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Le problème de Ramsey (3, 3)

Dans le document tel-00416598, version 1 - 14 Sep 2009 (Page 106-116)

3.2 Formation d’enseignants

3.2.2 Le problème de Ramsey (3, 3)

Cette analyse est basée sur le déroulement de la première formation. Les enseignants présents (excepté un) viennent de « rencontrer » les graphes, ils n’en ont pas une repré-sentation de points reliés par des traits.

3.2.2.1 Présentation du problème

Existe-t-il un nombre R tel que pour un groupe de n personnes, n≥R, on ait ou 3 personnes qui se connaissent 2 à 2, ou 3 personnes qui ne se connaissent pas du tout ?

Trois personnes A, B et C se connaissent 2 à 2, si : – A connaîtB, et

– B connaîtC, et – A connaîtC.

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Trois personnes ne se connaissent pas du tout, si : – A ne connaît ni B ni C, et

– B ne connaît ni A ni C, et – C ne connaît ni A niB.

La section 4.3.2 du chapitre 4 propose une résolution de ce problème.

3.2.2.2 Au niveau de la modélisation

Comme pour les poignées de mains, le problème est posé hors des mathématiques. Le modèle graphe est immédiatement réutilisé comme outil de modélisation. Les reformula-tions de la question pour les graphes montrent que les connaissances sur le concept de graphe introduites dans la situation précédente sont disponibles.

Ces reformulations amènent à trois nouvelles questions :

– Pour quelles valeurs den un graphe àn sommets contient-il nécessairement K3 ou son complémentaire K3?

– Pour quelles valeurs denun graphe ànsommets ou son complémentaire contiennent-ils nécessairementK3?

– Pour quelles valeurs de n une bicoloration des arêtes du graphe complet à n sommets conduit-elle nécessairement à l’obtention d’un triangle monochrome ?

3.2.2.3 Au niveau des concepts abordés

La recherche des enseignants est axée sur celle de graphes ne contenant pas de « formes » déterminées, sur la structure des graphes et leurs sous-graphes induits. Le fait que les deux sous-graphes induits « interdits » soient complémentaires a été vu et utilisé.

Le concept de graphe auto-complémentaire a été abordé, en particulier sur C5, et le concept d’isomorphisme de graphes sous-jacent a été discuté : pour G un graphe auto-complémentaire, G et G sont-ils les mêmes ? La réponse apportée par les enseignants a été que si l’on se place au niveau de la relation « se connaître » les graphes sont différents, mais si l’on regarde leur « forme », ils sont identiques.

La propriété inductive « si on prouve que tout graphe à n sommets contient K3 ou son complémentaire alors tous les graphes à plus de n sommets contiendront K3 ou son complémentaire » est accessible. Elle est apparue plusieurs fois : si on trouve pour n, alors tout graphe de taille supérieure à n contient un sous-graphe de taille n pour lequel ça marche, ou encore, si on trouve R = 7 par exemple, (on sait déjà que R > 5) toutes les configurations à 7 contiennent soit un triangle, soit 3 points « sans lien », alors pour R >7ça marche encore, ça contient toujours soit un triangle, soit 3 points « sans lien ».

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3.2.2.4 Au niveau de l’argumentation, du raisonnement et de la preuve Voici un extrait d’une discussion entre enseignants accompagné de leurs dessins mon-trant d’une part, l’utilisation du graphe comme outil de modélisation et d’autre part, l’entrée dans une démarche de preuve. (Il s’est passé moins d’un quart d’heure entre la présentation du problème et la fin de cet extrait).

Pour n= 3, ça ne marche pas :

Fig. 3.32: Un contre-exemple pour n= 3

On recherche la taille maximum d’un graphe pour être sûrs qu’il ne contient pas de « tri-angle » :

Fig. 3.33: Un sous-graphe induit « interdit ».

Ni de graphe formé de 3 points isolés :

Fig.3.34: Un second sous-graphe induit « interdit ».

Pour n= 4, on a un contre-exemple :

Fig.3.35: Un contre-exemple pour n= 4.

Donc, n doit être supérieur à 4.

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Deux formes particulières doivent être évitées :

Fig. 3.36: Les deux sous-graphes induits « interdits ».

Le recherche de « contre-exemples » est amorcée pour des graphes à 3 puis 4 puis 5 et enfin 6 sommets, l’idée étant que si l’on ne trouve pas de contre-exemple pour un graphe à k sommets, on pourra chercher à montrer que k est le plus petit nombre de sommets des graphes contenant nécessairementK3 ou K3.

Une preuve par exhaustivité est initiée pourn = 6.

3.2.2.5 Conclusion sur le problème de Ramsey(3, 3)

Tous les éléments nécessaires à la résolution du problème sont accessibles. Nous pensons que seul le temps et peut-être plus de manipulation préalable de graphes ont manqué pour qu’elle n’aboutisse.

Cet énoncé entraîne un travail de recherche consistant du point de vue de savoirs cen-traux de l’activité mathématique : étude de petits cas pour s’emparer de la question po-sée, construction d’exemples et de contre-exemples, arguments inductifs, . . . , l’ensemble constituant une exploration du concept de graphe à travers sa représentation sous forme de points reliés par des traits.

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Chapitre 4

Propositions de problèmes

Le but de ce chapitre est de proposer un ensemble de définitions et de problèmes qui couvrent les notions qu’il est préconisé d’aborder dans les programmes de l’option ma-thématique de Terminale ES1 pour la théorie des graphes (en dehors de la partie « pro-babiliste » que nous ne traiterons pas ici2). Nous décrirons les tentatives de résolution qui peuvent se présenter dans les classes (sans viser bien sûr à l’exhaustivité), et des pos-sibilités d’accompagnement de ces tentatives par les professeurs. Nous donnerons aussi des éléments de formalisme qui ne sont pas dans les programmes mais qui pourraient apporter un certain recul sur les mathématiques présentées.

Nous avons expérimenté l’ensemble des énoncés mathématiques que nous donnons ici lors de séances de formation d’enseignants et/ou de séances en classe, sauf celui concernant les automates (voir paragraphes 4.7. C’est pourquoi, même si ce chapitre peut être lu de façon autonome, sa lecture s’enrichirait de ces compte-rendus d’expérimentations3 et des analyses qui les ont motivées4.

Ce chapitre s’adresse en particulier aux enseignants. Les problèmes qui s’y trouvent ne peuvent être tous proposés en l’état aux élèves de Terminale ES. Le lecteur est invité à se munir d’un papier et d’un crayon pour s’engager lui-même dans le recherche des problèmes, sa propre recherche éclairant les éléments de résolution qui lui seront soumis.

1ES pour économique et sociale.

2Ce choix est justifié dans le premier chapitre.

3Voir le chapitre 3.

4Voir les chapitres 1 et 2.

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4.1 Présentation des graphes

Voici 6 objets que l’on nomme des graphes :

Pour décrire un graphe, on peut dans un premier temps se contenter de dire qu’il est représenté par un certain nombre de points reliés par des traits. Il représente donc une relation binaire symbolisée par des traits, nommés arêtes, entre différents objets sym-bolisés par des points que nous nommerons des sommets. Un tel graphe est nommé graphe non orienté. Les relations entre les objets peuvent ne pas être symétriques.

Dans ce cas, les sommets seront reliés par des flèches nommées arcs, et le graphe sera dit graphe orienté (le troisième graphe ci-dessus est un graphe orienté).

Deux sommets reliés entre eux sont dits adjacents. Une arête reliée à un sommet donné est dite incidente à ce sommet.

Cette première présentation du graphe nous amène à quelques premières remarques : – la représentation d’un graphe n’est pas unique, dans le sens où la forme des arcs ou des

arêtes, leur taille n’ont pas d’importance et peuvent être modifiées. La représentation d’un graphe peut être étirée, retournée, pliée sans modifier la structure du graphe, et donc le graphe lui-même.

Fig. 4.1: Le même graphe dans trois représentations différentes

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– un graphe non orienté peut être vu comme un graphe orienté pour lequel tous les arcs

« vont dans les deux sens », chaque arête étant composée de deux arcs. La notion de graphe orienté est donc la plus générale.

– les arcs ou les arêtes entre deux sommets peuvent être mutiples, on parlera alors de multigraphe (voir par exemple le graphe 2), si ce n’est pas le cas on parlera alors de graphe simple.

– une arête peut être incidente au même sommet deux fois, on parle alors de boucle.

Fig. 4.2: Un sommet et une boucle

Ledegré d’un sommetest le nombre d’arêtes incidentes à ce sommet. Pour un graphe orienté, le degré d’un sommet est la somme des arcs entrants et des arcs sortants de ce sommet. Un sommet de degré nul sera appelé sommet isolé.

Soit un grapheGdéfini par un ensembleS de sommets, et un ensembleA d’arêtes, paires d’éléments de S :1

– Un sous-graphe de G est un graphe dont les sommets sont un ensemble S0 tel que S0 ⊆S et les arêtes forment un ensemble A0 qui sont des paires d’éléments de S0 et tel queA0 ⊆A.

– Un sous-graphe induit de G est un graphe tel que ses sommets sont un ensemble S0 de sommets de G et ses arêtes sont l’ensemble des arêtes de G ayant leurs deux extrémités dansS0.

Fig.4.3:Un grapheG, un sous-graphe deG, puis un sous-graphe induit deG. Le deuxième graphe n’est pas un sous-graphe induit du premier, les arêtes aet b n’étant pas présentes.

Donnons-nous maintenant quelques graphes particuliers.

– Un graphe complet est un graphe simple dont tous les sommets sont reliés deux à deux. Le graphe complet àn sommets sera habituellement désigné par Kn.

1Si les paires d’éléments deS sont ordonnées, on a un graphe orienté, et on devrait parler d’arcs plutôt que d’arêtes. Si l’on peut avoir une paire composée de deux fois le même sommet, le graphe admet des boucles. Si les paires peuvent être répétées, le graphe est un multigraphe. Si les paires sont non ordonnées et sans répétition, le graphe est simple. Les deux définitions qui suivent sont les mêmes quel que soit le type de graphe considéré.

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Fig. 4.4: Les graphes complets de 1 à 5 sommets.

– Unechaîneànsommets est un graphe simple tel que l’on peut numéroter les sommets de s1 à sn, et que pour tout i < n, sisi+1 est une arête du graphe. s1 et sn sont alors appelés extrémités de la chaîne. On note traditionnellement Pn la chaîne à n sommets1.

Fig. 4.5: La chaîne à 8 sommets, P8.

– Si l’on relie les deux extrémités d’une chaîne, on obtient uncycle. Le cycle ànsommets sera généralement appelé Cn. (Nous parlerons de cycles pour des graphes comportant au moins 3 sommets).

Fig. 4.6: Les cycles à 3, 4 et 5 sommets.

Soit G un graphe simple.

– Un stable est un sous-graphe induit deG ne comportant pas d’arêtes.

– Une clique est un sous-graphe induit de G complet.

Fig. 4.7: Un graphe G. Les sommets C, B, G forment un stable de G. Les sommets A, C, D, F forment une clique deG.

1LeP correspondant àpath en anglais.

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4.2 Les poignées de mains

On a un groupe de 20 personnes.

Si deux personnes se connaissent, elles se serrent la main.

Si deux personnes ne se connaissent pas, elles ne se serrent pas la main.

Discutez la conjecture suivante : « on peut trouver dans le groupe deux personnes qui serrent le même nombre de mains ».

Lorsque l’on voit cet énoncé, on a tendance à lui ajouter deux hypothèses implicites : – On ne se serre pas la main à soi-même.

– On ne serre qu’une fois la main aux personnes que l’on connaît.

Combien de mains peut serrer chaque personne ? Une personne peut ne serrer aucune main, une autre peut serrer la main de chacun des 19 autres. Le nombre de mains serrées par chacune des 20 personnes est donc compris entre 0 et 19, il y a 20 valeurs possibles pour le nombre de mains qu’une personne a serré. Si ces nombres sont tous différents cela implique donc que l’un d’eux a serré 0 main, un autre 1 main, un autre 2 mains, . . . , un dernier a serré 19 mains. Ceci est absurde car il est impossible que l’une des personnes n’ait serré aucune main et qu’une autre ait serré la main de chacun des 19 autres.

Deux personnes au moins ont donc serré le même nombre de mains. Ce résultat se géné-ralise pour tout groupe de n personnes pour n >1.

Ce type de raisonnement, basé sur une preuve par l’absurde, sera très souvent utilisé par la suite. Celle-là a le mérite d’être d’une grande simplicité.

À ce stade on peut se demander où se trouvent les graphes ou pourquoi proposer un tel énoncé comme introduction à la théorie des graphes ? En effet, les graphes ne sont pas utiles à la résolution de ce problème, et le fait d’introduire un nouvel objet mathématique peut paraître inutilement coûteux. Mais comme nous allons le voir, le modèle de graphe va nous permettre d’élargir le problème et de se questionner sur les conséquences du choix des hypothèses qui ont été prises dans l’interprétation de son énoncé. Dans cette perspective, le graphe va être un support de réflexion, une visualisation essentielle des exemples et contre-exemples que nous allons proposer.

Comment modéliser ce problème par un graphe ? Chaque personne peut être représentée par un sommet, et le fait que deux personnes se serrent la main comme une arête entre ces deux sommets. Ce que nous venons de montrer (i. e. deux personnes au moins serrent le même nombre de mains sous les hypothèses choisies) nous permet de formuler un premier résultat sur les graphes :un graphe simple et sans boucle a toujours deux sommets de même degré.

Ce résultat repose sur un principe mathématique dit « principe de Dirichlet » ou

« principe des cages à pigeons » et s’énonce ainsi :

Si l’on ancages etn+ 1pigeons dans ces cages, alors il existe une cage qui contient au moins deux pigeons. (Ici, les cages correspondent aux nombres de mains qui peuvent être serrées, les pigeons aux personnes).

Une question qui se pose immédiatement peut être : qu’en est-il pour les autres types de graphes ? Pour rester proche de l’énoncé, que se passe-t-il si l’on peut « se serrer la main à soi-même » ou si l’on serre plusieurs fois la main des personnes que l’on connaît ? En fait

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nous sommes ici dans une situation assez archétypique de ce qui se passe en théorie des graphes : un problème concret est posé, que l’on modélise par un graphe. Mais le travail qui est fait sur le modèle amène à des questions connexes, qui n’ont pas forcément toujours un lien avec le problème de départ, ou qui répondront peut-être à d’autres problèmes. Ce phénomène n’est pas exclusif aux chercheurs « professionnels ». Pour l’exemple précis du problème des poignées de mains, nous l’avions proposé à des professeurs de lycée lors d’un stage de formation continue. Lors de leur recherche sur le problème, leurs différentes ques-tions ont abouti à modifier les termes de l’énoncé jusqu’à parvenir à des élargissements que nous n’attendions pas, et qui se sont rélévés mathématiquement riches.

4.2.1 On peut serrer plusieurs fois la main des personnes que l’on

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