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Le problème de l'origine raciale du Christ et de sa

B. Rejet de la figure christique

1. Le problème de l'origine raciale du Christ et de sa

L'origine sémite du Christ est par définition un aspect qui embarrasse les « Völkischen » car accepter l'origine raciale du Christ revient à accepter que le

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Reventlow, Ernst: Wo ist Gott? p. 144

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Hirschauer, Uwe : „Artur Dinter : der antisemitische Spiritist“ p. 53 dans : Düsterberg, Rolf (ed) (2009) : Dichter für das Dritte Reich. Bielefeld : Aisthesis Verlag

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Reventlow, Ernst : Für Christen … p. 246

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christianisme, religion de la majeure partie des Allemands est due à un juif. C‟est pourquoi certains « Völkischen » inventent une origine aryenne du Christ qu'ils tentent tant bien que mal de faire passer pour scientifique135.

Reventlow quant à lui est tout à fait conscient du fait que les discours sur l‟origine raciale de Jésus peuvent être la cause de dissensions idéologiques profondes, néfastes à la cohésion du mouvement « völkisch » : c‟est pourquoi il se montre relativement modéré dans son rejet de la figure christique. Au sein du Mouvement de la

Foi allemande, il en fait d„ailleurs l‟expérience concrète : Reventlow est obligé de

prendre ouvertement position et de ménager toutes les susceptibilités, montrant bien la grande « flexibilité » des thèses « völkisch », évoquée par Uwe Puschner. Il semble qu‟il y ait chez lui la volonté de ne pas envenimer le débat voir même d'apaiser les esprits et les luttes intestines au sein de la communauté religieuse « völkisch » du

Mouvement de la Foi allemande. Ne note-t-il pas en effet dans le supplément du Reichswart dédié au Mouvement de la Foi allemande « qu‟il est tout à fait

compréhensible que les personnalités d‟un certain âge issues du christianisme soient incapables de se détacher intérieurement de Jésus malgré leur appartenance au Mouvement pour la Foi Allemande »136 ? Reventlow déplore aussi qu'il existe chez les jeunes « Völkischen » de la haine ou de l'indifférence envers le Christ. Il choisit une position modérée et souligne simplement qu‟un certain respect est à observer envers le Christ comme envers Bouddha ou Confucius car « en rabaissant et en déformant, on ne devient pas un meilleur allemand »137.

A ses yeux, le Christ en tant qu'acteur de l'histoire religieuse du monde a droit au respect. Le discours religieux de Reventlow se veut rassembleur – rappelons qu‟il devient en 1933 un des leaders du Mouvement de la Foi allemande qui compte de nombreuses sectes religieuses « völkisch »138 - : il ne tient pas à choquer et à détourner

les générations les plus anciennes et donc les plus chrétiennes du Mouvement de la Foi

allemande. Pour lui, il n'est pas important de savoir si Jésus était juif ou aryen : dans son

livre Wo ist Gott, il affirme que seule la doctrine et non l'origine raciale du Christ compte :

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Par exemple : Andersen, Friedrich : Der deutsche Heiland / Anticlericus : eine Laientheologie auf

geschichtlicher Grundlage

136 Reventlow, Ernst : "Schluβwort zur Jesusdebatte", dans : Deutsche Glaubensbewegung, Beilage zum

Reichswart, 28/12/1935

137 Reventlow, Ernst : Der Reichswart, 28/ 12 / 1935

« Juger de la valeur d‟une personne ou d‟une doctrine en fonction de sa race est un point de vue superficiel et erroné (…) le chrétien qui détermine sa position face à Jésus et au christianisme en fonction de cela ne peut pas être considéré comme réellement religieux »139.

Pour lui, le problème crucial posé le Christ est tout autre : c'est le problème de son « incarnation ». La polémique à propos de l'origine raciale du Christ passe à ses yeux à côté du vrai problème religieux que pose le Christ. Reventlow reproche au Christ non pas d'être juif mais d'être vivant et par là-même trop « humain » : il semble distinguer clairement l'immanence et la transcendance. Si Reventlow évite de rejeter trop ouvertement la personne du Christ, il n‟en reste pas moins un adversaire d‟une religion basée sur la croyance en un Dieu incarné aux caractéristiques humaines. Dans la perspective qui est la sienne, le « Divin » ne saurait avoir de caractéristiques humaines : « Un Dieu personnifié est une dénaturation de l‟être divin lui-même mais aussi de l‟idée de Dieu que se fait la personne qui croit en ce Dieu »140

affirme-t-il. L‟idée d‟une entité divine plus ou moins concrète et personnifiée est pour Reventlow une erreur théologique grave, préjudiciable au bon cheminement spirituel des Allemands :

« La conséquence était et est toujours que celui qui cherche Dieu dans les choses terrestres n‟enlève pas seulement à Dieu son caractère transcendant mais arrête de le chercher au-delà des choses terrestres, il cherche avec sa raison et non du fond de son âme »141.

Faire de la figure du Christ une incarnation terrestre de Dieu lui semble être une aberration encore plus grande que l‟image divine de l‟Ancien Testament, d‟un Jahvé écrivant et donnant les Lois à Moïse, d‟autant plus qu‟elle est attestée historiquement. Mais contrairement à d‟autres penseurs religieux « völkisch » comme Jakob Wilhelm Hauer - qui, dans son ouvrage Un Christ aryen, remet en cause le caractère « documentaire » des Epîtres de Paul -, Reventlow n'attache que peu d‟importance aux sources qui permettent de connaître Jésus. Il estime que seuls la valeur de son message religieux et l'impact qu'il occasionne sur les générations ultérieures doivent être pris en compte :

139 Reventlow, Ernst : "Jesus jüdischer Rasse? ", dans : Der Reichswart, 1937 140 Reventlow, Ernst : Für Christen … p. 245

« Les quelques années où Jésus a agi en public ont eu des conséquences incommensurables et sans précédent qui durent encore aujourd‟hui et dont les répercussions se ressentent dans l‟histoire mondiale, dans l‟histoire des religions, en politique et surtout en religion »142.