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185 Introduction :

En France, la plupart des professions furent érigées en corporation de métiers. La profession pharmaceutique n’échappa pas à cette dynamique. Ce système corporatif déléguait à un seul et même organisme l’habilité d’assurer la défense des intérêts moraux et matériels de la profession. Cette structuration fut aussi adoptée au Maroc.

Dans ce pays, toute une série d'évolutions techniques et d'innovations ont conduit au développement de la production. De même, la place de plus en plus grande occupée par les spécialités pharmaceutiques a contribué au développement de l’aspect commercial de la profession.

En conséquence, un renforcement de la réglementation interne s’avérait nécessaire. Pour qu’elle soit efficiente, il fallait déléguer aux professionnels eux-mêmes le devoir de veiller à ce que les dispositions légales ainsi que les règlements particuliers régissant la profession soient appliqués. D’où l’institution d’organismes pourvus d’un pouvoir disciplinaire assigné à soumettre leurs membres au respect de leurs décisions.

En s’inspirant de la loi française du 11 septembre 1941, le dahir du 10 février 1943 institua les organismes professionnels qui venaient d’être instauré en France à savoir, les chambres et le conseil supérieur. Le texte abolit notamment les syndicats et garda inchangée l’organisation générale de la profession mais, ces derniers furent rétablis par la suite.

Agissant en tant que chargés de la mission de défendre les intérêts de la profession, deux organismes furent reconnus : les syndicats et les chambres avec le conseil supérieur de la pharmacie.

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I- GENERALITES SUR LES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES

Rappelons qu’au Maroc, le droit de créer une association fut très tôt permis dans les limites des restrictions prévues par le dahir du 5 juin 1914 sur les associations. Son article premier disposait que :

« Le présent Dahir régit, avec les principes généraux du droit, les associations formées entre deux ou plusieurs personnes qui mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances, leur activité ou leurs ressources dans un but autre que de partager des bénéfices1 ».

Plus tard, la nécessité de créer les syndicats s’avérait de plus en plus importante. Nous relatons l’exposé des motifs du dahir du 24 décembre 1936 :

«… Or, au cours de ces dernières années, l’essor du pays et des réalisations de

toute espèce qui en sont issues ont amené la constitution d’un peuplement européen très important qui, parce qu’il était associé à toutes les manifestations de l’activité par l’apport de son travail, a dû être doté d’une législation de type européen, protectrice des intérêts et des droits des travailleurs, et dont il convient d’évoquer ici les aspects essentiels : réglementation du travail, de la durée du travail, du paiement des salaires, du repos hebdomadaires ; inspection du travail ; protection contre les accidents ; règlement des conflits du travail, conseil de prud’hommes, etc…..

Il est apparu aujourd’hui que dans un pays qui avait connu une évolution aussi rapide, les travailleurs européens effectuant le même travail, exerçant des métiers similaires ou des professions libérales représentaient un élément suffisamment homogène pour constituer, sous un régime approprié, des groupements d’une nature spéciale, et ayant exclusivement pour objet l’étude de la défense des intérêts de leur profession ou de leur métier. Il fallait donc créer, pour ces travailleurs, une forme nouvelle de groupement répondant à ces besoins nouveaux. Le législateur métropolitain l’avait bien reconnu en promulguant sa loi du 21 mars 1884. Le gouvernement du Protectorat avec l’agrément de S. M. le Sultan, et après s’être assuré de l’accord du gouvernement français, réalise aujourd’hui pour le Maroc cette importante réforme2

».

1

Dahir du 5 juin 1914, Bull. Off. N° 85 du 12 juin 1914, p : 431.

2

Dahir du 24 décembre 1936, Bull. Off. N° 1262 du 1 janvier 1937, p : 3.

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En France, aux termes d’une longue lutte, les syndicats ont vu le jour sous la loi de 1884 qui stipulait que ces derniers avaient exclusivement pour objet l’étude et la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles de leurs adhérents. Calquée sur cette loi, le dahir du 24 décembre 1936 fut promulgué. Définis comme des groupements homogènes sous un régime approprié, les syndicats furent alors crées et réglementés. L’article premier repris les termes de la loi française précisant ainsi que les syndicats avaient exclusivement pour objet l'étude et la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles de leur adhérent.

Mais qui au juste devait créer les syndicats ? Nous trouvons la réponse toute définie aux termes de l’article 2 de ce dahir :

«Les syndicats ou associations professionnels de personnes peuvent être créé, entre Européens exerçant depuis un an au moins, dans la zone française de Notre Empire, la même profession, des métiers similaires, ou des professions connexes concourant à l’établissement de produits déterminés.

Des syndicats peuvent, dans les mêmes conditions, être crées entre Européens exerçant des professions libérales1 ».

Quoique n’ayant pas atteint la dimension et la puissance des organisations françaises, les syndicats des pharmaciens au Maroc ont eu un impact reconnu sur l'évolution de la législation pharmaceutique du pays. Ils étaient très considérés et on leur prêtait attention. Cependant, être un adhérent n’était pas une obligation pour le pharmacien. Il avait le libre choix de s’y inscrire devenant ainsi un membre ou de garder son caractère indépendant2

. En effet, le dahir du 10 février 1943 avait prévu dans son article premier une organisation professionnelle de la pharmacie. En revanche, il a décidé dans son article 4 l’abolition des syndicats et associations pharmaceutiques.

Article premier : « Il est institué dans la zone française de Notre Empire un conseil

supérieur de la pharmacie et des chambres comprenant obligatoirement :

Les pharmaciens, titulaires ou non d’une officine, qui exercent leur art dans la zone française de l’Empire chérifien ;

1

Les pharmaciens : sont-ils des commerçants ? On a quelques fois soutenu la négative en faisant observer qu’ils exercent une profession essentiellement libérale ; qu’ils sont soumis à des conditions de capacité; que ce qui constitue principalement l’exercice de leur art, c’est la préparation des remèdes composés prescrits par le médecin ; que ces remèdes tirent presque toute leur valeur de la science qui préside à leur confection ; que si les pharmaciens vendent quelques substances sans leur avoir fait subir aucune manipulation, ce n’est là de leur part qu’un fait accidentel.

Mannuel complet de Médecine Légale (op-cité), p : 949.

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Les propriétaires, administrateurs, directeurs, gérants d’établissements, dépôts, entrepôts, affectés à la fabrication, à la détention, à la vente en gros aux officines de détail de produits, compositions ou préparations, spécialisés ou non, pour l’usage de la médecine humaine ou vétérinaire ».

Les pharmaciens qui exercent leur art : on peut se demander si les pharmaciens inspecteurs étaient concernés !

Art. 4 : « Les syndicats, associations, groupements ou organismes se rapportant à

la défense des intérêts de la profession pharmaceutiques seront dissous de plein droit à la date de la constitution des organismes créés par le présent dahir. Leur actif disponible sera réparti entre les caisses des chambres constituées1 ».

Les syndicats ont perdu leur raison d'être face à l’institution des chambres et du conseil supérieur de la pharmacie suite à la promulgation de ce dahir. Il est à rappeler que leur suppression n’a été que passagère. Plus tard, ils furent reconstitués de nouveau aux termes du dahir du 16 mars 1948 qui disposa dans son article unique :

« L’article 4 du dahir susvisé du 10 février 1943 (5 safar 1362) portant dissolution des syndicats, associations, groupements ou organismes professionnels se rapportant à la défense des intérêts de la profession pharmaceutique est abrogé2 ».

Le but essentiel du dahir du 10 février 1943 fut d’organiser les pharmaciens en groupe : réunir sous l’égide d’une même organisation, tous les pharmaciens du Maroc. La distinction de cette organisation fut de former des catégories au sein de la profession. En conséquence, trois chambres spécifiques furent créées. À la tête de cette structure se plaçait le conseil supérieur de la pharmacie qui agençait et gouvernait ces chambres professionnelles.

L’activité, l’organisation ainsi que les prérogatives de ces différents organismes furent établies par l’arrêté viziriel du 10 février 1943. Ce dernier fut modifié par celui du 17 novembre 1951. Il faut noter au passage que l'arrêté viziriel du 6 janvier 1944, n'a modifié que la composition du conseil supérieur de la pharmacie3.

Par ailleurs, il était formellement interdit à ces organisations et leurs membres toute ingérence dans les domaines religieux, philosophique et politique. Le caractère strictement professionnel fut clairement énoncé.

1

Dahir du 10 février 1943, Bull. Off. N°1581 du 12 février 1943, p : 142- 144.

2

Dahir du 16 mars 1948, Bull. Off. N°1851 du 16 avril 1948, p : 472.

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