• Aucun résultat trouvé

Le développement du tourisme de masse vers une destination pose toujours la question de sa durabilité (Peeters, 2012; Pigram & Wahab, 1997; Saarinen, 2006). L'importance globale du tourisme génère le besoin de réponses à des problèmes tels que le développement économique, l'impact social, les conflits avec les parties prenantes, la dégradation environnementale et le contrôle politique (Phillimore & Goodson, 2004, p. 15).

Le tourisme joue un rôle crucial dans le développement socio-économique d‘un espace, d‘un territoire, d‘une région (Besancenot, 2009; Frustier, 2009; Landel, Gagnol, & Oiry-Varacca, 2014; Lozato-Giotart, Leroux & Balfet, 2012). Il crée potentiellement de nombreux emplois, engendre plus de revenus et favorise le développement des

infrastructures. Le tourisme « connaît une croissance régulière dans les économies

nationales (développées ou non) tant en termes d’emplois, de croissance que de contribution à la balance commerciale » (Fabry & Zeghni, 2012). Or, seul le tourisme

durable améliore la qualité de vie des communautés locales et aide à la lutte contre la pauvreté. Comme l‘explique Bassi (2002, p. 7), «… la valeur de la qualité de vie,

difficilement quantifiable mais fondamentale » doit être prise en compte.

En tant que destination attractive, le Cambodge devrait être beaucoup plus attentif à la question de la durabilité où les acteurs publics touristiques locaux jouent un rôle majeur par la gestion des ressources et des compétences distinctives associées à une destination (Leroux & Pupion, 2014, p. 37). Construire un projet touristique durable n‘est pas simple à mettre en place notamment s‘il y a une insuffisance des ressources humaines dans le domaine du tourisme aux niveaux local et national, un usage irréfléchi du potentiel touristique et des fuites économiques élevées vers l'étranger. En l‘absence de planification, il y a un risque, d‘une part, de ne plus être en mesure d'assurer la pérennité des sites et, d‘autre part, de dilapider le trésor territorial, voire de mettre en péril l'identité nationale.

En 2015, le Cambodge a reçu près de cinq millions10 de touristes internationaux

(Cf. fig. 1). En 2020, le ministère du Tourisme s'attend à ce que le nombre de visiteurs atteigne 7 ou 7,5 millions de visiteurs internationaux. Ce secteur pourrait générer jusque quatre milliards de dollars de recettes (Thong, 2016). L‘augmentation du nombre touristes est souvent associée à des dépenses en devises11 et, par conséquent, à de la croissance

économique sur le plan local, régional et même national. Cependant un nombre trop important de visiteurs sur un territoire donné n‘est pas toujours synonyme de durabilité touristique (Besancenot, 2009; Landel et al., 2014; Laws, 1995). Le parcours pour mettre en place des projets touristiques durables sur un territoire accueillant plus de 5 millions de visiteurs par an s‘avèrera complexe notamment vis-à-vis de l‘environnement naturel ou même urbain. Siem Reap, par exemple, tend à devenir une petite métropole uniquement

10 En pratique, pour calculer le revenu annuel de l'industrie du tourisme, le gouvernement multiplie le nombre de touristes par la dépense moyenne d‘un voyage : par exemple en 2015, les revenus de l'industrie touristique sont estimés à $ 3 milliards grâce à la multiplication de 4 775 231 touristes par la dépense moyenne d'environ 600 US$. Ainsi, le gouvernement envisage pour l‘année 2020, une arrivée probable de 7 millions de visiteurs et un revenu plus de 4 milliards de dollars.

11 Selon la figure 1, au Cambodge, on observe clairement que le nombre de touristes internationaux augmente ; en conséquence, le revenu du tourisme s‘accroît également, mais la durée moyenne de séjour est presque la même, environ six jours et demi ; la dépense moyenne est d'environ 600 US$ (ministère du Tourisme, 2013).

focalisée sur l‘industrie du tourisme (construction d‘hôtels, rues dédiées aux bars et restaurants). Quant à certains villages flottants du lac Tonlé Sap, ils sont saturés et surexploités à des fins touristiques (Baromey, 2008; Scheidel, Giampietro, & Ramos- Martin, 2013). En effet, lorsque la gestion et le développement du tourisme sont mal

maîtrisés, les conséquences, notamment du point de vue environnemental, peuvent être déplorables et se traduire par la détérioration des ressources naturelles et du patrimoine culturel et social12. » (Briane, 2002, p. 63).

En ce qui concerne les impacts négatifs, le gouvernement reconnaît déjà la nécessité d‘une protection des ressources naturelles, d‘une préservation culturelle, d‘une prévention des maladies transmissibles, d‘une lutte contre le trafic humain et la consommation de drogues. Malheureusement, « Des fillettes vietnamiennes sont achetées

ou enlevées dans le delta du Mékong et revendues pour 500 dollars « pièce » au Cambodge, où elles finiront dans des bordels sinistres. » (Franck Michel, 2006, p. 101).

Cet argent qui provient de la prostitution et de la drogue ne correspond pas à une éthique de développement durable ; comme l‘expliquent Tremblay, Gaudreau, Lapointe, Lachapelle, et al. (2007, p. 38), « La dimension économique du développement durable

s’appuie de son côté sur des principes d’équilibre visant une gestion des ressources naturelles, humaines et financières qui puisse satisfaire les besoins de la population, sans engendrer des impacts négatifs pour les générations futures. » C‘est la raison pour

laquelle la Banque asiatique de développement a exprimé le besoin d‘éduquer les propriétaires, les exploitants et tous ceux qui sont impliqués de près ou de loin dans le domaine du tourisme (GMS, 2008, p. 8).

Dans ce contexte, être vigilant et maintenir la croissance s‘imposent comme une préoccupation permanente. Selon l‘idée de Leroux et Pupion (2014), la plupart des destinations touristiques privilégiées dans le monde sont issues des pays en développement qui, comme le Cambodge, enregistrent un nombre de touristes en constante progression. Les pays concernés, parfois dotés de sites touristiques fragiles, seront amenés à mieux gérer leur flux touristique croissant (Carter et al., 2013; Vannarith Chheang, 2008; T. Winter, 2004). En 2015, près de cinq millions de touristes ont visité le Cambodge. C'est donc une tâche complexe que de canaliser cette affluence dans la

12 Jean Briane, « Tourisme durable dans les régions de montagne : la diversification de l‘offre et le respect de l‘environnement », in Council of Europe : développement durable du tourisme et relation avec l’aménagement du territoire, 2002.

mesure où le tourisme a une dimension humaine. Aujourd‘hui, l‘action des pouvoirs publics en particulier est-elle suffisante ?

Certes, le Cambodge dispose de nombreuses attractions connues, mais beaucoup d'autres mériteraient d‘être exploitées. Le défi est, qu‘une fois identifiée, ces sites soient accessibles aux touristes. Chaque destination n‘est pas pleinement optimisée pour atteindre son potentiel répondant à la norme de développement du tourisme au moment de l‘intégration régionale et de la concurrence mondiale. De plus, les visites ne sont pas réparties de façon équilibrée dans tout le pays (Chens, Sok, & Sok, 2008; V. Chheang, 2008; Gaughan, Binford, & Southworth, 2009a; Hauser-Schäublin, 2011); la majorité des visiteurs sont attirés seulement par Angkor Wat, il est donc important de proposer d‘autres curiosités. Notons également que la sensibilisation publique au tourisme est limitée, elle peut même provoquer des dysfonctionnements dans cette industrie et favoriser une perte des valeurs socio-culturelles. La question se pose d‘une « inadaptation aux mœurs et aux

coutumes des pays d’accueil » (Lozato-Giotart, Leroux, & Balfet, 2012, p. 352). Cela

s‘explique en partie par le fait que l'administration et la gouvernance publique du tourisme, notamment au niveau local, semblent encore faibles. Leur implication est la condition sine qua non pour obtenir un maximum d‘impacts positifs qui conduisent au tourisme durable, lesquels sont eux-mêmes le résultat d‘« une gouvernance territoriale

participative » (Leroux & Pupion, 2014).

Ces questions sont assurément au cœur de notre recherche qui se concentre sur des points pertinents, utiles et fondamentaux. Si la question de recherche n‘est ni réfléchie, ni ciblée, alors elle n‘est d'aucune utilité et le but n‘est pas atteint, il faut au contraire une « recherche de l’excellence » (Lechien, 2009, p. 122). Aujourd‘hui, le pays, face à l‘impact grandissant de ce secteur, est confronté à la prise en compte nécessaire d‘une réflexion globale et pluridisciplinaire quant aux dimensions multiples que le tourisme met en jeu. Sans une vision globale des difficultés, la recherche n'a pas de voie, de démarche, ni de raison d‘être (Brunt, 1997; Phillimore & Goodson, 2004; Ritchie & Palmer, 2005). Toutefois, le souci d‘être concret, pragmatique nous a conduits à centrer notre étude sur la question suivante :

Comment doivent agir les acteurs publics touristiques locaux au regard des ressources et compétences pour l’avenir du tourisme durable au Cambodge ?

Avec cette interrogation de base, dix questions supplémentaires ont été soulevées, afin de mieux définir le rôle que peuvent et doivent jouer les acteurs publics touristiques locaux (APTL) :

1. Qu‘est-ce que le tourisme durable ?

2. Quel est le tourisme au Cambodge actuel ?

3. Quelle est la théorie de ressources et compétences ?

4. Quelles sont les ressources touristiques ?

5. Quelles sont les compétences des acteurs publics touristiques locaux du tourisme durable ?

6. Comment peut-on définir ces nouvelles compétences en management du tourisme durable ?

7. Comment les organisations publiques du tourisme peuvent-elles les acquérir, puis les exploiter au plan stratégique ?

8. Quel est le rôle des acteurs publics touristiques locaux ?

9. Quelles compétences peuvent être apportées et adaptées aux directeurs locaux du tourisme ?

10. Quel référentiel de métier peut-on proposer aux APTL ?

Jusqu‘à présent, ces questions ont été traitées, essentiellement, dans des articles de revue. C‘est la raison pour laquelle nous les avons développées afin de les poser aux APTL et connaître ainsi leur opinion sur la stratégie à développer à l'avenir en faveur du tourisme durable au Cambodge. Les APTL sont les directeurs des départements provinciaux du tourisme, qui sont nommés par le ministère du Tourisme. Les points étudiés sont essentiellement au nombre de trois : d‘abord la sensibilisation à la notion de tourisme durable, ensuite les ressources et les compétences locales, enfin la vision ou la stratégie pour le tourisme durable et le rôle des directeurs eux-mêmes.

De façon générale, cibler l‘objet d'étude sur le tourisme induit une complexité supplémentaire (Chaumet-Riffaud, 2005; Jarvis, Weeden, & Simcock, 2010; Merlin, 2006; Miller & Twining-Ward, 2005; Pigram & Wahab, 1997). Dans notre cas, cette étude

est limitée au tourisme durable au Cambodge et à ses enjeux au niveau local, et non national, régional ou international. En particulier, notre étude sur le tourisme durable au Cambodge est encore plus complexe d‘après les « perceptions » des acteurs publics touristiques locaux puisqu‘il s‘agit d‘une industrie multisectorielle. Citons comme exemple la division de chaque bureau ou département du tourisme qui recoupe d'autres institutions publiques.

Notre problématique semble être en phase avec les défis contemporains existants au sein des managements publics touristiques locaux ou sous-nationaux, en particulier dans un pays comme le Cambodge.

Cette recherche tend à définir une stratégie de durabilité du tourisme en s‘appuyant, d‘une part, sur le courant des « ressources et compétences » et, d‘autre part, sur l'analyse de la pratique actuelle en la matière au Cambodge. Elle s‘adresse donc aux directeurs et aux politiciens de tout niveau – tant au niveau national que sous-national – et en particulier au directeur territorial du tourisme ; elle représente un guide des principes et des pratiques du management public du tourisme.