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Prise en charge de l’addiction

La prise en charge de

l’addiction

1. STRATEGIES THERAPEUTIQUES DE L’ADDICTION

L’addiction est une pathologie complexe et sa prise en charge l’est tout autant. La meilleure connaissance des mécanismes neurobiologiques impliqués dans cette maladie a néanmoins permis d’identifier des cibles pharmacologiques intéressantes, notamment au niveau du circuit de la récompense et des acteurs associés à ce système. Mais, si pour certains produits et comportements des moyens thérapeutiques ont été développés, pour d’autres ce n’est pas encore le cas.

1.1. APPROCHE MEDICAMENTEUSE

Les traitements pharmacologiques disponibles ne concernent actuellement que les addictions au tabac, à l’héroïne et à l’alcool. Ces pharmacothérapies comprennent différentes stratégies : les traitements d’aide à la réduction de la consommation, les traitements de substitution, les traitements de sevrage et les traitements de maintien de l’abstinence.

1.1.1. Traitements d’aide au sevrage

1.1.1.1. Traitements d’aide à la réduction de la consommation

▪ Alcool

Actuellement, deux médicaments peuvent être utilisés pour réduire la consommation d’alcool : le nalméfène en première intention et le baclofène en seconde intention. Par leur mécanisme d’action pharmacologique réduisant la libération de dopamine au niveau du circuit de la récompense, ces molécules permettent de diminuer le renforcement positif éprouvé au contact de l’alcool et donc l’intérêt de le consommer [145, 146, 147].

Nalméfène (Selincro®)

Bénéficiant d’une AMM européenne depuis 2013, le nalméfène est commercialisé sous le nom de Selincro®. Il est indiqué chez les patients ayant une dépendance à l’alcool avec une consommation à risque élevé (supérieure à six verres standards par jour chez l’homme et quatre

verres standards par jour chez la femme) mais ne présentant pas de symptômes de sevrage. Ce nouveau médicament dans l’alcoolo-dépendance présente la particularité d’être pris « à la demande ». En effet, le nalméfène est le premier traitement prescrit contre l’addiction à l’alcool pouvant être utilisé « occasionnellement » : le patient le prend uniquement les jours où il sera confronté à des situations qui lui donneront envie de boire.

Baclofène (Baclocur®)

Plus connu sous le nom de Lioresal® depuis 1972, le baclofène est une molécule ancienne initialement commercialisée comme antiépileptique et myorelaxant. Il faut attendre 2008 et les travaux du Dr Olivier Ameisen pour que ce médicament suscite un intérêt dans le traitement de l’alcoolo-dépendance. Ce cardiologue franco-américain publie cette année-là un livre dans lequel il explique avoir traité son addiction à l’alcool en s’administrant de fortes doses de baclofène. L’engouement autour de cette nouvelle utilisation du baclofène s’est très vite développé, notamment à cause de la pauvreté du panel thérapeutique dans le domaine de l’alcoolo-dépendance et de l’importance de la morbi-mortalité de cette pathologie. Les prescriptions hors AMM se sont alors multipliées pendant des années. En avril 2012, l’ANSM autorise la prescription du baclofène « au cas par cas » jugeant les données sur l’efficacité et la sécurité de cette utilisation à fortes doses encore insuffisantes pour l’inclure dans son AMM. Puis, devant les résultats favorables de plusieurs études et une utilisation hors AMM grandissante, l’ANSM délivre en 2014 une Recommandation Temporaire d’Utilisation (RTU) pour encadrer l’usage du baclofène dans l’addiction à l’alcool [148]. Enfin, en 2018, elle octroie une AMM à la spécialité Baclocur® (Laboratoire Ethypharm®) dans le traitement des patients dépendants à l’alcool, pour une commercialisation effective en Juin 2020. Celle-ci devait mettre fin à la RTU des autres spécialités de baclofène disponibles (Lioresal® et Baclofène Zentiva®). Toutefois, trois jours seulement après sa commercialisation, l’AMM du Baclocur® a été suspendue62. Il a été décidé que trois dosages de cette spécialité sur les quatre distribués

devaient être retirés provisoirement du marché (10 mg, 20 mg et 40 mg)63. Cette décision fait suite à une demande de l’association Collectif Baclohelp au motif que la posologie maximale fixée à 80 mg par jour dans le cadre de l’AMM empêche la poursuite des traitements à des doses supérieures à 80 mg initiés chez certains patients dans le cadre de la RTU déjà en place. Dans

62 Décision du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

63 Bien que le dosage à 30 mg de Baclocur® ne soit pas concerné par la décision de justice, le laboratoire

Ethypharm® a décidé, dans un souci de cohérence, de suspendre également la commercialisation de ce dosage, de manière temporaire.

ce contexte, l'ANSM a demandé aux professionnels de santé de ne plus dispenser les spécialités BACLOCUR® 10 mg, 20 mg et 40 mg et la RTU reste en vigueur.

▪ Tabac

Pour le tabac, un médicament peut être prescrit comme aide au sevrage : le bupropion (Zyban®). Ce médicament a été initialement utilisé aux Etats-Unis en tant qu’antidépresseur. Son action dans la dépendance au tabac a été remarquée de manière fortuite chez des patients dépressifs qui arrêtaient de fumer sans difficulté. Il semble que le buproprion vienne compenser le déficit de dopamine associé à l’arrêt du tabac en inhibant sa recapture. Les mécanismes précis de cette action « anti-tabac » ne sont pas totalement élucidés mais des études de grande ampleur ont confirmé son efficacité dans l’arrêt du tabagisme. Toutefois, le bupropion présente de nombreux effets indésirables, contre-indications et interactions médicamenteuses qui limitent son utilisation. Ce médicament est ainsi généralement destiné aux fumeurs dont la dépendance est très sévère et sa prescription est soumise à une surveillance médicale renforcée.

1.1.1.2. Traitements de substitution

Une autre alternative médicamenteuse, connue comme « thérapie de substitution », peut également être envisagée pour traiter une dépendance. Le principe d’un traitement de substitution est d’administrer au consommateur un médicament ayant une activité pharmacologique similaire à celle du produit addictif. Ce médicament stimule ainsi les mêmes cibles pharmacologiques que le produit addictif. Pour cela, il peut être soit un agoniste pur (comme la méthadone et la nicotine), soit un agoniste partiel (comme la buprénorphine et la varénicline). Le traitement permet d’éviter les symptômes de sevrage et de diminuer voire d’arrêter la consommation de la drogue. Même si l’utilisation du terme « substitution » peut créer une certaine ambiguïté, cette stratégie thérapeutique ne se résume pas à remplacer une substance psychoactive par une autre, ni une dépendance par une autre. Les médicaments utilisés dans les traitements de substitution possèdent certaines propriétés pharmacologiques qui les différencient des opiacés illicites et qui en font de réelles thérapies. Ces médicaments sont ainsi caractérisés par un mécanisme qui ne génère pas ou peu d’effet euphorisant, d’effet de renforcement ou d’effet de « shoot ». Ils possèdent également une longue durée d’action qui permet de réduire la fréquence des prises et les symptômes de manque. Les thérapies de