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LA PROFESSION PHARMACEUTIQUE AU NIVEAU DE L’OFFICINE

Article 2 : « Les pharmacies de Casablanca seront fermées au public pendant toute

VIII- LE PRIX DES MEDICAMENTS

En France, les spécialités étaient vendues librement. Vers la fin du XIXème siècle, les prix des médicaments s’orientèrent à la baisse sous l’effet d’une concurrence accentuée des pharmaciens. Ces derniers étaient obligés de rester compétitifs pour assurer leur survie. Mais une telle concurrence normale dans un commerce quelconque, pouvait être dangereuse en pharmacie. Le détaillant pouvait être tenté de mettre en vente des produits de qualité moindre pour récupérer ce qu’il avait perdu sur le prix. Et tout ceci aux dépens des patients.

Or, l’usage des produits pharmaceutiques peut être dangereux. Donc, la qualité absolue de ces produits est toujours exigée.

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En conséquence, le principe d’uniformiser le prix fut énoncé dans l’article 35 de la loi du 11 septembre 1941qui a décidé que :

« Les médicaments et produits dont la vente est réservée aux pharmaciens doivent être obligatoirement vendus au public au prix fixé par le tarif pharmaceutique national 1 ».

Au Maroc, la réglementation des prix des produits pharmaceutiques a fait le propos de plusieurs arrêtés pris en exécution du dahir du 25 février 1941 portant réglementation et contrôle des prix. Ce texte souligna que toute majoration des prix pratiquée au 1er janvier 1941 était interdite.

L’arrêté Résidentiel du même jour pour l’application du dahir du 25 février 1941 avait défini des commissions spéciales relevant de chaque direction. Il précisa dans son article premier que :

« Les prix de base à l’importation et à la fabrication industrielle locale de tous produits, matières ou denrées, sont fixées par les décisions des commissions spéciales des prix énumérées ci-après :….

2° Commission spéciale des prix relevant de la direction de la santé et de la jeunesse, pour les prix de base des produits pharmaceutiques, quelle qu’en soit l’origine.

Cette commission, dont les membres sont nommés par le directeur de la santé et de la jeunesse, comprend : un fonctionnaire de cette direction, président; un représentant des chambres de commerce, un représentant des consommateurs ».

Ces commissions spéciales des prix se réunissaient à la diligence de leur président. Le commissaire aux prix ou son délégué y participait. Chacune, comprenait en outre un représentant du Makhzen et un représentant de la direction des finances. Ces commissions étaient listées parmi les activités tenues au secret professionnel2. Plus tard, vue la particularité des produits pharmaceutiques, l’arrêté du Secrétaire Général du Protectorat du 7 avril 1945 accorda la délégation au directeur de la santé publique et de la famille pour signer, après avis conforme du commissaire aux prix, les arrêtés portant fixation des prix des produits dont ses services étaient responsables3.

En 1942, l’arrêté Résidentiel du 25 août sur l’étiquetage des produits pharmaceutiques ordonna que :

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Pierre Walch (Op.cité), p : 118.

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Arrêté Résidentiel du 25 février 1941, Bull. Off. N° 1480 du 7 mars 1941, p : 247.

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Article premier : « Aucun produit pharmaceutique ne pourra être mis en vente par

les pharmaciens détaillants s’il ne porte l’indication de son prix de vente au Maroc, en chiffres lisibles, sans surcharge ni grattage ».

Tout produit pharmaceutique délivré à l’officine devait disposer de son prix de vente au Maroc. Qu’en était-il des préparations officinales et magistrales ? En tenant compte de certaines considérations telles, l’éloignement ou la distance inégale de chaque officine par rapport aux entrepôts et aux ports d’arrivages, le prix d’achat des matières premières médicamenteuses était différent. Egalement, les charges importantes ou non du pharmacien ainsi que la condition sociale des clients avaient un impact sur le prix des préparations confectionnées. Le texte incitait donc, à faire figurer le prix sur les emballages et non pas à définir un prix uniforme.

Art. 2 : « Les représentants, dépositaires et grossistes sont tenus, avant de les livrer

aux pharmaciens détaillants, de procéder à l’étiquetage des spécialités pharmaceutiques, produits confraternels, socialités et en général de tous médicaments livrés aux pharmaciens sous forme conditionnée à l’avance et sous marque ou sous cachet ».

Cette disposition concernait les spécialités pharmaceutiques dont l’étiquetage devint obligatoire. Mais que désignait-on par étiquetage ? Devait-il concerner le prix ?

Art. 3 : « Les infractions au présent arrêté sont passibles des sanctions prévues par

l’article 23 du dahir susvisé du 25 février 1941 1

».

Les sanctions stipulées à l’article référencié variaient d’un emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 50 à 100 000 francs, ou de l’une de ces deux peines seulement.

Un arrêté du Secrétaire Général du Protectorat du 30 août 1945 fixant le tarif des honoraires des préparations magistrales :

Article premier : « Le tarif des honoraires des préparations pharmaceutiques dites

« magistrales », tel qu’il est déterminé par le tarif pharmaceutique national, est applicable de plein droit au Maroc, avec une majoration de 20%, à compter du premier jour du deuxième mois qui suit la publication du tarif pharmaceutique national au bulletin métropolitain du service des prix 2 ».

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Arrêté Résidentiel du 25 août 1942, Bull. Off. N° 1558 du 4 septembre 1942, p : 770.

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L’adoption d’un tarif légal pour les préparations magistrales fut dictée aux termes de cet article premier. Ce tarif pharmaceutique national mît fin aux différents arguments et prétextes entravant l’homogénéité des prix. Cette différence de prix des matières premières existait-elle réellement ? En effet, l’activité officinale demandait des quantités modestes en ces matières ce qui était en convenance avec la fréquence des approvisionnements. En outre, la commodité des communications et la modération des frais de transport n’allaient guère affecter ce prix d’achat.

Certains pharmaciens avaient effectivement des charges plus importantes que d’autres. Ces pharmaciens des grandes localités disposaient aussi d’une clientèle considérable et consommatrice. Donc, la variation des prix de ces préparations pharmaceutiques usuelles d’une officine à une autre pour de pareilles raisons ne devait être admise. Cette standardisation pour faire cesser les inégalités des prix, s’imposait pour épargner toute concurrence souvent compromettante à la qualité des produits.

Ce texte est venu préciser la majoration de 20% à la différence de l’arrêté du Secrétaire Général du Protectorat du 14 novembre 1944 qui avait autorisé provisoirement les pharmaciens à augmenter de 150% au maximum les honoraires des préparations magistrales.

Le 31 décembre 1947, un arrêté du Secrétaire Général du Protectorat fut promulgué rendant ainsi la liberté aux prix des spécialités pharmaceutiques de fabrication locale. Son article premier stipula que :

« Ne sont plus soumis à homologation les prix, à la production, des spécialités pharmaceutiques de fabrication locale. Avant d’entreprendre la vente, les fabricants doivent communiquer, à la commission spéciale des prix des produits pharmaceutiques, la composition, le mode de conditionnement et le prix, sortie usine, de ces spécialités.

Les marges commerciales réglementaires demeurent en vigueur 1».

Quant aux modalités de détermination des prix maxima de vente des spécialités pharmaceutiques importées de la métropole, elles furent l’objet de l’arrêté du 10 janvier 1948. Son article unique se démarqua par l’application de la majoration :

« Les prix maxima de vente à public, dans tous les centres du Maroc, des spécialités pharmaceutiques importées de la métropole, sont déterminés en appliquant au prix public homologué dans le pays d'origine les majorations ci-après, suivant le poids brut unitaire du produit emballé :

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POIDS BRUT MAJORATION

Au plus égal à 300 grammes…………..

25% De 301 à 500 grammes……… 35% Supérieur à 500 grammes……… 45%

Des dérogations pourront être autorisées, à titre exceptionnel, sur proposition de la commission spéciale des prix relevant de la direction de la santé publique et de la famille1».

Ce qu’on peut reprocher au texte c’est cette notion du poids brut unitaire qui n’a pas été systématiquement définie et demeurait ambiguë. Ce texte concernait les spécialités importées de France, donc, il s’agissait de produits finis et conditionnés destinés à la vente. Les majorations relatives devaient se calculer sur la base du poids brut unitaire du produit emballé. On peut se demander si, à l’époque existaient des spécialités pharmaceutiques dont le poids variait entre 300 g et 500 g !

Les arrêtés du Secrétaire Général du Protectorat du 31 décembre 1947 et du 10 janvier 1948 furent abrogés par celui du 30 mars 1949 fixant le prix des produits pharmaceutique au Maroc. Ce texte introduisit le concept du poids net en le définissant comme le poids du produit dans son conditionnement d’origine, tel qu’il était remis généralement au public par le pharmacien.

Le prix de vente au public fut défini selon la nature des produits. Cet arrêté prévoyait trois cas :

 Les spécialités pharmaceutiques et produits similaires importés de France ou d'Afrique du Nord Française.

Leur prix était évalué en ajoutant au prix public fixé dans le pays d’origine une majoration dont le taux était fixé par l’arrêté et variait selon le poids net du produit. Néanmoins les importateurs étaient habilités à établir les prix de ces produits aux divers échelons commerciaux. Ces prix ainsi fixés, devaient être déclarés, avant toute vente, à la Commission spéciale des prix des produits pharmaceutiques, qui leur attribuait un numéro d'enregistrement et à la Chambre des Pharmaciens.

Sur chaque produit, une étiquette spéciale affichait visiblement le prix de vente au public avec l’indication « prix obligatoire de vente au Maroc ». Quant aux échantillons médicaux, ils devaient porter une étiquette avec la mention « échantillon médical gratuit;

vente interdite ».

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126  Les spécialités pharmaceutiques locales.

Aux termes de son article 3, les prix publics de vente étaient définis par les fabricants qui devaient les communiquer, avant toute mise en vente, à la Commission spéciale des prix et à la Chambre des Pharmaciens. Ces prix ne devaient pratiquement pas être supérieurs à ceux des produits similaires importés. Comme pour les spécialités pharmaceutiques importées, celles fabriquées localement devaient être également munies des mêmes étiquettes pour les produits : modèle vente et échantillons médicaux.

 Les préparations magistrales et autres produits pharmaceutiques.

L’article 5 précisa que le prix de vente au public de ces produits résultait de l'application des tarifs pharmaceutiques homologués.

Un pharmacien pouvait-il vendre les médicaments à un prix inferieur à celui précisé sur l’emballage ?

Chaque commerce, pour assurer sa continuité, oblige le vendeur à son bénéfice légitime. Cependant, l’article 7 précisa certains bénéficiaires de la remise des prix des produits pharmaceutiques. Les seules remises allouées étaient celles accordées par les pharmaciens détaillants au corps médical, d’après les règles déontologiques, aux œuvres d'assistance ou de bienfaisance et aux établissements publics figurant sur une liste élaborée par la Direction de la Santé publique et de la famille, d'après les taux fixés par la commission spéciale des prix des produits pharmaceutiques.

Toutefois, si cette remise concernait un bon nombre de client, le pharmacien commettait-il une infraction comme s’il vendait à des prix supérieurs ? Aucune disposition ne fut promulguée dans ce sens. Selon la jurisprudence française, nous rappelons un jugement du tribunal de commerce de Rennes de 19051.

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Dans son audience du 29 novembre 1905, le Tribunal de Commerce de Rennes avait à juger la plainte d'un fabricant de spécialité pharmaceutique contre un pharmacien et un droguiste associés qui avaient contrevenu aux conventions entre les parties en vendant au public cette spécialité à un prix inférieur au prix marqué. .

Le tribunal a donné raison au réclamant.

Chaque flacon de la spécialité devait être vendu 6 francs. Les défendeurs avaient vendu au public au prix de 5 fr. 50 et même de 5 fr. 40. La prime en faveur du détaillant était de 1 fr. 80. Le fabricant de la spécialité exposait que ces réductions du prix envers les acheteurs avaient eu pour conséquence de déprécier son produit dans l'opinion du public et d'en diminuer le débit. Le tribunal a condamné les défendeurs au remboursement de la prime de 1 fr. 80 que le fabricant avait réglée sur la confiance d'une vente régulière, ce remboursement devant avoir lieu pour chaque flacon avili, et en outre à des dommages-intérêts de 100 francs.

Spécialité vendue avec rabais - Condamnation au profit du fabricant ayant stipulé le prix. In Union Pharmaceutique du 15 janvier 196, p : 125.

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Plus tard, l'arrêté du 30 mars 1949 fut également abrogé et remplacé par celui du 19 mai 1952. Son article premier énonçait que le prix maximum de vente au public des spécialités importées de France devait être fixé en appliquant des majorations mais cette fois sur le prix public légalement pratiqué à Paris. Celles-ci furent précisées respectivement.

En précisant les spécialités importées de France, est-ce le législateur avait omis de dire également les spécialités importées des autres pays de l’Afrique du Nord française ? Ou bien, le pays ne faisait plus ces importations et se limitait uniquement à la métropole !

Il faut constater que, avant toute mise en vente, les prix devaient être communiqués au service central de la pharmacie à Casablanca pour recevoir un numéro d’enregistrement et à la chambre des pharmaciens. Soulignons que les prix ne sont plus communiqués à la commission des prix ; quant à la chambre des pharmaciens il fallait plus de précision car à cette époque existaient celles des pharmaciens, celle des fabricants…….

Concernant les spécialités fabriquées au Maroc, l'arrêté du 19 mai 1952 garda inchangé les dispositions de celui du 30 mars 1949. En cas de variation des prix, l’étiquetage devait être à la charge du possesseur des produits au moment où le nouveau prix était mis en application.

En outre, cet arrêté introduisit la notion du prix public Maroc. Aux termes de son article 7 : « Les prix déterminés dans les conditions précisées aux articles précédents

devront être indiqués sur les produits en question au moyen d’une étiquette très apparente portant lisiblement la mention : « Prix public Maroc… » et le prix de vente licite 1».