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Conclusions

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 162-167)

Nous avons analys´e par LA-ICP-MS des silicates dans les chondres de chondrites carbon´ees des groupes CV (Vigarano) et CR (Renazzo, Acfer 187). La composition en

´el´ements en trace du liquide th´eorique en ´equilibre est comparable `a celle mesur´ee pour la m´esostase dans les chondres de type I et sugg`ere que l’olivine est le r´esultat d’une cristallisation d’´equilibre (batch crystallization), ce qui impliquerait des vitesses de refroi-dissement inf´erieures `a 10 K/h pour ces objets. Le rapport terres rares l´eg`eres/terres rares lourdes dans l’olivine est inversement corr´el´e avec la granulom´etrie et sugg`ere un contrˆole cin´etique : seuls les chondres les plus grossi`erement grenus, ayant pr´esum´ement subi un chauffage et un refroidissement longs, auraient pu approcher le fractionnement d’´equilibre.

En soi, cette observation ne corrobore pas l’hypoth`ese d’une origine plan´etaire des cris-taux d’olivine (suppos´es reliques) analys´es. Concernant l’enstatite, l’anticorr´elation entre l’abondance des terres rares dans celle-ci (et la m´esostase) avec le mode de pyrox`ene dans le chondre est coh´erent avec le “mod`ele de Nancy” o`u la croissance du pyrox`ene r´esulte d’une interaction entre le gaz et le liquide qui induirait une dilution des terres rares dans ce dernier. Le rapide taux de refroidissement (& 1000 K/h) enregistr´e par l’enstatite, tant par sa cristallographie (monoclinique) que sa chimie (faible fractionnement entre terres rares lourdes et l´eg`eres) contraste avec celui que nous supposons pour l’olivine, et sugg`ererait que la formation de l’enstatite est un ´ev´enement distinct de la cristallisation de l’olivine.

Nous avons ´etendu notre ´etude `a des chondrites non carbon´ees, en l’occurrence Bi-shunpur (LL3.15) et Sahara 97096 (EH3). Dans BiBi-shunpur, l’olivine et le pyrox`ene sont distinctement plus pauvres en terres rares que dans les chondrites carbon´ees, mais des analyses suppl´ementaires sont requises pour d´eterminer s’il y a une corr´elation avec la te-neur en FeO. Les quelques ph´enocristaux d’olivine et l’enstatite de Sahara 97096 semblent similaires en terme de spectre de terres rares `a leurs homologues de Bishunpur, mais les

“pyrox`enes noirs” (riches en FeO) ont des spectres non fractionn´es, ou enrichis en terres rares l´eg`eres qui en eux-mˆemes ne sont pas des signatures ign´ees. Ces m´et´eorites sont

encore en cours d’´etude.

Nous avons ´egalement examin´e des donn´ees LA-ICP-MS recueillies par Paulhiac (2009) sur le m´etal des chondrites CR, class´e selon trois contexte texturaux : grains centraux (dans les chondre), de bordure (`a leur surface), et isol´es (dans la matrice). Les grains centraux sont plus riches en Ni que les grains de bordure ou isol´es, et ce d’autant plus qu’ils sont arrondis (faible indice de convolution). Les arachnogrammes normalis´es au Ni sont similaires pour ces trois types de grains, sauf pour les ´el´ements les plus volatils, sugg´erant une formation `a partir d’un pr´ecurseur commun, et excluant une origine des grains de bordure par recondensation, mˆeme si une recondensation partielle a pu enrichir les grains de bordure en ´el´ements volatils. Les teneurs en nickel semblent ´egalement ex-clure une origine par d´esulfurisation. Nous proposons que ce pr´ecurseur ´etait le m´etal des

“chondres convolu´es” finement grenus ´etudi´es par Zanda et collab. (1993, 2002). Dans un chauffage et refroidissement prolong´es tels qu’inf´er´es plus haut pour l’olivine, les grains m´etalliques auraient coalesc´e et se seraient ´equilibr´es avec les silicates, augmentant leur teneur en nickel. Certains grains auraient migr´e vers la surface, voire se seraient ´echapp´es des chondres. Apr`es ce premier chauffage, les chondres auraient accr´et´e une frange fi-nement grenue similaire aux chondres convolu´es. Apr`es un second chauffage, plus bref, comme nous avons propos´e pour la formation du pyrox`ene, le m´etal de la frange aurait coalesc´e mais n’aurait pas eu le temps de s’´equilibrer, bien que des grains issus du centre auraient pu se mˆeler `a eux.

Apr`es nous ˆetre ainsi int´eress´e `a la gen`ese des chondres, nous allons maintenant ´etudier la dynamique ult´erieure de ces objets, et des autres composants chondritiques en g´en´eral, dans le disque, avant leur agglom´eration.

La redistribution a´ erodynamique des composants chondritiques dans le

disque

M´elangez tout ¸ca et vous aurez quoi ?

(La Marraine la bonne f´ee, Cendrillon, Walt Disney)

Les diff´erents composants des chondrites n’ont pas ´et´e accr´et´es en g´en´eral imm´ediatement apr`es leur formation. Non seulement les inclusions r´efractaires sont-elles en moyenne plus anciennes de 2 Ma que les chondres avec lesquels elles sont agglom´er´ees, mais les chondres eux-mˆemes exhibent un ´etalement des ˆages sur 2-3 Ma au sein d’une mˆeme m´et´eorite (Villeneuve et collab., 2009), mˆeme si des amas occasionnels de chondres mu-tuellement indent´es semblent s’ˆetre accr´et´es rapidement, alors qu’ils ´etaient encore plas-tiques (Metzler, 2011). Il est donc raisonnable de penser que les composants chondriplas-tiques ont g´en´eralement ´evolu´e quelques centaines de milliers `a quelques millions d’ann´ees dans le disque protoplan´etaire, d´etach´es de tout corps plan´etaire, entre leur formation et leur accr´etion. Nous avons d’ailleurs vu au chapitre 3 que la survie de ces solides dans le disque avait vraisemblablement ´et´e assur´ee par la pr´esence d’une zone morte.

Il est d`es lors naturel de s’interroger sur l’impact de ces longs s´ejours dans le disque, s´ejours domin´es comme nous l’avons vu au chapitre 1 par l’interaction avec le gaz, sur la composition des chondrites accr´et´ees `a leur terme. En d’autres termes, la redistribu-tion a´erodynamique des composants chondritiques dans les disques peut-elle expliquer une partie des fractionnements observ´es dans les chondrites (voir chapitre 2.2) qui ne rel`everaient pas d’´echanges ´el´ementaires et/ou isotopiques entre les solides et le gaz ? Au-del`a de l’aspect th´eorique, il existe dans la litt´erature des corroborations p´etrographiques

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de l’importance de l’a´erodynamique dans la constitution des chondrites : la distribu-tion en taille des chondres, tr`es reserr´ee quand on l’exprime en foncdistribu-tion du produit ρsa (densit´e × rayon), qui est le param`etre a´erodynamique pertinent dans le r´egime d’Ep-stein (voir chapitre 1.3.2), sugg`ere un tri a´erodynamique (qu’il soit radial ou local) avant l’accr´etion, d’autant que d’autres types d’inclusions, comme les CAI ou les grains de m´etaux, leur semblent `a peu pr`es a´erodynamiquement ´equivalents (Cuzzi et Weidenschil-ling, 2006). Cette observation a ´et´e r´ecemment ´etendue aux grains constitutifs (silicates et sulfures) des IDPs et des ´echantillons de Wild 2 (Wozniakiewicz et collab., 2012). Le tri a´erodynamique suppos´e pourrait ˆetre `a l’origine du fractionnement m´etal-silicate (e.g.

Zanda et collab., 2009). Aussi, la petitesse des min´eraux de hautes temp´eratures retrouv´es dans les ´echantillons com´etaires est coh´erente avec une difficult´e croissante de transport du syst`eme solaire interne `a la p´eriph´erie du disque avec la taille (voir ´equation 1.27, et Dobric˘a 2010; Hughes et Armitage 2010). L’objet de ce chapitre est de d´eterminer dans quelle mesure les fractionnements observ´es dans les chondrites, et en particulier la dicho-tomie entre chondrites carbon´ees et non carbon´ees, peuvent ˆetre attribu´es `a la dynamique des composants des chondrites. Nous pr´esenterons en premier lieu, dans la section 5.1, le param`etre de d´ecouplage gaz-solide S central dans cette ´etude, puis notre conjecture sur sa valeur pour les chondrites carbon´ees et non carbon´ees, avec les arguments qui la sous-tendent (section 5.2), et les implications qui en d´ecoulent (section 5.3). L’article r´esultant de ce travail sera annex´e `a la section 5.4 et nos conclusions seront r´esum´ees `a la section 5.5.

5.1 Le param` etre de d´ ecouplage gaz-solide S

Toute tentative d’investiguer la dynamique des solides dans les disques protoplan´etaires se heurte `a une double inconnue : la structure et la nature de la turbulence du disque (voir chapitre 1.2). Une premi`ere approche, plutˆot num´erique, consisterait `a calculer cette dynamique dans un certain nombre de mod`eles de disque, en faisant varier un certain en-semble de param`etres, et tˆacher de d´egager de grandes tendances. Mais les contraintes sur les temps et lieux de formation des chondrites seront alors toujours tributaires d’une cer-taine mod´elisation du disque. Nous avons voulu tenter une seconde approche, analytique, o`u nous avons voulu tirer des inf´erences sur les chondrites ind´ependamment des d´etails de la structure du disque, tout en restant dans le cadre “standard” des disques turbulents tels qu’ils sont mod´elis´es dans la litt´erature actuelle. L’int´erˆet de cette approche r´eside dans sa g´en´eralit´e, mais elle en est ´egalement l’inconv´enient en ce sens que les conclusions pouvant ˆetre tir´ees sans une connaissance plus pr´ecise du disque seront n´ecessairement

limit´ees. Mais nous allons montrer que des conclusions nouvelles sont possibles, et pour-raient nourrir l’interpr´etation astrophysique des chondrites.

Consid´erons l’´equation de continuit´e unidimensionelle d’une population de grains, qui, en int´egrant verticalement l’´equation (1.24), peut ˆetre ´ecrite sous la forme1 :

∂Σp vdrift) et un terme de diffusion radiale (enDRR). Leur importance relative est donn´ee par :

vdrift

o`u les deux derni`eres ´egalit´es s’appliquent au plan m´edian, et ρpvdrift

DRRρ∂Rp/ρ) ∼SR

λp

R, (5.3)

avec λp l’´echelle de distance sur laquelle varie la concentration des solides, et o`u on a pos´e :

SR≡ St δR

(5.4) Par ailleurs, l’´equilibre vertical entre la s´edimentation et la diffusion turbulente peut s’´ecrire (`a partir de l’´equation 1.24) :

∂ et d’o`u on tire que l’´epaisseur de la couche de solides autour du plan m´edian est de l’ordre de H/√

1 +Sz (Cuzzi et collab., 1996). Sz est donc une mesure de la s´edimentation.

Il ressort que qualitativement, la dynamique des solides est contrˆol´ee par les trois pa-ram`etres S, SR, Sz, quelle que soit la structure globale exacte du disque. Mais dans la mesure o`uδR etδz sont de l’ordre de α (Fromang et Papaloizou, 2006; Cuzzi et Weiden-schilling, 2006; Johansen et collab., 2006), ces trois param`etres sont pratiquement ´egaux, de sorte que la dynamique des solides est essentiellement gouvern´ee parun seul param`etre,

1Une justification est donn´ee `a la section 5.3 de l’article figurant `a la section 5.4

S. Quand S ≪ 1, la s´edimentation et la d´erive due au frottement sont n´egligeables de sorte que les grains ont la mˆeme dynamique que le gaz qui les entraˆıne, tandis que lorsque S ≫ 1, les grains s´edimentent vers le plan m´edian, et d´erivent radialement plus vite que le gaz vers le Soleil, et donc tendent `a se d´ecoupler du gaz. C’est en ce sens que l’on peut consid´erer S comme un param`etre de d´ecouplage gaz-solide2. La suite de ce cha-pitre va donc consister `a contraindre la valeur de S pour les composants accr´et´es par les chondrites. Plus pr´ecis´ement, comme S = πρsa/2Σ d´epend de la taille, nous allons nous int´eresser `a la valeur deS pour des objets de taille millim´etrique (ρsa= 1 kg/m2), c’est-`a-dire, les plus gros composants compositionnellement distincts des chondrites, `a savoir les chondres, grains de m´etal/sulfure et inclusions r´efractaires, `a l’exclusion des constituants de la matrice. Ce param`etre S mesure la possibilit´e de fractionnement dynamique entre les diff´erentes populations de composants chondritiques, car si S < 1, les inclusions mil-lim´etriques et les grains microm´etriques de la matrice, auront la mˆeme dynamique (celle du gaz), et donc ne pourront pas fractionner, contrairement au cas S >1.

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