Historique – un portail sujet à de multiples expérimentations

Le portail des Valois – également appelé portail royal ou portail nord- est le portail du bras nord du transept de la basilique Saint-Denis (Figure 132). Le tympan et le linteau représentent l’histoire du martyre de Saint-Denis et de ses deux compagnons Rustique et Eleuthère. Sur les trois voussures et sur la partie basse sont disposés les témoins des martyrs : trente-six rois et Jésus (Erlande-Brandenburg, 1999). Le trumeau est composé d’un piédestal surmonté d’une statue de vierge à l’enfant.

Construit au 12ème siècle, le portail des Valois a été le siège de multiples remaniements et restaurations au fil du temps (Brown & Sauvageot, 2001). Au 13ème siècle, les ébrasements sont surélevés par l’insertion d‘une banquette. Une moulure extérieure ainsi qu’un trumeau sont ajoutés. Au 19ème siècle, le portail est lourdement restauré par les architectes François Debret puis Viollet le Duc pour remettre en place les différents éléments déplacés lors de la révolution française et effacer les dégradations causées par les révolutionnaires dont le but était de faire disparaître tout signe de féodalité (décapitation des têtes de rois, élimination des couronnes et des sceptres) (Erlande-Brandenburg, 1999). Au début du 20ème siècle, la basilique était totalement encrassée par la pollution atmosphérique environnante (Figure 133 et Figure 134).

30 Hélène Dreyfus, mandataire de l’équipe, conservation-restauration de sculptures, 27 rue Roland Vachette 93200 Saint-Denis

Figure 132 : Portail des Valois en 2015 © Bouchardon.

Figure 133 : Façade occidentale en 1917 ©BNF. Figure 134 : Portail des Valois vers 1899-1900 ©Martin Sabon Felix.

Dans les années 1970, une grande campagne de nettoyage des monuments parisiens est lancée suite à la remise en vigueur par André Malraux du décret du 26 mars 1852 relatif aux rues de Paris (Lami & Tharel, 1881), stipulant que les façades parisiennes doivent être ravalées tous les dix ans. La façade occidentale de la basilique est alors partiellement nettoyée à l’eau ruisselante mais le chantier est arrêté avant le nettoyage des trois portails occidentaux, suite à l’expérience néfaste du nettoyage à l’eau des portails de la cathédrale Notre Dame de Paris (Vergès-Belmin & Bromblet, 2000). Les trois portails occidentaux de la basilique n’ont finalement été nettoyés qu’entre 2012 et 2015 : les parements ont été traités par application de cataplasmes de laine de roche humides et les sculptures par micro-abrasion avant d’être dessalées par application de compresses de cellulose imbibées d’eau déminéralisée (Cerclet et al., 2015).

Le portail des Valois a quant à lui été sujet à plusieurs interventions de restauration au 20ème siècle dont le résumé détaillé figure dans le rapport d’intervention de l’équipe de restauratrices (Dreyfus et al., 2016).

Des essais de nettoyage par compresses, nébulisation et finition par micro-abrasion sont effectués par la restauratrice de sculptures Marie-Emmanuelle Meyohas en septembre 1982 et avril 1983 sur différentes parties hautes du portail (Meyohas & Jaton, 1989). Lors de la deuxième session d’essai, le restaurateur Ottorino Nonfarmale nettoie le tympan et le linteau à l’aide de compresses31. En 1988, les voussures sont nettoyées par Marie-Emmanuelle Meyohas en utilisant un couplage de plusieurs techniques : nébulisation de courte durée alternée de brossages, application locale de compresses à base de bicarbonate d’ammonium et d’EDTA sur les salissures restantes et finition par micro-abrasion sur les salissures les plus résistantes. L’ensemble des voussures est ensuite hydrofugé avec du Rhodorsil H224 (Meyohas & Picur, 1992).

Dans la même période, 35 échantillons sont prélevés par Annie Blanc du LRMH pour étudier les différents lithotypes des pierres présents sur le portail (Blum et al., 1994).

En 1993, dans le cadre de l’opération Tour de France laser, des essais de nettoyage laser sont menés par la société nationale française du laser (SNFL) en collaboration avec le LRMH et le restaurateur de sculptures Jean Delivré, sur les parties basses du portail (Figure 135) (Orial & Vergès-Belmin, 1995).

Quelques années plus tard (1997-1998), à la demande de l’architecte Benjamin Mouton, le portail est entièrement restauré par la société Groux. Les six statues-colonnes, les deux piédroits sculptés, le trumeau et les soubassements sont nettoyés au laser Nd:YAG 1064nm. Il est intéressant de noter que le nettoyage laser des statues colonnes en 1997 conduit à une coloration différente de celle obtenue lors des tests de nettoyage en 1993. Les zones traitées en 1993 sont donc reprises à plusieurs passages pour obtenir un résultat homogène (Pruha et al., 2000). En plus du traitement laser, les deux lions de l’archivolte extérieure ainsi que les six chapiteaux sculptés sont nettoyés par micro-abrasion. Des opérations de consolidation et ragréage, de remontage d’anciens collages, de reprise des joints, d’enlèvement des goujons en fer oxydés, de traitement des fissures par injection de coulis et de traitement biocide sont également effectuées. Une patine composée de lait de chaux additionné de résine acrylique (Primal AC33) et teinté avec des pigments minéraux (5%) est appliquée sur certaines zones en partie basse (zones délavées des marmousets sous les statues-colonnes, cou de la vierge après recollage et ragréage de la tête) et en partie haute (tympan, linteau et voussures) pour harmoniser les différents contrastes de couleur. L’aspect du portail juste après la restauration est présenté sur la Figure 136. La Figure 137 résume l’histoire mouvementée de la restauration du portail.

Figure 135 : Essais de nettoyage laser par Jean Delivré (1993) ©LRMH.

Figure 136 : Portail des Valois après restauration par Groux (1998) ©LRMH ; noter les contrastes de couleur entre les parties hautes et basses du portail (photos argentiques).

Figure 137 : Schéma récapitulatif des différents nettoyages effectués sur le portail des Valois.