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Chapitre IV. La genèse sociale de la culpabilité

B. Problème social ou problème mental ?

Parler d’une médicalisation du handicap mental au XXème siècle ne signifie pas, on l’aura compris, qu’il soit devenu dans les esprits un enjeu purement médical et non social. Bien au contraire, on a vu combien la société civile avait pu être active dans les débats et le modèle social du handicap tend de plus en plus à s’imposer dans les esprits et dans les lois (notamment dans la loi de 2005 en France). En sociologie et en anthropologie, le handicap est même un exemple type de construction sociale qui varie du tout au tout selon les lieux et les époques [Stiker, 1997 ; Caspar, 1994]. Sa médicalisation relative n’est alors qu’une des façons qu’ont choisies au XXème siècle les sociétés occidentales pour le circonscrire et le traiter. Il faut dire que le handicap mental est au cœur de l’un des enjeux sociaux centraux : la mesure de l’intelligence [Bourdieu, 2002a]. Donner aux prêtres [Stiker, 1997] ou aux médecins le pouvoir de mesurer l’intelligence, c’est leur donner un pouvoir social considérable, tant la légitimité de la hiérarchie sociale repose en grande partie dans nos sociétés occidentales contemporaines sur l’intelligence. On retrouve sous une autre forme le fantasme déjà évoqué de la dégénérescence de Bénédict-Augustin Morel au XIXème siècle, qui a ouvert la porte à des fantasmes de régénération raciale (avec les conséquences que l’on sait pour les personnes handicapées mentales pendant la période nazie) et plus généralement à l’idée une détermination organique, voire génétique de l’appartenance sociale, comme l’ont défendu plus récemment les sociobiologistes [Wilson, 1987]. Quoique moins extrême, l’ouvrage médiatique de Patrick de Clerck [2001] sur les SDF, qu’il considère tous plus ou

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moins comme des malades mentaux, va aussi dans le sens d’une superposition entre problèmes sociaux et problèmes mentaux6.

Prenant acte des enjeux sociaux qui se tiennent derrière la mesure de l’intelligence, et ceci dès l’enfance, des sociologues ont voulu montrer combien l’entreprise de catégorisation de l’intelligence des enfants pouvait dissimuler des objectifs sociaux de maintien de l’ordre scolaire et social. Ces analyses, que je présente ci-dessous dans un premier temps, pourraient suggérer que le handicap mental ne serait qu’une construction idéologique servant les intérêts supérieurs des garants de l’ordre social. Comme on le verra dans un deuxième temps, il me semble plus juste de parler à propos du handicap mental de construction sociale, c’est-à-dire de souligner les enjeux sociaux que recouvre la catégorie sans nier la réalité du phénomène qu’elle cherche à désigner.

1 Le handicap mental, une construction idéologique ?

Max Weber [1971] a le premier montré que l’ordre social a besoin, pour tenir, d’être légitimé. Reprenant ce cadre d’analyse [Bourdieu, 1971], Pierre Bourdieu s’est rendu célèbre en montrant que l’idéal de méritocratie sur lequel repose l’école républicaine française est en grande partie une illusion, qui permet de légitimer un ordre social reposant de plus en plus sur des titres scolaires acquis largement grâce à la transmission du capital culturel, très inégalement réparti entre les différents milieux sociaux [Bourdieu et Passeron, 1964 et 1970]. Suivant à leur tour ce nouveau cadre d’analyse, différents auteurs ont tenté d’établir que la création de classes spécialisées et la médicalisation du handicap mental n’étaient que des moyens détournés utilisés par l’institution scolaire pour se débarrasser d’une population gênante et issue de classes défavorisées autrefois exclues de l’école.

Un article de Francine Muel [1975] a ouvert la voie en avançant que c’était de l’école qu’était venue « l’invention de l’enfance anormale ». Selon l’auteur, la généralisation de l’obligation scolaire a confronté les enseignants à une nouvelle frange d’élèves indisciplinés ou en tout cas rétifs aux apprentissages scolaires, issus la plupart du temps des classes populaires. La loi de 1909, qui s’appuie sur les théories d’Alfred Binet et Théodore Simon sur l’échelle métrique de l’intelligence et les « anormaux d’école », aurait alors eu pour rôle d’exclure de l’école normale ces enfants indésirables. Voici comment l’auteur formule elle- même sa thèse, en s’appuyant sur une citation de Georges Paul-Boncour et Jean Philippe (en italiques ci-dessous), actifs défenseurs de la création des futures classes de perfectionnement :

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« C’est l’obligation de la scolarité qui désigne des ‘anormaux’. (…) ‘Tant que

l’instruction n’était pas obligatoire, ces réfractaires ou incapables passaient facilement inaperçus : on expulsait les indisciplinés ; on reléguait les arriérés ; on ignorait les vagabonds. Mais aujourd’hui il n’en peut plus aller de même : tout réfractaire, bon gré, mal gré, est ramené à l’école ; il s’y trouve mal, l’école ordinaire n’étant pas faite pour les écoliers de son espèce.’ [Paul-Boncour et Philippe, 1905] C’est pour résoudre le

problème posé par cette ‘espèce d’écolier’ que la Société pédagogique des directeurs et directrices d’écoles publiques de Paris crée spontanément en 1904 une commission sur la création d’écoles spéciales pour les enfants anormaux et indisciplinés ; elle conclut ses travaux en demandant la création ‘d’écoles pour arriérés’ et ‘d’écoles de moralisation’. L’école ne peut demeurer ‘école pour tous’ qu’au prix de ne pas être l’école de tous. »

[Muel, 1975, p. 69]

À la suite de Francine Muel, d’autres sociologues vont s’intéresser à la création de ces classes et au développement, autour de ces enfants, de diverses branches de la psychologie. Patrice Pinell et Markos Zafiropoulos cherchent ainsi à resituer ces théories dans leurs conditions sociales de production. Encore une fois, le résultat est de réaffirmer le lien que d’autres voudraient cacher entre arriération (ou anormalité) et origine sociale :

« Plusieurs études récentes ont mis en évidence la relation entre l’entrée en masse dans l’école publique (du fait de l’obligation scolaire) des enfants des fractions les plus basses du prolétariat et l’apparition de nouvelles catégories d’enfants anormaux, l’instable et l’arriéré (débile léger). (…) La démarche de Binet s’appuie toute entière sur une ‘naturalisation’ implicite de la norme scolaire et aboutit à une retraduction dans le langage de la pathologie des échecs scolaires, produits de la distance entre la culture scolaire et la culture des familles des milieux populaires. Dès lors, du fait des conditions mêmes qui président à son élaboration, l’échelle métrique de l’intelligence ne peut que ‘révéler’ une corrélation entre la place dans la hiérarchie sociale et la fréquence d’apparition de la débilité – et cette révélation, devenant découverte scientifique, ouvre le grand débat hérédité / milieu. » [Pinell et Zafiropoulos, 1978, p. 23]

Des « sciences » nées plus récemment sont soumises à la même critique par d’autres auteurs, comme James Carrier [1983] dans un article sur la « learning disability theory ». Il entend y montrer que l’écart entre le quotient intellectuel et les performances scolaires, que la « learning disability theory » veut expliquer par un problème neurologique difficile à détecter,

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s’explique en fait par des dispositions sociales incorporées par les enfants qui s’expriment de façon subtile dans les interactions avec leur professeur.

« [I show in this article that] socially based educational values and practices define a sort of abnormality and that a theory has developed to account for intéressant in a manner which misrecognizes the social component of the abnormality by locating its cause in the child’s presocial neuropsychiatric status. The account thus masks the social forces involved in educational abnormality, and therefore indirectly in education itself. It thus helps maintain the legitimacy of education and through it the legitimacy of the social order which portrays itself as being based in large part on the operation of an asocial- structural, unbiased educational system.7 » [Carrier, 1983, p. 949]

Ces thèses bourdieusiennes conduisent toutes plus ou moins à une critique des finalités inavouées de l’institution scolaire, qui favorise la ségrégation sous couvert de démocratisation. Les travaux de Jacqueline Gateaux-Mennecier [1990] illustrent parfaitement une telle perspective :

« Les nouvelles désignations de la nosographie scolaire – ‘arriéré’, ‘débile’ et autres ‘déshérités de l’intelligence’ – sont des constructions sociales, notions trompe-l’œil, masques pathologisants d’une perspective pénalisante de contention de la déviance, informulable en ces termes à l’heure où la distanciation sociale ne peut plus s’énoncer sans risque de résistance. Ces productions idéologiques (idéologiques parce qu’étayées sur une extrapolation non fondée scientifiquement, et parce que, somme toute, asservies à des injonctions politiques), élaborées dans le mouvement qui conduit à l’éclosion de la loi du 15 avril 1909, ont à la fois conforté symboliquement la mise en place de ces institutions et scotomisé leur finalité réelle : non pas le perfectionnement, mais le redressement. Leur dénomination oblitère en effet leur dimension ségrégative réelle, leur fonction d’épuration des écoles ordinaires, somme toute leur fonction de prophylaxie sociale. » [Gateaux-Mennecier, 1999, p. 163]

C’est contre ces analyses que se dresse Monique Vial [1990], en tentant de montrer que ce sont Binet et Simon qui se sont tournés vers l’école pour tester leurs théories

7 « Cet article vise à montrer que ce sont des valeurs et des pratiques scolaires socialement situées qui définissent

une certaine forme d’anormalité et qu’une théorie s’est construite pour l’expliquer d’une manière qui gomme la composante sociale de cette anormalité en cherchant sa cause dans l’état neuropsychiatrique, donc pré-social, de l’enfant. Cette explication masque ainsi les forces sociales à l’œuvre dans l’anormalité scolaire, et donc indirectement dans l’institution scolaire elle-même. Ce faisant, elle concourt au maintien de la légitimité de l’école et à travers elle de l’ordre social qui se présente comme fondé en grande partie sur le fonctionnement d’un système éducatif impartial et imperméable aux différences sociales. » (c’est moi qui traduis).

naissantes, et non les maîtres d’école qui ont eu recours à ces nouveaux spécialistes pour mettre à l’écart des élèves indésirables. Elle s’appuie pour cela sur le discours des maîtres eux-mêmes qui ne semblent pas particulièrement dérangés par la nouvelle population arrivée sur les bancs de l’école. À sa suite, des auteurs comme Philippe Raynaud [1982] tentent de défendre les bonnes intentions des institutions spécialisées :

« On peut donner de la préhistoire des institutions spécialisées une interprétation différente [de celle qu’en donnent les travaux des sociologues bourdieusiens] aussi bien pour ce qui concerne la constitution de l’institution psychiatrique moderne (et la logique de son évolution) que pour ce qui est de l’apparition des premières classes de perfectionnement. L’idée que je voudrais défendre, c’est que cette double naissance, de la psychiatrie moderne et de la pédagogie spéciale, obéit à une logique égalitaire et s’inscrit dans une idéologie purement démocratique (individualiste et égalitaire). » [Raynaud, 1982, p. 82]

Si ce débat m’intéresse ici, ce n’est pas tant pour prendre parti que pour insister sur le fait que les uns et les autres soulignent la proximité entre échec scolaire, milieu social défavorisé et handicap mental. Or pour des parents d’aujourd’hui confrontés aux difficultés intellectuelles d’un de leurs enfants, cette association, que l’on ne trouve bien sûr pas seulement sous la plume de sociologues, pèse sur leur manière de considérer leur enfant et de le présenter à autrui. C’est dire que quelle que soit la position que l’on adopte par rapport au débat présenté ci-dessus, on ne peut que constater que la construction sociale du handicap mental tend à l’associer à diverses formes de disqualification sociale, que l’on va maintenant détailler.

2 Le handicap mental, une construction sociale

Éric Plaisance [1988] a synthétisé ce débat dans un article paru dans l’Année

sociologique et critiqué la volonté des auteurs bourdieusiens de montrer à tout prix que le

handicap mental léger ne serait qu’un artefact destiné à légitimer l’exclusion de certains enfants des classes populaires de l’école ordinaire, même s’il affirme lui aussi, en s’appuyant sur les travaux de Sally Tomlinson [1982], que

« les dénominations des enfants ne doivent plus être considérées comme de simples questions d’adéquation à leurs caractéristiques ‘objectives’ mais comme des constructions

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sociales où s’exercent des luttes de compétences entre différents groupes. » [Plaisance, 1988, p. 450]

C’est l’explication globale de la création des classes de perfectionnement, et plus largement du champ de l’éducation spéciale, par l’idée de civilisation des classes populaires via un processus de médicalisation qui lui semble plus suspecte et il en appelle à des travaux socio-historiques accordant davantage de poids aux contextes locaux et aux évolutions temporelles, dans la lignée des travaux de Monique Vial8.

Au-delà de la question du rôle de l’école et des enseignants, l’enjeu plus général est de savoir si le handicap mental, notamment la « débilité légère », n’est qu’une « construction idéologique », pour reprendre les termes de Jacqueline Gateaux-Mennecier. D’un côté, il est évident que la frontière est floue le entre handicap mental et ce qu’on appelle parfois le « handicap socio-culturel » [Sicot, 2005], comme le montre le fait que certaines classes, comme les SEGPA ou les anciennes classes de perfectionnement, qui étaient à l’origine conçues pour accueillir des enfants handicapés mentaux, se composent dans les faits essentiellement d’enfants issus des classes populaires rarement officiellement reconnus comme étant handicapés mentaux [Langouët, 1999]. D’un autre côté, pour les handicaps mentaux mieux définis sur un plan médical (comme par exemple la trisomie 21), il ne fait pas de doute que la construction sociale qu’est le handicap mental s’appuie sur une différence, des particularités que personne ne peut véritablement nier. Plutôt que d’entrer dans le débat sur les facteurs étiologiques du handicap mental (pour les uns neurologiques ou génétiques, pour les autres sociaux), mon optique consiste à élargir le regard et à ne pas se focaliser sur les problèmes de frontière entre le handicap mental et la faible intelligence, pour lesquels l’étiquette du handicap mental peut effectivement être utilisée de façon « idéologique ».

Car paradoxalement, entrer dans le débat avec les professionnels du champ médical ou psychologique sur la nature des facteurs étiologiques du handicap mental, c’est aussi d’une certaine façon cantonner la sociologie à ces cas limites où les facteurs sociaux peuvent éventuellement remplacer dans l’analyse les facteurs médicaux. Ce n’est finalement pas si éloigné de la place que les médecins et psychologues cherchent souvent à assigner à la sociologie dans le cadre du modèle « bio-psycho-social », une place périphérique que décrit bien Robert Barrett dans son enquête ethnographique sur la schizophrénie :

« Si elles englobent un large spectre de perspectives, les théories bio-psycho-sociales maintiennent néanmoins la domination médicale en donnant la préséance au savoir

biologique (…) Lorsque le modèle est représenté sous la forme d’une série de cercles ou de carrés concentriques (…) la biologie occupe le noyau le plus profond, entouré de zones périphériques concentriques – soit successivement la zone psychologique, interpersonnelle, sociale et culturelle (…) Les idées qui modèlent cette représentation se reflètent dans le langage de la psychiatrie bio-psycho-sociale. L’adjectif ‘biologique’ est généralement associé à des termes comme ‘racines’, ‘base’, ‘substrat’, ‘noyau’, alors que culturel va généralement avec ‘couche supérieure’ (…) Si on attribue une influence [au

social], c’est celle d’un simple facteur secondaire qui ne provoque pas la maladie. » [Barrett, 1998, p. 262-263]

Bien sûr, en cherchant des facteurs étiologiques sociaux, la sociologie peut déborder de la place qu’on veut lui assigner, comme le fait Muriel Darmon [2003] dans son étude sur l’anorexie, dont elle entend faire comme l’indique le sous-titre de son livre « une approche sociologique », qui ne se cantonne pas à mettre en valeur le rôle périphérique des facteurs culturels et sociaux dans le processus pathologique décrit par les professionnels de la santé, mais qui s’attaque à la pathologie elle-même. C’est d’ailleurs ce que lui reproche, entre autres, un psychiatre, chef de service dans un hôpital, dont Muriel Darmon analyse le violent refus de terrain (puisqu’il lui déclare notamment que « c’est comme si une boulangère venait me voir, en me disant ‘je voudrais considérer l’anorexie par rapport à la boulange.’ L’anorexie par rapport à la boulange, ça existe et c’est facile : elles ne mangent pas de pain. » [Darmon, 2005, p. 101]) dans un article paru dans Genèses :

« Le discours médical opère une véritable définition pratique de la place de la sociologie (à l’extérieur de l’hôpital et à l’extérieur de la pathologie) et de sa fonction (contextualisante). (…) Est ici en jeu le fait que je souhaite inscrire ma recherche dans le cadre du médical, que je projette d’effectuer des entretiens pour obtenir des discours ‘directs’ et non ‘indirects’ (médicaux), que je ne me contente pas de travailler sur l’alimentaire ou sur le corps mais sur ‘l’anorexie’, bien que je sois aussi illégitime à l’aborder qu’une ‘boulangère’. » [Darmon, 2005, p. 105-106]

Ma position par rapport au handicap mental se situe entre ces différentes approches. La tâche de la sociologie peut aussi être d’embrasser plus largement un phénomène et de se pencher sur sa construction sociale sans pour autant la dénoncer comme un artefact masquant

8 Éric Plaisance ne cite pas le livre de Monique Vial [1990] qui n’était pas encore paru au moment où il écrit son

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les vrais facteurs, qui seraient sociaux9. Je me contenterai donc de souligner que sa définition et la façon dont il a été construit (et dont il l’est encore) sont de part en part prises dans des enjeux directement sociaux, du fait même de la place centrale qu’occupe l’intelligence dans la définition de la valeur sociale de chacun. Par construction, handicap mental et disqualification sociale sont liées, comme le montre Richard Jenkins [1991] dans un article du

British Journal of sociology, qui appelle à la prise en compte de la variable handicap comme

facteur sui generis dans l’analyse de la stratification sociale. Tout d’abord, les personnes handicapées ont des difficultés à s’insérer sur le marché du travail du fait des caractéristiques de celui-ci (économie capitaliste privilégiant la rentabilité et nécessitant de plus en plus des travailleurs qualifiés et adaptables), des processus de marginalisation dont ils sont victimes (représentations négatives concernant en particulier les personnes handicapées mentales) et de leur dépendance vis-à-vis des aides sociales qui peuvent avoir des effets désincitatifs. Elles ont donc davantage de chances d’appartenir au bas de la hiérarchie sociale, qui est en assez grande partie fondée sur la position par rapport à l’emploi. Mais inversement, les personnes qui occupent des positions dévalorisées dans la structure sociale sont les plus menacées par la survenue du handicap (accidents du travail, troubles mentaux comme la dépression etc.).

Plus récemment, l’enquête HID a permis de confirmer ces relations entre milieu social et handicap, comme le résume Pierre Mormiche dans un numéro d’INSEE Première10 :

« Les inégalités face au handicap sont très marquées selon les milieux sociaux, comme l’a fait apparaître l’enquête auprès des personnes vivant en institutions. Un enfant d’ouvrier a sept fois plus de risque d’entrer dans une institution pour enfants handicapés qu’un enfant de cadre ou profession libérale. L’inégalité face au handicap est également tangible pour les personnes vivant en domicile ordinaire. Par exemple, la proportion des personnes de milieu ouvrier déclarant au moins une déficience est 1,6 fois plus élevée que chez les cadres (une fois éliminé l’effet des différences de structure par âge). Pour les moins de 20 ans, ce rapport est de un à deux. La capacité à garder l’enfant handicapé au domicile familial est également différente : à handicap de gravité équivalente, la proportion d’enfants handicapés entrant en institutions est trois fois plus élevée chez les ouvriers et employés que chez les cadres et professions intermédiaires. Enfin l’origine sociale joue non seulement sur la fréquence des déficiences, mais aussi sur leur concrétisation dans les autres domaines : à déficiences semblables, les difficultés dans la vie quotidienne (mesurées par les incapacités) sont plus fortes dans les milieux modestes. » [Mormiche, 2000, p. 4]

9 Pour prolonger la discussion sur les divers sens de la notion de construction sociale, voir les analyses de Ian

Hacking [2001].

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En ce qui concerne l’origine sociale, et si l’on s’intéresse plus précisément aux enfants dits handicapés mentaux, la relation entre origine sociale et handicap mental est là encore