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Une bonne performance des fonds, atténuée par des commissions élevées

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 104-111)

Les expériences de réforme des pays d’Amérique latine

Encadré 2.1 : Pension de solidarité universelle en Bolivie

1. Les résultats des réformes

1.1. Une bonne performance des fonds, atténuée par des commissions élevées

Les deux objectifs centraux des systèmes de retraite sont la lutte contre la pauvreté des personnes âgées et le remplacement du revenu d’activité. Dans un régime financé par capitalisation, le revenu à la retraite dépend de l’épargne accumulée, augmentée des résultats des placements financiers, diminuée des commissions versées aux fonds de pension. Le niveau des pensions est donc d’autant plus élevé que le rendement des placements est élevé et que les commissions sont faibles.

Le rendement des fonds

Le taux de rendement réel moyen des fonds de pension depuis la réforme tourne autour de 9%. Les fonds de pension colombiens, chiliens et uruguayens ont les rendements les plus élevés (tableau 2.13).

Tableau 2.13 : Taux de rendement réel moyen brut des fonds de pension depuis la réforme (en %) Chili

70 Les données antérieures à 2005 proviennent de la Fédération Internationale des fonds de pension (FIAP) et les données à partir de 2005 proviennent de l’Association Internationale des Organismes de Supervision des Fonds de Pension (AIOS).

104 Les rendements, leur volatilité et l’impact des différentes crises71 dépendent de la structure du portefeuille des fonds de pension. On peut classer les pays en deux catégories, ceux dont le portefeuille est diversifié et qui enregistrent les taux de rendement les plus élevés, c’est le cas du Chili, du Pérou et de la Colombie ; et ceux dont les placements en bons du Trésor dominent et qui ont des rendements plus faibles, c’est le cas de l’Argentine, du Mexique et de la Bolivie (tableau 2.14). Quant à l’Uruguay, le rendement élevé des fonds est lié à la composition passée du portefeuille, qui était plus diversifié qu’il ne l’est en 2012.

Tableau 2.14 : Composition du portefeuille des fonds de pension (en %) Obligations Actions Institutions

non

Dans l’ensemble, la majorité des fonds est donc placée en titres publics et cette part est relativement stable dans le temps sauf pour le Chili où le placement en titres publics est en baisse continue depuis les années 90 et jusqu’à la crise de 2007 (graphiques 2.1). Malgré cette faible part des obligations d’Etat dans le portefeuille, les fonds de pension chiliens détiennent en 2012, 48% de la dette publique interne (annexe 2.3). La part placée en actions est significative et en hausse au début des années 90, ce qui coïncide avec les opérations de privatisation des entreprises publiques. Cette part baisse ensuite et se stabilise autour de 20% alors que la part placée en titres étrangers ne cesse de croître depuis qu’ils ont été autorisés en 1990. Ils constituent aujourd’hui 38% du portefeuille et expliquent le fort impact de la crise de 2007.

71 L’évolution du taux de rendement annuel réel (brut) des fonds de pension de chaque pays figure à l’annexe 2.2.

105 Graphiques 2.1 : Evolution de la composition du portefeuille des fonds de pensions depuis 1996 (en%)

Sources : FIAP, AIOS et calculs de l’auteur

Au Pérou, les placements en titres publics ne sont pas dominants. Cela est dû au fait que le marché des obligations d’Etat était inexistant au moment de l’adoption de la réforme. L’Etat péruvien empruntait exclusivement à l’étranger. La part des placements bancaires et en actions domine, ce qui explique la forte volatilité du taux de rendement (20% en 2006, -27% en 2007, 33% en 2008, 16% en 2010, -11%

en 2011).

Au Mexique, en Bolivie, en Argentine, le rendement dépend en grande partie du taux d’intérêt des obligations d’Etat, le portefeuille étant surtout composé de titres publics (graphiques 2.1bis). Il est aussi moins volatile (sauf au moment de la crise de 2001 pour l’Argentine).

Le placement d’une part déterminée des fonds en bons du Trésor est imposé par l’Etat pour lui permettre de financer la transition et pour limiter le risque financier. Mais on note que la part d’obligations va au-delà de cette limite imposée. En Bolivie la limite a baissé au fur et à mesure mais la part de titres publics est plutôt stable. En Uruguay, la limite est de 40% et pourtant le portefeuille est composé de bons du Trésor à hauteur de 78%. Le placement en titres publics était de 60% en moyenne avant 2007 et 30% du portefeuille était placé en titres d’institutions financières. L’impact de la crise de 2007 conduit à une réallocation en faveur des obligations d’Etat.

0 20 40 60

Chili

0 20 40 60

Pérou

0 20 40 60

Colombie

106 Graphiques 2.1bis : Evolution de la composition du portefeuille des fonds de pensions depuis 1996 (en%)

Sources : FIAP, AIOS et calculs de l’auteur

Au Mexique, à partir de 2004, une réforme assouplit les restrictions réglementaires en autorisant les placements en actions (jusqu’à 15%) et en titres étrangers (jusqu’à 20%) et le pays adopte le système des multi-fonds (infra). La structure du portefeuille varie suite à ces modifications mais la part placée en titres publics demeure élevée, (près de 60%). Ainsi, les fonds de pensions mexicains détiennent, fin 2012, 38,5% de la dette publique ; les fonds uruguayens, 33% (annexe 2.3).

Cas de l’Argentine. En pleine crise économique en 2001, lorsque le FMI annonce qu’il annule son prêt de 1,3 milliards de $US au motif que le plan de rigueur n’est pas respecté72 ; le gouvernement argentin cherche à éviter le défaut de paiement. Parmi les mesures d’urgence, trois vont affecter les retraites : le versement des pensions sera retardé ; les obligations à haut rendement (25%) seront remplacées par des obligations de plus long terme et à faible rendement (7%) ; et à la demande du gouvernement, les placements bancaires des fonds de pension seront mis à la disposition de l’Etat et remplacés par des titres de dette publique. La deuxième mesure représente une perte estimée à 800 millions de $US et la troisième mesure concerne 2,4 milliards de $US73 (ce qui équivaut

72 Alors que les niveaux de déficit et de dette publics sont en partie liés à la réforme des retraites (Bertranou et al.

2003).

73 Social Security Bulletin, Vol. 64, N°1, 2001-2002 0

1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011

Mexique

1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012

Uruguay

107 respectivement à 4% et 12% des fonds accumulés fin 2001). L’évolution du rendement (annexe 2.2) et de la structure du portefeuille (graphique 2.1 bis) témoignent des effets de ces mesures et expliquent qu’en 2002, près de 77% du portefeuille est constitué d’obligations d’Etat.

Les rendements annuels sont affectés par les différentes crises, celle de 1982-1983 au Chili, la crise du peso en 1995 qui touche le Mexique et se répercute sur le Chili, la crise argentine de 2001, la crise budgétaire bolivienne de 2003 et enfin la crise internationale de 2007 qui a affecté les rendements de tous les fonds de pension de la région. Les plus touchés sont les fonds chiliens 22%) et péruviens (-27%) qui comptent la part la plus importante d’actifs étrangers, ainsi que les fonds uruguayens (-23%) en raison de la part placée en titres d’institutions financières (annexe 2.2). Une crise financière affecte le niveau futur des pensions à travers plusieurs canaux (Antolin et Stewart, 2009). Premièrement la perte de valeur des actifs financiers érode la valeur des fonds accumulés. Les affiliés qui liquident leur retraite au moment d’une crise ou quelques années après n’ont pas le temps de restituer les fonds perdus et leur revenu à la retraite, calculé à partir du solde sur leur compte individuel, est inférieur au revenu qu’ils auraient eu s’ils étaient partis juste avant la crise. Pour ceux qui sont déjà à la retraite et qui ont choisi la sortie en capital, les versements qu’ils reçoivent sont revus à la baisse lorsque la performance financière des fonds baisse. Deuxièmement, après une crise financière, les sociétés gestionnaires modifient l’allocation des actifs en augmentant la part des actifs les plus surs, ce qui fait baisser le rendement des placements et par là aura un impact sur les pensions versées. Troisièmement, la crise économique et de l’emploi qui suit un krach affecte les carrières des affiliés et par là le montant total accumulé sur leur compte individuel.

En somme, la composition du portefeuille donne une première explication aux niveaux de rendement et à leur plus ou moins forte volatilité et exposition aux crises. L’allocation des actifs et la part dominante placée en obligations d’Etat est influencée par les restrictions réglementaires mais cela ne semble pas être la seule raison puisque la baisse des seuils minimaux de placement en titres publics et l’autorisation de placements en actions ou en titres étrangers ne se traduisent pas toujours par un changement de la structure du portefeuille. Ceci peut-être lié à la règle du rendement minimum garanti qui influence le comportement de prise de risque des gestionnaires, ainsi qu’au faible développement du marché des capitaux privés qui offre peu d’opportunités de placement (en Bolivie et en Uruguay par exemple).

108 Des commissions élevées

Les rendements que nous avons décrits sont des rendements réels bruts, qui ne tiennent pas compte des commissions payées par les cotisants aux fonds de pension. Des commissions élevées affectent donc le rendement du placement retraite pour les affiliés.

Les commissions sont fixées librement par les AFP (sauf en Bolivie) et servent à couvrir les frais de gestion et les frais de marketing et de communication des AFP. Chaque AFP définit ses règles de fixation des commissions en fonction de la règlementation du pays. La plupart des fonds fixe les commissions en pourcentage des salaires, mais certains adoptent une structure des commissions plus complexe avec une part fixée en fonction des salaires, une part fixée en fonction du capital accumulé dans le compte individuel et parfois même une part forfaitaire (au Chili et en Uruguay).

En 2009, les commissions, rapportées aux salaires des cotisants, vont de 0,5% en Bolivie à 1,95% au Pérou. Rapportées aux cotisations, elles sont inférieures à 5% en Bolivie mais dépassent les 10% dans tous les autres pays, allant jusqu’à 21,6% en Argentine (tableau 2.15).

Durant les premières années d’existence des régimes par capitalisation, ces commissions élevées s’expliquent par les coûts d’entrée sur le marché74, qui nécessite d’engager des frais importants pour constituer les bases de données et attirer les affiliés. Il était attendu que ces coûts baissent au fur et à mesure de l’accumulation des fonds. Si l’on regarde les chiffres du Chili en 2009 alors que les fonds de pension étaient en activité depuis 28 ans, on note que les commissions rapportées aux fonds accumulés sont effectivement plus faibles que dans les autres pays (0,81%) et en baisse depuis la mise en place du système. Dans les autres pays en revanche, les commissions ne baissent que très légèrement voire pas du tout (sauf au Mexique où la baisse est un peu plus marquée) (annexe 2.4).

La persistance de commissions élevées semble plutôt être liée aux conditions de concurrence. En Bolivie, les commissions sont fixes à la mise en place du système et n’ont pas varié depuis car le marché est en situation de duopole qui permet à chacune des sociétés gestionnaires, d’avoir des parts de marché importantes et de réaliser des économies d’échelle75. Il n’y a pas de réelle concurrence entre les 2 AFP76. Chaque AFP conserve ses parts de marché, il n’y a pas de transfert massif des cotisants (BBVA).

74 même en Colombie où l’on se base sur des structures préexistantes.

75Le fait que ces mêmes sociétés gèrent également le fonds collectif de privatisation explique aussi, ces faibles coûts de gestion (Escobar et Nina, 2004).

76 A l’origine, l’exclusivité devait expirer au bout de 5 ans mais l’autorité de supervision a décidé de ne pas ouvrir le marché à de nouveaux entrant. Elle a toutefois proposé un nouvel appel d’offre pour une réattribution mais aucune institution ne s’est manifestée.

109 Tableau 2.15 : Commissions versées aux gestionnaires de fonds de pension en 2009

et concentration du marché

Chili Mexiquea Bolivie Argentinea Uruguay Colombie Pérou

en % des salaires 1,5 1,02 0,5 1,0 1,62 1,59 1,95

en % des cotisations 13,0 12,0 4,8 21,6 12,1 13,8 19,5

en % des fonds

accumulés 0,81 1,80 0,5 1,38 0,93 1,16 1,69

Nombre d’AFP 5 21 2 11 4 4 6

Nombre de cotisants

(en millions) 4,4 13,3 5,5 4,4 0,6 4,0 1,9

Concentration des fonds en %

(2 premiers AFP) 55 36 100 37 75 53 62

Concentration des affiliés en %

(2 premiers AFP) 66 27 100 34 63 53 53

achiffres de 2007 Sources : AIOS et calculs de l’auteur

Dans les autres pays en revanche, la libre concurrence pèse négativement sur les coûts de gestion qui sont répercutés sur les cotisants. La concurrence n’exerce donc pas vraiment de pression à la baisse, au contraire. Les frais de marketing engagés pour attirer les affiliés et les inciter à changer de fonds sont d’autant plus importants que les actifs choisissent eux-mêmes leur fonds de pension sans passer par leur employeur (Valdés-Prieto, 1998 ; Vial Ruiz-Tagle et Melguizo, 2008). Lorsque les affiliés ont le choix, ils vont vers les fonds de pension qui affichent les rendements bruts les plus élevés sans faire attention aux commissions. Les modes de calcul des commissions sont complexes et moins de 20%

des affiliés savent qu’ils paient des commissions tout au long de leur affiliation (Tapia et Yermo, 2008). Cette faible élasticité aux commissions dans un marché où le nombre de concurrents est élevé, pousse les AFP à accroître leurs dépenses de communication et à les répercuter ensuite sur leurs clients. Si l’on compare l’Argentine et la Colombie par exemple, deux marchés qui ont à peu près le même nombre de cotisants, les commissions sont plus élevées là où le nombre d’AFP est le plus élevé et la concentration du marché la plus faible. Les commissions sont également élevées au Pérou, où le faible nombre d’affiliés engendre des dépenses plus élevées.

Bien que la performance des fonds soit atténuée par les commissions élevées, les taux de rendement demeurent élevés et devraient permettre aux affiliés de recevoir des pensions suffisantes. Mais ce n’est pas le cas. Berstein et al. (2006) montrent qu’au Chili, entre 2020 et 2025, seule un peu plus de la moitié des actifs ayant cotisé auront une pension supérieure à la pension minimale garantie. Deux pour cent auront droit à la pension minimale garantie et le reste, soit 46% recevra une pension inférieure à la pension minimale car n’ayant pas totalisé les 20 ans de cotisations requises. D’après une autre étude consacrée au Mexique (Valencia, 2007), 20% des actifs recevront la pension minimale garantie et 58%

110 n’y seront pas éligibles. En Uruguay, Bucheli et al. (2008) estime qu’un travailleur à revenus faibles (1er quintile) a une probabilité de 0,01 de totaliser le nombre d’années requises pour être éligible au minimum garanti. Comment expliquer de telles projections alors que les rendements réels bruts tournent autour de 9% ?

1.2. Une faible densité de cotisations et une quasi-stabilité du taux de couverture et de

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