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11.1.2.2. M esures de lutte

La lutte contre le flétrissement bactérien à la Réunion demeure relativement restreinte. Les rotations culturales sont occasionnellement utilisées et la plus efficace est probablement réalisée avec des plantes non-hôtes comme la canne à sucre ou des Graminées de pâturages. Le greffage de variétés d ’aubergine sur le porte-greffe résistant Solanum torvum est traditionnellement pratiqué par quelques agriculteurs avec un certain succès d ’ailleurs, mais comme l’opération de greffage est fastidieuse et d ’un prix de revient élevé, cette technique n ’est pas appliquée à plus grande échelle (Girard et al., 1993). La culture hydroponique de tomate, qui a tendance à se développer, assure un meilleur contrôle sanitaire parce q u ’elle échappe au problème d ’infestation de R. solanacearum dans le sol et offre la possibilité de désinfecter le substrat à la vapeur d’eau ou à l’hypochlorite de calcium (Nicole, 1995). Une collection de cultivars résistants de tomate et d ’aubergine de diverses origines ont été testés mais confrontés aux souches locales de R. solanacearum les niveaux de résistance se sont avérés très insuffisants et/ou les qualités organoleptiques des fruits ne correspondent pas aux attentes des consommateurs (Girard et al., 1989). U n essai variétal de tomates coordonné par l’AVRDC, effectué récemment dans de nombreux sites de par le monde (dont la Réunion), a permis de dégager un certain nombre de cultivars potentiellement intéressants car résistants ou tolérants aux souches de biovar 3 de la Réunion (Wang et al., 1998a).

11.1.2.3. P o p u la tio n s de R. solanacearum et d i s t r i b u t i o n g é o g r a p h i q u e L’île de la Réunion constitue un site géographique restreint propice à l’étude du flétrissement bactérien puisqu’elle a la particularité d'héberger trois populations différentes de

R. solanacearum (biovar l/race 1; biovar 2/race 3; biovar 3/ race 1) (Girard et cil., 1993), ce qui est un fait assez rare dans le monde. Quant aux souches appartenant à la race 2, ju sq u ’ici elles n ’ont pas été signalées sur l ’île (Girard et a i, 1989). Les lieux d ’isolement de R. solanacearum

sont tous compris entre 0 et 1700 m d ’altitude. Toutefois, entre 200 et 600 m, peu d ’isolats sont obtenus probablement du fait de la culture dominante de la canne à sucre (plante non- hôte) dans cette zone (Girard, 1989). Les trois populations du pathogène sont réparties en fonction de l’altitude (Girard et al., 1993; Nicole, 1995) (figure 11-3) :

- les souches de biovar 1 (les plus rares) sont isolées dans une région de l ’Ouest de l’île entre 600 et 1000 m d ’altitude sur géranium rosat, tomate et pomme de terre, ainsi que dans une région limitée du Sud ju sq u ’à 600 m sur géranium rosat,

- les souches de biovar 2 sont isolées sur pomme de terre dans une zone nommée ’’Plaine des Cafres” située entre 1200 et 1700 m, et exceptionnellement à des altitudes plus basses (entre 0 et 1200 m), sur tomate en culture hors-sol,

- les souches de biovar 3 (les plus fréquentes) sont isolées tout autour de l’île du niveau de la mer ju sq u ’à 1200 m d ’altitude et sur une large gamme d ’hôtes.

Par conséquent, d ’une manière générale, la répartition des trois populations de

R. solanacearum à la Réunion correspond à celle observée dans le monde entier, à savoir que les souches de la race 1 (biovars 1 et 3) se manifestent essentiellement dans « les bas » de l’île, c ’est à dire à des altitudes où les températures peuvent être qualifiées de tropicales alors que les Souches de la race 3 (biovar 2) se trouvent confinées dans les « hauts » de l’île, c ’est à dire à des altitudes où règne un climat plus tempéré (entre 15 et 20 °C).

r

La température est probablement le facteur principal expliquant l’absence du biovar 3 dans les « hauts » de l’île. En revanche, il n ’est pas à lui seul responsable de l’absence du biovar 2 dans les « bas » de l’île; la faible compétitivité du biovar 2, notamment en présence du biovar 1 et/ou du biovar 3, pourrait expliquer cette observation (Nicole, 1995; Nicole et al.,

1998).

II.2. Objectifs

L'existence de trois populations dans des zones géographiquement limitées, des m oyens de lutte restreints et la grande diversité agro-pédo-climatique de l'île ont amené le laboratoire de phytopathologie du CIRAD-Réunion à définir un programme de recherche, au sein duquel s ’est inscrit mon travail de thèse. Ce programme a pour objectif l ’optimisation des mesures de lutte prophylactique car elles demeurent souvent les plus accessibles, les moins onéreuses et parfois les plus efficaces contre le flétrissement bactérien et peuvent venir en appui de la lutte variétale menée dans le cadre d ’une stratégie de lutte intégrée.

Pour améliorer l’efficacité de la lutte contre le flétrissement bactérien, une meilleure connaissance de la diversité génétique de la bactérie pathogène est indispensable de manière à pouvoir effectuer une sélection et une utilisation pertinente au plan variétal. C ’est dans ce contexte que nous avons collecté un très grand nombre de souches de R. solanacearum avec pour objectif d ’obtenir la meilleure représentativité aussi bien au niveau géographique, métabolique (biovars), q u ’au plan pathologique (gamme d ’hôtes). Une grande attention a été portée aux souches d ’origine africaine, et bien entendu réunionnaise, car, ju sq u ’à présent, elles n ’avaient pas ou très rarement été intégrées dans les précédentes analyses de la diversité (phénotypique ou génétique) effectuées sur l’espèce R. solanacearum. Afin d ’analyser cette diversité, nous nous sommes orientés vers l’exploration d ’une zone du génome fortement impliquée dans le pouvoir pathogène de la bactérie, les gènes hrp. Cette région avait déjà été en partie étudiée mais par une méthode plus lourde, la RFLP et avait alors fourni des résultats très probants. Nous avons décidé d ’utiliser une technique plus facile à mettre en oeuvre, la PCR-RFLP. Par la suite, au regard des résultats originaux obtenus, d ’autres techniques ont été em ployées pour analyser la diversité génétique de R. solanacearum : l’AFLP, le séquençage total de l’A D N r 16S ainsi que le séquençage partiel du gène hrpB et du gène codant pour l’endoglucanase. Enfin, nous avons affiné notre étude en analysant la diversité génétique existant au sein d ’une population de R. solanacearum présente naturellement dans une parcelle.

L ’efficacité de la lutte prophylactique repose sur une parfaite connaissance et une bonne maîtrise des sources d'inoculum, ce qui implique de disposer d ’outils de détection performants, c ’est à dire capables de détecter et de quantifier R. solanacearum et chacun de ses variants (race et biovar) de manière spécifique, sensible, rapide et reproductible dans les divers milieux où la bactérie est susceptible de se retrouver. L ’isolement et la numération sur milieu gélosé sont le plus souvent inopérants en raison de la richesse et de la complexité de la flore bactérienne connexe (sol, semence) et/ou de très faibles concentrations de

R. solanacearum (eau). Par ailleurs, la mise au point de milieux sélectifs réellement efficaces a échoué, ce qui a pendant longtemps constitué un frein aux études épidémiologiques. Les méthodes sérologiques sont devenues les ipéthodes les plus couramment employées pour la

II. Problématique et objectifs

détection de R. solanacearum en raison des avancées dans ce domaine (anticorps monoclonaux, ELISA), mais elles présentent une spécificité encore insuffisante et une sensibilité encore tro p faible. Nous avons donc choisi de nous orienter vers la biologie moléculaire capable de fournir des outils réputés être hautement spécifiques, très sensibles et pouvant correspondre parfaitement aux besoins en matière de détection de R. solanacearum. Nous nous sommes basés sur l’analyse par PCR-RFLP des gènes hrp de R. solanacearum pour mettre au point un tel outil avant de l’adapter à la détection de la bactérie dans les différents réservoirs potentiels d ’inoculum.

Pour optimiser l’efficacité de la lutte, une amélioration significative de la connaissance des caractéristiques biologiques et épidémiologiques de la bactérie apparaît nécessaire car de nombreuses questions subsistent dans ce domaine.

Une première question concerne l’eau. En effet, peu d ’études ont été réalisées sur l’aptitude de la bactérie à se conserver dans l’eau. De plus, même si l’eau est souvent rapportée comme un facteur clé pour la dissémination de la bactérie, il nous est apparu important de le confirmer.

Une seconde question concerne la semence. En effet, même s ’il est couramment admis que cette voie de transmission n ’est pas effective dans le cas de R. solanacearum, excepté pour les tubercules de pomme de terre, aucune preuve scientifique incontestable n ’a encore été apportée à ce jour. En prenant comme modèle la tomate et l’aubergine, nous avons donc évalué la possibilité d ’une transmission de la bactérie par la graine.

Une autre question concerne le sol. Certains sols, de par leurs caractéristiques p h y sico ­ chimiques, sont rapportés comme favorisant ou diminuant l’incidence du flétrissement bactérien mais finalement peu d ’études ont été réalisées sur ce sujet. Nous avons donc étudié l’influence du type de sol, d ’une part sur la durée de survie de R. solanacearum (sol nu ou cultivé), et d ’autre part sur le développement de la maladie.