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CHAPITRE 2. IMPACT DE LA DOTATION INITIALE DES PERMIS SUR

3. I MPACT DE LA POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE SUR LE PROFIT : LA PRISE EN COMPTE DU

3.3. Dans le cas de permis spécifiques

Par rapport aux situations étudiées précédemment où le prix s’égalisait au coût marginal dans le cas d’une entreprise non monopolistique, le prix du bien correspond ici au coût marginal diminué de la quantité ns* d’ obtenue gratuitement. En effet, le programme de

maximisation s’écrit, en reprenant les notations habituelles (cf. tableau 1) : π’m = p - Cm - ns . (e’(y)- d’(y)) , donc πm’ = 0 => p = Cm + ns . (e’(y) - d’(y))

Si le prix du permis spécifique ns est égal au prix du permis absolu na et si la fonction e’(y) est

assez peu différente en yfs et en yfa , alors59 :

Si le prix p est fixe, c'est-à-dire ici si la demande est infiniment élastique, on a donc :

p = Cm + ns . (e’(y) - d’(y)) , donc la quantité optimale de production qui maximise le

profit est supérieure à celle qui aurait optimisé le profit sous un système de permis absolus (à savoir celle qui correspond à p = Cm + ns e’(y)). Ainsi, yfs > yfa.

• La figure 8 illustre le cas où la demande est relativement inélastique : le prix du bien sera inférieur au prix qui aurait prévalu si les autorités avaient adopté un système de permis absolu, et la quantité produite y sera supérieure ; cela correspond bien à la revendication des industriels. Les profits seront donc différents.

Prix Production Coût initial marginal de production Ps yfa Courbe de demande Cm final avec permis

absolus

yfs Pa

Cm final avec permis spécifique

ns. (e’ - d’)

na. e’

Figure 8 : Impact sur le prix et la quantité d’équilibre d’un système de permis spécifiques et absolus, lorsque la demande est inélastique.

59 Idéalement, un système de permis absolus et un système spécifique devraient conduire au même résultat : les

pouvoirs publics devraient en effet estimer l’évolution de la production, et ainsi définir la relation d en fonction de la pollution optimale à atteindre et de la production estimée. Cependant, outre le fait que des erreurs d’estimation sont possibles, ils pourraient aussi définir des relations d et e différentes pour chaque entreprise et pour chaque secteur.

Si les permis sont alloués de façon spécifique, le prix n des permis ne sera sans doute pas égal au prix du permis absolu qui aurait pu être mis en place : le coût marginal de dépollution optimale dépend de la nature juridique du permis, ainsi que, par répercussion, le coût marginal de production, la production, le prix de vente p des biens et le profit. Ainsi, sauf cas particulier, la nature du permis (spécifique ou absolu) modifie l’équilibre de marché. Ceci est dû aux prix du permis qui ne seront pas les mêmes (na # ns), et à la dérivée d’. Qu’en est-il

si cette dérivée est différente suivant les secteurs ? Un traitement différencié est-il légitime ?

4. Conclusion

L’analyse économique menée dans ce chapitre montre qu’il est essentiel de distinguer l’impact de la politique environnementale de l’impact de la dotation initiale de permis. La politique environnementale provoque une augmentation des coûts, qui correspond à l’internalisation du coût social, et a donc des effets sur l’activité d’exploitation de l’entreprise (Section 3). Plus précisément, le profit tiré de l’exploitation dépend de manière essentielle de la nature du marché sur lequel les entreprises agissent et du type de concurrence : si la demande est infiniment élastique, les entreprises perdent du profit d’exploitation, de même que pour le monopole ; ce résultat est plus ambigu, voire non vérifié, si la demande est très inélastique. Mais ces variations sur l’activité et la rentabilité de l’entreprise sont dues à l’instauration de cette politique, et non à une règle particulière d’allocation initiale.

Qu’en est-il alors des effets propres de la dotation initiale ? Là encore, des distinctions ont été utilement introduites : la décision stratégique de la firme de poursuivre ou non son activité versus la décision de management, qui concerne la définition de sa production optimale. Pour mener l’analyse, le raisonnement a gagné en clarté en distinguant deux éléments habituellement confondus : le profit d’exploitation, c'est-à-dire le profit tiré de l’activité, de l’exploitation de l’entreprise, et le profit financier, qui résulte d’éléments financiers exogènes à l’activité même de l’entreprise.

Dans le cadre de la décision stratégique de l’entreprise, la dotation initiale a un rôle important : l’analyse fait ressortir que la nature du PEN (absolu sans limitation dans la vente, absolu avec limitation dans la vente ou spécifique) a une importance décisive pour la décision stratégique. On montre notamment qu’un régime de restriction à la vente en cas de cessation

d’activité incite l’entreprise à rester sur le marché même si son activité économique est non rentable.

Dans le cadre des décisions de management, l’impact de la dotation initiale en PEN absolus est nul sur la production optimale de la firme : le coût marginal de production ne dépend pas de la dotation initiale ; or, c’est de celui-ci donc dépend la quantité de biens produite et le prix de vente60. En revanche, la dotation a un impact sur la valeur totale de l’entreprise. Ainsi, la dotation initiale peut être assimilée à une subvention forfaitaire : elle n’a aucun impact sur le profit d’exploitation, mais elle a un impact direct sur le profit financier, et donc sur la valeur patrimoniale de l’entreprise. La question de l’équité de la distribution initiale des permis devient donc celle de la répartition équitable de subventions entre des entreprises, mais toujours dans le contexte de la mise en œuvre de la politique environnementale. Pratiquement, la question, même modifiée, reste entière : sur quels critères se fonder pour décider de cette répartition ?

Divers aspects de la situation soulèvent des problèmes d’équité, notamment le différentiel de coûts supportés entre producteurs et consommateurs. Certains sont plus spécifiquement liés à l’objet central de la thèse, qui est l’équité entre producteurs nationaux :

• La survie d’une entreprise non rentable : suivant la nature juridique des PEN, une même entreprise est différemment incitée à poursuivre son activité. Que penser d’une modalité, à savoir un système de PEN avec restriction sur la vente, qui permet la survie d’une entreprise non rentable ? Généralement critiquable d’un point de vue économique, l’est-ce aussi d’un point de vue de l’équité entre entreprises ?

• L’activité même de l’entreprise : à court terme, la dotation initiale n’a pas d’influence sur les décisions de production de l’entreprise, même si elle a le statut de subvention forfaitaire. En revanche, la politique environnementale en tant que telle affecte ses décisions, via l’incidence sur les coûts et donc sur le profit d’exploitation. Cet impact dépend de la nature du marché et de la concurrence. Il importera d’abord de statuer sur le caractère légitime ou non d’une telle influence, impliquant notamment des différences de situation entre entreprises. Ainsi, par exemple, deux entreprises, identiques d’un point de vue technologique, soumises à la même politique

60 Puisqu’il n’y a pas de secteur régulé, donc uniquement sensible à la contrainte budgétaire, soumis à la

environnementale, mais opérant sur deux marchés différents subiront des conséquences très différentes, et ceci même si elles reçoivent la même dotation initiale de PEN. La dotation initiale pourrait-elle être définie de façon, par exemple, à égaliser les impacts de la politique environnementale, c’est-à-dire corriger ces différences ? Mais quelles variables d’égalisation choisir alors ?

• A long terme, la dotation initiale peut faire l’objet d’une utilisation stratégique, et favoriser l’émergence de distorsions de concurrence, qu’il conviendra d’analyser. Le montant de cette « subvention » peut certes être utilisé de diverses manières (placement en bourse, etc.), et n’avoir aucune influence directe sur l’activité de l’entreprise. Mais il est plus réaliste de penser que l’entreprise va utiliser ce montant de façon stratégique : elle peut entamer une guerre des prix, elle peut améliorer son accès au capital, etc. L’enjeu est alors celui du développement futur de l’entreprise, ce qui peut modifier le raisonnement en termes d’équité.