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Conclusion du chapitre 

1   L’éventail est valable pour les individus qui ont répondu et qui 

3.2.3.4.  Les prises de décisions sur le foncier 

L’avancée du front de quinoa, et les dynamiques foncières à laquelle elles sont associées, sont le  résultat d’un système complexe de prises de décisions dépendantes, d’une part, de la famille et  de  la  communauté,  mais  aussi  des  moyens  financiers  et  humains  dont  dispose  l’individu.  Il  convient donc de considérer la manière dont sont prises les décisions annuellement, mais aussi  à plus long terme, sur chaque parcelle du patrimoine foncier familial et communautaire. Quels  sont  les  paramètres  qui  interviennent  dans  les  prises  de  décisions ?  Quelle  place  y  tiennent  l’individu, la famille et la communauté ?  L’unité sociale de décision est importante à préciser. En effet, c’est le chef d’exploitation (ayant  droit qui dispose d’un accès direct à des parcelles) qui décide pour lui et sa famille élargie58 ce  qu’il convient de faire sur ses parcelles. En revanche, pour la conduite de l’itinéraire technique,  c’est le ménage (ayant droit ou non) qui est l’unité de décision.  Nous distinguons ici deux catégories de foncier : le foncier familial et le foncier communautaire.  Nous  allons  détailler,  pour  ces  deux  ressources,  les  types  et  les  facteurs  de  décision  que  les  ayants droit des communautés peuvent prendre (voir figure 24).  Les décisions sur chaque parcelle du foncier familial sont annuelles ou à plus long terme. Pour  les décisions annuelles, on distingue les possibilités suivantes :  1) La mise en culture de façon directe (par le propriétaire ou son enfant)  ou de façon indirecte  2) La mise au repos   3) Le prêt à un membre de la famille élargie  Quant au foncier communautaire, il peut être soit utilisé en pâturage, soit être mis en culture de  façon directe ou indirecte, soit n’être pas utilisé.         58 La famille élargie est constituée par les parents, les enfants ayant constitué leur ménage indépendant, les compères. 

 

Figure 24 : Facteurs de prise de décision annuelle des ayants droit sur le foncier dans les  communautés de l’Altiplano Sud 

 

Source : élaboration propre d’après entretiens. 

Les  décisions  sur  le  foncier  (et  donc  les  superficies  mises  en  culture  chaque  année)  vont  se  prendre  en  fonction  de  la  combinaison  de  différents  facteurs  de  production,  ou  ressources  de  l’individu que l’on peut décliner de la façon suivante : ressource humaine, financière, foncière et  sociale. Nous pouvons considérer les trois premiers comme des facteurs de production (force de  travail,  biens  matériels,  terre).  La  ressource  humaine est  constituée  par  la  main‐d’œuvre  mobilisable pour les travaux agricoles et renvoie à la gestion de l’allocation de la main‐d’œuvre  potentiellement  disponible.  Celle‐ci  est  représentée  par  la  famille  dans  la  communauté  et  les  membres de la famille résidant en dehors de la communauté. À ce propos, nous verrons dans  un  chapitre  ultérieur  le  rôle  majeur  que  jouent  les  dynamiques  de  mobilité  dans  l’accès  à  la  ressource humaine. La ressource financière quant à elle se réfère à la disponibilité d’argent pour  payer les travaux mécanisés et la main‐d’œuvre salariée. Enfin, la ressource foncière représente  les  terres  disponibles  et  leur  état  de  « fatigue ».  Selon  le  capital  foncier  dont  il  dispose,  l’individu décide ou non de mettre toutes ses parcelles en culture59. La ressource sociale, enfin,  recouvre la place de l’individu dans la communauté, se réfère à son prestige et à son autorité.  À ces ressources s’ajoutent le projet familial et la place de l’institution communautaire. En effet,  selon  le  projet  familial  et  les  besoins  du  foyer,  les  décisions  seront  différentes.  Enfin,  le  chef  d’exploitation  prend  ses  décisions  en  fonction  de  l’institution  communautaire  qui  fixe  les  dispositions et les normes autour du foncier : 1) en garantissant ou non la propriété sans mise  en culture ; 2) en acceptant ou non le mode d’exploitation al partir ; 3) en acceptant ou non qu’un         59 Les parcelles disponibles étant celles laissées en jachère une année au moins pour accumuler les précipitations.  Décisions sur chaque  parcelle du foncier  familial Mise en culture Repos Prêt Mise en culture Rien Pâturage Ressource sociale Projet familial Institution  communautaire Ressource foncière Ressource financière Ressource humaine Directe Indirecte Influe sur Facteur de prise  de décision Décisions sur le foncier  communautaire Directe Indirecte

 

producteur cultivant des terres prêtées ne soit pas ayant droit et n’ait pas dʹobligation dans la  communauté ;  4)  en  programmant  ou  non  les  lieux  de  culture  (système  d’assolement  par 

mantos) ;  5) en  acceptant  ou  non  la  possibilité  d’agrandir  le  foncier  familial.  Autrement  dit, 

l’institution communautaire intervient dans certains moments de la décision agricole familiale.   

Au  final,  le  boom  de  la  quinoa  est  un  vecteur  de  changement  important  des  dynamiques  foncières : nouvelles appropriations et distribution de la ressource, reformulation des modes et  des règles d’accès à la terre, nouveaux rapports sociaux intra et interfamiliaux, ajustement des  processus  de  décision,  etc.  Dans  ce  contexte,  les  conflits  sur  la  terre,  certes  inhérents  à  toute  société agraire, ont pris aujourd’hui un nouveau tournant et se manifestent aussi bien au sein  des communautés quʹentre elles.    Les conflits sur les limites de territoire entre communautés sont historiques et récurrents. Ils ont  toujours fait partie de la vie quotidienne des communautés, car sans reconnaissance juridique  officielle, ces limites doivent sans cesse être réaffirmées par les autorités. Toutefois, ces tensions  ont pris une autre envergure et ce sont aujourd’hui les terres de culture qui sont les plus fortes  sources  de  tensions.  Le  point  de  friction  tient  en  particulier  au  franchissement  des  limites  de  communauté  par  des  agriculteurs  qui  investissent  par  défrichage  le  territoire  d’une  communauté voisine.   

Au  sein  des  communautés,  les  tensions  naissent  de  la  quasi‐saturation  du  foncier  communautaire  à  la  suite  notamment  d’appropriations  jugées  abusives.  L’enjeu  est  crucial  puisque la nouvelle structure agraire, qui se met en place aujourd’hui, fixe le patrimoine foncier  des  générations  à  venir.  À  ce  titre,  les  tensions  entre  producteurs  résidents  permanents  sont  moins importantes que celles qui opposent permanents et migrants. Mais c’est un point qui sera  abordé plus en détail dans le sixième chapitre. Enfin, les conflits sur la ressource foncière, même  si le fait n’est pas nouveau, concernent également les terres de pâturage et l’accès des animaux à  ces  espaces.  Les  conflits  opposent  ainsi  éleveurs  et  cultivateurs  (tous  les  éleveurs  sont  cultivateurs mais tous les cultivateurs ne sont pas éleveurs) dans une situation où les terres de  pâturage ont drastiquement diminué et les terres de culture ne sont pas protégées. De fait, les  troupeaux  font  parfois  des  dégâts  dans  les  cultures,  objet  de  conflits  récurrents.  Dans  ce  contexte,  les  instances  communautaires  ont  bien  du  mal  à  intervenir  dans  le  règlement  des  conflits  puisqu’elles  n’ont  pas  arbitré  la  répartition  des  terres  nouvellement  conquises  et  n’en  ont pas fixé les règles au départ.