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Caractérisation du risque routier vis à vis de l’infrastructure

5. Prise en compte de la gravité

Les risques modélisés supra correspondent à des accidents corporels ou matériels et ne traduisent pas la gravité de l'évènement. La gravité est liée à la décélération lors du choc (Hobbs, 1984).

Elle dépend aussi d'autres facteurs : véhicule et équipement, port de la ceinture, angle de choc, obstacle heurté, etc. La littérature donne sous la forme d'une relation dose-effet, la probabilité pour un occupant de subir des lésions d'un certain niveau (selon l'AIS, abbreviated injury scale) en fonction de la variation de la vitesse lors de la collision. En pratique, une fonction sigmoïde (équation 4) est ajustée sur les données empiriques correspondant au niveau de gravité AIS 3 ou plus, pour le cas d'un conducteur ceinturé.

) tanh(

. )

( 2s

m V 2

1 2 3 1 AIS

P

+

=

≥ Δ

(4)

où m et s, notent respectivement la moyenne et l'écart-type de la distribution.

A partir du modèle présenté au § 3, il est possible de déterminer, s'il y a effectivement collision, et le cas échéant la vitesse de collision (VC). Pour déterminer ΔV à partir de VC en tenant compte de la variété des situations, tout en évitant des considérations compliquées (e. g. la nature de l'obstacle heurté), deux scénarios de choc très contrastés sont définis :

1 – un choc violent, impliquant une variation de vitesse maximale, équivalente à la vitesse du mobile au moment du choc (ΔV = VC).

2 – un choc modéré, impliquant une variation de vitesse équivalente à la moitié de la vitesse lors du choc (ΔV = 0,5.VC).

Un indice de danger (ID) est défini comme la probabilité d'avoir un accident grave dans une situation donnée. On peut définir comme ci-dessus, un indice de danger relatif (IDR), en rapportant l'indice de danger calculé à celui d'une situation de référence. Les indices de danger ID1 et ID2 correspondent respectivement aux deux scénarios définis supra.

La simulation montre que le scénario de choc n'est pas crucial ; si les valeurs des indices de danger ID1 et ID2 sont logiquement très différentes (ID1 est 5 à 6 fois plus élevé que ID2), les indices de danger relatifs associés (IDR1 et IDR2) sont, eux, très proches (cf. figure 2).

La variation du paramétrage a une influence similaire sur IDR et sur IRR, sauf en ce qui concerne les vitesses pratiquées : IDR y apparaît plus sensible que IRR. Cela s'explique facilement car une augmentation des vitesses joue à deux niveaux : sur le risque d'accident en augmentant la distance d'arrêt, mais aussi sur la gravité en augmentant la vitesse de choc.

ID (ou IDR) décroît de façon exponentielle avec la distance de visibilité offerte (Dv). La corrélation entre ID et Dv est très forte (R² > 0,99) dans le cadre d'une régression linéaire avec une loi exponentielle. Par exemple, ID (et donc le risque d'accident grave) est multiplié par plus de 9 pour une réduction de la distance de visibilité de 100 m, et ce quelle que soit la situation de référence ; que l'on passe de 380 m à 280 m, ou de 280 à 180 m par exemple. Il varie d'un facteur 2 pour une variation de 30 m, de 280 à 250 m par exemple.

Ces résultats invitent à proposer un indicateur dérivé de ID, dont la variation est plus linéaire et croissant dans le même sens que le niveau de sécurité. L'indicateur proposé, appelé index de sécurité conventionnel pour la visibilité, s'écrit naturellement :

ISC = - ln(IDRC ) (5)

Par définition, cet index vaut 0 pour une distance de visibilité « de référence », égale à la distance d'arrêt conventionnelle. Pour les autoroutes, on a la relation simple suivante :

ISC= 0,0225 Dv – 6,31 (6)

50 100 150 200 250 300 350 400

0,0 0,1 1,0 10,0 100,0

IDR1

Régression ex-ponentielle pour IDR1

IDR2

Distance de visibilité offerte (m)

IDR

Figure 2 – Variation des indices de danger relatifs en fonction de la distance de visibilité 6. Conclusions et perspectives

L'utilisation d'approches probabilistes est naturelle pour appréhender les risques liés à l'usage de la route, en compléments d'approches plus classiques (épidémiologiques, cliniques...). Les difficultés pour sa mise en œuvre résident dans l'identification de scénarios d'accidents réalistes associés à des enjeux significatifs, puis dans la définition d'un modèle le décrivant fidèlement. Le modèle proposé ici pour la distance d'arrêt de véhicules légers permet d'appréhender plusieurs scénarios d'accidents liés à des problèmes de visibilité.

L'ambition de cette modélisation est de rendre compte des principaux facteurs d'influence.

L'originalité par rapport à d'autres travaux est de prendre en compte les facteurs limitants dans le freinage qu'ils soient liés à l'aptitude du conducteur ou à l'adhérence mobilisable résultant des caractéristiques des pneumatiques et de la chaussée. Pour cela, le travail s'appuie sur une large revue de la littérature internationale. Le compromis adopté entre réalisme et simplicité est conforté par les analyses de validité, confrontant les résultats du modèle à des mesures en vraie grandeur réalisées avec des conducteurs lambdas. Les autres avantages sont la simplicité de l'outil (basé sur un tableur), sa souplesse d'utilisation (paramétrage configurable ad libitum) et la rapidité des calculs. Le modèle présente forcément certaines limites dans les situations qu'il est apte à représenter, mais il pourrait facilement évoluer pour étendre son domaine d'emploi (poids lourds, chaussée sèche, voirie urbaine).

Les analyses et résultats présentés supra suggèrent des usages multiples dans différents registres, sur les plans théorique, pédagogique ou pratique.

1) L'influence des conditions de visibilité sur la sécurité est indéniable mais difficile à caractériser. Les indicateurs de risque ou de sécurité proposés ici fournissent des informations simples, interprétables sur le niveau de sécurité. Ils ont une signification intuitive, par exemple la probabilité qu'un automobiliste ait un accident occasionnant des blessures graves.

2) L'étude de la sensibilité des indicateurs de risque permet de cerner et hiérarchiser les paramètres les plus d'influents, ainsi que les mesures les plus efficaces pour réduire le nombre d'accidents liés à la visibilité. Si la très forte influence des vitesses pratiquées n'est pas surprenante, les résultats peuvent venir objectiver et appuyer des actions de sensibilisation. Au niveau du véhicule, l'équipement en ABS permet de réduire considérablement les risques : la fraction du parc qui en est équipée présente un risque 36 fois plus faible que celle qui n'en est pas équipée. Au niveau de l'infrastructure, l'influence de l'adhérence est également mise en évidence et pourrait être intégrée dans les critères d'entretien des chaussées, voire dans les critères de choix des couches de roulement (cas des BBDr).

3) Les règles de visibilité définies actuellement dans la plupart des recommandations techniques en vigueur en France, et les valeurs seuil associées offrent d’une part une certaine garantie de sécurité, mais sont aussi particulièrement conséquentes en termes de profil en long, de dégagement latéral, etc. Or, les résultats obtenus dans le cadre d’une approche probabiliste interpellent à plus d’un titre. D'abord, la distance d'arrêt conventionnelle n'a pas vraiment de signification concrète : elle ne représente pas une situation type, moyenne, maximale, par exemple, mais une valeur quelconque de la distribution des distances d'arrêt, par exemple le 98è centile pour les autoroutes. Ensuite, le risque par rapport à certains scénarios d’accidents a manifestement dû baisser ces dernières années, en relation notamment avec l’évolution de la pénétration de l’ABS dans le parc automobile.

4) L'allure de la distribution de la distance d'arrêt, comme celle des courbes des indicateurs de risque en fonction de la distance de visibilité, ne rend néanmoins pas triviale la définition d'une limite pertinente. En effet, ces courbes sont homogènes, sans effet de seuil significatif et varient rigoureusement de façon exponentielle avec la distance de visibilité offerte. Aussi, plus que la notion de seuil, valeur intangible et rigide, la réalité du phénomène ainsi mise en évidence, conduit à proposer la définition de plusieurs classes de risques (ou de sécurité), à l'instar ce qui est fait en matière de niveau de service. Des niveaux de sécurité différents pourraient être adoptés en fonction des enjeux de sécurité, du type de voie, des contraintes d'aménagement et surtout de la politique du gestionnaire de la voirie.

5) S'il est délicat de définir un niveau de sécurité à offrir aux usagers, il convient a minima de s'interroger sur la cohérence entre les niveaux de sécurité associés aux différentes règles de conception, du moins celles dont les principales justifications sont liées à la sécurité. Il faut alors tenir compte à la fois du risque et de l'exposition au risque. Par exemple, le niveau de fiabilité atteint pour la visibilité en section courante n'est-il pas trop élevé par rapport à celui offert pour la visibilité en carrefour, la visibilité d'approche des giratoires ou les questions de pertes de contrôle en virage, surtout eu égard aux enjeux de sécurité respectifs ?

Les considérations relatives aux règles de l’art évoquées supra, pourraient être prise en compte dans le cadre de la refonte de l'ICTAVRU pour laquelle la question d'une mise à plat des paramètres dits fondamentaux est posée.

6) Au-delà de la pertinence des règles de l'art relatives à la visibilité, un tel modèle permet d'objectiver les demandes de dérogation à ces règles dans le cadre de projets routiers, dans une approche coût/avantage, ainsi que le suggère la circulaire DGR du 8/01/2008.

In fine, si les approches probabilistes ou, d’une façon générale, la simulation peuvent s'avérer très utiles ou pédagogiques, un modèle reste un outil. Il n'épargne pas une réflexion sur le niveau de sécurité visé ou, plus globalement, la définition d’une politique de sécurité pour l'aménagement ou l'exploitation des infrastructures. On peut souhaiter qu’il permette déjà de révéler la complexité de phénomènes souvent trop simplifiés et qu’il contribue à poser les bases d’une réflexion de fond sur les règles de conception relatives à la visibilité.

Références

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RELATION ENTRE L’ÉVOLUTION DE L’ADHÉRENCE DES REVETEMENTS ROUTIERS ET L’ACCIDENTOLOGIE

Diplômée de l’ENTPE en 2000, docteur en Génie Civil en 2005 de l’école doctorale MEGA (Lyon).

Responsable de l’ERA 12 (Équipe de Recherche associée au LCPC)

« adhérence, sécurité » au sein de laboratoire régional des ponts et chaussées de Lyon.

Véronique CEREZO

ERA12, Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées de Lyon

Bron, France Résumé

Ce papier présente les résultats d’une étude réalisée dans le cadre d’une opération de recherche LCPC nommée « Risques Routiers ». Celle-ci a pour objet la modélisation de l’évolution des caractéristiques de surface de différents revêtements routiers et la détermination de corrélation entre accidents et niveau d’adhérence. L’étude a été réalisée en quatre étapes. Dans un premier temps, une base de données a été constituée à partir de mesures réalisées par différents appareils à grand rendement (AGR) sur le réseau autoroutier et le réseau routier national français au cours de la dernière décennie. Dans un deuxième temps, des tests statistiques ont été réalisés sur cette base de données. Dans un troisième temps, les lois d’évolution obtenues dans le cadre de cette étude sont analysées. Enfin, les lois d’évolution ont été appliquées pour évaluer le niveau de texture au moment de l’accident. Cette valeur corrigée de l’adhérence a ensuite été utilisée dans le calcul des corrélations.

Mots-clés: adhérence, lois d’évolution, CFT, accidents sur chaussée mouillée.

Abstract

This paper presents the results of a research project called “Risques Routiers” funded by LCPC.

It aims at modeling the skid resistance evolution and the relationship with the accidents rates on wet surfaces. This study was done in four steps. First, a database was built with infrastructure characteristics measurements (geometry, skid resistance) on high traffic rural roads and some highways. Then, statistical analyses were realized in view of determining the most relevant parameters that can explain skid resistance evolution. In a third step, these evolution laws were analyzed. Lastly, the evolution laws are used to correct skid resistance values and some correlations with accidents rates are done.

Keywords: Skid resistance, Law of evolution, Sideway force coefficient, Accidents on wet surface.

1. Introduction

Le CETE de Lyon a réalisé une étude sur la relation entre le niveau d'adhérence des infrastructures routières et les accidents corporels dans le cadre de l’opération de recherche LCPC

« Risques routiers ». En effet, l'adhérence est un des critères rentrant en ligne de compte lorsque les chargés d'études en sécurité routière réalisent un diagnostic d'itinéraires. Or, il n'est pas rare de disposer de données d'adhérence ne correspondant pas à la situation rencontrée par l'usager lors d'un accident. C'est pourquoi un travail de modélisation de l'évolution de l'adhérence des revêtements routiers a été mené dans un premier temps. Les travaux se sont déroulés en trois temps. Dans une première partie, une base de données a été constituée suivant des critères spécifiques et une analyse statistique a permis de définir les données explicatives permettant de modéliser l’évolution du niveau d’adhérence. Dans une deuxième partie, différents types de lois d’évolution sont proposés. Dans une troisième partie, le niveau d’adhérence est corrigé à l’aide des lois d’évolution et corrélé avec les accidents corporels constatés sur les itinéraires considérés.

2. Constitution de la base de données