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Dans ce contexte de professionnalisation des maisons de commerce, l’une des ques-tions essentielles est la question des transports. Véritable problématique centrale, elle recoupe de nombreux paramètres liés au commerce du vin : maîtrise des stocks, satisfaction des parte-naires commerciaux, conséquences financières. Au centre de tous ces enjeux réside la gestion des transports, intrinsèquement liée au temps et pour laquelle les maisons de commerce cher-chent à assurer une plus grande efficacité.

La marchandise devient alors un objet mobile qui structure l’espace de rayonnement des maisons de commerce1 et dont le transport évolue dans le temps.

La gestion du « stress temporel »

Le négociant est, dans sa pratique quotidienne, confronté à une gestion de la tempora-lité qui le met, inévitablement, dans une situation de tension. Ce « stress temporel » auquel il doit faire face prend plusieurs formes.

Il est tout d’abord lié au contrôle règlementaire des stocks et de leurs enlèvements-expéditions. En effet, tous les déplacements de marchandise doivent être signalés à la Régie et sur la déclaration doit figurer le délai de l’expédition2. Fixé « en raison des distances à par-courir et des moyens de transport »3, il est calculé par la maison de commerce et signalé, sur le titre de transport, à la Régie. Sur la base de ces déclarations, les employés des contributions indirectes peuvent vérifier la concordance des temps de parcours afin notamment d’éviter les « doubles voyages », c'est-à-dire deux expéditions effectuées avec un seul titre de transport, ce qui est une des fraudes les plus communes. Dans le cas où le chargement doit utiliser plu-sieurs modes de transports (concrètement dans l’Hérault : route puis train ou route puis eau), la durée ne concerne pas l’acheminement des marchandises jusqu’au point d’embarquement (gare ou port) pour lequel un « délai spécial »4 est fixé, mais uniquement le temps de parcourt

1 Dans cette réflexion, nous avons largement été inspirés par ce que M. Flonneau et V. Guigueno appellent le « tournant de la mobilité ». Le transport n’est plus juste un moyen de communication mais un « opérateur » qui transforme l’espace et le temps. Cf. FLONNEAU M., GUIGUENO V. (dir.), De l’histoire des transports à la

l’histoire de la mobilité, Rennes, PUR, 2009.

2 Cf. infra, « Le contrôle de la circulation des vins », p. 759.

3 BRUNET R., Le commerce des vins et des spiritueux, Paris, Impr. J.-B. Baillière et fils, 1933, p. 61.

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entre le lieu de sortie du département et l’arrivée. Dans le cas d’une interruption des trans-ports, le chauffeur-conducteur doit en faire la déclaration à la Régie afin de permettre de pro-longer le délai de la durée de l’interruption. La règlementation est donc très stricte afin d’éviter les fraudes et oblige les maisons de commerce à la plus grande prudence et à la plus grande rigueur dans la gestion des transports.

Dans la réalité des faits, les maisons de commerce sont extrêmement dépendantes d’intervenants extérieurs.

En effet, les déplacements les plus courts sont assurés, dans leur grande majorité, par des compagnies de « camionnage» qui louent les services de charretiers puis de chauffeurs pour le transport des marchandises. Rémunérés selon la distance et selon le nombre de che-vaux au début du siècle1, ils consignent la durée des transports et, ainsi, engagent la responsa-bilité des maisons de commerce. Après les années 1920, ces compagnies se transforment pour louer massivement les services de leurs « auto-camions » qui remplacent les charrettes.

Ainsi, pour faire face à une demande plus ou moins importante, les maisons de com-merce font appel à des maisons spécialisées dans le transport routier des vins comme les puis-sants « Transports Cirillo » de Marseillan, « Joseph Grasset » à Clermont-l’Hérault ou « J. Brun » à Sète.

À Paris, depuis l’entrepôt de Charenton, Granier fait également appel à des compa-gnies de camionneurs qui livrent soit directement la clientèle bourgeoise soit d’autres négo-ciants2. Chez Augé, face à la demande qui dépasse les capacités de camionnages de la maison, il est fait appel à des compagnies de camionnage externes comme les compagnies « Lac & Delmas » de Gabian, « Bral » du Bousquet d’Orb ou celle avec laquelle il fait le plus

1 ADH : 10 M 230, Conflits, Grève des charretiers de Montpellier, juillet 1910.

2 ADH : 106 J 865, Fonds Granier, Correspondance, Annexe de Charenton, 1919.

Fig. 6 : Camionnage « J. Grasset » – Clermont-l’Hérault Début du XXe siècle

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d’affaires, la maison « Barthez et Germa » de Colombiers-sur-Orb1. Ces dernières assurent des trajets sur de courtes distances, dans la région biterroise autour de Cessenon pour trans-porter les marchandises vendues par Augé depuis les caves des propriétaires et les gares ou les Magasins généraux2. Il fait également appel à des compagnies extérieures lorsque les approvi-sionnements dépassent le rayon d’action de ces entreprises comme avec la compagnie « Daure » qui lui livre des vins de la région de Rivesaltes ou la société « Sarte » depuis l’Aude3. Enfin, il arrive également que les clients les plus proches se chargent eux-mêmes du transport des vins achetés. C’est le cas notamment pour les clients de l’arrière-pays languedo-cien (Aveyron, Lozère)4.

Dès lors, l’espace routier, à une période où la voiture est encore un élément peu com-mun, est cannibalisé par le transport des vins qui emplissent les routes d’abord de charrettes puis de camions.

Dans le cas des transports extrarégionaux, vers les bassins de consommation, le trans-port est effectué essentiellement par voie ferroviaire5. Dans ce cadre, la compagnie de chemin de fer est chargée d’assurer le respect des délais et d’en avertir la gare de destination et la maison de commerce6, ce qui entraîne une correspondance active entre les chefs de gare et les maisons de négoce.

Pour les vins héraultais, trois compagnies sont chargées de l’expédition des marchan-dises : la Compagnie du Midi (CM), la Compagnie Orléans (PO) et la Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée (PLM). Cette situation est complexifiée par la situation des zones desser-vies par la CM (notamment la région biterroise) qui ne dispose pas d’un accès direct à Paris. PO et PLM sont alors chargés d’acheminer les vins remis par la CM selon des conventions parfois complexes où rentrent en ligne de compte des intérêts divers et variés7. À ces réseaux s’ajoutent les réseaux d’intérêt local qui permettent également l’acheminement des marchan-dises dans le département, notamment depuis les propriétés jusqu’aux gares d’expédition ex-tra-départementale.

Cette situation complexe est là aussi un facteur aggravant du stress temporel. Ainsi, en 1921, un négociant biterrois est en conflit avec la Compagnie du Midi car son

1 ADH : 6 U 2 746-755, Faillite Augé, Correspondance, 1929-1933.

2 Car Augé ne dispose pas de magasins propres.

3 ADH : 6 U 2 746-755, Faillite Augé, Correspondance, 1929-1933.

4 JEANJEAN M., op. cit., p. 69. M. Jeanjean y révèle l’anecdote d’un client de la « Montagne » qui venait avec sa femme dans son camion chercher la marchandise. Cette dernière « aux formes épanouies » restait à bord lors de la pesée à vide mais en descendait lors de la pesée de départ, faisant gagner à son mari une centaine de litres. Les Granier confirment l’habitude de certains clients de venir chercher eux-mêmes leurs vins mais soulignent que c’était assez rare.

5 Si les expéditions vers les centres de consommation utilisent quasi exclusivement la voie ferrée dans l’entre-deux-guerres, ce n’est plus le cas après-guerre. Ainsi, en 1954, 60 % des expéditions de Montpellier se font par la route et 35 % depuis Béziers (GALTIER G., op. cit., p. 460). Déjà en 1930, la concurrence était sensible entre chemin de fer et route, à tel point que l’entreprise Mitjavile est décrite comme « souffrant de la concurrence des camions-citernes » en 1931 (ABDF : Montpellier, 1931).

6 Les chefs de gare avertissent de l’arrivée des WR ou des WF pleins (dans les gares de destination), vides (dans les gares de retour) à partir des années 1920.

7 Voir à ce sujet CARALP R., « Le transport ferroviaire des vins du Languedoc vers Paris », Géocarrefour, 1951, vol. 26, n°3, p. 273-295.

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réservoir a été envoyé par ses clients Gare du Nord (Intérêt local) alors qu’il aurait dû l’être Gare du Midi1. Cela donne également lieu à de nombreuses correspondances, notamment dans le massif central (Moulin ou Neussargues par exemple où sont basés une grande partie des clients des maisons de commerce héraultaises).

Ainsi, au tournant des années 1930, Augé correspond avec dix chefs de gare par an en moyenne2. Ces derniers sont soit héraultais (Colombiers, Cessenon, Magalas, Saint-Chinian) dans le cadre de problèmes d’expéditions ou de retour des fûts/wagons-réservoirs, soit extra-régionaux (Albi, Isère, Pontarlier, Région parisienne, Montauban, Mons-la-Trivalle) au sujet de problèmes de réception de marchandises. Ainsi, en 1929, le chef de gare d’Héricy en Seine-et-Marne, lui apprend que la livraison n’a pu être effectuée car personne ne s’est pré-senté pour la récupérer3 tandis que de nombreux wagons-réservoirs vides restent « en souf-france » sur les quais de gare car Augé n’a pas (ou mal) spécifié où et à qui il fallait les re-tourner4.

Ici encore, le transport est assuré soit par l’expéditeur soit par le client dans le cas de grosses maisons disposant de leurs propres wagons. Mais, en raison du déficit structurel dans la région en matière d’équipement de transport des maisons de négoce et afin de permettre l’expédition de millions d’hl produits tous les mois à plus longue distance, des sociétés de location de matériel apparaissent massivement dans les années 1900-1910 pour pallier ce

1 MERCIER G.etGUIBAL J.,op. cit., p. 622.

2 ADH : 6 U 2 746-755, Faillite Augé, Correspondance, 1929-1933.

3 ADH : 6 U 2 746, op. cit., Lettre du 22/10/1929.

4 ADH : 6 U 2 754, op. cit., Lettre de Tirole dans les Vosges, 10/10/1933.

Fig. 7 : Les grandes lignes ferroviaires transportant les vins héraultais au début du siècle

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manque de matériel (wagons et futaille). Certaines louent « au voyage, au mois ou à l’année »1 des wagons pouvant transporter les vins vers les centres de consommation comme la maison sétoise « Lempereur & Lamouroux »2. D’autres louent de la futaille sur des pé-riodes plus ou moins longues, comme la maison « Rouane » à Sète. À Magalas, la famille Granier fait ainsi régulièrement appel à l’importante entreprise de location de futaille et de wagons de Jules Dejean3 de Béziers avec qui elle entretient des rapports continus sur toute la période4. À Cessenon, Augé ne disposant pas des fonds nécessaires pour être propriétaire de ses propres wagons, il doit lui aussi les louer à ces compagnies. Au début des années 1930, il fait appel à seize sociétés différentes pour la location de moyens de transport par voies fer-rées. La majorité sont dans la région biterroise (« Milhoud » ; « Vidal » ; « Llored » par exemple), d’autres dans le département (« Compagnie générale des transports économiques » à Sète) ou à proximité (« Compagnie des Wagons-Foudres » à Marseille ; « Boissières » à Toulouse), plusieurs dans les bassins de consommation (« Millet » à Montluçon ; « Grossein » ou « Comte » à Paris). Enfin, certaines sont de taille très réduite (« Rodrigues » à Cessenon) tandis que d’autres ont une renommée nationale (« Mitjavile »5 à Béziers ou « Pujas »6 à Montpellier). Cette diversité s’explique par la recherche constante de la part d’Augé du bas coût. Pour cela, il a engagé un courtier en transport, Hérété à Béziers, qui s’occupe pour lui de trouver les meilleurs tarifs qui oscillent en moyenne entre 3 et 7 F par hl et par jour de loca-tion7. Enfin, Augé fait également appel à une compagnie de location de futaille quand son propre stock ne suffit plus ou à une compagnie de transport maritime pour acheminer les vins depuis l’Algérie8.

Cette gestion temporelle des transports entraîne de nombreuses tensions et moult con-tentieux entre les négociants et leurs partenaires9. Ainsi, un propriétaire mécontent signale à Augé qu’il doit le prévenir à l’avenir avant toute retiraison après la venue impromptue de l’employé d’Augé à sa propriété de Maraussan10. Un propriétaire d’Hérépian se plaint, quant à lui, qu’un des clients d’Augé refuse de retirer, dans les temps, les fûts commandés11 alors qu’un autre lui intime l’ordre de « venir retirer de suite »12 et qu’un dernier « insiste pour que les retiraisons aient lieu avant les vendanges »13. À l’inverse, un client francilien lui demande

1 Annuaire de l’Hérault, 1925, Publicité Mitjavile.

2 Cette dernière est fondée en 1876 et à la fin des années 1920, elle dispose de 170 wagons

3 Elle dispose en 1938 de plus de 100 WR, avec une voie de garage proche de la gare (ABDF : Sète, 1938).

4 Granier tutoie Dejean dans sa correspondance.

5 650 wagons disponibles et un parc de réparation pour 1.000 wagons à Montpellier.

6 750 wagons de 100 à 200 hl disponibles.

7 ADH : 6 U 2 746-755, op. cit., Correspondance 1929-1933.

8 « Transports internationaux Yturetagoyena ».

9 L’autre grand contentieux concernant les transports est la question de leur tarification. En théorie, c’est le client qui paie le transport, mais dans les faits, c’est l’expéditeur qui avance cette somme et est ensuite remboursé, ce qui entraine de nombreux litiges car les négociants expéditeurs n’hésitent pas à surévaluer le coût du transport pour augmenter leurs marges. C’est, par exemple, un souci récurrent chez J. Augé. Ce point est développé dans la sous-partie « Des stratégies commerciales douteuses », p. 720 et sq..

10 Ce dernier est venu entonner sans avertir. ADH : 6 U 2 753, op. cit., Lettre de Chabaud, 29/07/1933.

11 ADH : 6 U 2 746, op. cit., Lettre à Lauze, 07/03/1929.

12 ADH : 6 U 2 754, op. cit., Lettre de Villebrun, 04/09/1933.

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de reporter les livraisons par manque de place en mars 19291 tandis que Nègre, qui gère à Carmaux les transactions de la Coopérative d’achat des Mines, se plaint de la durée du trans-port, trouvant « louche » que les vins partant le samedi de Cessenon n’arrivent que le mercre-di à Carmaux2. Enfin, les compagnies de location de wagons-réservoirs ou de wagons-foudres se plaignent également régulièrement des retards de retour des locations3. Face à cette pres-sion constante, le négociant cherche au maximum à ménager ses intérêts, trouvant parfois des excuses peu crédibles. Ainsi, à Nègre, il répond que le convoi a dû faire une pause (de trois jours donc) tandis qu’il justifie certains de ses envois non prévus par une « mauvaise compré-hension »4. De nombreuses fois, Augé rejette la faute sur le fournisseur ou le client comme dans sa réponse à Paul Vidal où il explique que les retards sont dus aux nombreuses arrivées auxquelles a dû faire face son client. Mais bien souvent, les mêmes critiques ressurgissent, notamment en ce qui concerne la gestion des locations pour lesquelles Augé doit prévenir du départ afin de permettre à la compagnie de mettre en place une procédure de retour5, ce qu’il ne fait jamais au bon moment (soit trop tard, soit trop tôt), entrainant par là des contentieux en nombre6. La question de la mobilité des vins est donc une problématique de logistique vitale pour le bon fonctionnement des maisons et sa maîtrise est primordiale pour assurer sa bonne marche.

Au cœur de nombreux impératifs dont il n’est pas maître, le négociant court le risque de voir son commerce péricliter en raison de cette question problématique des transports et de sa mauvaise gestion. Ainsi Augé dont la correspondance recèle de nombreuses lettres de mé-contentement et de pression7 et dont le commerce ne dure que quelques années (1929-1934). Au contraire, la maison « Granier » dans laquelle ce genre de correspondances conflictuelles est plus limité, tranche par sa sérénité et sa pérennité. C’est la preuve que les transports des marchandises sont un critère vital de la bonne marche des maisons de commerce héraultaises et que la mobilité des vins est un élément structurant de leur inscription dans la durée. C’est une question d’autant plus sensibles que de nombreux frais pèsent sur cette activité de trans-port8.

C’est pour ces raisons que les maisons de commerce cherchent à améliorer sans cesse les moyens de transporter les vins.

1 ADH : 6 U 2 746, op. cit., Lettre de Marteau, 19/3/1929.

2 ADH : 6 U 2 754, op. cit., Lettre de Nègre, 27/10/1933.

3 Ibid., Lettre des Ets P. Vidal, 19/10/1933.

4 ADH : 6 U 2 755, op. cit., lettre de Morel qui lui avait demandé de livrer « à la demande », 16/09/1933.

5 Lorsqu’Augé loue un WR ou un WF, il reçoit une lettre préaffranchie qu’il doit retourner à la compagnie de location avec les informations sur le client et l’expédition. La compagnie de location envoie ensuite une lettre au client pour l’informer des modalités de retour. Or, si Augé tarde à renvoyer la lettre d’avertissement de départ, cela retarde les indications de retour et le retour lui-même.

6 Comme en septembre 1929 entre Augé, une compagnie de location et un client pour des pénalités de retard de retour de WF s’élevant à 10 % du tarif de location (4frs/j/hecto).

7 Pour plus de précisions, voir la sous-partie « Entre partenaires commerciaux, le règne de la menace », p.812.

172 Une période de progrès

Alors que l’acheminement et l’expédition deviennent l’un des facteurs essentiels de la croissance des entreprises de négoce héraultaises, la période connaît toute une série de progrès dans le domaine des transports.

Le premier concerne l’organisation des services d’approvisionnements et d’expéditions. Selon Raymond Brunet, c’est un service fondamental qui « doit être organisé avec soin pour éviter les erreurs et les ennuis »1, notamment avec la Régie mais également avec les fournisseurs et les clients. Afin de limiter les préoccupations et les difficultés, mais également de limiter les frais externes2, certaines maisons de commerce disposent au début du siècle de charrettes qui leur permettent d’assurer les enlèvements chez les propriétaires et les transports vers les gares. Ainsi, Lucien Rassiguier est le propriétaire à Olonzac d’une charrette et de plusieurs chevaux à cet effet3. À Puisserguier, « Lavigne et Degeilh » assurent eux-mêmes leurs charrois avec quatre chevaux et deux charretiers qu’ils emploient4. À partir des années 1920 et dans un contexte de motorisation, les négociants engagent alors leurs propres chauffeurs comme la maison « M. Jeanjean et fils » qui en compte quatre à la fin des années 19205. À Marseillan, les maisons « C. Baille » et « J. Voisin » disposent également de leur propre camion, tandis que la maison « J. Cavallié » à Agde achète une petite camionnette pour transporter la futaille dans les années 19206. Augé, lui, a engagé un « homme à tout faire » qui s’occupe d’une partie des transports à l’aide d’un camion à plate-forme qui permet de trans-porter les fûts depuis les caves des propriétaires jusqu’aux gares ou aux entrepôts où il stocke ses vins. Le choix de cet ouvrier est essentiel car il doit être capable de transporter les vins mais également de parer aux accidents qui peuvent arriver durant les trajets et qui pourraient faire perdre une partie de la livraison. Dans une grande majorité des cas, il est également res-ponsable de l’entonnage et il s’assure, avec le propriétaire ou le régisseur de celui-ci, du transvasement du liquide qui est une opération périlleuse. Si les creux de route (pertes en cours de route) sont tolérés, ils ne doivent pas excéder une certaine limite7. Enfin, le camion-neur assure également la conformité avec la loi de la maison de commerce car il transporte la marchandise et les documents administratifs pouvant être inspectés en cours de route. Il faut donc trouver un ou des camionneurs les plus sérieux et rigoureux possible8.

Pour assurer les transports avec les clients les plus lointains (c'est-à-dire au-delà du Massif Central), les maisons les plus puissantes investissent dans du matériel de transport

1 BRUNET R., op. cit., p. 33.

2 Au tournant des années 1930, un charroi entre Béziers et Cessenon (20 km) coute 5 francs/hl environ (ADH : 6 U 755, Faillite Augé, Lettre du 28/08/1933).

3 ADH : 3 U 981, Faillite Rassiguier, Lettre à Ségoussin, épicier à Toulouse, 15/12/1905.

4 ABDF : Béziers, 1904.

5 JEANJEAN M., op. cit., p. 70.

6 CARLES A., BENTAJOU L., Agde, Mémoire en images, Saint-Avertin, Alan Sutton Ed., 2003, p. 117.

7 Cf. infra, p. 757 sur les manquants tolérés.

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ferroviaire. Ce développement entrepreneurial est le résultat de deux éléments distincts. Le