• Aucun résultat trouvé

Principes physiques du laser

Chapitre 1. État de l’art

1.2. Le nettoyage laser de la pierre encrassée

1.2.3. Principes physiques du laser

a. Préambule : interaction rayonnement-matière

Cette partie présente les différents mécanismes régissant les interactions entre la lumière et la matière (Figure 6) (Silfvast, 2004).

Figure 6 : Les différents processus d’interaction laser-matière.

On considère un rayonnement lumineux composé de photons d’énergie ℎ𝜈 qui rencontre un matériau absorbant. Avant la pénétration de la lumière dans le matériau, les atomes constitutifs du matériau se trouvent dans un état fondamental 𝐸1. Lorsqu’un photon rencontre un atome, ce dernier peut passer à un état excité d’énergie 𝐸2 par absorption si l’énergie ℎ𝜈 du photon est égale à l’écart entre les deux états électroniques ℎ𝜈 = 𝐸2− 𝐸1

L’atome excité n’est pas stable. Il peut se désexciter et revenir à l’état fondamental 𝐸1 en émettant un photon d’énergie ℎ𝜈 = 𝐸2− 𝐸1 et de direction et phase aléatoires : on dit que le rayonnement est incohérent. Ce processus de désexcitation est appelée émission

spontanée.

Outre l’émission spontanée, une autre émission de lumière issue de la relaxation d’un atome excité d’énergie 𝐸2 peut être provoquée. Si l’atome excité reçoit un photon d’énergie

𝐸2− 𝐸1, il peut se relaxer en émettant un photon de même énergie, direction et phase que le photon incident : on parle de rayonnement cohérent. Ce processus est appelé émission

stimulée, et est un processus d’amplification de la lumière, puisqu’un photon incident

permet d’en obtenir deux.

La probabilité de l’émission stimulée est très inférieure à celle de l’absorption ou de l’émission spontanée. Théoriquement, pour privilégier l’émission stimulée :

- par rapport à l’absorption: il faut que le nombre d’atomes excités soit supérieur au nombre d’atomes à l’état fondamental (il faut effectuer une « inversion de population »).

- par rapport à l’émission spontanée : l'émission spontanée a tendance à vider naturellement les niveaux excités. Il faut donc trouver un moyen de vider les niveaux excités plus vite par émission stimulée que par émission spontanée.

b. La machine laser

LASER est un acronyme pour Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation (amplification de lumière par émission stimulée de radiations). Le laser est un dispositif qui amplifie la lumière par émission stimulée et la concentre en un étroit faisceau cohérent, où ondes et photons associés se propagent en phase. Les lasers couvrent une large gamme de rayonnements électromagnétiques, des rayons X à l’infrarouge (Venaille, 1997).

Une grand variété de laser (à gaz, à colorant, à solide) existe pour nettoyer les objets du patrimoine mais nous nous concentrerons sur le laser Nd3+:Y3Al5O12 (Nd:YAG) qui est couramment utilisé pour le nettoyage des salissures sur pierre calcaire, marbre, plâtre etc. (Fotakis, 2007c). Une machine laser est définie par trois éléments principaux (Silfvast, 2004):

i. Le système de pompage

Le pompage permet d’obtenir l’inversion de population dans le milieu amplificateur. Le pompage peut-être optique (lampe flash xénon/krypton, diode laser ou laser) ou électrique. Dans le cas du laser Nd:YAG le pompage est optique.

ii. Le milieu amplificateur

Ce milieu est le siège de l’émission stimulée qui produit le rayonnement laser. Des matériaux spécifiques sont utilisés pour permettre l’inversion de population. Dans notre cas, le milieu amplificateur est un barreau de grenat d’aluminium-yttrium dopé avec des ions néodyme Nd3+. Ce type de système utilise quatre niveaux d’énergie des ions Nd3+ et favorise l’émission stimulée par rapport à l’absorption : les ions excités s’accumulent sur le niveau du haut tandis que le niveau fondamental n’est jamais rempli.

iii. La cavité ou résonateur optique

Le système de pompage et le milieu amplificateur permettent d’obtenir une inversion de population. Cependant, l’inversion de population n’est pas suffisante pour générer un effet laser car le processus d’émission spontanée est encore prépondérant par rapport à l’émission stimulée. C’est la cavité qui, en confinant la lumière, va permettre de créer les conditions favorables pour que l’émission stimulée devienne prédominante. Pour cela, le milieu amplificateur est placé dans une cavité linéaire (elle peut également être en anneau mais nous n’en parlerons pas ici) dont les extrémités sont des miroirs, l’un totalement réfléchissant et l’autre semi-réfléchissant (Figure 7). Au démarrage du laser, le milieu émet dans toutes les directions par émission spontanée. La partie des photons qui est dans l’axe de la cavité commence à faire des allers et retours à travers le milieu amplificateur, les autres sont perdus (par exemple en étant absorbés par les parois). Au fur et à mesure, le milieu amplificateur

amplifie l’onde lumineuse qui le traverse et la quantité de lumière confinée dans la cavité augmente considérablement, favorisant l’émission stimulée par rapport à l’émission spontanée. Au bout d’un certain temps, un équilibre est atteint entre le nombre de photons générés et perdus. Le laser atteint un état stationnaire : il émet en continu un rayonnement majoritairement issu de l’émission stimulée.

Figure 7 : Schéma d’une machine laser.

c. Propriétés du faisceau laser

Le faisceau laser possède des propriétés spectrales, spatiales et temporelles remarquables (Cooper, 1998a).

i. Propriétés spectrales

Le faisceau laser possède une très bonne résolution spectrale (pureté spectrale), il est considéré comme monochromatique. Le Nd:YAG émet un rayonnement unique à 1064 nm. L’utilisation de doubleur ou tripleur de fréquence (cristal anisotrope non linéaire) permet de générer en sortie du laser les harmoniques du rayonnement principal à 1064 nm, c’est-à-dire 532 nm (2ème harmonique), 355 nm (3ème harmonique) et 266 nm (4ème harmonique) et ainsi de choisir la longueur d’onde la plus adaptée (dans la gamme de l’infra-rouge, du visible et de l’ultra-violet) à chaque cas de nettoyage en fonction des matériaux mis en œuvre. Certains lasers permettent de coupler rayonnement fondamental et harmonique.

ii. Propriétés spatiales

Le faisceau laser est très directionnel et collimaté, c’est-à-dire qu’il présente une divergence très faible. En résulte une brillance très importante du rayonnement, supérieure de plusieurs ordres de grandeur à celle du soleil.

iii. Propriétés temporelles

Les lasers peuvent fonctionner en régimes continu ou impulsionnel avec des durées d’impulsion variant de la femtoseconde à la microseconde (10-15 à 10-6 secondes).

Les lasers de nettoyage Nd:YAG 1064 nm traditionnels sont impulsionnels avec une durée d’impulsion de quelques nanosecondes. Pour obtenir ce type d’impulsions on se place dans un régime temporel appelé « pulsé déclenché » ou « Q-switched » (commutation du facteur de perte Q en français), en introduisant un cristal obturateur dans la cavité laser.

Initialement, le milieu amplificateur est pompé et l’obturateur est fermé. Le pompage génère une inversion de population mais l‘effet laser ne peut avoir lieu à cause de la présence de l’obturateur, qui empêche les allers retours de la lumière dans le milieu amplificateur. Le pompage continue et la quantité d’énergie stockée dans le milieu augmente progressivement jusqu’à atteindre un état de saturation d’amplification. A ce stade, on ouvre l’obturateur, autorisant la propagation de la lumière dans la cavité. En raison de la grande quantité d’énergie stockée dans le milieu, l’intensité de la lumière dans la cavité devient très importante. L’énergie stockée se vide brusquement et provoque la création d’une impulsion nanoseconde (10 à 100 ns) très énergétique.

d. Paramètres laser

Les paramètres laser essentiels à prendre en compte dans le cas d’un nettoyage, sont résumés dans le Tableau 3.

Tableau 3 : Paramètres laser usuels.

Paramètres Symboles Ordres de grandeur Unités

Intrinsèques

Longueur d’onde 𝜆 266, 355, 532, 1064 Nanomètres Durée d’un pulse 𝜏 5-15.10-9 Nanoseconde Energie d’une impulsion 𝐸 0,01-0,5 Joule

Extrinsèques Puissance moyenne 𝑃𝑚 < 10 Watt Puissance crête 𝑃𝑐 106-107 Watt Expérimentaux

Fréquence de tir 𝑓 1-30 Hertz Fluence 𝐹 0 – 3 Joule.cm-² Nombre d’impulsions - 1-1000 - Diamètre du spot 𝑑 0,1-10 Millimètres

La longueur d’onde 𝜆 du rayonnement laser est la distance qui sépare deux maxima consécutifs de l’amplitude de l’onde lumineuse, c’est-à-dire la période spatiale.

L’énergie 𝐸 est l’énergie délivrée par chaque impulsion laser.

La fluence 𝐹 représente la densité d’énergie surfacique émise par le laser, c’est-à-dire la quantité d’énergie par unité de surface. La durée d’impulsion est la durée d’une impulsion laser.

Le nombre d’impulsions est le nombre de tirs laser effectués à la surface du matériau. La fréquence de tir 𝑓, ou cadence, est le nombre d’impulsions par seconde

La puissance moyenne 𝑃𝑚 représente l’énergie émise par le laser en une seconde et se calcule avec l’équation (2).

𝑃𝑚 = 𝐸 × 𝑓 (2)

La puissance crête 𝑃𝑐 est la puissance d’une impulsion et se calcule avec l’équation (3). 𝑃𝑐 = 𝐸

1.2.4. Interaction rayonnement laser – pierre encrassée