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1.4 Validation numérique et expérimentale du modèle analytique

2.1.1 Problématique de l’amortissement des résonateurs

Les résonateurs mécaniques en flexion opérés dans le vide ont déjà été largement étudiés par le passé, en raison de leur propriétés de résonance unique et de leur petite taille.

Les résonateurs mécaniques en flexion ont été utilisés pour des applications temps- fréquence (Hetzel1960), et tout particulièrement depuis l’invention de l’horlogerie élec- tronique basée sur des diapasons en quartz présentant d’excellents facteurs de qualité (Staudte1971), ceux-là même qui sont désormais largement utilisés pour le QEPAS. Ils ont également été utilisés en tant qu’éléments sensibles pour les applications inertielles (Barbour 2011), surtout depuis les années 80. Ces MEMS (Micro ElectroMechanical Systems), connus sous le nom de CVG (Coriolis Vibrating Gyrometers) (Chaumet et al.

2009; Janiaud et al. 2004; Olivier Le Traon, Janiaud, Masson et al. 2007) et de VBA (Vibrating Beam Accelerometers) (Olivier Le Traon, Janiaud, Masson et al.

2007; Olivier Le Traon, Janiaud, Muller et al. 1998), ont été pensés pour réaliser respectivement des mesures de rotation et d’accélération de manière ultra précise à l’aide de schémas de détection capacitifs ou piézoélectriques. Pour chaque application, le faible amortissement permet d’atteindre d’excellentes performances et justifie l’effort permanent de recherche à ce sujet.

Des poutres en porte-à-faux vibrant en flexion ont été utilisées en tant que sondes pour les applications de microscopie à force atomique (Binnig et Quate 1986). En fonc- tionnement dit "mode contact intermittent", leur résonance très aiguë et donc faiblement amortie est la clef de la mesure précise de la distance entre le bout d’une pointe déposée à l’extrémité de la poutre et l’échantillon à analyser. Plusieurs applications pour l’utili- sation de poutre MEMS en porte-à-faux en tant que détecteur de champs magnétiques ont été reportées plus récemment (Honschoten et al. 2008; Stipe et al. 2001). Ces dernières sont couvertes d’une fine couche de matériau ferromagnétique qui interagit avec le champ magnétique extérieur, modifiant ainsi les caractéristiques de la résonance. Plus récemment, l’utilisation de NEMS (Nano ElectroMechanical Systems) en tant que micro- balance a permis de mesurer des masses inférieures au zeptogramme (10−21 g) sous vide

(Chiu et al. 2008; M. Li et al. 2010).

Certaines applications requièrent cependant que le résonateur soit complètement im- mergé dans un fluide, qu’il soit liquide ou gazeux. C’est le cas de la mesure de forces de contact, menée avec succès dans le cadre de la photoacoustique, mais aussi pour la détec- tion opto-thermoacoustique (Anatoliy A. Kosterev et Doty 2010) ou bien la mesure de pressions statiques. C’est également le cas pour la détection ultrasensible de composés chimiques (microbalances), et des masses inférieures à l’attogramme (10−18g) ont déjà été rapportées pour des mesures dans l’air à pression atmosphérique (M. Li et al. 2010). Des mesures de température ont également été proposées en suivant la fréquence de résonance, qui varie légèrement en fonction de l’amortissement. Des précisions de l’ordre de 0,001◦C ont déjà été atteintes de cette manière (Hopcroft et al. 2007).

Dans chacun de ces cas, le fluide autour du résonateur modifie fortement les caracté- ristiques de sa résonance, et peut par conséquent fortement réduire les performances des capteurs associés. Il est désormais établi que l’amortissement lié à la présence d’un fluide peut être attribué à plusieurs mécanismes. Les principaux sont l’amortissement visqueux et l’amortissement acoustique, qui reposent chacun sur une propriété physique distincte du fluide que sont la viscosité et la compressibilité. Leurs contributions respectives se com- portent différemment par rapport aux multiples dimensions géométriques du résonateur. Un premier modèle analytique complet incluant la viscosité et la compressibilité a déjà été développé par Eysden et al. (Van Eysden et John E Sader 2006a). Leur résultat est exact mais traite uniquement du cas de la poutre en porte-à-faux, et échoue à fournir une vision simple ou encore une expression simple du facteur de qualité. De plus, leur approche n’inclue pas la présence possible d’un plan statique à proximité de la vibration. C’est pourtant nécessaire pour traiter le cas de l’amortissement visqueux sur les résona- teurs composés de plusieurs poutres tels que les diapasons, comme nous le démontrerons par la suite à l’aide d’une analogie originale.

L’approche séquentielle

Les autres traitements analytiques de la littérature supposent en général que le fluide constitue un milieu incompressible. L’amortissement se réduit alors aux seuls effets vis- queux, pour lesquels les formules analytiques existantes prédisent le facteur de qualité avec une bonne précision (voir la partie suivante 2.1.2). Cependant, cette hypothèse n’est pas toujours valide. Cela a été mis en évidence par l’étude du comportement des dia- pasons dans des gaz (Christen 1983), et plus récemment dans les fluides cryogéniques (Bradley et al. 2012; Tuoriniemi et al. 2012). En milieu cryogénique, il a été montré que les diapasons en quartz commerciaux immergés au sein d’Hélium liquide ou gazeux peuvent nous renseigner sur de nombreux paramètres tels que la viscosité, la pression ou la température (Blaauwgeers et al. 2007). Dans ces conditions, l’amortissement acous- tique n’est pas négligeable et doit être pris en compte. Si cette application semble loin du QEPAS, nous verrons que l’amortissement acoustique peut devenir prépondérant dans

l’air pour certaines géométries particulières.

D’un point de vue théorique, l’amortissement visqueux et l’amortissement acoustique sont tous deux pris en compte dans les équations de Navier-Stokes. Cependant, aucune solution analytique générale n’est encore apparue dans la littérature si ces deux sources d’amortissement sont prises en compte simultanément. En effet, le système d’équations couplées gouvernant le comportement du fluide et le mouvement du résonateur ne peut pas être découplé simplement (comme nous l’avons vu en ne considérant que la compressibilité dans la partie1.2.2). Une approche simplifiée consiste à résoudre deux sous-problèmes de manière séquentielle, qui permet artificiellement de découpler le problème. Le mouvement du résonateur est d’abord déterminé en supposant le fluide incompressible, menant à une expression analytique de l’amortissement uniquement liée à la viscosité. Ensuite, le mouvement du résonateur obtenu est utilisé comme condition initiale pour le problème compressible négligeant la viscosité et supposé sans rétro-action sur le mouvement du résonateur.

Nous allons ici généraliser l’approche séquentielle à n’importe quel résonateur méca- nique en flexion fait de poutres à section rectangulaire.

Facteur de qualité intrinsèque

Quand il est placé dans le vide, on supposera que le résonateur est soumis à un amortissement représenté par un facteur de qualité Qvac.

En pratique, ce dernier est déterminé par plusieurs contributions. On peut citer no- tamment les principales :

— L’amortissement du support Qstruct, qui est lié à la manière dont le résonateur est fixé au reste du bâti. Cette perte à l’encastrement peut être réduite par un ajustement de la géométrie de la structure autour de ses zones de fixation, à l’aide de simulations par éléments finis notamment. Ces ajustements n’ont aucun impact sur la géométrie des poutres. Cet amortissement est en général prépondérant sur les autres sources d’amortissement dans le vide. En général, on considère la structure extrêmement bien découplée dès que l’on dépasse Qstruct = 106.

— L’amortissement thermoélastique, qui est surtout une caractéristique liée au ma- tériau. Pour les résonateurs mécaniques en flexion comme nous les utilisons, cet amortissement est typiquement de l’ordre de 107 et n’est donc par conséquent pas limitant. Son expression peut s’exprimer comme suit (Zener 1937) :

Qt= Cpρp 2T 0 6 ξ2 − 6 ξ3 sinh ξ + sin ξ cosh ξ + cos ξ !−1 , (2.1)

avec E le module de Young du matériau, α son coefficient de dilatation thermique,

T sa température, CP sa capacité calorifique à pression constante, κ sa conductivité thermique, ρp sa densité et ξ = e

q

ωρpCP/(2κ).

— L’amortissement dû aux électrodes, plus difficile à quantifier en raison du peu d’études présentes dans la littérature. Il peut certaines fois être plus important

que l’amortissement du support, notamment lorsque la surface que les électrodes occupent est importante.

2.1.2

Le facteur de qualité associé à la viscosité