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La mise en forme spectrale du QCL pour la spectroscopie

Si on utilise l’architecture la plus simple possible pour un laser, c’est à dire que l’on insère le milieu à gain entre deux miroirs fournissant une rétroaction (architecture Fabry- Perot), le spectre des QCLs s’avère très compliqué à maîtriser (Gordon et al. 2008). Comme pour tous les lasers, la configuration Fabry-Perot n’autorise qu’un ensemble dis-

cret de modes longitudinaux (ou longueurs d’onde) à osciller au sein de la bande de gain, qui sont en première approximation régulièrement espacés. La monochromaticité d’une largeur compatible avec la spectroscopie est assurée lorsque le pompage est proche du seuil du laser, car seul un des modes longitudinaux oscille. En effet, les modes présentent tous des pertes légèrement différentes, celui qui en possède le moins sera donc un mode préférentiel du laser. Mais dès que l’on souhaite augmenter le pompage pour obtenir da- vantage de puissance en sortie de laser, une émission multimode s’étalant largement sur plusieurs cm−1 apparait, couvrant ainsi de nombreux modes longitudinaux. Il faut donc employer d’autres types d’architectures pour contraindre et contrôler le spectre de ces lasers.

Parmi les méthodes utilisées aujourd’hui, l’une des plus populaires est issue des tech- niques déjà appliquées avec succès sur les lasers à semi-conducteurs de télécommunication : la rétroaction répartie ou DFB (Distributed FeedBack) (H. Kogelnik 1972). L’idée est d’introduire un réseau de diffraction périodique qui se superpose au gain le long de la ca- vité laser. Parmi l’ensemble des modes longitudinaux Fabry-Perot a priori autorisés pour la cavité, seul celui dont la longueur d’onde est reliée à la périodicité va effectivement os- ciller. Cette technique garantit la monochromaticité jusqu’à des pompages élevés, ce qui permet donc d’obtenir une émission monochromatique fine spectralement et puissante.

La périodicité spatiale est apportée généralement lors du processus lithographique de fabrication des lasers. On montre sur la figure4.3une illustration de principe. En pratique, un réseau périodique de profil rectangulaire est gravé à la surface du guide d’onde laser, et la période ΛB de ce réseau est choisie de sorte à satisfaire la condition de Bragg,

ΛB =

λL 2nef f

(4.1)

avec nef f l’indice optique effectif du guide d’onde du QCL et λL la longueur d’onde cible du laser.

Lors des allers-retours de la lumière au sein du guide d’onde, cette dernière voit pé- riodiquement une forme d’interface à chaque rencontre d’un front montant ou descendant du réseau. Elle va donc subir à chaque front une faible réflexion, et le réseau peut ainsi être vu comme une succession de miroirs de faible réflectivité. On peut également le voir comme un miroir de Bragg qui possèderait du gain optique. Les deux miroirs utilisés en configuration Fabry-Perot ne sont donc pas nécessaires avec cette technique, car la rétroaction est directement présente dans le guide d’onde.

Bilan et démarche

Les avantages et inconvénients du DFB

Ce contrôle monolithique de la longueur d’onde d’émission finale λL permet d’obtenir des lasers monochromatiques qui restent compacts contrairement à d’autres techniques

𝑧 𝑀2 𝑀1 𝑧 b) a)

Configuration Fabry − Perot

Configuration DFB

Figure 4.3 – a) Schéma de principe de la configuration laser Fabry-Perot et de la confi- guration à rétroaction répartie (DFB). b) Image SEM d’un réseau DFB gravé à la surface d’un QCL.

d’affinement spectral comme par exemple l’usage de cavités externes. Le système reste également robuste et ne comporte aucune partie mobile.

Les principaux inconvénients du DFB sont les suivants :

— La fabrication est plus complexe, surtout pour opérer le QCL en régime continu puisqu’un deuxième processus d’épitaxie (ou recroissance) est nécessaire.

— La couverture spectrale finale est très réduite par rapport la taille de la bande de gain initialement disponible. En effet, on peut toujours utiliser la température du QCL pour modifier λL, mais la modification ainsi possible ne dépasse pas quelques cm−1. On a pourtant expliqué en introduction que l’accordabilité spectrale est pourtant très intéressante dans l’optique de réaliser un capteur multi-gaz. Par conséquent, cette solution n’est pas tout à fait satisfaisante pour la spectroscopie multi-gaz.

— La réalisation d’une longueur d’onde précise n’est pas chose aisée car la condition de Bragg du réseau est difficile à prévoir (dépendance de l’indice optique effectif au dopage des couches semi-conductrices, à la largeur exacte des guides d’onde, à la forme exacte du réseau, ...). En conséquence, un processus de fabrication visant à adresser une raie particulière d’un gaz cible peut très bien échouer en vertu de la faible accordabilité que nous avons expliquée au point précédent, car l’incertitude du processus de fabrication ne peut pas forcément être corrigée en changeant la température.

Accordabilité des lasers DFB

Les efforts récents pour contourner ces problèmes visent par exemple à fabriquer une matrice de QCL placés côte à côte et dont la périodicité du réseau est graduellement augmentée d’un QCL à l’autre. La compacité du système est conservée grâce à la faible

largeur des QCL, permettant d’en disposer un grand nombre côte à côte. De plus, ils assurent une couverture spectrale sans discontinuité car si un laser n’adresse pas exac- tement la bonne longueur d’onde comme voulue initialement, son voisin en sera capable (B. G. Lee et al. 2009).

Une autre voie est néanmoins possible même si elle est moins développée aujourd’hui, et vise à généraliser l’utilisation des réseaux DFB au cas pseudo-périodique. L’idée consiste à introduire plusieurs périodicités au sein du réseau DFB, et ainsi autoriser plusieurs longueurs d’onde à exister au sein d’un même laser.

Cette idée a été employée avec succès pour les réseaux échantillonnés (Sampled Gra- tings ou SG), introduits précisément pour obtenir une meilleure accordabilité dans les lasers à semi-conducteur de télécommunication (Jayaraman et al. 1993). Il ne s’agit pas exactement d’un réseau DFB placé le long de la cavité laser mais plutôt de deux miroirs de Bragg (DBR1 et DBR2) utilisés en configuration Fabry-Perot. Chacun d’entre eux est un DFB périodique auquel est appliqué une fonction d’échantillonnage. Ainsi, chaque miroir de Bragg présente une transmission qui prend la forme d’un peigne de fréquence, dont l’espace entre chaque dent est déterminé par la fonction d’échantillonnage. En choi- sissant une fonction d’échantillonnage légèrement différente pour DBR1 et DBR2, la mise en place d’un effet Vernier est possible. Leur utilisation avec des QCL a été récemment démontrée et a permis une accordabilité sur 63 cm−1 (Mansuripur et al.2012).

Cette idée a aussi été employée dans le cadre de l’optique passive pour les réseaux de Bragg fibrés. Il est en effet très utile de pouvoir fabriquer des fibres optiques sur lesquelles est imprimé un motif particulier, afin de produire des filtres optiques variés. Ces travaux ont été l’occasion de développer de nombreuses techniques pour la synthèse de miroirs de Bragg, c’est à dire l’obtention d’un réseau pseudo-périodique à graver à partir d’une fonction optique voulue pour la fibre. On peut citer entre autres des techniques par transformation de Fourier inverse ou encore l’implémentation d’algorithmes génétiques (Skaar et Risvik 1998).

Plus récemment, Mahler et al. (Mahler et al. 2010) ont montré à l’aide d’un QCL Térahertz une émission bicolore à l’aide d’un DFB quasi-périodique calculé à l’aide d’une séquence de Fibonacci. Dans leur expérience, le réseau DFB est directement déposé sur le guide d’onde contrairement aux réseaux échantillonnés. Il appartient donc à cette nouvelle classe étendue de réseaux qui ont été baptisés GAB (Gratings with an aperiodic basis) (Blanchard et al. 2011).

Problématique

Le problème majeur des GAB de manière générale est le contrôle de leur spectre d’émission. Autoriser plusieurs mode à exister est une chose, mais contrôler leur ampli- tude relative s’avère rapidement complexe. Pourtant, le contrôle est essentiel si on sou- haite obtenir une émission monomode accordable pour la spectroscopie. On a vu qu’il est effectué à l’aide de l’effet Vernier dans le cadre des SG, et cette solution est tout à fait sa-

tisfaisante. Il est intéressant cependant de rechercher d’autres degrés de contrôle, comme l’ont par exemple proposé Sidleret al. avec l’emploi d’un miroir externe de rétroaction en plus du GAB (Sidler et al.2014). Grâce à lui, leur QCL peut assurer un fonctionnement monochromatique, choisi parmi 4 modes discrets autorisés par le GAB et sélectionnés à l’aide de la seule position du miroir externe.

On propose d’étudier plus en détail ce type de contrôle par la suite, en améliorant le concept par la suppression du miroir qui constitue une pièce mobile externe à la ca- vité, ainsi qu’en travaillant sur la prédictibilité de cette architecture. A partir des seules informations géométriques de design du laser et du GAB, est-il possible de prévoir le comportement spectral de ces lasers ?