opaques finement grenus), le reste ´etant la lithologie “L” (voir texte).

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