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CHAPITRE 2. IMPACT DE LA DOTATION INITIALE DES PERMIS SUR

3. I MPACT DE LA POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE SUR LE PROFIT : LA PRISE EN COMPTE DU

3.1. L’entreprise ne répercute pas l’augmentation de son coût de production sur le

3.1.2. Problèmes impliqués

Lorsque l’entreprise ne répercute pas l’augmentation de son coût de production sur le marché du bien, l’effort financier réalisé pour diminuer la pollution est entièrement à la charge des producteurs ; le consommateur n’est pas impliqué. Ceci pose des problèmes de cinq ordres, qui ne sont certes ni liés à la question de la dotation initiale, ni à la question stricte d’une équité entre entreprises, qui est l’objet de la thèse ; mais ces questions sont à tout le moins à mentionner dans le cadre d’une mise en avant des enjeux de la mise en œuvre de la politique environnementale via un système de permis. L’objectif ici est plutôt de poser les problèmes que d’y répondre de manière très construite, car cela serait prématuré à ce stade de la thèse.

3.1.2.1. Entre le consommateur et le producteur

Le système de PEN est instauré pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, tout en réduisant le coût total de dépollution. Quelle que soit la règle d’allocation initiale, ce résultat est atteint. Mais est-ce équitable que les producteurs soient les seuls à assumer le coût de la dépollution, et que les consommateurs ne soient pas impliqués ?

Répondre par la négative reviendrait à critiquer très intimement le principe même du marché, qui repose sur la confrontation entre une offre et une demande. En effet, les pollueurs sont ici les seuls à assumer le coût de la dépollution uniquement du fait de l’élasticité infinie de la demande. Et le fait que la demande est infiniment élastique n’est pas moralement condamnable.

On peut donc répondre par l’affirmative si l’on considère que telle est la loi du marché, dont le bon fonctionnement peut s’interpréter comme une forme d’équité procédurale (cf. le chapitre 4). On peut aussi arguer que la vente de produits correspond à des transactions librement consenties de la part du consommateur et du producteur, ce qui ne soulève alors pas de problème si l’on se place dans le cadre d’une conception libertarienne de la justice. Enfin, on pourrait également légitimer cette idée en mettant en avant la responsabilité du producteur dans l’origine de la pollution : il lui reviendrait donc de supporter l’ensemble des coûts environnementaux entraînés par sa production. On retrouve ici l’idée du principe « pollueur- payeur » adopté par les pays membres de l’OCDE en 1975 : « le pollueur devrait se voir

imputer les dépenses liées aux mesures arrêtées par les pouvoirs publics pour que l’environnement soit dans un état acceptable. En d‘autres termes, le coût de ces mesures

devrait être répercuté dans le coût des biens et services qui sont à l’origine de la pollution du fait de leur production ou de leur consommation. »

3.1.2.2. Entre les producteurs de deux pays différents

Considérons deux producteurs de deux pays différents, l’un soumis à la politique environnementale et l’autre non (ex. : un pays de l’Annexe I et un pays hors Annexe I). Le producteur soumis à la contrainte environnementale voit son profit réduit par rapport à la situation antérieure, tandis que le producteur non soumis à la contrainte ne subit aucune diminution de profit ; il se peut même que son profit augmente si ce producteur a pu capter de façon profitable le restant de la demande non satisfaite du fait de la diminution de l’offre provenant des producteurs des pays soumis à la contrainte. Que penser alors de cette situation ?

D’abord, comme on l’a déjà signalé, la politique environnementale a vocation à être internationale ; les producteurs hors Annexe I, pour l’instant non soumis à la politique, devraient l’être à l’avenir. Néanmoins, tant que la politique environnementale ne sera pas appliquée au niveau international, les producteurs de pays différents seront dans des situations radicalement différentes. Mais, n’est-ce pas déjà le cas, de façon très générale, puisque les contextes sociaux, politiques, environnementaux existants sont de fait très dissemblables, et induisent des coûts différents pour les producteurs ? Un souci d’équité demanderait-il que la lutte contre le changement climatique n’ait pas d’impacts sur les profits réels des producteurs soumis ? Faudrait-il, au contraire, profiter de l’instauration de la politique environnementale pour essayer de rétablir une certaine égalité entre les conditions de production dans les pays de l’Annexe I, qui sont, pour être schématique, les pays industrialisés, et les conditions dans les autres pays, essentiellement en voie de développement ? Ces questions sont au centre du débat actuel sur l’intégration des PVD au Protocole de Kyoto, et renvoient à l’opposition entre la justice locale et la justice globale, appliquée à l’échelle internationale (cf. chapitre 4).

Sans chercher à apporter à ce stade de la thèse une réponse théorique et très argumentée à ces questions, on peut déjà souligner deux éléments d’ordre pratique : d’une part, il faut rappeler qu’il serait utopique de proposer une égalisation des conditions pour des producteurs de pays soumis de façon asymétrique aux exigences de la politique environnementale ; d’autre part, on peut penser que les autorités publiques chercheront en fait à minimiser l’impact négatif de cette politique pour des raisons essentiellement d’acceptabilité

nationale. L’Etat peut vouloir limiter les risques de délocalisation et de ralentissement économique afin de préserver les emplois et la stabilité socio-économique du pays. Mais est- ce là une considération fondée en termes moral, ou bien plutôt pragmatique ? Le chapitre 4 reviendra sur l’importance de la distinction théorique entre acceptabilité et équité (cf. chapitre 4, section 3.2), et le chapitre 6 sur l’ensemble de cette argumentation.

3.1.2.3. Incitation à la réduction de la consommation

Dans le cas étudié, et si l’on suppose que sa demande de bien ne dépende que du prix du produit, le consommateur n’est pas informé du caractère polluant du produit, via un prix de vente supérieur, et n’est donc pas incité à réduire sa consommation de ce produit. On peut même imaginer que la quantité globale de bien consommé reste identique à celle existant en l’absence de la politique environnementale, le restant de l’offre étant assuré dans sa totalité par les pays non soumis. L’effet environnemental au niveau planétaire serait donc nul.

Il serait pourtant souhaitable que la consommation de biens dont la production est polluante soit désincitée, via, par exemple, une taxe, une différenciation des produits (par labellisation notamment), ou simplement via des campagnes publicitaires (cf. la campagne de l’ADEME sur la maîtrise de l’énergie « Préservez votre argent, préservez votre planète ») visant soit (i) à réduire la consommation de biens dont la production est polluante, soit (ii) à favoriser la consommation de biens de substitution, arguant un meilleur profil environnemental. Dans certains cas, la consommation de tels produits sera d’ailleurs naturellement favorisée par le processus économique induit par le système de PEN, comme l’illustre la figure 5 ci-dessous ; le produit (x) est issu d’un mode de production peu polluant, à l’inverse du produit (y). Après l’instauration de la politique environnementale, le produit (x), qui initialement était peu offert par les entreprises, devient le produit majoritaire.

Quantité Prix y0 x1 y1 Cm production de y Nouveau Cm production de x Nouveau Cm production de y

y est issu d’un process plus polluant que x e’ y >e’ X donc ne’y> ne’ X

Cm de conformité de y > Cm de conformité de x Cm de conformité de y Cm de conformité de x Cm production de x Courbe de demande x0 Prix

Figure 5 : Demande infiniment élastique et développement des produits de substitution parfaits issus de productions différemment polluantes

3.1.2.4. Considérations sectorielles

Dans certains secteurs, comme celui de l’aluminium d’après les dires des industriels, il est possible que, le coût marginal de production final, donc une fois internalisé le coût des émissions, devienne supérieur au prix de vente possible, compte tenu d’une fonction de demande infiniment élastique : dans ce cas, et en concurrence avec des entreprises non soumises à la politique environnementale, le profit d’exploitation sera nul, voire négatif, rendant cette activité non rentable. La viabilité de certains secteurs tout entiers, et non celle de quelques entreprises, serait donc en péril. Cela change-t-il le raisonnement du point de vue de l’équité ? Faut-il par exemple définir l’allocation initiale en fonction des secteurs dont la viabilité est en jeu ? Cette question sera traitée dans le chapitre 6. Cependant, il faut remarquer dès ce stade que l’analyse économique menée a déjà montré que des dotations initiales plus généreuses ne peuvent pas jouer le rôle de subvention salvatrice, si l’échange des permis n’est pas interdit après la fermeture des entreprises (cf. la conclusion 2).

3.1.2.5. Entre les producteurs de secteurs différents à l’intérieur du pays

Les producteurs soumis à la réglementation et qui font face à une concurrence internationale, ou qui opèrent sur un marché dont la demande est élastique, voient leur chiffre d’affaires, et leur profit d’exploitation diminuer. A l’inverse, les producteurs opérant sur un marché local où la demande est inélastique ne subissent pas ces effets (cf. la sous-section suivante). Les impacts, non de la dotation initiale de PEN, mais de la politique environnementale seront très différents suivant le type de marché sur lequel sont les producteurs. La modalité de distribution initiale des permis devrait-elle prendre en compte, par souci d’équité entre les producteurs, cet effet différentiel de la politique environnementale ? Voilà un thème qui sera abordé dans la deuxième partie de la thèse.

Conclusion 8 :

Lorsqu’une entreprise opère dans un secteur où la demande est très élastique, le profit réalisé grâce à la vente du produit diminue du fait de l’augmentation du coût marginal de production, lequel internalise alors correctement le coût social impliqué par la production. Différents problèmes relevant de considérations d’équité peuvent apparaître.