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Problèmes d’exploitation : la dimension temporelle

Estimation du nombre de migrations et calcul de taux de migration annuel

Dans de multiples cas, on souhaite pouvoir disposer d’un taux de mobilité annuel (ou intensité migratoire) comparable d’une période à l’autre.

Or, du fait des migrations multiples et des retours, on ne peut pas calculer un nombre annuel de migrants en divisant le nombre de migrants recensés par la durée de la période intercensitaire. Plus la période d’observation s’allonge et plus la probabilité de migrations multiples et de retours augmente.

Daniel Courgeau (1973a, 1982, 1988) propose une méthode de calcul permettant de remonter des données sur les migrants intercensitaires aux migrations que ces migrants (et les migrants ayant accompli une migration de retour) ont effectuées. Cette méthode a été réutilisée par divers auteurs (voir par exemple Le Jeannic, 1997).

Utilisant des données d’enquêtes rétrospectives saisissant toutes les migrations des individus, l’auteur analyse les liens entre le nombre de migrations et le nombre de migrants, ce qui lui permet ensuite d’estimer les migrations à partir des statistiques de migrants au recensement.

Il montre dans un premier temps que la probabilité K, pour une personne ayant effectué une migration, d’en effectuer une nouvelle est à peu près indépendante du rang du déplacement antérieur et de la génération. Elle dépend un peu plus du découpage géographique (décroissant du découpage le plus fin au plus grossier).

Dans un second temps, il montre que le quotient annuel de nouvelle migration, k, est indépendant de la durée de séjour (donc de l’ancienneté de la précédente migration) et du rang de cette précédente migration.

On peut donc dire que la probabilité pour qu’un individu ayant effectué une migration d’un rang donné en effectue une nouvelle, un certain nombre d’années après la précédente, dépend peu de la durée, du rang de la migration antérieure, du découpage géographique sur lequel les migrations sont mesurées et de la génération considérée.

Il montre enfin que les migrations de retour sont proportionnelles aux migrations de rang supérieur à un.

Il est ainsi possible de modéliser, avec un petit nombre de paramètres, la variation non linéaire de l’effectif de migrants lorsque la période d’observation varie.

Ce modèle s’écrit alors de la manière suivante :

M(t) = mP[(1-K(1+l))t + (K(1+l)/k) (1-exp(-kt))]

où :

M(t) =nombre de migrants comptés lors du recensement t = durée de la période

m = taux instantané de migration P = population observée

K = probabilité de faire un déplacement supplémentaire (fraction de la population faisant une nouvelle migration)

k = quotient de nouvelle migration (probabilité instantanée de migrer pour la population KP) l = proportion de retours parmi les migrations multiples

Donc, connaissant M(t) (données recueillies lors du recensement) et ayant estimé K, k et l à partir d’enquêtes rétrospectives51, pour différents découpages du territoire, on peut calculer le taux instantané de migration m.

Ce taux est supérieur à ce que l’on obtient en divisant le nombre de migrants par la durée de la période, et ce d’autant plus que la période intercensitaire est longue.

Bien que cette estimation du taux annuel soit approchée, elle est cependant plus satisfaisante que la proportion annuelle de migrants. Cette méthode est indispensable lorsque l’on veut comparer la mobilité entre périodes intercensitaires successives, celles-ci étant en France de durée variable 52.

Appliquant cette méthode aux flux en provenance des villes-centres des pôles urbains à destination de leur couronne périurbaine, Th. Le Jeannic (1997) obtient les chiffres suivants pour le rapport entre les flux

« estimés » (à l’aide de la méthode de D. Courgeau) et les flux « mesurés » (flux intercensitaires résultants) :

Les caractéristiques individuelles et celles du logement ne sont connues qu’à la date du recensement

Une migration résidentielle est un mouvement d’un logement vers un autre. Pour étudier la mobilité résidentielle, il faudrait donc pouvoir comparer les caractéristiques et les conditions d’occupation des deux logements. Mais le recensement ne fournit aucune information sur le logement précédemment occupé.

Seul le logement occupé au moment du recensement est décrit.

On ne peut donc analyser la mobilité qu’en fonction de la situation actuelle des ménages.

51 Les estimations les plus récentes des paramètres du modèle découlent de l’exploitation conjuguée du recensement et des enquêtes annuelles sur l’emploi.

52 A cela s’ajoute le problème lié à la date de référence des recensements (jamais le 1er janvier). Or, la question sur la migration interroge sur le lieu de résidence au 1er janvier de l’année du précédent recensement. La durée sur laquelle sont comptabilisés les migrants ne s’exprime donc pas en nombre entier d’années.

1954-1962 = 8,19 années 1962-1968 = 6,21 années 1968-1975 = 7,14 années 1975-1982 = 7,17 années

1982-1990 =8,175 années

Il en est de même pour les caractéristiques individuelles : celles-ci ne sont connues qu’à la date du recensement et donc, pour les migrants (individus ayant changé de domicile depuis le précédent recensement), qu’après la migration.

Or, la migration, changement de situation géographique, est souvent associée à un changement de situation familiale ou professionnelle.

Par exemple, lorsque l’on travaille sur la mobilité des chômeurs, on ignore s'ils étaient déjà au chômage avant de migrer. Il est impossible de savoir si la migration est une réponse au chômage (celui-ci s’exportant donc), si, au contraire, c’est le chômage qui est la conséquence de la migration 53, ou encore, si les deux phénomènes sont indépendants.

L’utilisation de données censitaires pour l’étude des migrations est donc mal adaptée si l’on veut tenter de comprendre les motivations des individus et les conséquences des migrations sur leur situation professionnelle ou familiale.

L’année du déplacement n’est pas connue

Le recensement permet d’identifier des individus ayant changé de logement au cours de la période intercensitaire, mais on ignore la date précise de la migration.

Cela pose un problème lors du calcul de taux de mobilité par âge. En effet, quand on calcule le taux de migration des personnes d’un âge donné (âge atteint l’année du recensement), on prend en compte des mouvements qui ont pu se produire à différents âges. Des migrants âgés de 25 ans lors du recensement de 1990 ont pu migrer entre 17 et 25 ans.

Ce problème est d’autant plus important que la période intercensitaire est longue et il conduit à fausser la comparaison des taux de mobilité par âge. Ainsi, entre 1982 et 1990, la mobilité des personnes âgées de 25 ans en 1990 mélange des migrations qui se sont produites entre 17 et 25 ans. Entre 1975 et 1982, la mobilité des personnes âgées de 25 ans en 1982 mélangeait des migrations qui s’étaient produites entre 18 et 25 ans.

On ne dispose d’aucune information sur la tendance des migrations au cours de la période intercensitaire

Les données sur la mobilité issues du recensement permettent d’étudier comment celle-ci évolue d’une période intercensitaire à l’autre. On a ainsi montré (Baccaïni, Courgeau, Desplanques, 1993) qu’après une période de forte augmentation de la mobilité de 1954 à 1975 (+24% pour les changements de commune, +45% pour les changements de département et +34% pour les changements de région), la baisse entamée entre 1975 et 1982 s’est poursuivie au cours de la dernière période intercensitaire, plus nettement pour les déplacements à courte distance que pour ceux à longue distance.

Mais on ignore tout de la tendance des migrations au cours de la période intercensitaire et il est impossible de dater avec précision une éventuelle rupture de la mobilité.

Ainsi, la déconcentration urbaine, qui a pris place en France dès la fin des années soixante, n’a pu être détectée que lors du recensement de 1975, et, étant donnés les délais de publication des données censitaires, n’a pu être analysée que près de dix ans après son apparition.

53 Ce doit souvent être le cas, dans les couples biactifs, lorsque le changement de résidence du ménage est lié au changement professionnel de l’un des conjoints. L’autre ne retrouve alors pas nécessairement tout de suite un emploi.