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Chapitre IV – Influence des conditions de logement sur la production et le stockage du

2. Problématique de l’évaluation de la dominance

Le terme « dominant » est à interpréter avec beaucoup de précaution. En effet, dans de nombreux cas, rang de dominance et rang d’agressivité sont confondus puisque le rang de dominance est uniquement déterminé grâce aux comportements agressifs entre les différents congénères d’une même loge.

Dans notre étude (Chapitre 2), les animaux ont été observés sur une première période de deux fois 10 heures sur les deux premiers jours suivants leur entrée dans le bâtiment d’engraissement. L’entrée en engraissement correspond également au regroupement de deux loges différentes de post-sevrage. Les porcs ont ensuite été observés pendant une seconde période de 6 heures en fin de période d’engraissement, la veille et le matin même

du premier départ à l’abattoir d’un porc de la loge. Cette seconde période, quant à elle, correspond à une période de stabilité de la hiérarchie (Meese et Ewbank, 1973). Or, plus un groupe se trouve dans une situation sociale stable depuis longtemps, plus les signaux de communication entre les individus deviennent subtils (McBride et al., 1964). D’ailleurs, on note une diminution du nombre de comportements agressifs entre nos deux stades d’observation (Chapitre 2). La diminution du nombre de comportements agressifs pourrait également être liée à une diminution de l’activité globale des porcs. Cette diminution pourrait provenir du changement de contexte social ne nécessitant plus des interactions sociales fréquentes pour évaluer les rangs de dominance, ou bien pourrait provenir du vieillissement des animaux. En fin d’engraissement, seuls quelques rares comportements agonistiques sont dénombrables alors que le nombre de comportements sexuels est en hausse. Beaucoup de dyades de porcs au sein d’une loge n’interagissent pas au cours des 6 heures d’enregistrement vidéo en fin d’engraissement, si bien qu’il n’a été possible de calculer le rang hiérarchique que de certains porcs. Cette période de fin d’engraissement correspondait à une période de mise à jeun des porcs en vue du départ d’au moins un individu à l’abattoir. Nous espérions donc une plus grande agitation des porcs conduisant à de nombreux comportements agonistiques au sein des groupes.

Compte tenu d’un faible nombre de comportements agonistiques lorsque les porcs sont en groupes stables, il est préférable de déterminer la dominance peu de temps après le regroupement. Toutefois, il a été montré que la dominance entre les individus n’est pas figée et que des modifications de rang de dominance entre deux individus peuvent avoir lieu. Ces modifications de rang s’opèrent principalement entre des individus de rangs de dominance moyen à faible (Meese et Ewbank, 1972). La concordance entre nos rangs de dominance établis en début d’engraissement, c’est-à-dire peu de temps après le mélange des animaux, et celles en fin d’engraissement, c’est-à-dire au moment où la dominance est stable, n’est pas très élevée. Deux hypothèses peuvent être émises : soit les modifications de rangs de dominance sont importantes chez nos porcs entre le début et la fin de l’engraissement ; ou bien la méthodologie employée n’est pas adaptée à la détermination du rang hiérarchique, en particulier en fin d’engraissement où les porcs expriment peu de comportements agonistiques.

Pour le choix de la méthode de détermination du rang de dominance, nous avons d’abord recensé les principales méthodes décrites dans les études de détermination de la hiérarchie. Nous avons relevé 15 indices différents (Beilharz et Cox, 1967 ; Craig, 1986 ; Brouns et

Discussion générale

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Edwards, 1994 ; De Vries, 1995 ; Place et al., 1995 ; Drickamer et al., 1999 ; Hemelrijk et al., 2005 ; Lehmann et al., 2006 ; Bang et al., 2010 ; Lafrance, 2010 ; Hoy et al., 2012). La principale différence entre les indices consiste à baser le rang de dominance sur le calcul de la différence entre les comportements agonistiques donnés et reçus par l’individu, ou sur le calcul du nombre d’individus dominés lui-même basé sur l’écart entre les comportements donnés et reçus au sein de chaque paire d’individus. Nous avons privilégié un indice simple, laissant place le moins possible à la subjectivité de l’expérimentateur (ex : détermination de l’issue d’un combat), et prenant en compte le nombre d’individus avec lesquels un individu a interagi. Cette dernière condition est particulièrement intéressante lorsque la dominance est étudiée alors que les animaux sont en groupe stable depuis longtemps. En effet, dans ces conditions, il est fréquent de ne pas observer d’interactions entre toutes les dyades d’individus car les porcs interagissent généralement uniquement avec les porcs de la loge présentant des rangs de dominance très proches des leurs (Meese et Ewbank, 1973). Le dénombrement des comportements agonistiques nous a permis de calculer une valeur pour chaque porc pour l’indice de dominance que nous avons sélectionné. Les comportements agonistiques regroupent tous les comportements exprimés dans une situation de conflit (Petherick et Blackshaw, 1987). Nous avons dénombré les comportements agonistiques suivants : coup de tête, morsure, combat, menace, et poursuite, en identifiant le porc émettant le comportement et celui le recevant. Compte tenu du nombre d’actes agonistiques échangés dans un combat, nous avons attribué un poids plus important aux combats en comparaison aux autres actes agonistiques mentionnés ci-dessus. Le calcul de l’indice est basé sur le calcul de la différence entre les comportements agonistiques donnés et reçus entre les individus d’une dyade. Si la valeur absolue du delta est strictement supérieure à 1 pour la dyade, le porc à l’initiative du plus grand nombre de comportements agonistiques est considéré comme dominant et l’autre porc de la dyade comme subordonné. Si cette valeur n’est pas strictement supérieure à 1, on considère alors que le rang hiérarchique entre les deux porcs n’est pas établi. Pour chaque porc, on additionne le nombre de porcs dominés, que l’on divise par le nombre de porcs avec lesquels il a interagi. Certains animaux de notre expérience n’ont pas pu être classés, notamment en fin d’engraissement (n = 30). Les porcs sont ensuite ordonnés de façon décroissante et séparés en trois catégories : les porcs avec les plus fortes valeurs (premier tiers) sont considérés comme étant dominants, ceux avec les plus faibles valeurs (dernier

tiers) sont considérés comme étant subordonnés, et les porcs dont les valeurs sont situées au milieu sont considérés comme étant intermédiaires.

Les animaux n’ayant pas interagi avec d’autres porcs n’ont pas pu être classés. Or, un animal qui n’interagit pas peut être un individu dominant que les autres porcs ne souhaitent pas affronter. Une solution pour éviter ce problème consiste à créer des situations de conflits artificiels entre les individus. Par exemple, les individus peuvent être privés d’aliment pendant une période définie, puis ils sont placés en situation de compétition alimentaire. Par contre, le risque avec ce type de situation artificielle est d’établir des rangs de motivations alimentaires et non de dominance entre les individus (Craig, 1986).