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Un problème de déséquilibre financier à court terme limité au régime des fonctionnaires fonctionnaires

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 169-173)

La réforme du système de retraite au Maroc

I- L’architecture et les modalités de fonctionnement du système marocain des retraites

1. La situation des retraités

2.2. Un problème de déséquilibre financier à court terme limité au régime des fonctionnaires fonctionnaires

De cette dégradation du rapport démographique des régimes des salariés du secteur public découle une dégradation de leur situation financière. Le total des pensions versées par le régime de la CMR et le RCAR augmente plus vite que le total des cotisations perçues (graphiques 3.7). Les deux principaux régimes, la CMR et la CNSS, dégagent un faible excédent et le RCAR est en déficit (graphique 3.8).

Graphiques 3.7 : Evolution des cotisations et des pensions des différents régimes entre 2000 et 2013 (en milliards de DH)

Sources : Données des caisses et calculs de l’auteur

Graphique 3.8 : Cotisations, pensions et déficit technique, par régime, en 2013 (en milliards de DH)

CMR

169 Outre l’impact de la démographie et de l’emploi, l’évolution de la situation financière de chaque régime s’explique par d’autres facteurs.

Pour le régime de la CMR, le principal facteur explicatif, qui s’ajoute à la démographie et l’emploi, est que le régime a pris des engagements inconsidérés par le passé et qu’il continue à fonctionner avec des paramètres qui ne lui permettent pas de rester à l’équilibre dans les prochaines années. Considérant la dégradation du rapport cotisants/retraités, il faudrait soit que le taux de cotisation augmente ou que les paramètres de calcul des pensions (taux d’annuité, assiette, coefficient de minoration) soient modifiés de telle sorte que le taux de remplacement soit réduit.

En effet, le mode de calcul et de liquidation des pensions favorise le décalage entre le rythme de croissance des pensions et celui des cotisations. Les pensions sont calculées en multipliant le produit du nombre d’années de cotisation et du taux d’annuité de 2,5%, par le dernier salaire, sans aucun plafonnement ni du salaire, ni de la pension. Pour une durée de cotisation de 40 ans, le retraité reçoit donc une pension égale à son dernier salaire, ce qui la déconnecte de l’effort contributif.

Au début du fonctionnement du régime, l’assiette de cotisation et de liquidation de la pension était limitée au traitement de base. En 1997, l’élargissement de l’assiette à la totalité de la rémunération, tout en maintenant la liquidation sur la base du dernier salaire, a augmenté considérablement les engagements du régime (cette mesure n’avait d’ailleurs pas fait l’objet d’étude actuarielle préalable (Cour des Comptes, 2013)). L’impact de la liquidation sur la base du dernier salaire est d’autant plus fort que la part des cadres dans la fonction publique a considérablement augmenté109. Or, ce sont eux qui, le plus souvent, ont les carrières les plus ascendantes et une dernière rémunération bien plus élevée que le salaire moyen. D’après les prévisions d’Actuaria (2009b), le régime de la CMR devait d’ailleurs être en déficit dès 2012, mais l’augmentation des salaires en 2010-2011 a permis d’augmenter les cotisations et de repousser l’échéance de deux ans, tout en créant de nouveaux droits.

Cette générosité du régime est visible à travers deux indicateurs actuariels : le taux de rendement implicite (TRI) et le taux de préfinancement ou de couverture des engagements.

Le TRI tout d’abord est défini comme le taux qui égalise les flux actualisés de cotisations et de pensions sur toute la durée d’affiliation de l’individu. Actuaria a calculé ce taux en prenant, pour les 4 régimes, un individu-type, de même profil (en termes d’espérance de vie et d’évolution de salaire) 110. Les résultats sont repris dans le graphique 3.9. On voit que le rendement du « placement retraite » est relativement élevé, il est supérieur à la fois au rendement financier moyen des fonds de réserve (5,13%, voir annexe 3.12) et aux taux d’intérêts obligataires (inférieurs à 5%, voir annexe 3.13). Dans

109 La part des cadres parmi les retraités est passée de 6% en 1986 à 45% en 2011 (Cour des comptes, 2013).

110 mais sans prendre en compte les pensions de réversion. Ces TRI sont donc sous-évalués par rapport aux TRI réels.

170 un régime à l’équilibre, le TRI est proche du taux de croissance du PIB alors que dans le cas de la CMR, il est supérieur (annexe 3.13).

Graphique 3.9 : Taux de rendement implicite des différents régimes

Source : Données d’Actuaria (2010b)

Le taux de préfinancement ou de couverture ensuite, est défini comme le ratio du total des ressources et du total des engagements.

Les engagements représentent la valeur actuelle probable des droits passés et futurs des actifs et des pensionnés (retraite et réversion) à fin 2007. Les ressources comprennent les réserves fin 2007 et la valeur actuelle des cotisations futures à l’horizon 2060111.

Les engagements et les ressources sont calculés à régime ouvert, à régime semi-fermé et à régime fermé. Le régime ouvert (O) correspond au fonctionnement normal du régime. En régime semi-fermé (SF), le régime est fermé à toute nouvelle affiliation mais continue à fonctionner normalement pour les cotisants en cours. Le régime fermé (F) correspond à la fermeture totale du régime aux nouveaux affiliés et aux cotisants en cours. En régime ouvert et semi-fermé, on appelle taux de préfinancement le ratio des ressources et des engagements, en régime fermé, on l’appelle taux de couverture.

Le taux de préfinancement de la CMR en régime ouvert est faible, il est de 32,4% (tableau 3.15). Il est encore plus faible en régime fermé (11,5%), ce qui montre que la situation financière de la CMR est en grande partie le fait des engagements passés.

Le régime de la CNSS dégage un excédent faible (graphique 3.8) alors que le ratio cotisants/retraités est favorable. Là encore, il y a un problème de calibrage des paramètres, très visible à travers les TRI (graphique 3.9). Le TRI est encore plus élevé qu’à la CMR, le coût des pensions versées par le régime est donc bien supérieur aux cotisations encaissées. Il y a en outre un effet de seuil lié à la durée

111 Voir section suivante pour les hypothèses de projection.

0

171 minimale qui permet l’ouverture des droits. Le régime est très généreux pour ceux qui cotisent pendant 10 ans (taux d’annuité de près de 5%) et très coûteux pour ceux qui cotisent moins puisqu’ils ne reçoivent pas de pension du tout. Le taux de préfinancement est là aussi faible en régime ouvert (26%) et très faible en régime fermé (4%). Ces taux sont à la fois le reflet de la faiblesse des réserves (cf.

point suivant) et des paramètres du régime. Une durée de cotisation d’un peu plus de 10 ans avec un taux de cotisation de 11,89% ouvre droit à une pension de 50% du salaire de référence. Une durée de cotisation de 24 ans ouvre droit à la pension maximale qui est de 70% du salaire de référence. Cela incite probablement à la sous-déclaration du nombre d’années d’activité, d’où la faible augmentation des cotisations. La durée de cotisation moyenne est d’ailleurs de 27 ans dans ce régime.

En ce qui concerne le RCAR enfin, le solde technique du régime est négatif depuis 2004. Il est financé grâce aux produits financiers des réserves. L’augmentation importante des pensions, visible dans le graphique 3.7, est liée à l’intégration des régimes d’entreprises (notamment l’OCP en 2008). Mais cette intégration a aussi eu un impact positif sur les fonds de réserve, et les produits financiers permettent de financer les pensions. Le taux de préfinancement de 74% en régime ouvert est en partie lié aux réserves élevées accumulées et montre aussi que les paramètres de ce régime sont mieux calibrés que dans les autres. C’est le régime où le lien contributif est le plus fort notamment parce que l’assiette de calcul des pensions est le salaire moyen de carrière.

Tableau 3.15 : Taux de préfinancement et de couverture par régime, au 31 décembre 2007 (en %)

CMR RCAR CNSS CIMR

F SF O F SF O F SF O F SF O

11,5 24,2 32,4 80 76 74 3,7 19,1 26,4 28 50 72

Source : Données d’Actuaria (2010b)

Le taux de préfinancement relativement élevé de la CIMR et son TRI plus faible et plus proche de la neutralité actuarielle est le résultat du fonctionnement par points du régime. Mais le taux de préfinancement en régime ouvert est à prendre avec réserve, plus incertain que dans les autres régimes de par son caractère facultatif.

En somme, le rapport démographique favorable des premières décennies suivant la mise en place des principaux régimes de base leur a permis de fonctionner normalement en dégageant des excédents.

Mais les engagements pris sont coûteux et parfois déconnectés de l’effort contributif. D’où la nécessité de réajuster les paramètres. Il faut toutefois garder en tête que dans le cas du régime général, celui de la CNSS, la générosité constatée en termes de TRI ne permet pas d’assurer aux retraités un niveau de vie suffisant à la retraite. C’est un régime où les pensions versées sont en moyenne faibles, où la durée de cotisation est faible et où les salaires de carrière sont faibles. La sous-déclaration de la durée d’activité et des salaires doit certainement y être pour beaucoup et il ne suffit pas d’ajuster les

172 paramètres, il faudrait aussi comprendre ce qui se passe sur le marché du travail et déterminer l’origine de ces faibles niveaux de cotisations.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 169-173)