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Chapitre 3 : Fondements de la démocratie participative

3.2. Principes politiques et institutionnels

Si la démocratie participative n’est pas incompatible a priori avec la représentation, cette dernière ne saurait représenter le fondement des institutions politiques qui doivent plutôt veiller au renforcement de la participation citoyenne. Comme le souligne Maximilien Robespierre dans un discours qu’il adresse à la Convention nationale le 7 février 1794 : « la démocratie est un État où le peuple souverain, guidé par des lois qui sont son ouvrage, fait par lui-même tout ce qu’il peut bien faire, et par des délégués tout ce qu’il ne peut pas faire lui-même » 114 . Ainsi, la démocratie participative se distingue du gouvernement représentatif dans le fait que la première cherche à accroître la sphère où le peuple « fait par lui-même tout ce qu’il peut bien faire », alors que le second se contente de déléguer la quasi-totalité du pouvoir politique à des représentants. Or, comme la notion de participation est une catégorie relativement « fourre-tout » prêtant à des interprétations contradictoires dans l’espace public, nous devons entrer plus profondément dans l’analyse conceptuelle de cette idée névralgique avant d’aborder la question du design institutionnel des conseils de quartier.

De nombreux exemples d’innovations démocratiques fondées sur la participation citoyenne émergent à travers différentes villes du monde, comme les conseils scolaires locaux et la police de proximité à Chicago (États-Unis), le budget participatif de Porto Alegre (Brésil), ou la réforme des Grama panchayats permettant une planification décentralisée de l’État via les conseils municipaux au Kerala (Inde)115. Bien que ces institutions possèdent des caractéristiques singulières, des applications différentes et une portée variée selon les cas, il n’en demeure pas moins qu’elles représentent toutes des alternatives désirables, viables et faisables. Si le design institutionnel nécessite toujours une attention particulière au contexte local et national – les métropoles du Nord et les bidonvilles du Sud ne présentant pas les mêmes contraintes et possibilités par exemple – il s’avère que les discours,

114 Cité dans M. Agostino, S. Guillaume, J. CL Drouin, J. Herpin, Textes d’histoire contemporaine, Vol. 1. Le

XIXe siècle, Presses universitaires de Bordeaux, Bordeaux, 1995, p. 99.

115 Pour une analyse plus détaillée de ces innovations démocratiques, voir Archon Fung, Erik Olin Wright,

Deepening Democracy. Institutional Innovations in Empowered Participatory Governance, Verso, New

pratiques et dispositifs faisant la promotion de la participation traversent les frontières géographiques et culturelles et se traduisent dans différents contextes.

Or, cette circulation des discours et des pratiques de la participation ne va pas sans poser problème ; sous un même nom qui semble désigner la même institution peuvent se cacher de nombreuses variations qui n’ont souvent rien à voir avec la démocratie participative au sens précis que nous allons établir par la suite. Pour prendre l’exemple du budget participatif qui représente l’un des archétypes de l’idéal participatif dans la littérature académique et militante, des chercheurs ont développé une typologie distinguant six modèles sous-jacents de ce dispositif : 1) le modèle de Porto Alegre adapté pour l’Europe ; 2) la participation des intérêts organisés ; 3) des fonds communautaires locaux ; 4) des tables de négociation public/privé ; 5) une participation de proximité ; 6) une simple consultation sur les finances publiques.116 Il ne s’agit pas ici de reprendre cette typologie issue des sciences politiques pour établir les fondements normatifs de la participation, mais d’illustrer la diversité foisonnante d’usages de ce concept et des institutions qui s’en réclament, lesquelles ne permettent pas toujours aux citoyens ordinaires de prendre part aux décisions qui les concernent. Carole Pateman souligne son scepticisme à cet égard, la rhétorique de la participation dissimulant bien souvent des formes de gouvernance faiblement démocratiques.

For instance, numerous examples provided in the World Bank’s Participatory

Budgeting describe a variety of measures in developing countries to allow for

citizens or NGOs to send signals to government, to provide feedback, to be consulted or to monitor government performance. A good example of the latter is a system of report cards set up by an NGO in Bangalore in 1999 that provided information on citizens’ satisfaction with government services. Report cards have since expanded to other Indian cities and to other countries. This is a good idea, and providing that governments actually listen and change their policies, measures such as this can improve people’s lives. My difficulty is in seeing what such examples have to do with participatory budgeting.117

C’est pourquoi il est essentiel de définir les principes politiques qui serviront de critères pour évaluer les institutions démocratiques et guider le design des dispositifs participatifs.

116 Yves Sintomer, Carsten Herzberg, Anja Röke, « Participatory Budgeting in Europe: Potentials and Challenges », International Journal of Urban and Regional Research, vol. 31, no.1, 2008, p. 169-170. 117

Carole Pateman, « Participatory Democracy Revisited », ASPA Presidential Address, Vol. 10, No. 1, 2012, p. 14.

Le modèle normatif qui semble le plus approprié à l’égalitarisme démocratique radical évoqué précédemment est celui de l’Empowered Participatory Governance (EPG) tel que théorisé par Archon Fung et Erik Olin Wright. Nous le traduirons simplement par le terme « démocratie participative », à la manière des sociologues et politologues Marie-Hélène Bacqué, Henri Rey et Yves Sintomer qui distinguent cette perspective d’autres modèles participatifs comme l’approche managériale (néolibérale), la modernisation participative (social-démocrate) et la démocratie de proximité (social-libérale)118.

Nous n’utiliserons pas le terme équivoque de « gouvernance » parce que cette notion floue renvoie soit au sens trivial du mode d’organisation des décisions collectives, soit au champ lexical controversé de la « bonne gouvernance » introduit par le nouveau management public, lequel représente un paradigme devenu hégémonique dans la gestion des organisations privées, publiques et associatives. Le philosophe Alain Deneault a développé une critique corrosive de cette idéologie apparue dans les années 1980 en montrant qu’elle consiste à adapter l’État aux intérêts et à la culture de l’entreprise privée, en accompagnant un processus de privatisation des services publics, la clientélisation des citoyens, la mise à l’écart du politique par l’art de la saine gestion, etc.119 Bien qu’il soit sans doute exagéré d’employer le vocable de « management totalitaire » employé par l’auteur, des sociologues ont observé que la participation publique est souvent conçue selon ce modèle managérial120.

Par ailleurs, nous n’essayerons pas de traduire le terme « empowered », car les équivalents français du mot « empowerment » frôlent parfois le ridicule.121 Contrairement à ce dernier

terme qui renvoie d’abord à une pratique émancipatrice d’apprentissage et de renforcement des capacités d’action des groupes sociaux défavorisés dans une perspective de transformation sociale122, l’adjectif empowered désigne plutôt une qualité des institutions

118 Marie-Hélène Bacqué et al., « La démocratie participative, modèles et enjeux », op. cit., p.293-307 119 Alain Deneault, Gouvernance. Le management totalitaire, Lux, Montréal, 2013.

120 Marie-Hélène Bacqué et al., « La démocratie participative, modèles et enjeux », op. cit., p.294.

121 Le terme empowerment, qui désigne le développement du pouvoir d’agir des individus ou des groupes sociaux pour transformer leurs conditions sociales, économiques et politiques, est parfois traduit par capacitation, autonomisation, responsabilisation ou même empouvoirement.

122 Il s’agit ici de l’interprétation critique-radicale de ce concept, décrite par Marie-Hélène Bacqué, Carole Biewener, L’empowerment, une pratique émancipatrice, La Découverte, Paris, 2013, p.15-16

de la participation et la délibération qui seraient dotées de pouvoirs substantiels (et non simplement symboliques). Autrement dit, les institutions de la démocratie participative doivent offrir la possibilité aux citoyens de participer plus directement aux décisions qui affectent leur vie, au-delà de l’influence communicationnelle de l’opinion publique et des élections. Comme nous l’avons mentionné plus haut, la démocratie participative n’implique pas le rejet de la représentation, laquelle devient plutôt l’une des modalités de la participation citoyenne qui doit se déployer sous différentes formes à tous les niveaux. Il s’agit donc essentiellement d’un régime politique hybride, qui articule la représentation avec des procédures de démocratie directe et semi-directe.

Cette perspective conceptualise ainsi l’émergence embryonnaire d’un quatrième pouvoir, celui des citoyens lorsqu’ils participent à la prise de décision, directement (en assemblée générale ou à travers des référendums), à travers des petits groupes tirés au sort (jurys berlinois), ou à travers des délégués étroitement contrôlés (budgets participatifs, structures de développement communautaire) – plutôt que de s’en remettre à des représentants classiques. Ce quatrième pouvoir viendrait s’articuler aux trois pouvoirs classiques (le législatif, l’exécutif et le judiciaire), aboutissant à une forme mixte. Dans cette optique, l’institutionnalisation de la « participation » est loin de correspondre à chaque fois à l’émergence d’une réelle « démocratie participative », mais elle doit dans certains cas être analysée à l’aide de cette notion.123

Pour préciser la forme concrète de la démocratie participative, Fung et Wright dégagent trois principes normatifs et trois caractéristiques institutionnelles qui permettent d’évaluer les innovations démocratiques et de guider le design d’institutions politiques émancipatrices. Les trois premiers principes (orientation pratique, participation, délibération) montrent en quoi ces institutions démocratiques sont désirables, tandis que les trois caractéristiques (décentralisation, coordination, et transformation politique) permettent d’assurer leur viabilité et leur faisabilité124.

1) Orientation pratique : Le premier trait qui caractérise ces innovations institutionnelles

réside dans le fait qu’elles sont conçues pour résoudre des problèmes concrets. Bien qu’elles soient parfois initiées par des mouvements sociaux et des partis politiques, ces

123 Marie-Hélène Bacqué, Henri Rey, Yves Sintomer, « La démocratie participative, un nouveau paradigme de l’action publique ? », op. cit., p. 37.

124 Archon Fung, Erik Olin Wright, « Thinking about Empowered Participatory Governance », op. cit., p. 15- 24.

innovations diffèrent fondamentalement des approches conflictuelles et des luttes pour le pouvoir pour se concentrer sur des enjeux pratiques : maintien de la sécurité publique de proximité, gestion durable du territoire, élaboration de budgets équilibrés, etc. Autrement dit, même si ces institutions peuvent s’inscrire dans une perspective globale de transformation sociale, leur principe interne de fonctionnement renvoie à des champs d’intervention particuliers, dont l’efficacité dépasse souvent celui de l’État administratif ou du marché125.

De plus, ces innovations démocratiques permettent souvent une redistribution des ressources matérielles et sociales, à la manière du budget participatif de Porto Alegre qui permit d’améliorer substantiellement le système de voirie, d’eau courante, de collecte d’ordures et de logement social dans les quartiers défavorisés de la ville126. L’orientation pratique de ces institutions favorise également la coopération et le dialogue, les problèmes concrets à résoudre permettant d’atténuer les querelles idéologiques. Le risque de cette « orientation pratique » est évidemment de détourner le public de conflits sociaux plus importants (comme un système fiscal injuste ou les droits de propriété qui favorisent la spéculation immobilière), en limitant l’attention du public sur des enjeux étroits. Il sera question plus tard des critères procéduraux nécessaires pour coupler les avantages pratiques en terme d’efficacité avec des mécanismes de redistribution et de prise en compte des conflits sociaux plus larges qui peuvent avoir une incidence sur ces institutions.

2) Participation : Le cœur de la démocratie participative réside dans la création de

nouveaux canaux de participation bottom-up permettant aux personnes directement affectées par divers problèmes de mettre en œuvre leurs connaissances, intelligence et intérêts dans la formulation des solutions pratiques. Ce principe de participation directe repose sur deux principaux arguments. D’une part, la résolution effective de certains problèmes publics complexes requiert souvent la prise en compte de la variété des expériences citoyennes, les habitants et autres personnes sur le terrain ayant un accès

125 Elinor Ostrom, Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Action, Cambridge

University Press, Cambridge, 1990.

126 Gianpaolo Baiocchi, « Participation, Activism, and Politics : The Porto Alegre Experiment », dans Archon Fung, Erik Olin Wright (dir.), Deepening Democracy, op. cit., p. 50-51.

privilégié à des connaissances que des experts éloignés et étroitement formés ne possèdent pas. Dans le cas de la ville, qui est définie par l’inextricabilité des externalités, cet argument est encore plus probant, les experts ne pouvant se fonder sur une autorité épistémique infaillible.

D’autre part, la participation directe des citoyens mobilisés et d’autres acteurs de la société civile améliore la reddition de comptes (accountability) des dirigeants et réduit la longueur de la chaîne de rétroaction (feedback loop) entre les autorités publiques (élus, fonctionnaires) et les citoyens. Pour reprendre l’exemple de Porto Alegre, le processus participatif contribua à réduire le clientélisme et la corruption en favorisant une gestion collective et transparente du budget municipal. Le principe participatif n’exclut pas le rôle parfois crucial des experts, mais souligne qu’ils ne possèdent pas le pouvoir exclusif de prendre d’importantes décisions. Leur rôle est de faciliter la délibération publique en favorisant une synergie entre les savoirs experts et les savoirs citoyens, et non de se prémunir contre un contrôle populaire des décisions politiques127.

3) Délibération : Le principe délibératif désigne le fait que les décisions découlant du

processus participatif doivent être basées sur un échange d’arguments permettant de formuler des choix collectifs basés sur des raisons acceptables par tous. La résolution des problèmes doit ainsi découler d’un échange constructif où les individus essaient de se persuader mutuellement en invoquant des arguments du type « nous devrions faire X parce que c’est juste », ou « nous pourrions faire Y parce que c’est plus efficace et meilleur pour le groupe dans son ensemble ». Le principe délibératif ne suppose pas que les participants soient altruistes ou qu’ils doivent absolument converger sur un consensus en termes de valeurs, de stratégies ou de perspectives. Comme le souligne Fung et Wright : « Real- world deliberations are often characterized by heated conflict, winners, and losers. The important feature of genuine deliberation is that participants find reasons that they can accept in collective actions, not necessarily ones that they completely endorse or find maximally advantageous. »128

127 Archon Fung, Erik Olin Wright, « Thinking about Empowered Participatory Governance », op. cit., p. 17. 128 Ibid., p.17

Cette nuance est importante, car dans le cadre d’une délibération publique au sein de la ville, le nombre d’habitants, la distance sociale entre les citoyens et la forte hétérogénéité des modes de vie excluent d’emblée toute forme de consensus a priori et même a

posteriori sur les visions compréhensives du bien, l’intérêt général ou le bonheur du plus

grand nombre. Cela n’implique pas pour autant qu’aucune décision collective ne puisse découler du processus participatif, car il est toujours possible d’accompagner la délibération d’un mécanisme de choix social comme le vote à main levée ou le vote secret, le référendum, etc. Nous décrirons dans la troisième partie la forme procédurale permettant d’associer la participation délibérative à des mécanismes décisionnels.

Par ailleurs, plusieurs théoriciens de la délibération dans la lignée de Habermas mettent de l’avant l’idée d’une « mise entre parenthèses » de l’intérêt personnel et de la rationalité stratégique, les participants devant viser un accord commun basé sur la rationalité communicationnelle129. En ce sens, les individus doivent exprimer leurs préférences et formuler leurs intérêts privés par des arguments impartiaux et acceptables par autrui (la force civilisationnelle de l’hypocrisie décrite par Jon Elster)130, afin de parvenir à une décision collective fondée sur l’accord rationnel et non sur un compromis basé sur l’échange de promesses et de menaces. Cette distinction entre argumentation et négociation représente l’un des piliers de la démocratie délibérative ; la raison publique permettrait de résoudre des conflits de manière plus équitable, car l’« effet multiplicateur de l’impartialité » ferait en sorte que « la présence de quelques acteurs authentiquement impartiaux peut forcer ou inciter des acteurs intéressés à se comporter comme s’ils étaient, eux aussi, guidés par des motivations identiques »131.

Or, la distinction conceptuelle entre délibération et négociation s’avère floue dans les processus participatifs réels, où se mélangent souvent des échanges d’arguments, des processus d’agrégation des préférences par le vote, des marchandages, des manipulations de la volonté générale pour avancer des intérêts particuliers, la rhétorique, l’usage de

129 Jürgen Habermas, Théorie de l’agir communicationnel, Fayard, Paris, 1987.

130Jon Elster, « L’usage stratégique de l’argumentation », Négociations, 2005/2, n° 4, p. 59-82. 131 Ibid., p. 79.

formes subtiles de pouvoir, etc. Si Fung et Wright soulignent que la délibération représente un principe normatif qui doit servir d’idéal régulateur pour déterminer les paramètres institutionnels et les procédures à suivre pour atténuer les conflits, une véritable théorie critique de la démocratie délibérative doit non pas mettre entre parenthèses les rapports de pouvoir au sein des institutions participatives, mais révéler les intérêts asymétriques, les désaccords potentiels et les intérêts brimés de certains groupes particulier afin d’assurer la justice sociale en termes de redistribution, reconnaissance et participation.

Il ne s’agit pas ici de critiquer toute forme de consensus comme étant le fruit d’une hégémonie et de rejeter en bloc la délibération pour promouvoir une démocratie radicale de type agonistique à la manière de Chantal Mouffe132. Il semble plus judicieux de rejeter le formalisme des conceptions dominantes de la démocratie délibérative par une critique féministe inspirée des travaux de Nancy Fraser, Iris Marion Young et Jane Mansbridge, qui proposent d’élargir la délibération pour inclure l’intérêt personnel, les émotions, les conflits, les inégalités et la reconnaissance des groupes sociaux133. Nous reviendrons dans le troisième chapitre sur les modalités procédurales permettant de déterminer le degré de délibération et de désaccord requis pour que les institutions participatives demeurent fonctionnelles, justes et inclusives.

Enfin, la démocratie participative se distingue des diverses théories de la démocratie délibérative par le poids relatif des critères de participation et de délibération. Les principaux théoriciens de la démocratie délibérative s’attardent au processus de formation de l’opinion publique par l’argumentation, de sorte que la participation citoyenne devient une modalité contingente de la délibération qui peut s’incarner au parlement, dans l’espace public diffus ou des mini-publics consultatifs. Par contraste, le paradigme de la démocratie participative considère la délibération comme une dimension nécessaire de la participation qui doit s’étendre à tous les domaines. Carole Pateman insiste ainsi sur la nécessité de

132 Chantal Mouffe, Le politique et ses enjeux. Pour une démocratie plurielle, La Découverte, Paris, 1994. 133 Nancy Fraser, « Repenser la sphère publique : une contribution à la critique de la démocratie telle qu’elle existe réellement », Hermès, no.31, 2001, p.125-156 ; Iris Marion Young, « Communication et altérité. Au- delà de la démocratie délibérative », dans Charles Girard, Alice Le Goff, La démocratie délibérative, Hermann, Paris, 2010, p. 297-326 ; Jane Mansbridge, « Practice-Tought-Practice » dans Deepening

dépasser l’engouement pour les expérimentations formelles de démocratie délibérative en replaçant la délibération dans une perspective plus large. Il faut dès lors examiner plus sérieusement la relation entre les capacités délibératives des individus et les structures de pouvoir, démocratiser la démocratie et transformer les institutions politiques pour former une société participative134.

4) Décentralisation : Comme la démocratie participative cible des problèmes spécifiques et

favorise une participation localisée dans l’espace géographique, sa forme institutionnelle requiert une réorganisation substantielle de l’appareil d’État. Elle implique donc une

décentralisation politique et administrative du pouvoir vers des unités locales, et non une

simple déconcentration bureaucratique qui préserve la subordination des institutions locales au gouvernement central. La principale différence entre la décentralisation et la déconcentration réside dans le statut juridique et l’autonomie relative des unités locales : la première consiste à transférer des compétences administratives de l’État vers des entités (ou des collectivités) locales distinctes de lui, tandis que la seconde consiste à implanter dans des circonscriptions locales administratives des autorités administratives représentant l’État, ces autorités étant dépourvues de toute autonomie et de personnalité morale135. Cette distinction conceptuelle est illustrée par deux formules élégantes de l’homme politique français Odilon Barrot : dans le premier cas « on peut gouverner de loin mais on n’administre bien que de près », alors que dans le second, « c’est le même marteau qui