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Une mauvaise gestion de la répartition

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 81-84)

Les expériences de réforme des pays d’Amérique latine

1. Une mauvaise gestion de la répartition

Le principal risque dans un système géré par répartition et à prestations définies est lié aux promesses de pensions trop généreuses qui peuvent être faites en période où la démographie est avantageuse. Les systèmes par répartition sont censés subir des ajustements de leurs paramètres au gré des évolutions démographiques afin de maintenir l’équilibre entre pensions et cotisations. Or, les systèmes de retraite des pays étudiés n’ont pas, pour des raisons politiques, mené de réforme paramétrique majeure. Les évolutions démographiques ont de ce fait affecté l’équilibre financier et certains pays ont dû faire appel au budget de l’Etat pour honorer les engagements du système de retraite et financer le déficit (tableau 2.1).

Tableau 2.1. : Solde du système de retraite à la veille de la réforme (en % du PIB)

Chili Bolivie Argentine Uruguay

1977 1978 1979 1980 1993 1994 1995 1985 1990 1991 1993 1991 1992 1993 1994 -2,7 -2,5 -2,5 -2,7 -0,15 -0,22 -0,23 0,4 -0,4 -0,36 -1,7 -1,2 -1,7 -3,3 -3,7

Sources27

Les partisans de la retraite par capitalisation et les experts de la Banque mondiale attribuent ce déséquilibre financier au fonctionnement même de la répartition, plus avantageuse pour les premières générations qui récupèrent sous forme de pensions plus qu’ils n’ont versé de cotisations ; et moins avantageuse au fur et à mesure de la dégradation du ratio démographique. Pour eux, ce déséquilibre est inéluctable et les régimes par répartition ne peuvent continuer à fonctionner qu’au prix de fortes hausses des taux de cotisation jusqu’à ce que les générations d’actifs refusent d’augmenter leur effort contributif, remettant ainsi en cause les droits des affiliés (The World Bank, 1994 ; Holzman, 2000).

Ce diagnostic est contestable dans la mesure où le déséquilibre financier pouvait être évité, il n’est pas

27 Chili : OCDE (1998) ; Bolivie : Gersdorff (1997), WDI et calculs de l’auteur ; Argentine : Cottani et Demarco (1998) et CBO (1999) ; Uruguay : Mosconi (1997) et calculs de l’auteur.

81 survenu parce que le système fonctionnait par répartition mais parce que le système par répartition a été mal géré.

Premièrement, les réformes paramétriques nécessaires pour s’ajuster aux évolutions démographiques n’ont pas été mises en œuvre.

La dégradation du ratio cotisants/retraités pèse sur l’équilibre financier de ces systèmes. Le tableau 2.2 reprend ces ratios cotisants/retraités dans les différents pays.

Tableau 2.2. : Evolution des ratios de dépendance

Chili28 Bolivie29 Mexique30

1955 1980 1980 1985 1990 1995 1950 1960 1994 Ratio population active/

population de 60 ans et plus 11,5 10,9 14,9 14,9 14,8 14,0 16,7 15,6 12,6

Ratio cotisants/retraités 12,2 2,5 5,2 4,4 2,1 2,7 67 25 8

Argentine31 Uruguay32

1990 1995 1980 1985 1990 1995

Ratio population active/

population de 60 ans et plus 6,8 6,5 6 5,7 5,4 5

Ratio cotisants/retraités 1,7 1,5 5,2 4,4 2,1 2,7

On voit que ce ratio cotisants/retraités se dégrade plus rapidement que le ratio de dépendance démographique qui lui, indique un vieillissement de la population dans son ensemble plutôt limité (sauf pour l’Argentine et l’Uruguay qui ont une démographie plus proche des pays développés).

La différence entre ces deux ratios et leur évolution a au moins deux explications : la hausse du chômage dans la plupart des pays pendant la décennie qui précède le déficit et la réforme (annexe 2.1.), ainsi que le faible taux de couverture de la population et la hausse de l’emploi informel et indépendant (Jütting et Laiglesia, 2009 ; Verdera, 201233). Les régimes se retrouvent donc dans une situation difficile avec, d’une part, des cotisants de moins en moins nombreux en raison de la hausse du chômage et de l’emploi informel et indépendant ; et d’autre part, des retraités à qui on a promis des pensions généreuses.

En effet, certaines modalités de calcul des prestations font que la somme des pensions versées par les régimes augmente plus rapidement que la somme des cotisations perçues. Il est rare que soient pris en

28 Sources : OCDE (1998) et WDI

29 Sources : Escobar et Nina (2004) et WDI

30Sources : Rodriguez (1999), CBO (1999) et WDI

31Sources : Cottani et Demarco (1998) et WDI

32 Sources : Mosconi (1997) et WDI

33 Cette étude porte sur 10 pays d’Amérique latine sur la période de 1970 à 2008 (dont le Chili, la Bolivie, l’Argentine, l’Uruguay, la Colombie et le Pérou). Elle montre que l’emploi informel et l’emploi dans le secteur informel ont augmenté pendant les années 90 dans tous les pays sauf au Chili.

82 compte l’ensemble de la carrière dans le calcul des pensions. Ainsi, en Uruguay le salaire de référence est le salaire de la dernière année, au Mexique la moyenne des salaires des 5 dernières années34 et en Bolivie les 12 à 60 mois précédant le départ à la retraite. Les mesures de contrôle étant limitées, les actifs et leurs employeurs ont tendance à sous-déclarer les revenus pendant toute la durée d’activité et à ne déclarer réellement les revenus que pendant les x dernières années qui interviennent dans le calcul des prestations (Mosconi, 1997 ; Gersdorff, 1997 ; Kritzer, 2000)35. D’où un niveau de cotisations plus faible que le niveau de cotisations potentiel et la nécessité qui se pose d’augmenter plus fortement les taux de cotisation pour améliorer la situation financière du système. Des carrières plus courtes dans le formel signifient aussi que la somme des cotisations d’un actif sur l’ensemble de sa carrière baissent.

Seulement, cela n’implique pas nécessairement qu’ils recevront des pensions plus maigres. Dans la plupart des pays étudiés, les systèmes appliquent des taux de remplacement au dernier salaire et la durée de cotisation n’est pas toujours prise en compte (Escobar et Nina, 2004 ; Queisser, 1998 ; Escriva et al. 2010). Ceci explique pourquoi la dégradation du ratio cotisants/retraités affecte autant l’équilibre financier des systèmes.

Deuxièmement, les réserves des régimes qui fonctionnaient en répartition provisionnée ont été mal gérées. Dans les régimes à répartition provisionnée, les salariés acceptent une sur-cotisation, sacrifient leur consommation présente en échange de la garantie d’avoir un certain niveau de pension. Le fait que ces réserves soient utilisées pour faire face à d’autres dépenses est en ce sens contestable.

Au Chili, les surplus de cotisations dégagés lors des premières décennies de fonctionnement du système n’ont pas été provisionnés mais l’Etat exigeait leur transfert vers le budget général et ils ont servi à financer d’autres dépenses sociales.

Au Mexique, outre les irrégularités de détournement de fonds publics, l’Etat a puisé dans les fonds de réserve accumulés pour financer le système de couverture médicale. Ainsi, le fonds de réserve qui était censé avoir accumulé un montant équivalent à 11% du PIB en 1995, se retrouve avec un montant équivalent à 0,4% seulement36.

En Bolivie, le financement du système de base reposait en théorie sur trois types de cotisations : salariales, patronales et étatiques. Pour les fonds complémentaires, les cotisations étaient intégralement salariales. Dans la pratique, l’Etat ne versait sa part de cotisations que pour ses employés ; le système souffrait également d’un déficit de perception des cotisations dues par les employeurs privés ; et les cotisations retraites ont été employées au financement des prestations de couverture maladie. Cette mauvaise gestion a érodé les réserves et nécessité dès 1993, le recours au budget de l’Etat pour financer le déficit du système de base et de certains fonds complémentaires. Ces fonds

34 250 semaines

35 Ce phénomène est moins important en Bolivie du fait que 65% des affiliés sont employés du secteur public (Gersdorff, 1997).

36 Rodriguez (1999)

83 complémentaires d’ailleurs, bien que privés (gérés par les syndicats) et facultatifs en théorie, étaient devenus obligatoires de facto et l’Etat a créé un aléa moral en procédant à plusieurs reprises, au sauvetage des fonds en difficulté.

En Uruguay, le régime de retraite ne constituait pas une branche autonome du système de sécurité sociale et les cotisations retraites servaient aussi à financer les autres types de prestations sociales. Le système a également pâti d’une mauvaise gestion technique : les employeurs retenaient les cotisations à la source et les versaient de manière agrégée à l’organisme public de sécurité sociale. Il n’y avait pas d’enregistrement individuel des cotisations et une preuve par témoin suffisait dans certains cas au versement de la prestation. Enfin, il y a eu, en période électorale, le versement de pensions exceptionnelles (Mosconi, 1997).

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